Adieu aux espadrilles

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Adieu aux espadrilles
Arnaud Le Guern
Le Rocher
Roman
150 p., 15,50 €
ISBN: 9782268080437
Paru en septembre 2015

Où?
Le roman se déroule principalement en France, d’abord à Évian-les Bains où le narrateur passe la plus grande partie de ses vacances, d’où il part quelquefois pour Lausanne ou Genève, mais il évoque aussi de séjours à Trouville, Vienne, Honfleur, Fès, Saint-Malo, Bandol, Sanary, Saint-Tropez, Nice, Menton, Cannes, Megève, Dax et même Bénodet. Quand il n’est pas question de vacances, on parle de Sartrouville, Saint-Germain-en-Laye et Paris

Quand?
L’action se situe de nos jours avec des retours en arrière jusqu’en 1948, année où le grand-père posait ses valises à Évian. Les souvenirs d’enfance, à 2 ans, 5 ans, 8 ans, 11 ans (les premières espadrilles !), 14 ans marquent la fin des années 70 et les années 80.

Ce qu’en dit l’éditeur
« Finalement, il n’y a toujours eu que nos étés…
J’avais envie de te raconter ce que tu sais déjà. Nos semaines plein soleil, les jours et les nuits où nous n’en faisons qu’à notre fête. La légèreté des petits matins, la plage des Mouettes, les baignades, les terrasses ombrées, les caresses sous l’oeil de la lune. Après, il sera trop tard. La lourdeur des feuilles mortes écrase la douceur des choses. Écrire, ce devrait être ça. Pas de scoops, d’enfants cachés, de cadavres en carton-pâte. Juste les minutes fugitives d’une saison belle comme la porcelaine de Mort Shuman chantée par Sophie Barjac. »

Ce que j’en pense
***
« Enlacés, nous laissons infuser une unique certitude: l’été, c’est l’amour une fin d’après-midi, au retour de la plage, nos corps fatigués de n’avoir rien fait, sinon nager, lire et bronzer. » Prends garde à la douceur des choses. S’il n’avait été déjà pris par Raphaële Billetdoux, ce titre aurait parfaitement convenu à ce bref roman qui fleure bon la légèreté, l’insouciance des périodes estivales, la nostalgie des beaux jours, mais qui au final est plutôt au chant de désespoir, une ode à la vie perdue et qui ne reviendra jamais, même si « les villas conservent encore les traces du monde d’avant ».
Le narrateur, écrivain en veine d’inspiration, à moins qu’il ne soit un procrastineur invétéré, passe ses étés dans une villa familiale sur les bords du Léman. Après avoir beaucoup papillonné et goûté aux relations sans lendemain avec les femmes « qui avaient dans les yeux l’éclat des bulles de champagne qui pétilleraient sous peu. », il croise Mado, une étudiante en histoire de 20 ans, spécialiste de l’antisémitisme français, qui accepte de partager un bout de sa vie. Malgré les félicitations du jury pour son mémoire de DEA, elle ne sait pas de quoi son lendemain sera fait et entend partager ses dernières heures d’insouciance avec ce jeune dandy obsédé par Lindsay Lohan. Il sera cependant fait beaucoup plus état d’autres actrices tout au long du récit, la Romy Schneider des films de Sautet – qui a sûrement servi à prénommer l’enfant de 1979 – Sophie Barjac ou encore Sonia Petrova et Jacqueline Sassard, oubliées depuis bien longtemps.
Les nostalgiques auront du reste l’occasion de se régaler de ces références cinématographiques, musicales et littéraires. La bande-son du livre mêle les jazzmen Monk, Miles et Mingus, Ferré et Nougaro ou encore Barbara, même si l’on pense souvent à Souchon.
Les romans que l’on découvre sont signés par Dorothy Parker, Dominick Dunne ou encore Régine Deforges qui débute avec La bicyclette bleue sa grande fresque historique. Mais là encore, on pense plus à Chardonne, Morand, Paul-Jean Toulet (dont la biographie rédigée par Frédéric Martinez s’intitule justement Prends garde à la douceur des choses) ou encore Pierre de Régnier.
Si la belle Mado, dont « la légèreté des parures est la signature de l’été » s’amuse de ces références, on sent davantage de gravité chez le narrateur qui aimerait tant inscrire son nom à la suite de cette prestigieuse lignée. Pour ce faire le dandy invente quelques néologismes ticheurtes, ouèbe, ouiquendes, coquetèles, et s’imagine dans une BD de Loustal… Encore un effort et le passé sera définitivement son avenir.

Autres critiques
Babelio
Libération
Causeur.fr
Blog Salon littéraire
Blog De nécessité vertu
Blog Les lectures d’Isabel & Leo
Blog Picard (Les dessous chics – Philippe Lacoche)

Extrait
« J’ai esquissé tes boucles qui, au soleil, prennent des reflets blonds. Suivi la ligne de ton front, l’invisible cicatrice au-dessus de ta paupière gauche, le bout de ton nez, ta bouche. J’ai caressé ta nuque, ton cou, tes épaules sculptées par la danse et la gymnastique. Embrassé tes seins aux pointes sombres, tes hanches, ton ventre, tes reins, ton cul, tes cuisses, jusqu’aux fines attaches de tes chevilles, à la cambrure de tes pieds.
Tes soupirs faisaient écho à ceux d’Adrianna et Sandy. Les filles jouissaient l’une sur l’autre. Tu t’es enroulée autour de moi alors que Mélanie Coste faisait son apparition.
Il n’y a pas plus belle actrice porno. Ta main a tenté de me détourner d’elle. Mélanie ôtait sa robe noire. Vous possédez la même nuque, le même dos, des fesses identiques.
Mélanie semblait inquiète. D’un souffle cavalier, tu as protesté : « Tes caresses me rendent folle… » J’ai oublié Mélanie, j’ai glissé sur toi. Nous n’avons pas vu la fin du film. C’est une habitude. Ta jouissance avait un parfum de soleil, de nuit et de Monoï.
Ne pas se méprendre, l’été ne se réduit pas à Une nuit au bordel, à l’amour au mois d’août. Nous ne sommes ni juillettistes ni aoûtiens. L’été n’est pas les congés payés ou les RTT. Beurk. L’été, Évian devient le palace de nos envies.
La ville balnéaire prend la forme de nos intimes virées. Dix minutes de déambulation paresseuse autour des Clématites. D’un côté, la plage des Mouettes, les Cygnes ; de l’autre, la rue Nationale. Ne jamais quitter, surtout, les bords du lac. L’été, c’est une certaine idée de la dolce vita : petits luxes, alcools et volupté. » (p. 16-17)

A propos de l’auteur
Éditeur et flâneur non salarié, Arnaud Le Guern a notamment publié Stèle pour Edern (Jean Picollec), Du soufre au cœur (Alphée) et, en 2012, un récit très « Nouvelle Vague » autour de Paul Gégauff : Une âme damnée (Pierre-Guillaume de Roux).

