Du sang sur la glace

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Du sang sur la glace
Jo Nesbø.
Gallimard Série noire
Thriller
154 p., 14,90 €
ISBN: 9782070145225
Paru en mars 2015

Où?
Ce roman est situé à Oslo, en Norvège.

Quand?
L’action est située il y a quelques années.

Ce qu’en dit l’éditeur
Quand on gagne sa vie en supprimant des gens, il peut être compliqué, voire dangereux, d’être proche de qui que ce soit.
Olav est le tueur à gages attitré d’un gangster qui règne sur la prostitution et le trafic de drogue à Oslo.
Lorsqu’il tombe enfin sous le charme de la femme de ses rêves, deux problèmes de taille se posent.
C’est la jeune épouse – infidèle – de son patron.
Et il est chargé de la tuer…

Ce que j’en pense
****

Comment peut-on éprouver de l’empathie pour un tueur à gages qui élimine tous ceux qui se mettent sur la route de son patron qui règne la prostitution puis le trafic de drogue à Oslo ? Voilà la question à laquelle vous ne couperez pas en ouvrant ce court polar qui fête à sa manière les 70 ans de la Série noire. Car Jo Nesbø oublie Harry Hole, l’inspecteur de la police d’Oslo qui était au cœur de ses précédents livres, pour une histoire plus noire. Un hommage aux maîtres du genre (Thompson, Goodis), en quelque sorte.
Au moment où débute le livre, Olav vient d’achever une mission et de laisser un nouveau cadavre sur le pavé. De la belle ouvrage, comme d’habitude. Aussi Daniel Hoffmann lui en confie directement un autre mandat, un peu particulier. Il s’agit cette fois d’éliminer son épouse, une belle plante qui le trompe apparemment.
Or, si le propre de ce genre de métier est de n’avoir aucun état d’âme, voici Olav en proie au doute. D’autant qu’il n’est pas insensible aux charmes de la maîtresse du patron. Bien entendu, c’est à partir de ce moment que les ennuis commencent et que le lecteur va de plus en plus se rapprocher d’Olav. Car il a les sbires de son ex-patron à ses trousses ainsi qu’une seconde équipe dont il comprend très vite les intentions. La course-poursuite commence et on imagine qu’elle ne sera pas de tout repos.
Si on entre très vite dans le roman et qu’on ne le lâche plus jusqu’à la fin, c’est que Jo Nesbø a trouvé le truc pour nous attraper : faire d’Olav le narrateur. C’est ce que donne au récit sa nervosité et comme pour les machines à café, cet arôme bien serré. La lecture idéale pour passer un passer un bon moment.

Autres critiques
Babelio
RTL («C’est à lire» de Bernard Poirette)
Quatre sans quatre
Blog Du Noir Du Polar
Blog Encres Vagabondes
Blog Le Bouquineur

Extrait
« Je ne sais pas exactement ce qui dans l’Angleterre fascinait ainsi Hoffmann, mais je sais qu’il y avait effectué un bref séjour d’études et en était rentré avec une valise pleine de costumes en tweed, d’ambition et d’affectations de langage en anglais d’Oxford avec accent norvégien. Mais sans diplôme ni connaissances, à part que c’est l’argent qui décide. Et que si l’on veut réussir dans les affaires, il faut miser là où la concurrence est la plus faible. Ce qui à l’époque, à Oslo, était le marché des putes. Je crois bel et bien que son analyse avait été aussi simpliste. Et Daniel Hoffmann avait compris que dans un marché gouverné par des charlatans, des imbéciles et des amateurs, même une médiocrité pouvait devenir altesse royale. La question était juste de savoir si l’on avait la flexibilité morale requise pour, au quotidien, recruter des jeunes femmes et les envoyer dans la prostitution. Et après s’être tâté un peu, Daniel Hoffmann avait conclu qu’il l’avait. Quand, quelques années plus tard, il s’était étendu au marché de l’héroïne, il était déjà un homme se considérant lui-même comme une réussite. Et comme le marché de l’héroïne à Oslo avait jusqu’alors été gouverné par des gens qui non seulement étaient des charlatans, des imbéciles et des amateurs, mais en outre des camés, et qu’il s’avéra que Hoffmann avait aussi la flexibilité morale d’envoyer de jeunes gens dans l’enfer de la drogue, ce fut un nouveau succès. » (p. 17)

