Il était une ville

REVERDY_Il_etait_une_ville

Il était une ville
Thomas B. Reverdy
Flammarion
Roman
270 p., 19 €
ISBN: 9782081348219
Paru en août 2015

Où?
Le roman se déroule principalement aux Etats-Unis, à Detroit et «dans la petite galaxie urbaine des comtés de Wayne et Macomb», Chesterfield, Gratiot, Port-Huronmais Paris et une grande ville industrielle de Chine sont aussi évoquées.

Quand?
L’action se situe entre septembre et décembre 2008.

Ce qu’en dit l’éditeur
Ici, les maisons ne valent plus rien et les gens s’en vont, en les abandonnant purement et simplement ; la ville est en lambeaux. Nous sommes à Detroit en 2008 et une blague circule : que le dernier qui parte éteigne la lumière. On dirait que c’est arrivé. C’est dans cette ville menacée de faillite qu’Eugène, un jeune ingénieur français, débarque pour superviser un projet automobile. C’est dans un de ces quartiers désertés que grandit Charlie, Charlie qui vient, à l’instar de centaines d’enfants, de disparaître. Mais pour aller où, bon Dieu, se demande l’inspecteur Brown chargé de l’enquête. C’est là, aussi, qu’Eugène rencontrera Candice, la serveuse au sourire brillant et rouge. Et que Gloria, la grand-mère de Charlie, déploiera tout ce qui lui reste d’amour pour le retrouver. Thomas B. Reverdy nous emmène dans une ville mythique des États-Unis devenue fantôme et met en scène des vies d’aujourd’hui, dans un monde que la crise a voué à l’abandon. Avec une poésie et une sensibilité rares, il nous raconte ce qu’est l’amour au temps des catastrophes.

Ce que j’en pense
****
Lorsque Eugène arrive à Detroit, le jeune ingénieur automobile pense qu’après une première expérience malheureuse d’expat en Chine, il va pouvoir rebondir. On lui a en effet confié la préparation d’un projet de voiture multi-plateforme, censé relancer les affaires de l’entreprise moribonde. Ce jeune «J3C», dans le jargon on appelle ainsi un Jeune Cadre à Carrière Courte, va en effet pouvoir s’investir à fond dans cette coopération entre les usines du groupe, car Detroit n’est pas vraiment très attirante.
Entre l‘aéroport et la ville, des kilomètres carrés de parcelles identiques. On est bien loin des années 60 quand les Who venaient donner leur premier concert ici. Après avoir franchi Downtown, au bord de la rivière, il poursuit sa route en direction des lacs et du Canada, découvre «les énormes cylindres de verre du Renaissance Center, le cœur de l’Entreprise, le siège mondial géant du géant mondial de l’automobile» et comprend que sa mission sera loin d’être une sinécure.
« On dirait que les choses s’emballent. Que toute la ville fout le camp et le maire avec. Les enquêtes et les démissions s’enchaînent, il paraît que même le FBI est sur le coup.» Lehman Bothers a fait faillite, le maire a été contraint à la démission face aux 38 charges d’accusation retenues contre lui. C’est le début de la fin, car « le pire est toujours au-delà de nos attentes.»
Le pire pourrait être illustré par l’histoire de Charlie, que Thomas B. Reverdy a eu la bonne idée de retracer en parallèle à celle d’Eugène. Elevé par sa grand-mère, le garçon à peine adolescent, retrouve des amis qui passent leur temps à errer dans les rues délaissées, les habitations vandalisées, les quartiers fantômes où se développent toutes sortes de trafics.
Un jour, il décide de prendre son baluchon et de les suivre dans une virée qui les mènera au cœur de la zone, dans une ancienne école devenue le refuge de tous les jeunes sans avenir. Sans doute que leurs noms figurent sur les dossiers retrouvés éparpillés dans les locaux du Precinct 13 qui avait fermé pendant l’été et qui s’occupait plus particulièrement de délinquance juvénile. A l’image de Brown, le policier qui essaie tout de même de faire son possible, Eugène essaie de survivre à la catastrophe qui, de jour en jour, prend plus d’ampleur. «Comme dans toutes les crises de système, il devenait impossible de prévoir jusqu’où pouvait s’effondrer Detroit. »
Il va trouver un peu de réconfort au Dive Inn où il a pris l’habitude de prendre un verre le soir parce qu’il peu y retrouver la serveuse, Candice. «La fille au rire brillant et rouge était sa principale raison de revenir.»
Entre le récit factuel et le reportage, sans ajouter du pathos quand les faits parlent d’eux-mêmes, l’auteur nous donne à vivre ce que des centaines d’articles économiques et d’analyses sur la désindustrialisation et les ravages de la mondialisation ne peuvent montrer. Derrière les chiffres, il y a de la chair, du sang et des larmes.
Pour finir 2015, j’ai choisi de vous parler de ce roman, parce qu’il me semble être le plus emblématique de l’époque et plus particulièrement d’une année qui ne restera sans doute pas dans les mémoires comme la plus joyeuse du XXIe siècle.
Mais aussi et surtout parce que l’histoire de Charlie et celle d’Eugène ne sont pas terminées. Parce qu’ils n’entendent pas être sacrifiés, malgré les oracles, parce qu’ils savent que demain est un autre jour.
A tous ceux qui me suivent occasionnellement ou plus régulièrement sur ce blog, je souhaite une très belle année 2016 !

Autres critiques
Babelio
Télérama
L’Express
Libération
20 minutes (critique et interview de l’auteur)
Blog Cannibales lecteurs
Blog Mediapart (Juliette Keating)

Extrait
« Gros Bill avait repéré une maison, un peu plus au sud, vide. Elle avait déjà été pillée. Les radiateurs, la robinetterie, les tuyaux de cuivre, il ne restait rien, on pouvait le voir par l’ouverture de la porte défoncée, les murs étaient creusés en bas, Si ça se trouve ils ont même emporté les fils électriques, disait Gros.
Les fenêtres en aluminium avaient été arrachées. Ça s’abîme vite une maison quand il pleut à l’intérieur pendant des mois. La toiture commençait à pencher dangereusement, elle menaçait de glisser vers la rue et, du côté opposé, plusieurs poutres de la charpente s’échappaient de la structure, balèvres inversées vers l’extérieur, se délabrant sous les intempéries comme des os sortant pleins d’esquilles d’une fracture ouverte.
Toute la maison, dans sa physionomie, donnait l’impression de devenir molle, d’onduler vers un point de déséquilibre où elle ne pourrait plus s’empêcher de s’effondrer, mais selon une chute incroyablement lente, imperceptible. C’était effrayant et contre nature.
Elle ne tenait plus que par la résistance interne des poutres et des briques empilées qui refusaient de céder, soumises à des pressions, des tensions et des torsions incalculables qui s’exerçaient selon des axes imprévus. Elle tombait en se ratatinant inexorablement. » (p. 27-28)

A propos de l’auteur
Thomas B. Reverdy est un romancier français né en 1974, auteur de trois romans publiés aux éditions du Seuil. Au cours de ses études de lettres à l’université, il travaille sur Antonin Artaud, Roger Gilbert-Lecomte et Henri Michaux. Il participe aussi à cette époque à la revue La Femelle du Requin, dont il dirige la publication du numéro 4 au numéro 12. Il obtient l’agrégation de lettres modernes en 2000. Il enseigne depuis dans un lycée de Seine-Saint-Denis, le lycée Jean Renoir.
Ses trois premiers romans, La Montée des eaux (Seuil, 2003), Le Ciel pour mémoire (Seuil, 2005) et Les Derniers Feux (Seuil, 2008), constituent une sorte de cycle poétique. Ils abordent les thèmes du deuil, de l’amitié et de l’écriture.
En 2010, L’Envers du monde propose une intrigue policière aux implications morales et philosophiques, dans le New York de l’après 11-septembre. L’ouvrage obtient l’année suivante le Prix François-Mauriac.
Publié en août 2013, Les évaporés, est retenu dans la sélection finale du Prix du roman Fnac, dans la sélection du Prix Goncourt et dans celle du Prix Décembre. Il est couronné la même année par le Grand Prix Thyde Monnier de la Société des gens de lettres et en 2014 par le Prix Joseph-Kessel. (Source : Wikipedia)

Site Wikipédia de l’auteur
Blog de Thomas B. Reverdy (ne semble plus être actualisé)

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L’Éveil de l’Ange

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L’Éveil de l’Ange
Éva Delambre
Tabou Editions
Roman érotique (public averti)
368 p., 16 €
ISBN: 9782363260338
Paru en novembre 2015

Où?
Le roman se déroule en France, à Paris et dans une belle propriété située dans un petit village au cœur de la Drôme.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Solange aime écrire, mais elle doute de son talent. Beaucoup trop selon son amie Axelle qui lui déniche un travail un peu spécial : rédiger les mémoires d’un dénommé Tristan Bussy ; et pour ce faire, résider dans sa propriété. Solange finit par se laisser convaincre. Elle était justement à la recherche d’un emploi. Sauf que celui-ci va s’avérer particulier. En effet, Tristan Bussy n’est pas un vieux monsieur et ses récits de vie sont d’un érotisme torride. De plus, il attend d’elle une implication très personnelle dans l’exercice d’écriture qu’il lui confie : il faudra qu’elle aussi se dévoile!
Peu à peu, Solange succombe au charme du séduisant quadragénaire, au point de s’engager lentement dans une relation charnelle aux accents de domination et de soumission. Mais elle est traversée de doutes : Tristan la désire-t-il réellement ou n’est-elle que son jouet ? Qu’attend-il réellement d’elle ?