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La Dynastie des Weber

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La Dynastie des Weber
Geneviève Senger
Calmann Lévy
Roman
816 p., 23,90 €
ISBN: 9782702154670
Paru en mai 2015

Où?
Le roman se déroule principalement en Alsace et plus particulièrement à Mulhouse, berceau de la dynastie Weber. La vallée du textile avec Thann et Wesserling et de façon plus anecdotique Colmar et Strasbourg sont également mentionnées. Le second pôle est situé aux Etats-Unis avec La Nouvelle-Orléans et l’évocation de New York et Boston. Une autre branche de la dynastie est allemande et s’installe à Berlin. On va aussi prendre les eaux à Baden-Baden ou sur l’île de Rügen. Enfin la Suisse joue un rôle de refuge, de villégiature ou de lieu de cure avec Zurich, Küsnacht et Davos. Enfin des membres de la famille passent par Genève, Londres et Queenstown en Irlande, Dinard, Calais et Paris, ou encore dans un dispensaire en Afrique.

Quand?
L’action se situe de 1870 à 1965, soit sur près d’un siècle.

Ce qu’en dit l’éditeur
Juillet 1870 en Alsace. Louise Heim, fille d’un industriel du textile, a épousé Lazare Weber, fils de pasteur et brillant polytechnicien, resté follement épris de sa sœur Lucile qui l’a éconduit pour s’enfuir avec un négociant en coton américain.
Animé par la volonté de surpasser les grandes familles alsaciennes ayant fait fortune dans le fil et le tissage, Lazare fonde une filature moderne. Il fait appel à Arthur Ziegler, un ouvrier catholique étrangement lié à sa famille…
Louise, comprenant qu’elle a été sacrifiée à l’ambition de son père, négligée par son mari, décide de prendre sa revanche. Et arrivent de Louisiane les lettres de Lucile…
Ainsi commence la saga des Weber, vieille famille protestante taraudée par les secrets et les non-dits, emportée dans un tourbillon de rivalités, d’amours contrariées et d’ambitions démesurées. De Mulhouse à Berlin, avec un saut dans cette mystérieuse Louisiane où tant d’Alsaciens ont émigré, voici un siècle de péripéties amoureuses, de conquêtes industrielles et de combats syndicaux, de gloire et de défaites, d’illusions perdues et de rêves réalisés…
Journaliste et écrivain, Geneviève Senger est née à Mulhouse. Elle se lance aujourd’hui dans une saga puissante où souffle le vent de l’histoire.

Ce que j’en pense
****
Dans son nouveau roman, un pavé de plus de 800 pages, Geneviève Senger a choisi de retracer sur près d’un siècle la vie d’une famille d’industriels du textile en Alsace. Disons d’emblée que c’est une belle réussite et que l’on prend beaucoup de plaisir à suivre la dynastie Weber sur près d’un siècle dans l’une des régions de France qui aura sans doute connu le plus de bouleversements depuis 1870. C’est du reste à ce moment que commence le récit, à la veille du mariage de Louise Heim avec Lazare Weber. L’union de la fille d’un industriel du textile avec un ambitieux polytechnicien, n’est pas uniquement un mariage d’intérêt mais une sorte de mariage de substitution. Lazare était en effet amoureux de la sœur de Louise, Lucile. Cette dernière a choisi de fuir à la Nouvelle Orléans avec un Américain, négociant en coton, rompant par la même occasion ses fiançailles et ses liens avec sa famille. Pour ne pas perdre la face, les parents respectifs choisissent d’ « offrir » la sœur de Lucile à l’amoureux transi.
À prendre au pied de la lettre la définition du mot dynastie, « suite de personnes célèbres de la même famille exerçant les mêmes activités » on sent dès ce premier accroc à ce qui pourrait être l‘histoire officielle d’une réussite industrielle que les non-dits et les secrets de famille vont donner matière à de nombreux rebondissements et que dans ce récit les femmes vont jouer un rôle au moins aussi important que les capitaines d’industrie. Quand elles ne sont pas le trait d’union entre les deux mondes, à l’image de la quête du fil d’or qui va pousser Lazare à investir et à engager un ingénieur chimiste pour retrouver la chevelure flamboyante de la belle Lucile. Un fil d’or qui va servir en quelque sorte de fil rouge, si je puis dire. Et comme si les ambitions des uns et les amours des autres ne suffisaient pas à nous offrir un riche terreau romanesque, l’Histoire – celle avec un grand H – va s’en mêler.
En 1871 l’Allemagne annexe la région, amputée du Territoire de Belfort. Entre les partisans du nouveau régime et ceux qui entendent reconquérir la « province perdue », on ne va tarder à trouver de nouveaux motifs de conflit. Pour faire fructifier ses affaires sur la Terre de l’Empire allemand (Reichsland), il faut bien trouver une entente avec le régime. Toutefois, la différence entre compromis et compromission n’est pas toujours très évidente. Et que dire des déchirements qui résulteront du déclenchement de la Grande Guerre. Sur les hauteurs du Hartmannswillerkopf – l’une des crêtes ayant donné lieu à de très durs combats, Geneviève Senger imagine une scène extraordinaire, quand deux soldats de la famille se retrouvent nez à nez au sortir d’une tranchée. Jamais l’expression frères ennemis n’aura aussi bien porté son nom.
Quand l’Alsace réintègre la République française en 1919, il faut écrire une nouvelle page et littéralement tout reconstruire. Sans oublier les nouvelles aspirations du monde ouvrier avec lesquelles il va bien falloir se confronter et qui, là encore, opposeront au sein de la famille les tenants du progrès social et ceux qui préfèrent la ligne dure.
Parfaitement documenté, le récit peut là encore s’appuyer sur les mouvements politiques et sociaux qui ont marqué l’Alsace jusqu’à l’annexion par l’Allemagne nazie. Et nous voilà reparti pour une période troublée, durant laquelle il faudra à nouveau choisir son camp. Pour la dynastie Weber, dont les différentes branches familiales sont installées aux Etats-Unis, en Alsace et en Suisse ainsi qu’Allemagne, on imagine les déchirements et les cas de conscience que l’auteur nous fait partager avec beaucoup de finesse. Entre les lignes on comprend aussi comment se forge le caractère des Alsaciens : leur histoire houleuse leur permet aujourd’hui encore de jouir de certains particularismes locaux.
La dernière partie du livre, toujours à l’image de la période décrite, marque un nouvel élan. On va vers les trente glorieuses et vers l’émancipation de la femme…
J’ajouterai un plaisir égoïste à cette lecture. Mon histoire familiale est également partagée entre la France et l’Allemagne et je suis aujourd’hui installée sur cette colline du Rebberg à Mulhouse où l’auteur a imaginé le berceau de sa dynastie. De ma fenêtre quand reviennent les beaux jours, je peux quasiment humer l’odeur des cosmos qui ont donné leur nom à la propriété des Weber. Aussi, je ne saurai que vous inviter à vous promener dans mon quartier !

