En deux mots
Victime d’un accident respiratoire, un patron de PME se retrouve dans le coma au moment où son entreprise et son couple sont soumis à de fortes turbulences. Réussira-t-il à s’en sortir?
Ma note
(j’ai vraiment beaucoup aimé)
Principe de suspension
Vanessa Bamberger
Éditions Liana Lévi
Roman
208 p., 17,50 €
EAN : 9782867468759
Paru en janvier 2017
Où?
Le roman se déroule d’une part en bord de mer, dans des lieux qui ont pour nom Cambregy, le Hayeux, la plage d’Argeval, Tourville et d’autre part dans le Jura, au hameau tout aussi fictif de Boisvillard, pas loin de Bertanges. Un court voyage à Paris y est aussi évoqué.
Quand?
L’action se situe de nos jours.
Ce qu’en dit l’éditeur
«10% de talent, 90 % d’efforts.» C’est la devise de Thomas pour défendre son usine et ses salariés. Depuis qu’il a racheté Packinter, une PME de la filière plastique, il lutte pour conjurer le déclin de l’industrie dans sa région du Grand Ouest. Un hiver pourtant tout bascule, et il se retrouve dans la chambre blanche d’un service de réanimation, relié à un respirateur. À ses côtés, Olivia, sa femme, attend son réveil. Calme, raisonnable, discrète. Comme toujours. Dans ce temps suspendu, elle revit les craintes des ouvriers, les doutes de Thomas, les trahisons intimes ou professionnelles qui les ont conduits jusqu’à ce grand silence, ce moment où se sont grippés le mécanisme des machines et la mécanique des sentiments. Parce que la vie s’accommode mal de l’immobilisme, il faut parfois la secouer un peu, selon le «principe de suspension».
Un premier roman juste et subtil sur le blues du petit patron et le fragile équilibre du couple.
Ce que j’en pense
Au moment où s’ouvre ce premier roman d’une actualité brûlante en cette année électorale, Olivia est dans la chambre d’un service de réanimation, au chevet de son mari. « Thomas est tombé dans le coma à la suite d’une détresse respiratoire, elle-même provoquée par une crise d’asthme non traitée, récapitule-t-elle pour la centième fois. Elle ne comprend pas ce qui s’est passé. Thomas toussait, d’accord. Mais il n’a jamais eu d’asthme de sa vie. Elle le saurait. » Ce drame répond à un première définition de ce principe de suspension qui accompagnera le lecteur tout au long du livre. Le temps semble en effet suspendu… L’occasion de revenir quelques jours en arrière, de faire à nouveau défiler les jours. De retrouver ce chef d’entreprise de quarante ans, sa femme et ses deux enfants quinze jours plus tôt, au moment où il s’apprête à prendre quelques jours de vacances. « Elle avait fini par le convaincre de l’accompagner quelques jours dans les montagnes jurassiennes de son enfance, au hameau de Boisvillard. Elle avait usé d’une profusion d’arguments. Pourquoi ne pas profiter des vacances des garçons, c’était justement leur anniversaire de mariage, quinze ans, cela faisait si longtemps qu’ils n’étaient pas partis tous les quatre, les enfants avaient besoin de voir leur père, le chalet était en ordre, tout était prêt, il avait neigé, il fallait que Thomas se repose, il était si nerveux, si agité… »
Un stress bien compréhensible, car l’entreprise qu’il a fondée et qui fabrique – ironie de l’histoire – des pièces pour inhalateurs destinés aux asthmatiques est en danger. Après des débuts prometteurs et un contrat auprès d’un grand laboratoire, Thomas sent bien que la dépendance à un unique client est une épée de Damoclès sur sa tête et celle de ses 37 employés. Et de fait, le message d’Alain Hervouet, le président à vie du laboratoire HFL, ne lui laisse guère d’espoir. Ce que Viviane Forrester a appelé il y a quelques années L’Horreur économique va le frapper violemment : « Nous devons oublier un temps les asthmatiques pour nous concentrer sur les cancéreux, c’est inévitable, le générique nous bouffe, sans parler du coût du travail, l’inhalateur à chambre des Brésiliens marche très fort et nous ne savons pas faire les systèmes d’inhalation de poudre sèche des Allemands. Bref, il laissait un an à Packinter. Vous allez devoir baisser vos prix, moi je dois réduire mon carnet de commandes. »
Seulement Thomas est un battant doublé d’un patron proche de ses employés. S’il n’a pas anticipé la chute de sa production face à la concurrence étrangère aux coûts de production beaucoup plus bas, il peut compter sur Loïc Rodier, son directeur Recherche & Développement. Ce dernier a déposé un nouveau brevet. « Ce serait un inhalateur révolutionnaire, ils seraient les seuls à la fabriquer, son usine ne dépendrait plus du laboratoire, de cette ordure d’Alain Hervouet. » Mais quand il prend la route du Jura, rien n’est encore réglé. Ni à l’usine, ni au sein de son couple. Car il a l’impression de porter sa famille à bout de bras, en veut à son épouse artiste-peintre de ne pas travailler davantage, de ne pas chercher de galerie susceptible d’exposer ses œuvres, de traîner au lit. Leur entente s’est dégradée au fil du temps, proche d’un point de non-retour. Mais s’en rend-t-il vraiment compte ? Ne calque-t-il pas ses règles d’entrepreneur sur sa vie familiale quand il affirme que dans la vie, il fallait avancer «pas regarder en arrière et encore moins se regarder soi-même.»