Ce que j’en pense
***
La littérature érotique est un vaste domaine qui permet toutes sortes de variantes et de fantaisies. En quelques semaines, il nous aura été permis de découvrir deux pratiques totalement opposées, celle d’une femme libre de ses choix et de ses fantasmes, qui n’hésite pas à jeter ses amants comme un mouchoir usagé, quitte à mener une vie Décousue et celle d’une femme soumise, objet consentant des fantasmes de son Maître.
Éva Delambre nous propose en effet une sorte d’initiation au BDSM (abréviation de « Bondage, Discipline, Sado-Masochisme ») à travers le récit de Solange. Cette dernière vient de perdre son emploi de libraire lorsque son amie Axelle lui propose de répondre à un concours de nouvelles qu’elle va finir par remporter. Axelle, en jouant les entremetteuses a toutefois omis de mentionner que le prix consistait en un contrat de rédaction de récits érotiques.
Aussi Solange n’imagine guère ce qui l’attend lorsqu’elle débarque dans la belle propriété drômoise de Tristan Bussy. Mais après tout, elle entend bien profiter de ce voyage pour faire le point : « Quoi de mieux que de retrouver complètement déracinée, loin de tout repère familier et dans un contexte quelque peu déstabilisant, pour savoir ce qui était le mieux pour soi et ses véritables aspirations. »
Sans oublier que Tristan est séduisant et que la rédaction de ces récits est bien payée… Le piège peut se refermer sur Solange.
Car comme le maître dominateur Hieros le rappelle dans un article de Philosophie Magazine : « Le dominateur est un narrateur qui prend le pouvoir avec les mots. »
Alors Tristan parle, raconte et se faisant envoûte Solange qu’il a pris soin de débaptiser pour l’appeler Ange.
Après le premier récit, celle d’une femme rencontrée sur internet et dont on ne saura rien de plus que sa soumission dans une chambre d’hôtel, viendront les histoires de Carène, Camille, Jade, Alice et les autres.
Seule, quasiment obligée de se mettre dans la peau de celles dont elle doit retranscrire les faits et gestes, Solange sent bien qu’elle perd le contrôle de ses actes.
« J’étais pitoyable et le pire était que j’en avais conscience. Je pensais à toutes ces femmes qu’il m’avait racontées, toutes ces soumises si belles et si parfaites qui assumaient avec délice leur condition, qui ressentaient leur appartenance comme un privilège, un honneur. Je les imaginais si fières et si promptes à effectuer n’importe quel geste humiliant et rabaissant avec une élégance et une classe déconcertantes, tant pour elles, cela avait un sens profond, tant c’était là un symbole puissant. »
Après ce que l’on pourrait assimiler à un nettoyage de cerveau, l’ange est prêt à succomber à son tour. Elle veut ressentir à son tour la douleur mêlée au plaisir. Mais le contrat qui la lie à son Maître tient ici davantage de la mise en scène que de la vraie soumission. Il est aussi question de plaisir réciproque durant leurs échanges.
Si l’Ange s’éveille, c’est aussi en prenant conscience que cet épisode ne peut s’inscrire dans la durée : « J’avais aussi envie de partager d’autres choses, d’autres moments. Envie de discuter tard dans la nuit d’un film que nous aurions vu ensemble, envie de lire après lui les mêmes livres pour échanger nos idées, envie de chiner aux puces, envie de soirées, d’expos, de restaurants, envie de voyages à deux, de projets pourquoi pas. »
Là où la soumission aurait pu déboucher sur une expérience sectaire, voire – pour oser une image plus violente – sur un engagement de type djihadiste, on se rapproche des 50 nuances de Grey. L’expérience BDSM devient alors plus un jeu qui utilise les codes du genre sans sombrer dans les extrêmes. L’Ange parviendra-t-il à prendre son envol ? C’est ce que nous découvrirons dans le second tome à paraître.

Autres critiques
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Blog Kamana Dream Traveler
Blog Plume bleue
Blog Mes impressions de lecture
Onirik
Blog Le Monde enchanté de mes lectures
Carla-blog (site d’une soumise)

Extrait
« Il pouvait tout sur elle, il avait tous les droits. Il était son Seigneur et Maître, et jamais elle ne devait l’oublier. Elle était haletante, à la fois honteuse et terriblement excitée par la façon dont il la traitait. Il lui rappela sa condition, ce qu’elle était. Elle ne pouvait rien faire qu’acquiescer, la joue collée au sol.
Il finit par venir derrière elle et après avoir joué un peu avec ses doigts, il se protégea et la pénétra brutalement en la prenant par les hanches. Elle était pleinement passive. Les poignets et les chevilles douloureux à cause des cordes, la joue et l’oreille irritées par le frottement contre la moquette, et pourtant, elle coulait d’un désir hors norme. Ce désir qui naît dans la contrainte, l’humiliation et la douleur, dans l’abnégation et l’abandon de soi. Un désir trouble, que peu peuvent comprendre et encore moins ressentir. Un désir au-delà des conventions et des normes, qui se niche au creux du ventre et qui se nourrit de cette sensation de soumission et d’appartenance. Un désir qui gronde tant et tant en son antre qu’elle gémit de plaisir sans retenue. » (p. 60-61)

À propos de l’auteur
Éva Delambre est une jeune femme bien dans sa tête et bien dans son corps. De nature passionnée et curieuse, elle assume ses envies et ses penchants. Elle a fait ses premiers pas dans le BDSM il y a quelques années. C’est sa découverte de ce monde et son imagination fertile, associées à sa passion pour l’écriture, qui ont donné naissance à l’auteure qu’elle est maintenant. (Source : Tabou Editions)
Page Twitter de l’auteur

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Le cœur du problème

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Le cœur du problème
Christian Oster
Editions de l’Olivier
Roman
192 p., 17 €
ISBN: 9782879297798
Paru en août 2015

Où?
Le roman se déroule principalement en province, à Banville, Longeville, Grainville, Gélouville, Blagnon, Fourville, Le Ballu, mais également à Paris, Lyon et à Londres.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
En rentrant chez lui, Simon découvre un homme mort au milieu du salon. Diane, sa femme, qui, selon toute vraisemblance, a poussé l’homme par-dessus la balustrade, lui annonce qu’elle s’en va.
Elle ne donnera plus de nouvelles. Simon, resté seul avec le corps, va devoir prendre les décisions qui s’imposent. C’est lors de sa visite à la gendarmerie que Simon rencontre Henri, un gendarme à la retraite amateur de tennis. Une relation amicale se noue. Mais Simon est sur la réserve ; chaque mot, chaque geste risque d’être sévèrement interprété. S’engage alors entre les deux hommes une surprenante partie d’échecs.

Ce que j’en pense
****
Un faux polar, mais un vrai roman haletant. En nous racontant tout ce qui se passe dans la tête de Simon, le narrateur de cette histoire, Christian Oster parvient à nous entraîner dans une sorte de labyrinthe instrospectif dont il devient très difficile de sortir. Et pour cause !
Imaginez que vous rentrez chez vous et que vous trouviez un cadavre dans votre salon. Des morceaux de la balustrade du premier étage à ses côtés. Votre compagne, qui prend son bain, ne veut pas vous parler, sinon pour dire qu’elle va s’en aller, qu’elle a besoin de s’éloigner.
Voici par conséquent Simon confronté à une série de problèmes et tout autant de questions à résoudre : « Je sentais confusément que tout ce que je ferais à partir de maintenant modifierait la situation initiale dans un sens dont j’étais incapable de mesurer la portée. Je n’ai donc d’abord rien fait. »
Après avoir passé en revue diverses hypothèses, il se résout à faire disparaître le corps. Le congélateur de la voisine pose trop de problèmes logistiques, les pains de glace d’Ikea tout autant. Il décide par conséquent d’enterrer cet homme dans son jardin, sous le potager, en prenant bien soin d’y replanter ses tomates. Puis tenter de reprendre sa vie tranquille de conférencier et de parler du Moyen Âge à des auditeurs qui n’imaginent pas la tempête dans son cerveau.
Son ami Paul ne comprend pas plus son attitude un peu particulière. Mais ne seriez-vous pas un peu secoué après de tels événements. D’autant que Diane, la compagne de Simon, ne donne plus de nouvelles.
Au commissariat, on lui explique que ne peut lancer de recherches pour retrouver une personne qui a parfaitement le droit de voyager comme bon lui semble. Seul Henri, à la veille de prendre sa retraite, semble comprendre son désarroi.
Diane, sa compagne, va finir par le recontacter. Elle lui manque. Le voilà parti pour Londres où une partie du mystère va s’éclaircir, mais aussi le laisser au final à nouveau seul avec son cas de conscience. Alors, il essaie de s’occuper. « Il n’empêche, le vide était là. Et la frustration. Celle de ne pas mieux comprendre, surtout. De quelle façon on en était arrivés là. »
Il contacte des menuisiers pour réparer la balustrade, des agents immobiliers pour vendre cette maison qu’il ne veut plus habiter et accepte l’invitation d’Henri, désormais retraité, pour une partie de tennis.
Sauf que le match qui s’engage entre les deux hommes se joue d’abord en dehors du court. Henri a-t-il soupçonné quelque chose ou cherche-t-il un ami pour occuper ses journées de retraité ? Le jeu subtil du chat et de la souris peut commencer…
Un jeu subtil, retors, angoissant et pourtant assez addictif. Un jeu que maîtrise parfaitement l’auteur pour entraîner le lecteur sur les pas de Simon, sans que jamais ce dernier ne puisse se faire une opinion arrêtée. La mécanique est parfaitement huilée, on se régale !