Autres critiques
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Blog Tête de lecture
Blog Sur mes brizées
Blog Les Lectures de Martine

Extrait
« Dans le rêve qu’elle venait de faire, Louise ne se mariait pas ; Lucile était revenue et elles s’enfuyaient toutes les deux, main dans la main.
Mais la réalité était tout autre. Aujourd’hui, elle épouserait un homme pour qui elle n’éprouvait aucun sentiment. « C’est la vie, lui avait dit sa mère. Moi aussi je me suis mariée avec celui que mon père avait choisi pour moi. Toutes les jeunes filles passent par là. Quelquefois, elles finissent par aimer leur époux. »
Lucile avait trouvé elle-même l’homme de sa vie. Elle s’était enfuie avec lui, sans demander la permission à personne. Mais Lucile avait toujours été différente. Elle prenait toute la place près de leur père sur le canapé de velours, sans chercher à savoir s’il en restait pour sa sœur qu’elle laissait seule avec la tante Adèle et ses sermons de vieille fille. La belle Lucile que tout le monde admirait… C’était elle qui aurait dû être à sa place. Mais Lucile avait écouté son cœur et avait jeté la honte sur toute la famille. Maintenant c’était à la cadette de réparer sa faute et d’épouser l’homme que leur père, M. Heim, avait choisi. Pour lui, peu importait que ce soit son aînée ou sa cadette qui épouse Lazare Weber pourvu qu’il ait un gendre pour faire prospérer sa chère manufacture. Pour la convaincre, il lui avait promis qu’elle deviendrait une grande dame, riche et respectée de tous. Mais d’amour, il n’avait pas parlé. » (p. 17-18)

A propos de l’auteur
Née à Mulhouse, au cours d’un été brûlant, j’ai découvert à mon entrée à l’école primaire Nessel ( une antique bâtisse aux odeurs de bois et d’encre qui fut démolie quelques années plus tard ) que les mots écrits pouvaient se déchiffrer : l’univers enfin prenait sens. Ce n’était plus un chaos incompréhensible. Quelque part, dans le silence des livres, existaient des éléments capables de l’ordonner. L’enfant que j’étais en fut éblouie. Cet émerveillement est toujours en moi. Je n’ai jamais cessé de lire, de chercher, de comprendre. D’écrire. Des romans. Pour raconter des histoires, simplement. Pour donner à voir, à sentir, à vibrer. Pour consoler, aussi. Pour essayer de comprendre, toujours.
Je vis à Strasbourg, ville d’art et d’histoire, cœur de l’Alsace et aussi cœur de l’Europe. Je travaille également pour un journal local. Mais tout cela n’est qu’apparence : en réalité, j’habite les mots. (Source : Site internet de l’auteur)

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Le livre de la jongle

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Le livre de la jongle
Stéphane de Groodt
Plon
avec des dessins de Raphaël Cruyt
Humour et littérature
214 p., 14 €
ISBN: 9782259243261
Paru en novembre 2015

Ce qu’en dit l’éditeur
Amoureux de la langue française et jongleur de mots, Stéphane De Groodt revisite à sa manière, drôle et absurde, les expressions de notre langue. Un ouvrage inédit dans la droite ligne de ses best-sellers, Voyages en absurdie et Retour en absurdie.
Dernier carat
« Il est dit que c’est le dernier carat parlé qu’aura raison. »
C’est Byzance !
« Non, c’est Istanbul. Indique qu’il serait grand temps de mettre à jour votre GPS. »
Sur un coin de table
« Expression que nous devons aux chevaliers de la Table ronde. »

Ce que j’en pense
***

On retrouve avec grand plaisir l’auteur de Voyages en absurdie et Retour en absurdie. En choisissant cette fois de revisiter une belle collection d’expression françaises, l’humoriste peut laisser une nouvelle courir son imagination fertile et prouve que la Belgique compte sûrement les plus talentueux jongleurs de mots du moment. Après les grammairiens et philologues Joseph Hanse, Maurice Grevisse ou encore André Goosse qui ont décortiqué de façon très sérieuse (n’oublie pas ton Grevisse !) les subtilités du français, on a vu éclore outre-Quiévrain une formidable génération d’humoristes, dignes héritiers de Raymond Devos, tels que François Damiens et Benoît Poelvoorde du coté du cinéma, Philippe Geluck, Charline Vanhoenacker (qui fait les beaux jours de France Inter) et Stéphane de Groodt du côté des humoristes, de ceux qui ament à la fois jouer avec les mots et les faire chanter.
Pour ce livre de la jongle, l’acrobate du langage n’a pas hésité à mettre à contribution toute une équipe : « J’avais fait une liste d’expressions. Je l’ai passée en revue et en les lisant, parfois, l’inspiration venait vite. On a travaillé avec mon co-auteur, Christophe Debacq. On a aménagé les choses, on a fait un tri. Et, quand le travail est fait, je demande à ma femme de lire l’ouvrage à voix haute, près de moi. Comme ça, je peux m’assurer de la sonorité des mots également. »*
Le résultat est un savoureux mélange d’érudition et de jeux de mots laids. Mais il sera beaucoup pardonné à celui qui parvient à nous dérider en cette période troublée, aussi bien à Paris qu’à Bruxelles.
Alors amusons-nous… à décortiquer la technique De Groodt, en prenant l’exemple de la page 40 (voir extrait ci-dessous). Il utilise d’abord l’association phonétique, en rapprochant quartier de Cartier, ce qui lui permet de personnifier son propos. Voilà donc un navigateur en charge de l’expression. Mais le sens de la digression va permettre ensuite à l’auteur d’associer Cartier (redevenu phonétiquement quartier) à Orange (la ville pas le fruit) avant de nous ramener à l’explorateur en rappelant qu’il était originaire de Saint-Malo. Ce qui lui permet à nouveau un glissement sémantique vers le malouin, ce qui est très malin. Reprenant l’association d’idées, il s’engage sur les rives du Saint-Laurent (il aurait même pu préciser rive gauche pour hommes) pour passer à Yves Saint-Laurent. Peut être aurait-il pu s’éviter de faire intervenir ici Jacques Caddy, personnage qui n’existe que pour le jeu de mot mais qu’on ne connaît ni des lèvres, ni des dents. Mais nous voilà arrivé au terme du voyage : le grand découvreur était un homme libre. Voilà comment un Cartier libre toujours chérira la mer, à moins que par une dernière pirouette, il soit malade en bateau. Mais n’était ce pas ce que nous demandions de ce livre : nous faire mener en bateau. Alors bon vent !