Vanessa Bamberger réussit, par touches subtiles, à imbriquer les deux histoires.
En mêlant le récit de l’évolution du coma de Thomas et l’attente angoissée d’un réveil qui n’arrive pas à celui de cette bataille pour sauver son usine, elle ferre son lecteur, lui aussi suspendu aux épisodes successifs qui font tour à tour souffler le chaud et le froid, l’espoir d’une sortie de crise face à la peur d’une fin programmée.
Face aux coups du destin, on aimerait voir Thomas triompher, lui qui ne peut « se résoudre à la fragilisation de la filière, au délitement du Hayeux, au déclin de l’Ouest. » Après Brillante de Stéphanie Dupays qui dépeignait l’univers impitoyable des multinationales, voici à nouveau l’économie au cœur d’un roman tout aussi impitoyable. Une lecture que l’on conseillera à tous les candidats aux législatives qui arrivent. Ils pourront ainsi toucher du doigt la réalité économique de leur circonscription. Une lecture que l’on conseillera aussi aux électeurs, car il éclairera aussi leur choix.
68 premières fois
Blog motspourmots.fr (Nicole Grundlinger)
Blog Domi C Lire (Dominique Sudre)
Blog Passion de lecteur (Olivier Bihl)
Blog La Bibliothèque de Delphine-Olympe (Delphine Depras)
Blog A l’ombre du noyer (Benoît Lacoste)
Blog Mes écrits d’un jour (Héliéna Gas)
Blog Des livres tous azimuts (Célina Weifert)
Blog Les livres de Joëlle (Joëlle Guinard)
Blog Livres de Malice (Alice Théaudière)
Blog T Livres T Arts
Autres critiques
Babelio
Elle (Olivia de Lamberterie)
Toute la culture (Yaël Hirsch)
Blog Quatre sans quatre
L’Usine nouvelle (Christophe Bys)
Page des libraires (Stanislas Rigot)
Présentation de son livre par l’auteur à la librairie Mollat
Extrait
« À l’instar du pays tout entier, la région du Hayeux souffrait. Sur des centaines d’hectares à la ronde, les usines désaffectées pourrissaient lentement, tanguant dans le vide, baignant dans le silence d’une campagne fantôme. La zone tout entière ployait sous la pauvreté. Du poing, Thomas donna un coup sec sur le tableau de bord. Il ne pouvait se résoudre à la fragilisation de la filière, au délitement du Hayeux, au déclin de l’Ouest. Il fallait relancer les machines. » (p. 22)
A propos de l’auteur
Vanessa Bamberger est née en 1972. Journaliste, elle vit à Paris. Principe de suspension est son premier roman. Il témoigne de son admiration pour tous les acteurs de l’industrie française à qui l’époque n’épargne rien. (Source : Éditions Liana Lévi)
Commandez le livre en ligne sur Amazon (il suffit de cliquer sur la couverture)
Tags:
#editionslianalevi #RL2017 #roman #rentreelitteraire #68premieresfois #principedesuspension #premierroman #vanessabamberger
D’une brûlante actualité oui. En lisant ta chronique, je replonge avec plaisir dans cette lecture qui tient en haleine, ferre le lecteur comme tu le soulignes si justement. Un premier roman réussi !
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, j’ai sans doute eu autant de plaisir que toi à découvrir ce livre qui, comme tu les dis, est très réussi.
J’aimeAimé par 1 personne