A propos de l’auteur
Né à Oslo en 1960, Jo Nesbø a tout d’abord été journaliste économique avant de devenir auteur-compositeur-interprète du groupe de musique pop norvégien Di Derre très connu de 1993 à 1998. Il publie son premier roman et premier tome des aventures de Harry Hole, L’Homme Chauve-Souris en 1997 et obtient son premier grand succès en tant qu’auteur. Souvent comparé à Michael Connelly et son Harry Bosch, il est moins politiquement correct et Harry Hole dépasse souvent la ligne jaune aussi bien dans son métier que dans sa vie. Martin Scorcese devrait réaliser une adaptation cinématographique du Bonhomme de Neige (Série Noire Gallimard 2008). Police, toujours dans La Série Noire/Gallimard, le dernier opus des aventures de Hole fut un immense succès en 2014. (Source : Notice bio du site «Quatre sans quatre»)
Site Wikipédia de l’auteur

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La revanche de Kevin

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La revanche de Kevin
Iegor Gran
P.O.L
Roman
192 p., 15 €
ISBN: 9782818035610
Paru en février 2015

Où?
L’action se déroule principalement à Paris, mais aussi en banlieue, par exemple à Meudon.

Quand?
Le roman est situé de nos jours, avec quelques retours en arrière jusqu’en 1979.

Ce qu’en dit l’éditeur
Quand on s’appelle Kevin, un prénom dont on dit qu’il fleure la beaufitude, marqueur social des années boys band, donné à plus de 14 000 bébés nés en France en 1991 puis tombé peu à peu en désuétude sous les commentaires dédaigneux de celles et ceux qui portent des prénoms plus distingués, quand on porte le même prénom que Kevin Costner, élu pire acteur de la décennie aux Razzie Awards, que l’on se moque de vous à l’école et que, plus tard, pour peu que vous travailliez dans un milieu intellectuel, on vous jauge de haut avec un regard entendu, il est possible que l’on se mette à couver un méchant complexe.
Dur dur d’être un Kevin, pourrait-on chanter avec un certain sadisme, tant notre héros a accumulé de petites humiliations. Qu’elles soient souvent imaginaires ne les rend pas moins blessantes – la malédiction de Kevin, comme de tout complexé, est de voir des anguilles sous les roches, obsessionnellement. Précisons qu’il travaille à la radio, où il côtoie de bien médiocres mandarins qui ne font que saler la plaie.
Pour se venger de ces prétentieux et du monde intellectuel en général, Kevin se livre à un petit jeu. Il traîne aux salons littéraires en se faisant passer pour un éditeur. Forcément, des écrivains en manque de débouchés finissent par lui envoyer des textes. Kevin fait semblant d’entrer en pâmoison, promet des merveilles éditoriales, fait mariner le naïf, avant de disparaître, laissant derrière lui un désordre de vanités froissées. C’est potache et cruel, mais ça soulage.
Avec La Revanche de Kevin, Iegor Gran poursuit donc l’exploration, commencée avec L’Ambition, des postures et des impostures propres à notre époque. Roman sur les faux-semblants littéraires, la vacuité du milieu éditorial, le snobisme des temples où l’on s’assied sur l’humain au nom de la culture, La Revanche de Kevin est aussi un périple dans les arcanes de la frustration comprimée. Qui ne s’est jamais retrouvé dans une situation où, par politesse calculée ou par peur de paraître inculte ou ringard, on masque ses opinions et ses goûts ? Comment ne pas sentir alors le Kevin trépigner au fond de soi ? Comment ne pas chercher la revanche ?
Le scalpel de l’écrivain reste l’ironie froide et dévastatrice ; on y ajoute une véritable tension narrative. Car il y a quelque chose d’inquiétant au royaume de Kevin. Tirées d’une enquête de police, quelques notes de bas de page, posées çà et là, font comprendre dès le début qu’il se trame une abomination, sans que l’on puisse définir précisément à quoi tient le malaise. L’angoisse se nourrit de détails d’apparence insignifiante qui révèlent soudain leur vraie nature – l’art de prendre le lecteur à contre-pied se pratique ici avec gourmandise. Pêle-mêle, parmi les éléments de narration qui cachent bien leur jeu, citons une armoire où l’on stocke des fournitures de bureau, un accident de ski, une jolie stagiaire, une belle-maman un peu trop mère-poule, un vieux livre de Junichirô Tanizaki. Pour sûr, la revanche n’est pas celle que l’on croit.