Autres critiques
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Blog Garoupe – lectures
Blog Libre-R et associés
* dhnet.be (Belgique – Interview)

Extrait
« Avoir quartier libre
Nous devons l’expression « avoir quartier libre » à Jacques Cartier, non pas d’Orange mais de Saint-Malo. Célèbre navigateur qui à force de faire le malouin avec ses cartes finit par découvrir le golfe du Saint-Laurent, ce qui le rendit Yves de bonheur, enfin c’est ce que Jacques Caddy, et le fit aussitôt rentrer dans le club très fermé des grands découvreurs. « Avoir quartier libre » renvoie donc aux voyages en mer, ou inversement si vous êtes malades en bateau.»

A propos de l’auteur
Stéphane De Groodt est un acteur belge. Après avoir officié dans La Matinale (Canal+), sur RTL aux côtés de Stéphane Bern et sur France Inter aux côtés de Pascal Clark, il a présenté sa chronique Retour vers le futur sur le plateau du Supplément de Canal+ auprès de Maïtena Biraben. En 2014 il a réalisé son premier court métrage Palais de justesse, avant de préparer son long métrage et de se consacrer à nouveau à son métier d’acteur.
Ses deux ouvrages Voyages en absurdie et Retour en absurdie ont été des best-sellers, totalisant 500 000 exemplaires vendus. (Source : Editions Plon)

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Je me souviens

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Je me souviens
Martin Michaud
Kennes Editions
Thriller
640 p., 23,49 €
ISBN: 9782875801678
Paru en octobre 2015

Où?
Le roman se déroule au Canada, principalement à Montréal et dans les environs ainsi qu’aux Etats-Unis, notamment à Dallas.

Quand?
L’action se situe principalement en décembre 2011, avec des retours en arrière jusqu’en 1964.

Ce qu’en dit l’éditeur
À Montréal, juste avant Noël, un homme et une femme meurent le cou transpercé par ce qui semble être un instrument de torture sorti tout droit du Moyen Âge. Auparavant, ils ont entendu la voix de Lee Harvey Oswald, l’assassin présumé du président Kennedy.
Un sans-abri se jette du haut d’un édifice de la place d’Armes. Ayant séjourné à plusieurs reprises en psychiatrie, il prétendait avoir participé, avec le FLQ, à l’assassinat de Pierre Laporte. Sur le toit, avant de sauter, il laisse deux portefeuilles, ceux des victimes.
La série de meurtres se poursuit, les cadavres s’empilent…
De retour à la section des crimes majeurs, le sergent-détective Victor Lessard mène l’enquête avec, pour le meilleur et pour le pire, la colorée Jacinthe Taillon.
Je me souviens parle d’identité à bâtir, de mémoire à reconstituer et de soif d’honneur.

Ce que j’en pense
***
Ce thriller est un mille-feuille. Aux trois couches de pâte feuilletée et aux deux couches de crème qui composent cette pièce de pâtisserie, l’auteur a substitué trois enquêtes parallèles et deux époques. Des couches successives qui donnent au lecteur – tout au moins dans un premier temps – bien du fil à retordre afin d’appréhender le tout, sinon justement par une juxtaposition de différents récits. Mais c’est aussi l’intérêt du roman : le lecteur suit Victor Lessard, dont c’est ici la troisième enquête, sans disposer de plus d’éléments que l’enquêteur. Du coup, il doit se poser les mêmes questions, réfléchir aux mêmes moyens, quitte à se fourvoyer.
On commence par une série de cadavres qui n’ont, comme dit, aucun rapport les uns avec les autres tant le mode opératoire et la personnalité des victimes sont différentes. Il y a là un clochard qui est passé par un asile psychiatrique et qui se jette du haut d’un building en laissant à ses pieds deux portefeuilles ; Une femme assassinée de façon barbare, puisqu’on a utilisé une arme de torture pour la faire souffrir. Il s’avèrera plus tard qu’il s’agit d’un procédé de torture utilisé au Moyen-Âge et appelé «la fourche de l’hérétique» ; La troisième victime aura le cou transpercé par une flèche. Des instruments qui continueront à servir encore par la suite. Car Lessard et sa collègue Jacinthe Taillon nagent en plein brouillard. D’autant que les quelques indices recueillis ne font qu’épaissir le mystère. Cette phrase prononcée par Lee Harvey Oswald, l’assassin de John Kennedy « I didn’t shoot anybody, no sir », des références au mouvement de libération du Québec et du programme de lavage de cerveau mis en place par la CIA et intitulé «MK-ULTRA».
Une belle occasion d’appliquer la devise du Québec qui donne son titre au livre : «Je me souviens».
Un élément après l’autre, une histoire soigneusement déroulée – avec tenants et aboutissements – des témoignages qui vont finir par se recouper, un voyage à Dallas et tout devient subitement plus clair.
C’est avec beaucoup de respect que l’on croque ce mille-feuille, pas uniquement par sa taille et son poids respectables, mais c’est aussi avec beaucoup de plaisir.
D’abord par sa langue qu’il est fort agréable de découvrir (la chance de conserver les mots et expressions québécoises donne une vraie saveur exotique à cette pâtisserie), ensuite parce que les personnages sont fort bien campés, avec leurs errances et leurs failles et enfin parce qu’il nous fait découvrir derrière l’intrigue l’histoire et la géographie du Québec et plus particulièrement de la ville de Montréal, parcourue du nord au sud et d’est en ouest.
On ne le conseillera donc pas uniquement au cercle des amateurs de thrillers, mais aussi à tous ceux qui aiment sortir des sentiers battus et ne rechignent pas à s’engager dans les sentiers rafraîchissants des autres littératures francophones.

