La gaieté

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La Gaieté
Justine Lévy
Stock
Roman
216 p., 18 €
ISBN: 9782234070264
Paru en janvier 2015

Où?
L’action se déroule principalement à Paris, avec l’évocation de deux épisodes traumatisants, l’un à Kuala Lumpur, le second au camping de Locmariaquer.

Quand?
Le roman est situé de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
« C’est le paradis, c’est mon paradis, je ne sais plus rien de la politique, des livres qui paraissent, des films, des projets de Pablo, de l’autre vie, la leur, c’est comme un jeûne, une ascèse puéricultrice, c’est comme si j’avais été opérée de ma vie d’avant, je ne sais pas si ça reviendra, je ne sais même pas si je le souhaite, j’adore cette nouvelle vie de mère de famille un peu débile mais résignée, les jours cousus les uns aux autres par l’habitude et la routine, je me voue tout entière à mes enfants, je les tiens fort dans mes bras, je les tiens fort par la main, et bien sûr qu’eux aussi me tiennent et qu’ils m’empêchent de tomber, de vriller, bien sûr qu’eux aussi me rassurent, me comblent, me protègent et me procurent cette joie bizarre, assez proche de la tristesse peut-être, parce que je vois bien que ce n’est plus seulement de l’amour, ça, au fond, c’est de l’anéantissement. »

Ce que j’en pense
****

Commençons par un souvenir. Il y vingt ans je rencontrai Justine Lévy pour m’entretenir avec elle de son premier roman Le Rendez-vous. Ce qui m’avait alors séduit chez cette jeune femme, c’était cette écriture sans fioritures et cette franchise qui sourdait de longues phrases qui avaient l’air de mordre le papier, comme une urgence, comme une envie irrépressible, viscérale.
Je me souviens aussi avoir beaucoup lu à l’époque de nombreux articles qui mettaient de côté l’aspect littéraire pour s’attarder au fait que les parents de Justine étaient Bernard-Henri Lévy et Isabelle Doutreluigne, mannequin en vogue dans les années 70. Il en a été de même pour les ouvrages suivants où les journalistes en mal de sensation glosaient sur Raphaël Enthoven, son père et Carla Bruni. Or, si Justine Lévy fait partie de ces romanciers qui puisent dans leur expérience personnelle la matière romanesque, elle sait transcender ses malheurs de petite fille riche, ses tourments amoureux et aujourd’hui son désarroi de mère pour en faire une radiographie de l’époque. Ses traumatismes passés et ses angoisses d’aujourd’hui nous offrent d’abord un morceau de bravoure littéraire, avec des formules qui font mouche (j’en ai rassemblé un petit florilège ci-dessous).
Nous retrouvons donc Louise (son double littéraire) avec son mari Pablo et ses deux enfants Angèle et Paul. Nous retrouvons aussi le portrait en creux de sa mère, car quand on devient mère, on pense toujours à sa propre génitrice. En l’occurrence la grand-mère que ses enfants ne connaîtront jamais.
Si le père et le grand-père assument et rassurent, il en faut bien plus à Louise pour affronter son nouveau rôle, pour trouver sa place, pour exister. On a beau décréter que dorénavant, la gaieté remplacera les soucis, les chagrins et les angoisses, la vie aura tôt fait de tirer un trait sur cette belle résolution.
C’est tour à tour émouvant, triste et quelquefois très drôle, révoltant et quelquefois parfaitement gratuit. En un mot, c’est juste. C’est très juste, Justine.

Autres critiques
Babelio
Télérama
L’Express
Le Figaro

Extrait
« Une guerrière aux yeux humides qui vient la nuit, toutes les nuits, plusieurs fois par nuit, surveiller leur sommeil, toucher leurs cheveux, effleurer leurs joues rebondies, leurs fossettes sur les mains. Une guerrière niaise qui se pose des questions niaises, comment je vais faire quand ils seront grands, et qu’ils pueront des pieds, et qu’ils me fermeront la porte de leur chambre au nez et qu’ils me vireront de leurs amis Facebook et qu’ils m’excluront de leurs fêtes d’anniversaire, comment je vais faire quand ils auront honte de moi, de la façon dont je m’habille, dont je me maquille, honte de me voir danser, honte aussi de ma manière de parler, honte de mon parfum, de mes Nicorette qui me font zozoter, de mes livres, de ma timidité, honte d’être mes enfants, honte d’avoir cette mère-là sur le dos, je sais que ce jour arrivera et je m’y prépare et je m’en attriste déjà, mais c’est pas encore ça le pire, le pire c’est quand on sera des presque étrangers, que je ne saurai plus rien de leurs vies et de leurs nouveaux sentiments et de leurs fiancés et fiancées, et qu’ils se débrouilleront sans moi avec des existences dont je n’ai même pas idée, je sais bien que c’est pour ça qu’on élève des enfants, pour qu’ils puissent un jour se passer de vous, mais comment je vais me passer d’eux, moi? »

Un petit florilège
« On se connaissait depuis quoi ? trois, quatre jours ? et Pablo m’a dit qu’il voulait un enfant, un chien, une maison et une bière bien fraîche, là, maintenant, tout de suite. (…) Pablo a siroté sa bière tiède, mais il ne ma lâchait pas du regard, il attendait la suite, il attendait que je lui sorte le chien, l’enfant et la maison, hop, comme le lapin du chapeau, comme si tout était simple…

D’ailleurs ce n’est pas moi qui porte mon futur enfant, c’est lui qui me porte, me soulève, c’est lui qui me guide vers une vie nouvelle, ritualisée, concrète, une vie de famille de publicité.

C’est si bizarre un vide qui pèse si lourd.

Si vous aussi vous voulez avoir peur, peur tout le temps, peur à vomir, une peur bien épaisse, bien collante, eh bien faites des enfants.

L’ironie c’est le cercueil du rire

Je les regarde, leur peau douce, leurs cheveux en bataille, leur totale absence de cynisme, leur joie solide et sans sous-entendu, je les trouve tellement parfaits que ça me rend triste, zut, voilà la sale tristesse qui revient, je suis triste du jour où ils seront moins gais, je voudrais les y préparer, leur inoculer de la tristesse à petites doses, à l’homéopathie, je voudrais les vacciner contre la vie, les mithridatiser contre le chagrin,

Les mères sont des foldingues qui vous refilent leurs névroses en douce.

J’ai trop peur de glisser sur mes larmes, de m’étaler dans la tristesse et de ne plus pouvoir me relever

La peur est livrée avec les enfants, ça fait partie du lot, c’est dans le paquet cadeau, on peut contenir la tristesse, la maintenir dans un endroit clos, les mains sur les oreilles et sur les yeux, mais on ne peut pas guérir de la peur

Je sais bien que ça ne veut rien dire, être heureux, est-ce qu’on a déjà vu quelqu’un heureux plus d’un quart d’heure?

ce qui me rapproche le plus d’elle c’est le manque, c’est le vide, c’est cette absence énorme et qui envahit tout, c’est l’absence angoissante de quand elle était vivante et c’est l’absence horrible de maintenant, elle me manque même si elle n’a jamais été là.

Je suis aux commandes d’un navire qui ne doit pas être trop chargé pour ne pas prendre l’eau et arriver au bon port de la gaieté. »

A propos de l’auteur
Justine Lévy est l’auteur du Rendez-vous, de Rien de grave, et de Mauvaise fille. (Source : Editions Stock)
Site Wikipédia de l’auteur

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