Ce que j’en pense
***

Depuis le Comte de Monte-Cristo, on sait que la vengeance peut être une excellente matière pour un roman. Iegor Gran nous en apporte une nouvelle illustration dans ce roman qui, après le Truoc-nog (entreprise de démolition du Prix Goncourt) revient à l’un de ses sujets de prédilection : le milieu littéraire parisien. Une corporation aux règles bien étranges et qui fabrique à longueur d’année des frustrés : tous ces auteurs dont on ne sélectionne pas le manuscrit, alors même qu’il s’agit de l’œuvre de leur vie, d’un texte qui aurait mérité d’être porté à la connaissance du plus grand nombre.
Kevin, modeste employé d’une station de radio, décide de s’occuper d’eux. Sous le pseudonyme d’Alexandre Janus-Smith – car on se doute bien qu’un Kevin n’a aucune crédibilité – il parcourt les salons du livre et se fait passer pour un agent littéraire. Avec un art consommé de la négociation, avec un bagout stupéfiant, il promet monts et merveilles à ces auteurs à la recherche d’une reconnaissance éclatante. « Qui n’a jamais rêvé d’être représenté par un prestigieux agent littéraire avec d’alléchantes perspectives de publication ? Pour y résister, il faudrait être un misanthrope flegmatique ou un moine. »
Le canular serait amusant s’in n’était pas mortel. Car la farce vire au drame. François-René Pradel n’a pas supporté de se faire rouler dans la farine. Il voulait croire qu’enfin son talent allait être reconnu. Quand il comprend que pendant des mois il a espéré, presque touché son rêve de gloire et que tout cela n’était qu’un leurre, il met fin à ses jours. Un suicide que sa fille était de comprendre en découvrant la correspondance de son père avec le soi-disant agent.
Peu à peu le filet se resserre sur Kevin. Mais nous n’en dirons pas plus afin de ménager le suspense.
Saluons en revanche cette belle leçon à l’usage de tous ceux qui rêvent d’un destin littéraire. Avec la dose de cynisme nécessaire, Iegor Gran les met en garde contre ces mœurs bizarres, ce panier de crabes duquel il est bien difficile d’émerger. Et de sortir indemne : « S’il est vrai que le parcours d’un écrivain aujourd’hui est un tissu de déceptions, la tienne était en tout point la plus urticante, la plus lâche aussi. Un rêve brisé qui laisse de gros morceaux coupants. »

Autres critiques
Babelio
Culture Box
BibliObs
La Croix
Blog Clara et les mots

Extrait
« La France commence à produire des Kevin au début des années 1970, au rythme d’une centaine de naissances par an. (…) Au début de la décennie suivante, on compte déjà 1500 nouveaux spécimens annuels, cette multiplication des Kevin accompagnant la mode soudaine pour tout le fatras néoceltique, où l’on fourre aussi bien la légende arthurienne que les sagas scandinaves, popularisées par les premiers jeux de rôle.
Notre Kevin appartient à cette génération. Conçu à l’arrière d’une Talbot Horizon GLS millésimée 1979, né à Meudon, d’un père technico-commercial chez IBM et d’une mère employée dans une agence de voyages où s’est noué le flirt initial, à la faveur d’un déplacement de papa Kevin à une convention informatique à Houston. Pour le prénom, cherchant une consonance plutôt américaine, ils hésitent entre Ronald, Benjamin, Jimmy. Le patron de la division machines à composer d’IBM, très bel homme et promis à un avenir professionnel radieux, leur suggère Kevin. Pour une fille, ils ont prévu Allison.
À la fin des années 1980, quand notre héros court déguisé en Spiderman dans un jardin à Meudon, l’usine à Kevin s’emballe. » (p. 32-33)

A propos de l’auteur
Naissance à Moscou. A 10 ans, sa famille s’installe en France. Aucune notion de français à l’époque. Problèmes de scolarité.
Par désespoir, fait l’École Centrale. Par goût, fait autre chose. Iegor Gran a déjà publié plus de dix romans. (Source : Editions P.O.L)

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