Autres critiques
Babelio
La Presse (Montréal)
Blog les 2 bouquineuses
Blog Sang d’Encre Polars
Blog De Livre en livres

Extrait 1
« La femme rentra chez elle à 11 h 22.
À toute vitesse, elle abandonna ses bottes sur le tapis de l’entrée, envoya sa tuque et ses mitaines valser sur le canapé et laissa son manteau choir sur le carrelage de la salle de bains.
Elle se soulagea dans l’obscurité en poussant un long soupir.
Appuyant sur l’interrupteur, elle regarda le reflet de son visage dans le miroir, fendu d’un large sourire, les lèvres bleuies par le froid.
Du centre-ville, elle avait marché jusqu’au mont Royal, où elle avait passé des heures à arpenter les sentiers, à admirer les conifères ployant sous le poids de la neige, à observer, en contrebas, la ville en transparence.
En chantonnant, elle se rendit dans la cuisine pour se préparer un thé.
La bouilloire sifflait lorsqu’elle sentit que quelque chose n’allait pas. Elle avait le sentiment qu’un objet ne se trouvait pas à sa place. Son regard scruta d’abord le comptoir encombré, bascula sur l’évier, puis longea la ligne des armoires.
En voyant la date sur le frigo, elle sursauta.
Quand elle avait sorti le lait, cinq minutes auparavant, les chiffres de plastique multicolores aimantés sur la porte du compartiment congélateur ne s’y trouvaient pas.
Elle n’avait pas repensé à l’incident du matin. Mais, à présent, tout son corps, agité de tremblements, sonnait l’alarme.
Derrière elle, une voix la figea, lui faisant dresser les cheveux sur la tête :
– I didn’t shoot anybody, no sir !
Elle se retourna et poussa un cri strident en découvrant la gueule menaçante d’un pistolet.
Les dards fendirent l’air, pénétrèrent la peau. La décharge du Taser la foudroya.
Alors qu’elle tombait vers le sol et que son corps était secoué de convulsions, elle ne put s’empêcher d’être hantée par cette voix, qu’elle avait reconnue sans difficulté.
La voix délicate de l’assassin du président Kennedy.
Celle de Lee Harvey Oswald. »

Extrait 2
« L’ombre avait tendu un bras, puis replié l’autre lentement, vers l’arrière, avant de le détendre. Le trait fendit l’air, son estomac explosa. Avec horreur, il baissa les yeux. Une flèche le transperçait de part en part.
Rivard échappa le sac, qui roula sur le sol. Puis la douleur arriva, fulgurante. Il essaya de s’enfuir entre les stèles, mais tomba à genoux.
Chaussée de skis, l’ombre dévalait la pente.
Rivard hoqueta, voulut aspirer une goulée d’air, recracha un bouillon de sang.
Derrière lui, un hoodie rabattu sur les yeux, l’ombre s’arrêta, puis retira son capuchon.
Rivard se retourna et écarquilla les yeux : ce visage, il le reconnaissait. L’ombre banda son arc de nouveau. Une deuxième flèche passa près de ses oreilles et se perdit dans la neige; un flux d’images déferla devant ses yeux, puis un autre projectile le frappa au plexus.
Les ténèbres l’envahirent. »

A propos de l’auteur
Martin Michaud est né à Québec, en 1970, Martin Michaud a longuement pratiqué le métier d’avocat d’affaires avant de se consacrer pleinement à l’écriture. Il est également le fondateur d’un groupe de rock indépendant, dont il est parolier, guitariste et chanteur. Ses romans sont d’ailleurs parsemés de références à des morceaux ou artistes qu’il aime. Outre ses activités de romancier, il travaille à la scénarisation de ses œuvres pour la télévision et le cinéma.
Martin a connu un succès fulgurant au Québec avec ses trois premiers polars Il ne faut pas parler dans l’ascenseur, La chorale du diable et Je me souviens, qui lui ont valu de nombreux prix littéraires. Au cœur de ceux-ci, on trouve Victor Lessard, enquêteur tourmenté, rebelle, mais hautement moral du service de police de la Ville de Montréal.
Pour Sous la surface, son dernier thriller unanimement salué par la critique et le public, il a remporté, en compétition avec de nombreux romanciers francophones de renom, le Prix Tenebris 2014.
Reconnu par la critique comme le chef de file des écrivains de romans policiers québécois, il voit son travail comparé à celui des auteurs internationaux Jo Nesbo, Michael Connelly, Fred Vargas, Ian Rankin et Henning Mankell. (Source : Kennes Editions)

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Montecristo

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Montecristo
Martin Suter
Christian Bourgois
Roman / Thriller économique
traduit de l’allemand par Olivier Mannoni
340 p., 18 €
ISBN: 9782267027679
Paru en août 2015

Où?
L’action est principalement située en Suisse, à Zurich, Bâle, Genève, Berne et dans de plus petites localités telles que Gstaad, Sargans, Serneus, Klosters, Schlieren, Oberfrick et Feldwil dans l’Oberland zurichois avec un épisode en Asie passant par Bangkok, Chiang Mai, Phuket, Kualu Lumpur.