Autres critiques
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Le Point
Entre les lignes (Radio suisse romande Espace 2 – Jean-Marie Félix)
Culturebox
Blog Fragments de lecture (Virginie Neufville)
Blog La lectrice à l’œuvre (Christine Bini)
Blog Les mots de la fin

Premières lignes
« Pour dire les choses vite, quand je suis rentré chez moi ce soir de juillet, il y avait un homme mort dans le salon. Pour les dire plus précisément, l’homme était allongé sur le ventre, à l’aplomb de la mezzanine où nous avions notre chambre, Diane et moi, et dont j’ai vu que la balustrade avait cédé. Nous devions depuis longtemps renforcer cette balustrade, qui commençait à présenter du jeu. Je sortais d’un rendez-vous de travail particulièrement improductif et j’étais plutôt de mauvaise humeur, si bien que ma première réaction a été une forme d’agacement, un peu comme si je venais de trouver le salon en désordre ou, pour être plus juste, comme si ce qui ressortait de ce que j’avais découvert avait prioritairement à voir avec le désagrément. J’ai rapidement pris conscience que l’homme était mort, du moins après l’avoir vérifié comme j’ai pu, palpation du pouls, test du miroir, constat d’un début de rigidité, mais l’agacement a persisté alors même que je me rendais compte de la gravité de la situation. Je tentais de me représenter, au-delà de cet écueil psychologique, les faits avec la plus grande objectivité, et je me suis mis en devoir, alors que je n’y parvenais pas encore, de les aborder de manière efficiente. » (p. 9)

A propos de l’auteur
Christian Oster est né en 1949. Prix Médicis 1999 pour Mon grand appartement, adapté au cinéma par Claude Berri, il est l’auteur de quatorze livres aux éditions de Minuit, dont, Loin d’Odile (1998), Une femme de ménage (2001), Trois hommes seuls (2008), Dans la cathédrale (2010). Il a également publié des romans policiers et de nombreux livres pour enfants à L’Ecole des loisirs. (Source : Editions de l’Olivier)

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Nous

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Nous
David Nicholls
Belfond
Roman
traduit de l’anglais par Valérie Bourgeois
400 p., 22 €
ISBN: 9782714459497
Paru en avril 2015

Où?
Le roman se déroule en Grande-Bretagne, principalement à Londres, Whitechapel, Balham, Kilburn, Ipswitch ou encore Reading. Il évoque aussi les voyages du couple effectués en Crète, à Prague, à Lyon, à Inverness et l’île de Skye en passant par Euston, Preston et Carlisle. Mais les étapes les plus importantes sont celles qui traversent l’Europe à l’occasion du Grand Tour : Paris, Bruxelles, Amsterdam, Munich, Innsbruck, Vérone, Venise, Florence, Sienne, Madrid et Barcelone.

Quand?
L’action se situe de nos jours et retracent notamment les vingt dernières années.

Ce qu’en dit l’éditeur
Après le phénoménal succès d’Un jour, David Nicholls, sacré auteur britannique de l’année aux National Book Awards, fait son grand retour avec une comédie douce-amère irrésistible qui a déjà ravi le cœur du monde entier.
Paris, Amsterdam, Munich, Vérone, Venise, Florence, Rome, Naples. Le Louvre, le musée Van-Gogh, la place Saint-Marc. Terrasses ensoleillées, trattorias bondées : l’été s’annonce chargé pour les Petersen.
Douglas, le père, est extatique.
Connie, la mère, est plus mesurée.
Pour Albie, leur fils de dix-sept ans, c’est carrément l’enfer.
Et pour tous, c’est peut-être l’occasion d’un nouveau départ.
Douglas le sait, c’est sa dernière chance de prouver que derrière le biochimiste coincé se cache un mari attentionné et un père superfun.
Connie, elle, va devoir affronter le souvenir de celle qu’elle était, cette étudiante en art qui sillonnait l’Europe en quête de folles expériences. Et celle qu’elle est devenue, une épouse rangée qui voudrait bien passer à autre chose.
Quant à Albie, grand photographe en herbe, entre fugues et passion amoureuse, arrivera-t-il à renouer avec son père et à voler enfin de ses propres ailes ?
Crise de la cinquantaine, crise de couple, crise d’adolescence : Nous, c’est vous.

Ce que j’en pense
****
« La classe moyenne est condamnée… » Disant cela, Douglas Petersen ne parle pas seulement de lui, ni même de la vie qu’il a menée jusque là aux côtés de son épouse Connie et de leur fils Albie, maintenant âgé de 17 ans. Non, il dresse le constat lucide de cet emballement économique et social qui, au début du XXIe siècle, paie un lourd tribut à la mondialisation et à la technologie galopante.
Une crise qui est à l’image de celle que traverse son couple. Après une belle histoire, la rencontre du scientifique et de l’artiste, leur mariage, leur installation dans une grande maison en grande banlieue de Londres, la naissance de leur fils, leurs voyages et leur chien baptisé M. Jones.
Seule ombre au tableau, mais de taille, la mort de Jane, cette fille qui leur a été arrachée à la naissance et qui laissera une très douloureuse cicatrice.
Au fil des ans, à la lassitude et à la routine viendront s’ajouter les différences du vues sur l’éducation d’Albie, source de conflits de plus en plus fréquents à mesure que les résultats scolaires répondent de moins en moins aux attentes et aux ambitions de Douglas.
Connie décide de le quitter, ne voyant pas d’issue heureuse possible. Toutefois, avant cette rupture Douglas parvient à persuader sa femme et son fils d’entreprendre le Grand Tour qu’il a préparé. Ces dernières vacances en famille, à parcourir l’Europe et découvrir les plus beaux musées, pourraient tout changer : « Je n’avais pas osé m’appesantir sur cette idée, mais en entreprenant ce voyage, j’espérais qu’il restaurerait en quelque sorte mon couple, ou même qu’il inciterait Connie à revenir sur sa décision. »
Mais dès la première étape à Paris, les divergences se font jour. Albie n’imagine pas suivre ses parents de musée en musée, Douglas prend trop au sérieux son rôle de Grand organisateur et Connie ne eut que constater qu’entre leur premier voyage en amoureux dans la capitale française et ce remake, l’atmosphère s’est alourdie.
Après avoir essayé de faire bonne figure, après avoir tenté, de Bruxelles à Amsterdam, de retrouver une certaine insouciance, il faut bien se rendre compte que le fossé est trop profond.
Alors qu’Albie décide de faire son propre Grand Tour avec Kat, une violoniste rencontrée quelques jours plus tôt, Connie abandonne à son tour «…ce voyage ne me rend pas heureuse, justement. C’est… C’est trop dur, et on ne se sent pas vraiment en vacances quand on a l’impression d’être enchaîné à quelqu’un. J’ai besoin d’air pour réfléchir. Je veux rentrer à la maison. »
Pour Douglas, il reste une seule et dernière occasion de montrer qu’il est un héros : ramener son fils à la maison.
On passera sur les épisodes marquant cette quête d’Italie en Espagne, pour souligner le talent de David Nicholls qui, avec cet humour si british, donne à son épopée – pourtant réaliste – un aspect si cocasse qu’on prend grand plaisir à le suivre. De rebondissements en rebondissements, jusqu’à l’ultime pirouette, on apprend à aimer ce looser magnifique. Au point que l’on se prend à rêver, en refermant le livre, pouvoir lire un jour la suite de ses aventures.

Autres critiques
Babelio
L’Express
Les Echos
24 heures (Suisse)
Blog Mille vies en une
Blog Chroniques d’une chocoladdict

Extrait
« Oh, la suffisance et l’arrogance des nouveaux parents ! Voyez comme nous sommes doués ! Laissez-nous vous montrer comment il faut faire ! Je suis persuadé que mon père et ma mère avaient voulu donner des leçons similaires à mes grands-parents, qu’il en a toujours été ainsi avant eux, et qu’il en sera toujours ainsi. Et je ne doute pas qu’Albie sera un jour impatient de régler ses comptes avec moi et de pointer quelques-unes de nos – de mes – erreurs. Sans doute chaque génération se pense-t-elle plus futée que la précédente. »

A propos de l’auteur
Né en 1966, David Nicholls a d’abord envisagé une carrière d’acteur avant de se tourner vers l’écriture. Il a été scénariste pour la télévision, signant notamment les adaptations BBC de Beaucoup de bruit pour rien et de Tess d’Uberville, et, pour le cinéma, les adaptations de la pièce de Sam Shepard, Simpatico, des Grandes Espérances, ainsi que de deux de ses romans, Pourquoi pas ? et Un jour. Après le succès critique et commercial international d’Un jour (Belfond, 2011 ; 10/18, 2012) et la découverte de ses premiers romans, Pourquoi pas ? (Belfond, 2012 ; 10/18, 2013) et Pour une fois (Belfond, 2013 ; 10/18, 2014), Nous, sélectionné pour le prestigieux Man Booker Prize, est son quatrième roman à paraître en France. David Nicholls vit à Londres avec son épouse et leurs deux enfants. (Source : Editions Belfond)

Site Wikipédia de l’auteur

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Pardonnable, impardonnable

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Pardonnable, impardonnable
Valérie Tong Cuong
Jean-Claude Lattès
Roman
336 p., 19 €
ISBN: 9782709646086
Paru en janvier 2015

Où?
L’action se déroule en France, dans une petite ville vers le Nord qui n’est jamais nommée.

Quand?
Le roman se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Un après-midi d’été, alors qu’il se promène à vélo sur une route de campagne, Milo, douze ans, chute et se blesse grièvement.
Ses parents Céleste et Lino et sa grand-mère Jeanne se précipitent à son chevet. Très vite, chacun va chercher les raisons de l’accident. Ou plutôt le coupable. Qui était avec lui ce jour-là ? Pourquoi Milo n’était-il pas à sa table, en train de faire ses devoirs, comme prévu ?
Tandis que l’angoisse monte autour de l’état de Milo resurgissent peu à peu les rapports de force, les mensonges et les petits arrangements qui sous-tendent cette famille. L’amour que chacun porte à l’enfant ne suffira pas à endiguer la déflagration. Mais lorsque la haine aura tout emporté sur son passage, quel autre choix auront-ils pour survivre que de s’engager sur le chemin du pardon ?
Un roman choral qui explore la difficulté à trouver sa place au sein du clan, les chagrins et la culpabilité, mais aussi et surtout la force de l’amour sous toutes ses formes.

Ce que j’en pense
****
Avant de réviser sa leçon d’histoire avec sa tante Marguerite, l’archéologue, Milo a pris son vélo pour aller cueillir des fleurs pour Céleste. Dans la descente, l’enfant chute lourdement. Il se retrouvera dans le coma.
Autour de son lit se rassemblent tous les proches, à commencer par les parents et grands-parents. Tous vont essayer de comprendre ce qui s’est passé.
Valérie Tong Cuong a la bonne idée de donner la parole successivement à tous les personnages de ce drame, offrant au lecteur les différents points de vue et surtout la diversité des jugements.
Céleste vient de voir le ciel s’effondrer une seconde fois sur elle. Après avoir perdu un premier enfant, elle doit désormais se battre pour ne pas en perdre un second. Car les médecins restent très circonspects. On se rend très vite compte qu’elle ne pourra pas vraiment compter sur son mari Lino qui a déjà été condamné et qui essaie d’oublier ses déboires dans l’alcool, tant il se sent « méprisé, envahi, exploité par sa belle-famille. » Alors il se morfond, alors il rumine ses angoisses, sa rage, sa douleur. Il se tait, comme après cet arrachement dont il a été victime avec Céleste : «Nous étions tous plongés dans l’indicible, l’indicible a laissé la place à l’inexplicable, puis à l’autocensure. Dans tous les cas : le silence. »
Un silence qui va pourtant être brisé, car il est des questions qui demandent une réponse, notamment lorsque l’on comprend que le scénario de l’accident est d’abord le fruit de l’imagination de Marguerite. Pourquoi a-t-elle caché qu’elle avait organisé une course avec son neveu ? Pourquoi a-t-elle repoussé la leçon d’histoire ? Et pourquoi a-t-elle si peur du jugement de sa mère ?
Avec beaucoup de maestria, l’auteur rassemble les pièces du puzzle et découvre les secrets de famille dont chacun des protagonistes est peu ou prou dépositaire et victime.
« Il est si difficile de composer avec une vie dont on ne détient que des fragments, quand on n’a même pas idée de ce qui nous échappe, quand tout autour de nous n’est constitué que de pièces manquantes dont on ignore les contours.» expliquera Céleste quand elle commencera à comprendre pourquoi ses parents on fait d’elle leur fille préférée et choisi de délaisser Marguerite.
Tandis que Milo réclame sa tante – que la famille a choisi de bannir – toute la construction soigneusement bâtie à coups de non-dits ou de mensonges vole en éclats. Marguerite aimerait pouvoir répondre au vœu de Milo, avoir voix au chapitre. Auprès de Gustavo, le médecin qui soigne l’enfant, elle va se confier, tenter d’expliquer son comportement.
Les amateurs de psycho-généalogie trouveront dans ce roman une belle illustration de la charge émotive qui, de génération en génération, peut affecter une famille. Une grande réussite, finement ciselée.

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Extrait
« On avait ce jeu tous les deux, pardonnable, impardonnable. Tu voles dans mon porte-monnaie : pardonnable. Un hold-up : pardonnable. Tu as commis un homicide involontaire : pardonnable. Un meurtre : pardonnable. Un assassinat, je viendrai te voir en prison ! On cherchait pour quel motif on pourrait bien se laisser tomber, lui et moi, on n’en voyait aucun : tout ce qui pourrait arriver de mauvais ou de contrariant, à l’un comme à l’autre, aurait forcément une explication, sinon une justification. Ce qui est bien, disait Milo en collant son nez dans mon cou, c’est de savoir que quelqu’un sera là pour toi quoi qu’il arrive, qu’au moins une personne au monde ne cessera jamais d’avoir confiance en toi. Ce qui est bien, répondais-je, c’est de savoir qu’une personne au monde, rien qu’une seule, tient à toi pour toujours. Quoi qu’il arrive. »

A propos de l’auteur
Valérie Tong Cuong a travaillé huit ans en entreprise avant de se consacrer à l’écriture et à la musique. Elle a publié plusieurs romans, dont les très remarqués Providence et L’Atelier des miracles ainsi que des nouvelles. Elle écrit également pour le cinéma et la télévision. Pardonnable, Impardonnable est son dixième roman. (Source : Editions JC Lattès)

Site Internet de l’auteur
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Un homme dangereux

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Un homme dangereux
Émilie Frèche
Stock
Roman
288 p., 19,50 €
ISBN: 9782234079854
Paru en août 2015

Où?
Le roman se déroule principalement à Paris. Alger, Tanger et Essaouira sont les étapes de tournage d’un film. Des voyages à Nice, au Mexique, à Belgrade sont également évoqués dans le roman ainsi que le Grand-Bornand, Venise, Marrakech ainsi que Ramatuelle et Bénerville.

Quand?
L’action se situe de nos jours, dans une période que l’on peut situer de 2013 à 2015.