Quand?
Le roman se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Jonas Brand, 38 ans, est un vidéo-reporter zurichois spécialisé dans les émissions télé people. Un jour, il réalise qu’il est en possession de deux coupures de cent francs suisses dotées du même numéro de série – ce qui est théoriquement impossible. Quelque temps après, alors qu’il a pris un train pour rejoindre un événement mondain, L’enquête sur les billets et celle sur le suicide ne vont pas tarder à se croiser. Jonas Brand remonte la piste, rencontre Adam Dillier, responsable de la sécurité de la Coromag, la société chargée d’imprimer les billets de banque suisses. Mais il ignore que celui-ci en réfère aussitôt à William Just, PDG de la plus grande banque du pays : Brand a soulevé une affaire bien plus grosse qu’il ne l’imaginait. Soudain, on vient lui reparler d’un vieux projet de film, un scénario intitulé Montecristo que personne n’a jamais voulu tourner par manque de budget. Un producteur lui annonce qu’il a finalement trouvé le financement pour tourner. Malgré les mises en garde de son ami Max Gantmann, journaliste spécialisé en économie, Jonas part effectuer des repérages en Thaïlande. Sur place, il échappe de peu à un coup monté pour le faire emprisonner à vie.Il parvient néanmoins à rentrer en Suisse et se plonge dans la préparation du film, délaissant un peu son enquête. Mais il est vite rattrapé par la réalité : il apprend que les billets qu’il croyait faux sont bel et bien authentiques. Ce qu’il avait appréhendé était une manipulation de grande ampleur, qui menace de faire péricliter l’ensemble du système bancaire suisse. Que dissimulent ces deux coupures de cent francs à numérotation identique ? Quelles pertes gigantesques la banque qui a émis les billets cherche-t-elle à cacher ? Est-ce elle qui a envoyé Jonas à Bangkok et fait cacher une livre de cocaïne dans sa sacoche ? Qui est ce mystérieux rouquin que Jonas croise de plus en plus souvent au fil des pages ? Quel rôle exact joue Marina, la jeune femme qui le soutient dans ses recherches et semble pourtant avoir d’étranges relations dans ce milieu ? Autant de questions qui forment la trame de Montecristo. Mais, comme à son habitude, Martin Suter nous entraîne bien plus loin. En l’occurrence dans le gouffre du système bancaire suisse et de ses ramifications mondiales, un monde noir, cynique, violent et machiavélique. Le monde zurichois qu’il nous décrit sur le mode du cauchemar, c’est notre univers mental à tous, qui se délite peu à peu. Celui dont un monde nouveau semble, comme dans son roman, s’accommoder peu à peu. Martin Suter a conçu un roman hitchcockien et vertigineux sur le faux semblant, le doute, l’illusion et la manipulation. Ce que nous décrit Suter dans Montecristo, c’est l’univers orwellien des temps modernes : une bulle de savon prête à éclater d’un instant à l’autre, dans laquelle de braves gens font tout pour éviter l’explosion finale aussi longtemps que possible. Jamais Martin Suter n’était allé aussi loin dans l’exploration du cauchemar où nous plonge l’incertitude sur le monde qui nous entoure, mais aussi d’un monde où la fin justifie toutes les morales.

Ce que j’en pense
***

Les écrivains français, contrairement aux anglo-saxons, insèrent rarement en fin d’ouvrage la liste des personnes qu’ils souhaitent remercier. C’est bien dommage, car quelquefois, elle permet de donner un relief tout particulier au roman que l’on vient de lire. C’est le cas de ce nouvel opus du Suisse Martin Suter. Le Directeur de l’Administration des finances de la Confédération, un ancien Conseiller fédéral (qui a rang de ministre en France) ainsi qu’un producteur de cinéma viennent, entre autres, apporter leur crédit à ce thriller économique palpitant.
L’histoire débute alors que le train intercité entre Zurich et Bâle, dans lequel a pris place Jonas Brand, freine brusquement. Le video-reporter free-lance se rendait dans la grande ville rhénane pour un reportage sur une manifestation de bienfaisance. Quand il apprend qu’un passager a tiré le signal d’alarme, après avoir vu un homme se jeter sous les voies, il prend sa caméra à l’épaule et décide de filmer ce qu’il peut, ä vrai dire pas grand-chose.
Quelques jours plus tard, il apprendra qu’un trader, employé dans une grande banque suisse, s’est suicidé. Du coup, il arrivera en retard à la manifestation qu’il était censé couvrir, mais y fera la rencontre de la belle Marina Ruiz, chargée des relations publiques. Comme il est divorcé depuis de longues années et que la demoiselle est également libre, ils ne vont pas tarder à se retrouver dans un même lit.
Quelques jours plus tard le récit prend une toute autre direction. Par hasard, il se rend compte qu’il détient deux billets de cent francs suisses possédant le même numéro de série. Une rapide enquête lui apprend que cela est tout simplement impossible dans un pays qui place la sécurité en matière financière au plus degré et qui, pour la réputation de la place bancaire helvétique, ne peut se permettre le moindre faux pas.
Seulement voilà, à la GCBS, une grande banque de la place, son conseiller lui confirme la véracité des deux coupures. Quand Jonas découvre qu’il a été cambriolé, il n’a plus guère de doutes sur le caractère explosif de sa découverte.
Quand, quelques jours plus tard, il est victime d’une agression il se dit qu’il détient vraiment ce qu’un ami, ex journaliste d’investigation, ne tarde pas ä appeler de la dynamite.
Et qui risque de lui exploser en pleine figure.
La décision la plus sage ne consisterait-elle pas à tout abandonner? D’autant qu’on vient de lui attribuer une somme importante pour financer le film qu’il rêvait depuis de longs mois de monter, une adaptation moderne du Comte de Monte Cristo. Sauf que là encore, il ne tarde pas à se rendre compte que cette manne n’est pas tombée du ciel par hasard.
En nous plongeant dans les arcanes de la haute finance, Martin Sutter nous permet notamment de réfléchir à cette analyse faite par la quasi-totalité des médias en Suisse au moment de la crise de Lehmann Brothers et que l’on résumé par « too big to fail » (trop important pour sombrer). La grande banque dispose-t-elle vraiment d’un pouvoir supérieur au pouvoir politique, peut-elle faire fi des lois? Peut-elle agir au nom d’une sorte d’intérêt supérieur? Et quels rôles exacts jouent les réseaux d’influence dans un pays où quasiment tout le monde se connaît?
Les réponses à ces questions sont assez vertigineuses. Mais je vous laisse vous délecter de l’épilogue de ce roman qui ne réjouira pas uniquement les adeptes de la théorie du complot.