Ce qu’en dit l’éditeur
« – Maintenant que tu as vraiment quitté ton mari, on va pouvoir parler. Je veux que tu deviennes ma femme. Je t’aime, je veux vivre avec toi, mais avant, il faut que tu laisses tes enfants.
– Pardon ?
– Je suis sérieux. Il faut que tu les laisses à leur père, je te dis ça pour leur bien. Elles seront très heureuses avec lui ; ils partiront vivre en Israël, ce sera beaucoup plus simple, et tu iras leur rendre visite pour les vacances.
– T’es complètement malade.
– Tu sais bien que non, puisque c’est comme ça que ça va se terminer pour les juifs de France. Sept mille juifs sont partis rien que cette année, c’est moi qui l’invente ? Bientôt, il n’y aura plus de juifs en France. Plus un seul juif. Tu te rends compte, un peu ? Le grand rêve de Vichy réalisé par des Merah, des Nemmouche, des Kouachi. Que des petits-enfants de bicots qu’on a fait venir du bled pour assembler des boulons, et qui feront mieux que les idéologues du Troisième Reich, sans même avoir besoin de vous mettre dans des trains. Tout ça simplement en jouant avec votre peur. Quelle intelligence ! Quelle économie, surtout. La France nettoyée pour pas un rond.»
« Pourquoi est-on toujours attiré par les histoires qui ne sont pas faites pour nous ? »

Ce que j’en pense
***
En juin 2013 Émilie Frèche se rend au Lutetia pour la remise du Prix Orange (pour son roman Deux étrangers). Parmi les auteurs présents, le chroniqueur du Point Patrick Besson. C’est sans doute lui l’homme dangereux décrit dans ce nouveau livre écrit en deux ans. Les indices sont en effet légion et le petit milieu de l’édition et des médias parisiens pourront en faire leurs choux gras. Certains ne s’en sont du reste pas privés.
Concentrons-nous pour l’heure sur ce qui fait le vrai sel de cette histoire, à savoir l’imbrication de la vie dans la littérature et vice-versa : «– C’est fini entre nous, Adam. Je te quitte. » Cette phrase prononcée page 257, l’auteur l’aura imaginée tant de fois, essayé de savoir comment cette rupture pourrait se dérouler, comment son mari et sa fille réagiraient, quelles pourraient être les conséquences. Car elle en était sûre, il ne pouvait en être autrement. Les circonstances, l’emprise que Benoît Parent exerce sur elle et l’usure de sa vie de couple devaient forcément mener à cette extrémité. «J’ai compris alors, en prononçant cette phrase, que je n’étais plus dans la réalité mais dans le roman que je n’avais pu achever en raison de mon accident à l’épaule, et j’ai eu la sensation horrible d’être passée du côté de la folie, car cela signifiait que je n’écrivais plus ma vie – ce qui était déjà en soi une maladie – mais que j’inventais des choses pour pouvoir les vivre, comme si mon existence ne suffisait plus, comme si à force de m’en être servie, je l’avais épuisée. »
De ce seul point de vue, le roman a déjà quelque chose de fascinant. Mais l’onde de choc qu’il provoque se démultiplie par la relation amour-haine entretenue au fil des pages.
Le hors d’œuvre nous est en quelque sorte livré par une rencontre opportune un soir de salon du livre déprimant et la relation qui s’ébauche avec un ancien copain, l’amant gentil.
Mais après la routine de la vie de couple vient la routine de la liaison extra-conjugale. Pour un faire un bon roman, il faut davantage de sel à l’histoire. C’est là qu’intervient un écrivain plus âgé, un chroniqueur impertinent doublé de relents antisémites. Autrement dit tout ce qu’une romancière, réalisatrice et essayiste, essayant d’analyser pourquoi les juifs continuent d’être persécutés, doit à priori rejeter.
Mais avant de condamner, ne faut-il pas essayer ? Si tout son entourage la met en garde, cette relation n’en devient-elle pas plus excitante ?
Jusqu’à cette scène de la chambre d’hôtel ou l’entraîne Benoît et où elle l’attend nue sous les draps, on va partager son attente, sa frustration, sa colère et son désir.
Après l’humiliation qu’elle va subir, on se dit que cette fois elle a compris. Qu’elle n’ira pas plus loin.
Sauf qu’il faut alimenter le livre qu’elle a entrepris d’écrire et il lui manque des éléments. Ne faut-il pas les vivre ? Et qui du roman ou de la vie aura le dernier mot…
Je vous laisse le découvrir, non sans souligner le côté prémonitoire de ces lignes écrites en août dernier avec le sentiment qu’un monde était définitivement mort : « Le nombre de chômeurs avait encore augmenté, d’autres affaires de corruption avaient éclaté, l’extrême droite était devenu le premier parti de France, l’âge moyen des candidats au Djihad était passé à quinze ans, de plus en plus de filles de convertis se disaient prêts à mourir pour la « cause » tandis qu’un peu partout en France, des mosquées étaient vandalisées et des imams insultés, quant aux juifs, il continuaient à se faire tirer dessus parce que juifs mais ils étaient moins nombreux car beaucoup avaient quitté les pays ».

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Extrait
« Le Lutetia ? Le Bel Ami ? Le Montalembert ? Le Montalembert, je connais bien la directrice, on aura une belle chambre, a-t-il dit, mais allez savoir pourquoi, il s’est arrêté dans la rue Stanislas devant un petit hôtel du même nom, deux étoiles, dont la porte vitrée n’était pas plus large que celle d’un cabinet de toilette et il m’a dit entre. La chambre standard était à quatre-vingt-cinq euros pour deux personnes, petit-déjeuner inclus. Il m’a demandé ma carte de crédit. Sur le coup, j’étais tellement troublée que je n’ai pas bien compris pourquoi, mais j’ai obéi tout de même, sorti mon portefeuille et réalisé que ma Visa avait expiré – qu’allait-il bien pouvoir penser de moi ? Je lui ai donné celle d’Adam, c’était la seule qui fonctionnait. Sans la regarder, Benoît l’a tendue au réceptionniste en précisant que nous resterions pour le week-end. J’ai compris à ce moment-là seulement que c’était cet hôtel. Cet hôtel-là, pourri, qu’il avait choisi, et qu’il faisait payer à mon mari. Mais je n’ai pas protesté. J’étais trop médusée, complètement sidérée par le fait d’avoir osé donner sa carte et d’être maintenant incapable de la récupérer. Le petit homme au pull en laine, derrière son comptoir, a pris une empreinte au sabot, à l’ancienne, et je ne l’en ai pas empêché. Je crois que j’avais le cœur qui battait trop fort. Il nous a demandé ensuite nos passeports et si nous avions des bagages, des questions, une connaissance approximative du quartier, je me suis dit alors que ça ne s’arrêterait jamais, que non, jamais il ne nous laisserait monter, mais au bout d’un moment, je me suis tout de même retrouvée dans cet escalier minuscule, devançant Benoît qui, avec sa tête, s’amusait à me toucher les fesses, et malgré mon absence totale de désir j’ai pensé c’est bien, c’est très bien, c’est parfait, il faut y aller maintenant, il faut le faire, une fois que ce sera fait, ce sera terminé. La chambre se trouvait au troisième étage, sur un palier à peine plus grand qu’une cabine d’ascenseur. Benoît m’a demandé de m’écarter, ce que j’ai fait comme j’ai pu, en me positionnant dans la partie de l’escalier qui montait au quatrième, et il a glissé la clef dans la serrure. La porte s’est ouverte lentement. Depuis ma place, j’ai pu tout de suite avoir une vue d’ensemble, en plongée, de la chambre – ses dimensions, ses couleurs ternes, ses meubles rustiques, et même au-delà, un aperçu de la façade lézardée de la cour aveugle sur laquelle nous donnions ; je ne crois pas qu’on pouvait faire plus sordide.
– Merde, a juré Benoît, j’ai oublié mes médicaments. Il y a une pharmacie juste en bas, tu ne voudrais pas aller me les chercher ?
– Oui, si tu veux. Il m’a regardée un instant, puis il s’est corrigé :
– Non, en fait, je préfère y aller moi. Je n’ai pas d’ordonnance, il faut que je leur explique. Je reviens tout de suite, d’accord ? Tout de suite, tout de suite ! Déshabille-toi, mets-toi nue sous les draps et attends-moi.
J’ai acquiescé d’un signe de tête. Il avait déjà disparu. »

A propos de l’auteur
Émilie Frèche est romancière. Elle est l’auteur, entre autres, de Deux étrangers (prix Orange 2013 et prix des lycéens d’Île-de-France 2013). (Source : Editions Stock)

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Je meurs de ce qui vous fait vivre

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Je meurs de ce qui vous fait vivre
Paul Couturiau
Presses de la cité, coll. Terres de France
Roman
400 p., 20 €
ISBN: 9782258117549
Paru en septembre 2015

Où?
Le roman se déroule principalement à Paris et Neuilly et Versailles et Saint-Maur-des-Fossés et Créteil, mais également au Puy, à Saint-Etienne ainsi qu’à Bruxelles, Robert-Espagne en Lorraine, à Londres et en Italie, entre Trente et Vérone.

Quand?
L’action se situe de 1855, année de naissance de l’héroïne à 1887, l’année où elle quitte ses fonctions à la tête du Cri du peuple.

Ce qu’en dit l’éditeur
De la jeune fille éprise de liberté à la brillante plume engagée, de la « petite graine d’aristo » à l’égérie d’écrivain… Amante, femme, journaliste, collaboratrice et amie de Jules Vallès…
En sept années décisives, le roman d’une émancipation, le roman de Séverine, femme d’exception.
Quand le garde du jardin des Tuileries lui lançait : « Où tu vas ? », la petite Line répondait : « Sais pas… tout droit. » Devenue adulte, elle choisit la défense de la vérité et, pour la faire éclater, elle apprit, auprès de l’écrivain Jules Vallès, l’art de mêler l’acide à l’encre. Parce que ses parents lui interdisaient de devenir journaliste, elle choisit de mourir. Mais le geste désespéré fut acte fondateur. La petite Line céda la place à Séverine. Séverine allait devenir l’une des figures féminines les plus libres de son temps, une voix au service du peuple. Une femme qui savait où elle allait : tout droit !
De 1881 à 1888, en sept années décisives, le portrait d’une femme de passion et d’exception.