Autres critiques
Babelio
L’Express
Culturebox (Laurence Houot)
Le Temps (Suisse)

Extrait
« — Tu avais besoin d’une dernière bière d’urgence. Je connais ça.
Le garçon arriva et posa son lourd porte-monnaie sur la table.
— Je compte les deux ensemble ?
— Nous nous connaissons depuis trop peu de temps pour ça, dit Jonas.
— Moi je l’aurais bien trouvé, le temps, fit-elle, boudeuse.
Brand chercha six francs dans son porte-monnaie, ne trouva que quelques pièces et un billet de deux cents.
— Désolé, je n’ai rien d’autre.
— Pas de problème, je ferai mes comptes plus vite après le service, répondit le serveur en lui rendant la monnaie.
La femme au verre vide regarda les billets changer de main.
— Il y en a qui ont le temps, d’autres qui ont l’argent.
Jonas ne put s’empêcher de rire. Il désigna le verre de la femme et dit :
— Et un autre. C’était quoi ?
— Un mojito, dit-elle. Mais il faut que tu boives avec moi.
Il attendit qu’on eût rapporté un verre à la femme, trinqua avec elle, but sa dernière gorgée de bière et lui souhaita une bonne nuit.
— Dommage, dit-elle, et elle se mit à regarder autour d’elle pour trouver de la compagnie. »

A propos de l’auteur
Né à Zurich en 1948. Publicitaire à Bâle, Martin Suter multiplie les reportages pour Géo, devient scénariste pour le cinéaste Daniel Schmidt, écrit des comédies pour la télévision. Il vit entre la Suisse, l’Espagne et le Guatemala.
Small world a obtenu le prix du Premier Roman, catégorie « romans étrangers ». Il sera prochainement adapté au cinéma avec Gérard Depardieu et Nathalie Baye. Un ami parfait a été adapté au cinéma en 2006, sous le même titre, par Francis Girod et deux autres de ses romans sont en cours d’adaptation. Martin Suter a également contribué au dernier album de son compatriote le musicien Stefan Eicher, pour qui il a écrit les textes de trois chansons sur Eldorado (2007) et travaillé au projet d’une comédie musicale. (Source : Editions Christian Bourgois)

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Meurtres à la pause-déjeuner

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Meurtres à la pause-déjeuner
Viola Veloce
Liana Levi
Roman
256 p., 18 €
ISBN: 9782867467769
Paru en mai 2015

Où?
Le roman se déroule principalement à Milan et dans la région, à Cesano Boscone, Buccinasco, Lambrate ainsi qu’à Teolo, un village de Vénétie. Le refuge du col San Marco dans le Val Brembana est également évoqué.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
C’est toujours avant le retour des trois cents autres salariés que se termine la pause-déjeuner de Francesca. Cela lui permet d’éviter de rébarbatifs échanges entre collègues. Et aussi de bénéficier en toute quiétude des lavabos. Jusqu’au jour où, brosse à dents à la main, elle aperçoit sous l’indiscrète porte des toilettes deux pieds dans une position peu naturelle. Deux pieds qui appartiennent à son insupportable collègue Marinella, laquelle gît là, une corde autour du cou… Ce n’est que le début d’une longue série de meurtres. Dans ce que les médias surnomment désormais l’Entreprise Homicides il paraît évident que l’assassin rôde toujours. Sermons directoriaux, regards suspicieux, bruits de couloir, mails revendicatifs amènent le syndicat à s’en mêler pour demander une prime de risque. Mais le risque majeur pour Francesca n’est-il pas de mourir étouffée entre une mère qui ne pense qu’à la marier et un papa-poule à l’envahissante sollicitude? Drôle, enlevé et mordant, ce roman, après être devenu un best-seller sur Internet, n’a pas mis longtemps à trouver un éditeur et un producteur de cinéma.

Ce que j’en pense
***

Voilà un polar désopilant qui vous plonge dans le monde des grandes entreprises, vous fait voyager du côté de Milan et vous propose un agréable moment de lecture. Que demander de plus ?
Une intrigue qui tienne la route et un de sociologie qui ne soit pas rébarbative, mais nette en avant quelques travers de nos sociétés contemporaines. Rassurons d’emblée le lecteur un peu rebuté à l’idée de se plonger dans un livre né sur internet et dont le style n’est pas le point fort : tout y est à tel point que même les quelques traits un peu caricaturaux passent sans que l’on se rende vraiment compte de la taille des ficelles.
Mais il est temps de faire la connaissance de Francesca, employée du service Planification et Contrôle d’une grande entreprise milanaise, qui ne va pas tarder à devenir pour les médias « l’entreprise homicide ». Car le cadavre que découvre Francesca dans les toilettes en revenant de sa pause-déjeuner (si vous chercher quelques recettes de cuisine italienne, le roman pourra aussi vous servir) n’est qu’une première victime du service.
Bientôt la psychose s’installe, car un second, puis un troisième meurtre viennent fragiliser l’entreprise ainsi que les relations entre collègues.
Dès lors, on va suivre la façon dont chacun essaie de vivre avec ce drame. Les cadres dirigeants d’un côté, les employés de l’autre. Sans oublier le PDG et les représentants syndicaux.
On s’amuse beaucoup au fil de l’enquête. D’autant que les parents de Francesca essaient de profiter de l’occasion afin de caser leur fille (la mère) ou de la couver encore davantage (le père). La scène du speed-dating est aussi hilarante que, par exemple, celle durant laquelle la police mène les interrogatoires et essaie de comprendre ce que font à longueur de journée les responsables et employés du service Planification et Contrôle.
Bien entendu, on ne dévoilera pas ici la suite des investigations et la résolution de l’énigme. Disons simplement que tous ceux qui, comme moi, ont l’habitude des grandes entreprises, devraient parfaitement «visualiser» ce récit. Du reste, on se réjouit de voir ce que le cinéma pourrait faire de ce roman, puisqu’un producteur est déjà sur les rangs.

Autres critiques
Babelio
Paris Match
Le Figaro (Evene)
Blog Quatre sans quatre
Blog Les carnets d’Eimelle http://lecture-spectacle.blogspot.ch/2015/05/meurtres-la-pause-dejeuner-viola-veloce.html
Réseau K-Libre (Laurent Greusard)

Extrait
« Je pose l’étui sur un des lavabos. Je fais sortir du tube un peu de pâte blanche, je m’apprête à mettre la brosse dans ma bouche, et en levant les yeux vers le miroir je vois le reflet de deux pieds abandonnés dépassant sous une des portes de toilettes, qui chez nous comme à Sing Sing ont un jour en haut et en bas. Déconcertée, je me demande ce que ces pieds font là, normalement ils sont rattachés à des jambes en position verticale. Quelque chose ne va pas. Brosse à dents à la main je m’approche.
On dirait les pieds de Marinella Sereni. Je reconnais les escarpins marron qu’elle porte aujourd’hui, assortis comme toujours à une jupe plissée beige et un chemisier
à petites fleurs roses.
Elle pourrait avoir eu un malaise, s’être évanouie… j’ouvre instinctivement la porte. Par terre, le dos sur le carrelage gris et la tête près de la cuvette, c’est bien Sereni.
Elle a les yeux exorbités et un énorme nœud de corde blanche autour du cou.
Dieu du ciel, elle est morte, raide morte !
Un fluide glacial inonde mes veines. Je sens mes mains et ma tête devenir aussi froides que si mon cœur allait s’arrêter, congelé par la peur. Seuls mes yeux fonctionnent encore et je regarde fixement, ahurie, la jupe beige de Marinella, parfaitement tirée sur ses jambes. Elle a les bras sur la poitrine, une main sur l’autre, comme si l’assassin avait remis de l’ordre avant de sortir. Le cadavre de Sereni a l’air déjà prêt à être mis en bière : il ne manque plus que les cierges et les couronnes de fleurs. »

A propos de l’auteur
Viola Veloce travaille réellement dans une grande entreprise à Milan et se cache derrière un pseudonyme. Meurtres à la pause-déjeuner a d’abord connu un grand succès sur Internet avant de très rapidement trouver un éditeur et un producteur souhaitant l’adapter au cinéma. (Source : Editions Liana Levi)

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Le vieux qui déjeunait seul

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Le vieux qui déjeunait seul
Léa Wiazemsky
Michel Lafon
Roman
172 p., 14,95 €
ISBN: 9782749924182
Paru en avril 2015

Où?
Le roman se déroule principalement à Paris et à Antony, mais aussi le temps d’une escapade dans le Sud à Avignon, Toulon, Aix-en-Provence, Sanary, Bandol sans oublier Bordeaux ainsi que pour les souvenirs des époques noires à Limoges, Vierzon, Birkenau et Ravensbrück.

Quand?
L’action se situe en 1953, si on en croit le film à l’affiche, Les Orgueilleux d’Yves Allégret.

Ce qu’en dit l’éditeur
Clara, une jeune et jolie serveuse de vingt-sept ans, se prend d’affection pour un vieux monsieur dont elle ne sait rien sinon que, dans le restaurant où elle travaille, chaque lundi, invariablement, il déjeune à la même table et commande le même plat. Elle est loin de se douter qu’elle-même a piqué la curiosité de cet homme éprouvé par la vie. Derrière la gentillesse et l’éternelle bonne humeur de la jeune femme, ce vieil habitué a décelé une blessure secrète. Et pour cause : accablée par le poids des actes d’un ancêtre, Clara s’interdit d’être heureuse. Mais au fil des conversations avec Clément, ce grand-père qu’elle se choisit, le contexte historique va refaire surface et changer sa vie.

Ce que j’en pense
*****

Un formidable coup de cœur ! Pour qu’un roman parvienne à m’émouvoir au point de verser une larme, c’est qu’il a dû toucher une corde sensible. Pour ses débuts en littérature, Léa Wiazemsky aura réussi le même coup que sa mère, Régine Deforges, dont les premiers romans m’avaient beaucoup plu. Mais cessons de ressasser comme les anciens combattants et occupons-nous de l’histoire de Clara et de Clément à qui Léa donne tour à tour la parole, offrant par la même occasion au lecteur deux perspectives d’une même histoire.
Clara est serveuse dans un petit restaurant parisien. Un travail comme un autre, qu’elle agrémente en imaginant qu’elle peut être la vie des quelques habitués qu’elle croise régulièrement. Parmi ces clients, un vieux monsieur retient plus particulièrement son attention, parce qu’elle sent chez lui une profonde mélancolie. A plusieurs reprises, elle a essayé d’engager la conversation avec celui qu’elle a décidé de prénommer Henri, mais par pudeur et peut-être par peur, elle n’y est pas parvenue.
Henri, qui en fait s’appelle Clément, a aussi remarqué la belle serveuse : « Et il y a cette jeune fille qui fait de cet endroit un univers de lumière et de joie. J’aime cet instant où, à peine ai-je poussé la porte, elle est là avec son sourire plein de malice pour me souhaiter la bienvenue. Elle sait que je vais commander la même chose que d’habitude ; mais elle prend malgré tout la peine de m’apporter la carte. Cela me fait sourire. » Si leurs rencontres ne suffisaient qu’à rendre leur quotidien plus gai, cela serait déjà très bien, car on sent chez l’un comme chez l’autre une blessure, un secret dont pourraient se délecter les psycho-généalogistes.
Clément a près de 80 ans. S’il est veuf, c’est que son épouse à été victime de la barbarie nazie et n’est jamais revenue des camps de la mort.
Clara, quant à elle, aura dû fouiller dans le passé familial pour qu’enfin on lui lâche du bout des lèvres que son grand-père aura été un collaborateur très zélé. Une tâche qu’elle croira longtemps indélébile.
Par petites touches, en faisant aussi intervenir des personnages secondaires, Bastien, un amoureux transi, du côté de Clara et un couple d’amis Roberto et Marta du côté de Clément, Léa Wiazemsky va réussir le tour de force à nous persuader que non seulement ces deux personnes vont réussir à se rapprocher, mais bien plus que cela, à se guérir l’une de l’autre de leur lourd passé. Dès lors, plus rien ne s’oppose à une fin heureuse, sinon l’âge du capitaine: « Le bonheur, cela se décide, Clara! Tu le portes en toi comme le plus beau cadeau que la vie t’a donné. C’est à toi de le semer et de le faire pousser. Lorsque tu as trouvé la graine, tu dois la protéger, lui donner un peu d’eau, elle grandira et prendra de la place, tu n’auras alors rien d’autre à faire que de jouir de sa beauté. »
Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître !

Autres critiques
Babelio
Gala (la fille de régine Deforges publie son premier roman)
Génération care (Astrid Manfredi)
Blog Douceur littéraire
Blog Meelly lit
Blog Entre les lignes (Bénédicte Junger)

Extrait
« Demain, même si les médecins m’ont interdit de quitter le lit avant une semaine, j’aurai la force d’affronter la fatigue pour voir le sourire de Clara. Je ne sais pas pourquoi je m’accroche à cette enfant comme à une planche de salut, comme à la dernière joie qui me reste… Qu’avons-nous à nous dire, tous les deux ? Qu’ai-je à lui apporter, moi, vieux déporté sans famille, avant de quitter cette terre ? Je l’imagine dans ce décor, installée dans ce fauteuil, moi dans mon lit écoutant du Chopin ou chantant du Trenet… » (p. 64)

A propos de l’auteur
Bercée dès son plus jeune âge par l’amour de l’Histoire, de la littérature et des chansons de Charles Trenet, Léa Wiazemsky, comédienne de 35 ans, prend la plume pour raconter la rencontre aussi bouleversante qu’inattendue entre une jeune femme un peu perdue et un vieil homme solitaire. Un premier roman délicat et touchant. (Source : Editions Michel Lafon)

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