Ce que j’en pense
***
Grâce à beaucoup de ténacité et aussi un peu de chance – la découverte dans des cartons des papiers laissés par Séverine – Paul Couturiau nous offre une biographie romancée de la première femme dirigeant un journal, après avoir été sans doute aussi l’une des premières journalistes.
Séverine est née Caroline Rémy en 1855. Durant ses premières années elle voit son père, inspecteur des nourrices, se battre contre ce qui alors semblait une fatalité : le décès de nombreux nouveaux-nés, faute d’hygiène ou de soins. Un combat inégal, car souvent il se fait sans soutien de sa hiérarchie. Une expérience qui va marquer durablement la jeune fille et la pousser à s’engager pour les plus démunis, même si c’est la rencontre avec Jules Vallès qui va décider de son existence.
Lors d’un séjour à Bruxelles, elle croise l’homme dont elle admire les idées et le parcours. Il va l’encourager à travailler à ses côtés.
Mais ses parents ne l’entendent pas de cette oreille. Aussi courageuse qu’entêtée, elle décide alors de mettre fin à ses jours. Une tentative de suicide manquée, mais une liberté gagnée. Ses parents ne s’opposent plus à ce qu’elle soit journaliste, mieux son second mari, Adrien Guebhard, va mettre une partie de sa fortune dans la création du quotidien Le Cri du peuple.
Qu’il me soit ici permis de passer sur l’épisode pourtant très traumatisant de son premier mariage avec Antoine-Henri Montrobert et du désir de vengeance qui l’avait habitée alors pour en venir au vrai thème du livre, la passion dévorante de Séverine pour son métier. Un engagement qui se fera aux dépens de sa famille : « Caroline s’intéresserait à ses fils quand ceux-ci seraient en âge de raisonner. Adrien l’avait bien compris. Peut-être serait-il trop tard. Peut-être serait-ce leur tout de la tenir à distance. Il lui reviendrait, alors, de leur faire comprendre qu’elle les avait toujours aimés – à sa manière, comme ses parents l’avaient aimée à la leur. »
Les pages qui racontent les débuts du quotidien, la chasse aux informations et les rencontres avec les Zola, Richepin, Pissarro, Manet, Cézanne, celles qui décrivent les durs combats à mener aussi bien contre les autorités en tout genre que celles menées en interne pour faire admettre la ligne ouverte à tous les socialismes du journal sont passionnantes et débouchent sur ce qu’aujourd’hui on appellerait un scoop : le reportage que Séverine entreprend après l’incendie du théâtre de l’Opéra-Comique et qui conduira à un procès retentissant.
On retrouve ici l’esprit de La Part des flammes de Gaëlle Nohant et cet engagement total qui finit par user et détruire. Sans oublier les préjugés liés à son sexe et qui font qu’ « une femme doit toujours en faire plus pour être reconnue à sa valeur. »
Quelle vie ! Quelle épopée ! Quel combat !

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Extrait
« Rencontré à Bruxelles, où il endurait son exil, retrouvé à Paris, où il s’était empressé de rentrer au lendemain de la promulgation de la loi d’amnistie, l’ancien Communard était devenu un familier. Son œil sagace avait vite perçu que la graine d’aristo cultivée par les Rémy s’épanouirait en une formidable fleur de barricade. Les mots confiés au papier avaient été répétés à voix haute :
« Il faut travailler, ma petite.
— Mais, monsieur Vallès, où ça ? Comment ?
— Avec moi, voulez-vous ? »
Caroline n’en demandait pas plus. Pour commencer, elle avait recopié les manuscrits du « patron ». Elle avait appris les subtilités du style et de l’écriture ; elle avait découvert l’art de mêler l’acide à l’encre. L’eau au vin, aussi, car Vallès n’avait pas menti : il était un maître exigeant. Tyrannique. Capricieux.
Nul n’avait trouvé à redire à cette collaboration contre nature. Les Rémy s’étaient presque félicités que leur fille ait, enfin, trouvé le moyen de canaliser son insoumission.
Malheureusement, Caroline ne connaissait pas la retenue. Voilà que sa nouvelle distraction avait tourné à la passion. Et ce diable de Vallès n’aidait pas à calmer le jeu – plus Caroline donnait, plus il exigeait d’elle.
Quand la jeune femme avait annoncé son désir de se lancer dans le journalisme avec son mentor, la famille s’était indignée. Il y avait des limites, tout de même ! Un journal avec Vallès aux commandes ? Il était facile de deviner à quoi ressemblerait son contenu ! Pour Joseph Onésime Rémy, son père, plus que la honte, c’était le ban d’infamie qui leur était promis ! Elle avait été sommée de renoncer et de rentrer dans le droit chemin. » (p. 12-13)

A propos de l’auteur
Paul Couturiau fut successivement traducteur, conseiller littéraire, directeur des Editions Claude Lefrancq (Bruxelles) et directeur du département Traditions aux Editions du Rocher. Il se consacre aujourd’hui exclusivement à l’écriture. Paul Couturiau s’est longtemps essayé – et avec succès – au genre policier. Lauréat du Grand Prix de littérature policière en 1993 pour son premier roman, Boulevard des ombres (Editions du Rocher, 1992), il n’a depuis cette date jamais cessé d’écrire. Il a publié aux Presses de la Cité un grand roman d’aventures dans l’Empire chinois du XVIIIe siècle, Le Paravent de soie rouge et Le Paravent déchiré (Presses de la Cité, 2003). Dans la collection Terres de France, il est l’auteur d’En passant par la Lorraine (2003), L’Abbaye aux loups (2010) et Les Silences de Margaret (2011), dont l’intrigue se déroule en Lorraine. (Source : Presses de la Cité)

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La clef sous la porte

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La clef sous la porte
Pascale Gautier
Editions Joëlle Losfeld
Roman
192 p., 16,50 €
ISBN: 9782072624827
Paru en août 2015

Où?
Le roman se déroule en France, à Cogolin et Laragne ainsi qu’à Bouffémont « dans la bienheureuse banlieue » et à Montfavet où « le ragot est la spécialité locale », vers Le Trou, vers Gleize comme vers Lagarde ou La Brèche. Un faits divers à Avignon est également mentionné.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
José, retraité solitaire et endurci, vit devant la télé. Ferdinand, dont la vie sonne aussi mal au bureau que dans son univers familial, subit une femme volage et une fille ado, véritable tête à claques qui le déteste. Auguste, la cinquantaine, est pris en tenaille entre une mère tyrannique et un père plutôt faible. Et Agnès, la quarantaine, toujours amoureuse d’hommes mariés, doit se rendre au chevet de sa mère qui agonise. Ses trois frères, des fardeaux qu’elle redoute, la supplient de venir à l’hôpital…
Pascal Gautier exploite l’un de ses thèmes de prédilection, ancien comme l’histoire de l’humanité : la relation parents / enfants, souvent ingérable, mais qui fournit à l’écrivain une source d’inspiration inaltérable, caustique et tendre. Après l’immense succès du roman Les vieilles, La clef sous la porte est, au vu du titre, une suite logique ou plutôt une sorte de retour sur le passé. Les personnages, doués d’une certaine espérance, se débattent afin de ne pas perdre pied. Aussi arriveront-ils, chacun à sa façon, à mettre la clef sous la porte et à choisir la liberté.

Ce que j’en pense
**
Chronique de la vie ordinaire en province, ce roman porte un regard amer sur les vies des petites gens. Loin de grands rêves de gloire, d’ambitions démesurées ou d’un destin fabuleux, le quotidien de José, Ferdinand, Auguste et les autres se limite surtout à se plaindre. Toute la litanie des petits soucis et des grands débats y passe : les impôts, les étrangers, la sécurité, les coût de la vie, la hiérarchie, la vie de couple, l’éducation ou encore la difficulté qu’il y a à communiquer avec les adolescents. Carla, la fille de Ferdinand, en est du reste l’illustration, presque jusqu’à la caricature. Elle est déjà sans illusions et presque sans avenir. C’est du moins l’impression de son géniteur : « C’est toujours facile de critiquer. Il sait qu’elle le prend pour un vieux débris. Depuis des siècles, la majorité des gens râle parce qu’elle n’a pas les mêmes avantages que ceux qu’elle envie. Ce n’est pas par conviction, idéal et tout le bazar. Il n’est quand même pas né de la dernière pluie, Ferdinand ! »
Seulement voilà, il arrive un jour où l’envie de se débarrasser de ses chaînes l’emporte sur la peur de l’avenir. Le jour où on se dit qu’après tout, on n’a plus rien à perdre, que quitte à mourir au moins on aura vécu quelque chose d’intéressant. Faut-il vraiment prendre son ticket dans la salle d’attente ? Faut-il vraiment accourir dès que sa mère annonce qu’elle est à l’article de la mort ? Faut-il continuer à vivre avec une épouse qui vous trompe allègrement ?
En répondant par la négative, l’auteur nous donne à goûter le parfum de l’évasion, (même s’il ne s’agit que d’une escapade au volant d’une camionnette) et nous offre une salutaire bouffée d’air du large. Vivifiant !

Autres critiques
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Extrait
« Il s’appelle Auguste. Un prénom qui prête à sourire. Pourtant, auguste est celui qui inspire un grand respect, de la vénération, ou qui en est digne. Auguste était le prénom de son grand-père, le père de sa mère. Et le prénom de son arrière-grand-père, le grand-père de sa mère. Et on pouvait remonter comme ça jusqu’au Moyen Âge, une tradition dans la famille. À l’école, qu’est-ce qu’on avait pu se moquer de lui! L’enfance est cruelle. Aujourd’hui, il en sourit. Une de ses collègues s’appelle bien Prune. Il est professeur. Un métier qui a évolué depuis quelques décennies. Il y a du bon, il y a du mauvais. Son grand-père Auguste a fait la guerre, celle de 1914. Il en est sorti vivant et indemne. Un miracle. Un grand-père auguste, qui a ensuite adopté, comme sa propre fille parmi ses propres filles, une enfant juive pendant l’Occupation. Un grand-père juste. Infiniment bon et humain. Dont l’ombre lourde, marmoréenne, pèse. Il n’a rien d’auguste, lui, il le sait bien. Le monde d’hier n’est pas celui d’aujourd’hui. Il affectionne ces répliques frappées au coin du bon sens.
Pas de guerre, pas d’Occupation. Le quotidien. Le boulot. Les vacances. Le métro. Le dodo. L’être humain a rétréci. C’est peut-être ça le progrès. Devenir tout petit petit. Sûr, lui, personne ne se souviendra de lui dans cinquante ans. Mais à quoi ça sert de penser à tout ça ? Dans cinquante ans, c’est pas maintenant. Et avant-hier, c’est pas maintenant non plus.. » (p. 10)

A propos de l’auteur
Pascale Gautier, admiratrice de Raymond Queneau et de Thomas Bernhard, sait manier la narration comique avec brio. Derrière l’humour, il y a toujours quelque chose de profond qui a l’apparence de la légèreté. Directrice littéraire aux Éditions Buchet / Chastel, elle est l’auteur aux Éditions Joëlle Losfeld de Trois grains de beauté, qui a reçu le Grand Prix SGDL du roman, Fol accès de gaîté et Les vieilles. (Source : Editions Joëlle Losfeld)

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Les vies multiples d’Amory Clay

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Les vies multiples d’Amory Clay
Willian Boyd
Editions du Seuil
Roman
Traduit de l’Anglais par Isabelle Perrin
528 p., 22,50 €
ISBN: 9782021244274
Paru en octobre 2015

Où?
Le roman se déroule principalement au Royaume-Uni, à Londres et dans les faubourgs, «non loin de Claverleigh, dans l’East Sussex, entre Herstmonceux et Battle», à Hastings, Amberfield, Brighton, Hove ainsi qu’en Ecosse, à Edimbourg et environs et sur les Hébrides pour finir sur l’île de Barrandale. Les épisodes suivants des vies multiples d’Amory vont la mener à Berlin, au Costa-Rica, en France à Paris, en Provence, à l’ouest de Strasbourg ainsi qu’à Bordeaux et Biarritz. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, Amory retournera en Allemagne à Wesel, avant de passer par les Pays-Bas puis Bruxelles. Les Etats-Unis avec notamment New-York et la Californie, notamment au nord de Los Angeles, à Glenbrook, le Vietnam, sans oublier l’évocation de vacances à Rome.

Quand?
L’action se situe de 1908 à 1983, de la naissance à la mort d’Amory Clay.

Ce qu’en dit l’éditeur
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la très jeune Amory Clay se voit offrir par son oncle Greville un appareil photo et quelques conseils rudimentaires pour s’en servir. Elle ignore alors que c’est le déclencheur d’une passion qui façonnera irrévocablement sa vie future.
Un bref apprentissage dans un studio et des portraits de la bonne société laissent Amory sur sa faim. Sa quête de vie, d’amour et d’expression artistique l’emporte bientôt dans un parcours audacieux et trépidant, du Berlin interlope des années vingt au New York des années trente, de Londres secoué par les émeutes des Chemises noires à la France occupée et au théâtre des opérations militaires, où elle devient l’une des premières femmes photoreporters de guerre.
Sa soif d’expériences entraîne Amory vers d’autres conflits, des amants, un mari, des enfants, tandis qu’elle continue à poursuivre ses rêves, à combattre ses démons.
À travers le destin singulier et l’objectif téméraire d’une femme indépendante et généreuse, William Boyd nous promène au gré des événements les plus marquants de l’histoire contemporaine.
Une ode magnifique à la liberté des femmes !

Ce que j’en pense
****
Après avoir endossé les habits de James Bond, voici William Boyd ceux d’une femme photographe, Amory Clay. Si ce nom ne vous dit rien, c’est que le personnage est né de l’imagination du romancier, sorte de concentré de toutes ces femmes qui ont sillonné la planète avec leurs appareils et que l’auteur remercie à la fin de son récit. Pourtant on y croit de bout en bout, notamment parce que de nombreuses photos d’Amory Clay viennent témoigner des différents épisodes de sa vie. Cette dernière débute le 7 mars 1908 avec la naissance d’un garçon, du moins si l’on en croit les colonnes du Times. L’acte manqué du père – qui voulait un garçon plutôt qu’une fille – ne sera sans doute pas étranger au caractère intrépide d’Amory. Elle aura du reste besoin de tout son courage pour échapper à la mort quand son père, revenu très perturbé de la Grande Guerre, décide de foncer dans un lac au volant de sa voiture pour en finir. Amory parviendra non seulement à s’en tirer, mais sauvera aussi son père qui sera interné en asile psychiatrique.
Au moment de choisir son destin, la rescapée cherche un moyen d’échapper au pensionnat de jeunes filles et voit dans le Kodak Brownie n°2 qu’on lui offre le moyen de s’émanciper : elle sera photographe.
Ses premières expériences en tant qu’assistante de son oncle Greville qui photographie les personnalités lors de bals et réceptions, ont quelque chose de fascinant : « Je crois que tout le processus photographique me paraissait encore magique, à cette époque de ma vie : capturer une image sur la pellicule grâce à une brève exposition à la lumière, puis, par le truchement scientifique des produits chimiques et du papier, révéler une représentation monochrome de cet instant participait encore d’une alchimie ensorcelante. »
C’est cependant dans le Berlin des Années folles qu’elle va pouvoir expérimenter le « vrai » reportage. A l’aide d’un appareil camouflé dans un sac, elle photographie les cabarets et maisons de passe. L’exposition qui doit la faire connaître provoque un scandale. Elle doit détruire les clichés et payer une amende pour obscénité. Mais comme souvent cette publicité va lui permettre de rencontrer un Américain qui l’engage pour des photos de mode.
Elle s’ennuie toutefois à New York, même si elle passe d’un amant à l’autre, de son patron à un diplomate Français et décide de rentrer en Grande-Bretagne… où elle se fera tabasser par un groupe de Chemises Noires.
Femme volontaire face à la montée des périls, elle va tenter d’oublier son long séjour à l’hôpital en regagnant d’abord les Etats-Unis puis en étant envoyée spéciale en France et en Allemagne pour suivre la progression des alliés. Elle se rendra alors compte que la libération n’est pas seulement une fête. Sholto Farr qu’elle rencontre à ce moment et qu’elle épouse quelques jours après pourrait en témoigner, s’il ne noyait sa douloureuse expérience dans l’alcool.
Amory, devenue une Lady, met au monde des jumelles et passe quelques temps à materner, sans se rendre vraiment compte des drames qui couvent : «En devenant épouse et mère, j’avais perdu une partie de mon être, avec une grande maison à gérer. Amory Clay avait disparu, elle s’était évaporée. »
L’histoire aurait pu s’arrêter là, avec une nouvelle version de « grandeur et décadence». Ce serait faire peu de cas de la soif d’Amory qui décide de reprendre du service. En devenant une « vieille correspondante de guerre » au Vietnam, elle remplira à la fois une mission périlleuse, réalisera de superbes photos qui donneront un livre à succès et manquera d’y laisser la vie. Sans oublier les faux soldats australiens qu’elle n’aurait jamais dû voir et qui lui vaudront un retour précipité.
A Londres elle va constater que l’une de ses filles s’est envolée.
La voilà du coup repartie pour le désert californien. Elle y retrouvera son enfant au sein d’une communauté d’illuminés. Elle ne parviendra toutefois pas à la ramener avec elle.
Son journal de Barrandale, où elle a trouvé refuge, vient Donner tout au long du livre un éclairage plus vif sur certains épisodes, jusqu’aux ultimes moments dont on ne dira rien ici. Sauf que William Boyd démontre une fois de plus qu’il est un maître dans l’art de raconter les histoires et d’embobiner le lecteur. Qui en redemande !

Autres critiques
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France Info  (Info culture – Thierry Fiorile)
Le Temps (Genève – André Clavel)
Le JDD (Bernard Pivot)
Blog Mots pour mots

Extrait
« Pendant la guerre, l’homme que nous avons vu le plus souvent et qui résidait parfois avec nous à Beckburrow était le frère cadet de ma mère, Greville, l’oncle Greville. Greville Reade- Hill, ancien opérateur de reconnaissance photographique dans le corps aérien de l’armée britannique, avait une aura de légende parce qu’il était sorti indemne de quatre accidents d’avion avant que le cinquième, finalement, lui casse la jambe droite en cinq endroits et qu’il soit démobilisé pour invalidité. Je le revois, en uniforme, arpenter Beckburrow en boitant. Puis il se métamorphosa en Greville Reade- Hill, photographe mondain. Il détestait cette étiquette, si appropriée fût- elle. « Je suis photographe- tout- court », protestait- il. Sans le savoir, Greville (je ne l’ai jamais appelé « mon oncle », il l’interdisait) décida du cours de ma vie quand il m’offrit un Kodak Brownie N° 2 pour mon septième anniversaire, en 1915. Voici ma
toute première photographie.
Greville Reade- Hill. Laissez- moi vous le camper, juste après la guerre, au moment où sa carrière commençait à décoller, de manière un peu poussive mais incontestable, comme un ballon à moitié rempli d’hydrogène. Un homme grand, aux épaules larges et au visage avenant, qui eût été vraiment beau n’était son nez un peu trop épais. Le nez Reade- Hill, pas le nez Clay (j’ai le nez Reade- Hill, moi aussi). Greville et moi avons toujours trouvé qu’un nez un peu trop proéminent peut vous donner un visage plus intéressant. Qui voudrait d’une beauté « conventionnelle » ? Pas moi, en tout cas, merci bien.
Je ne me rappelle pas grand- chose de cette première photographie, de ce premier clic mémorable de l’obturateur, le coup de pistolet qui donna le départ de la course du reste de ma vie. C’était à une fête d’anniversaire (celui de ma mère, je crois), à Beckburrow, au printemps 1915. » (p. 23-24)

A propos de l’auteur et de la traductrice
William Boyd, né à Accra (Ghana) en 1952, a étudié à Glasgow, Nice et Oxford, où il a également enseigné la littérature. Auteur réputé de fiction, d’essais et de théâtre, il est également scénariste et réalisateur. Avec Susan, sa femme, il partage son temps entre Londres et la Dordogne.
Isabelle Perrin, que tout destinait à une sage carrière universitaire, contracte le virus de la traduction littéraire auprès de sa mère Mimi. Les incurables duettistes cosigneront plus de trente traductions, dont tous les romans de John le Carré depuis La Maison Russie. (Source : Editions du Seuil)

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Le printemps des barbares

LUSCHER_Le_printemps_des_barbares

Le printemps des barbares
Jonas Lüscher
Autrement
Roman
traduit de l’allemand (Suisse) par Tatjana Marwinski
193 p., 17,50 €
ISBN: 9782746742499
Paru en septembre 2015

Où?
Le roman se déroule principalement en Tunisie, à Sfax, Tunis puis dans un hôtel de luxe situé dans l’oasis de Tchoub. On y évoque aussi Londres, Liverpool et Guernesey, le Cap Nord, Zuffenhausen dans le sud de l’Allemagne et encore Schwäbisch-Hall, Fukuoka, Rome, Santa Fe, Helsinki, Bayreuth et Lucerne.

Quand?
L’action se situe dans un futur plus ou moins proche, selon que l’on accepte l’idée d’une faillite prochaine du système financier.

Ce qu’en dit l’éditeur
« Il y avait eu des signes avant-coureurs la veille au soir, des barbares mais durant la nuit la situation s’était encore aggravée. Pendant que Preising dormait, l’Angleterre sombrait. »
Amateur de pantalons en velours et de mocassins rutilants, Preising n’a guère l’âme d’un aventurier. Dans un luxueux club au cœur du désert tunisien, le voici contraint de côtoyer une horde de traders londoniens venus célébrer un mariage dans une débauche d’alcool et d’argent. Au lendemain d’une nuit de fête, la panique se propage à la vitesse de l’éclair : la Grande-Bretagne aurait fait faillite. Soudain ruinés, les golden boys perdent toute retenue. Du maître-nageur aux dromadaires, nul n’échappe à leur folie destructrice.
Conte philosophique, roman de la crise économique, comédie de mœurs, Le Printemps des barbares est avant tout une formidable satire de notre époque.

Ce que j’en pense
***
Cette nouvelle voix de la littérature suisse alémanique est incontestablement à suivre. D’abord parce qu’elle aborde un thème qui n’est guère traité par les romanciers, celui que Viviane Forrester appelait il y a une dizaine d’années L’horreur économique et qui n’a sans doute pas cessé depuis de poursuivre sa course folle, ensuite parce qu’il situe son récit en Tunisie, ce qui lui permet de confronter deux univers, deux façons d’appréhender le monde et enfin parce qu’il nous donne l’occasion de constater que depuis les belles paroles des politiques quasiment rien n’a été fait pour éviter l’explosion d’une nouvelle bulle spéculative.
Nous voilà donc conviés à suivre cette explosion sur les pas d’un industriel suisse fortuné venu à la fois superviser ses investissements et profiter du confort d’un luxueux hôtel.
Quand il arrive sur place, il est quasiment contraint de participer à la grande fête qui se prépare, celle qui scellera l’union de Kelly Ibbotson et Marc Rajani Greyling. Le couple séjourne avec famille et amis et collègues, des Cityboys qui entendent profiter pleinement de l’occasion. Ils ne se doutent pas que pendant leurs excès d’alcool, de bonne chère et de sexe, la Grande-Bretagne se retrouve au bord du gouffre. Suite à la chute de la livre sterling et au défaut de paiement en cascade des banques, le Premier ministre britannique est contraint à annoncer la faillite de l’Etat.
Le télescopage de cette nouvelle avec les lendemains de fête à l’hôtel marque incontestablement le point d’orgue du roman. D’un côté on ramasse les bouteilles et les verres cassés dans les massifs de fleurs, on charge le vomi dans une brouette, on repêche un transat dans la piscine et de l’autre on assiste à des scènes de panique et de chaos. Quand, de part et d’autre on se rend compte qu’on est allé trop loin, on sent aussi qu’il sera impossible de revenir en arrière.
Jonas Lüscher sera pour les uns un oiseau de mauvais augure et pour les autres un Cassandre qui, comme le veut la légende, prédit bien l’avenir mais ne sera pas entendu. A tort ? Il ne faut peut-être pas prendre cette histoire trop à la légère.

Autres critiques
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Le Temps (Suisse)
Libération
Blog Des livres et de l’art

Extrait
« Prodanovic, bien que responsable de l’internement de Preising, n’était nullement son médecin de famille. Prodanovic était cet employé de Preising, jeune autrefois, toujours aussi brillant aujourd’hui, qui avait inventé le circuit CBC Wolfram, une pièce électronique sans laquelle aucune antenne-relais dans le monde ne pouvait remplir ses fonctions, sauvant ainsi de la faillite imminente la société en commandite, spécialisée dans la réception télévisuelle et les antennes terrestres, dont avait hérité Preising, et la catapultant à la pointe du marché pour circuits CBC.
Le père de Preising, qui avait eu le tact de retarder son décès juste assez pour laisser à son fils le temps de terminer des études de gestion – interrompues parce que Preising leur avait préféré une formation de chant d’un an et demi dans une école privée parisienne –, lui légua une usine d’antennes de télévision, avec trente-cinq employés à une époque où le câble avait déjà fait depuis longtemps son entrée dans les foyers. […] Grâce à Prodanovic, Preising était non seulement devenu un industriel fortuné, mais aussi le PDG d’une société forte de mille cinq cents employés avec des succursales sur cinq continents. » (p. 9-10)

A propos de l’auteur
Jonas Lüscher est né en Suisse en 1976. Diplômé de l’Ecole Supérieure de philosophie de Munich, il se consacre aujourd’hui à l’écriture. Le Printemps des barbares, son premier roman, a reçu le prix Franz-Hessel en 2014. (Source : Editions Autrement)

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