Au pied de la lettre

MINIERE_Au_pied_de_la_lettre

En deux mots:
Barthélémy Martin a eu une enfance difficile suivi d’un mariage raté assorti d’un emploi peu motivant d’agent administratif. Aussi décide-t-il de consulter un psy pour connaître la raison de son trouble et s’en sortir. Un roman épistolaire cocasse et grave qui pourrait déprimer mais finit par faire un bien fou!

Ma note:
★★★ (beaucoup aimé)

Au pied de la lettre
Isabelle Minière
Serge Safran éditeur
Roman
240 p., 16,90 €
EAN : 9791090175723
Paru en août 2017

Où?
Le roman se déroule en France, à Paris

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Mal aimé par ses parents dans son enfance, ignoré par sa compagne Béatrice (alias BB-Béa) et relégué dans la chambre du bébé (des anciens locataires !), Barthélémy Martin est un « désolé chronique ». Il se demande bien pourquoi il existe, cherche un sens à sa vie et se demande si elle vaut la peine d’être vécue avec une droguée aux séries tv. D’où une série de lettres qu’il poste à un psy inconnu. Ne sachant pas s’il est dépressif ou non, il décide parallèlement de consulter. S’ensuit un enchaînement de séances loufoques chez le docteur Blavar, psychiatre fantaisiste, puis chez son frère jumeau, également psy mais adepte des « questionnaires à choix multiples ».
Dans sa quête, Barthélémy croise une « dame aux pigeons », des beaux-parents qui lui sont cachés et une mystérieuse femme à imperméable rouge…
Humour, satire et belle méditation sur la relation à l’autre, ce roman épistolaire impose la musique très personnelle d’Isabelle Minière, porteuse de tendresse et d’espoir.

Ce que j’en pense
Isabelle Minière continue à creuser son sillon. Roman après roman, elle explore la vie d’hommes un peu perdus. Après Martin et ses tentatives plus ou moins manquées de faire quelque chose de son existence dans On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise, voici Barthélémy (dont le patronyme est… Martin) qui n’est guère mieux loti. Il confie son mal-être par courrier à un psy dont on ne saura jamais ce qu’il pense, car ses lettres ne sont pas mentionnées. Mais après tout qu’importe, car Barthélémy trouve dans sa propre activité épistolaire un moyen formidable de donner du sens à sa vie (ne serait-ce pas aussi une belle définition du rôle de l’écrivain?), il trie ses souvenirs, met son parcours en perspective et recherche les causes possibles de sa vision pessimiste du monde que l’on pourrait assimiler à une dépression.
Au fur et à mesure des courriers notre homme – et le lecteur avec lui – va découvrir que la thérapie par l’écriture porte ses fruits. Même s’il n’est pas question de guérison, la distance qu’il parvient à mettre avec ses expériences traumatisantes, l’autodérision dont il fait preuve laissent s’envoler les idées noires.
Pourtant la partie était loin d’être gagnée. Enfant déjà, il est témoin d’une partie de jambes en l’air entre son père et la meilleure amie de sa mère, craint que sa mère ne s’enfuie avec un prince charmant, imagine que sa vie serait plus belle s’il pouvait être adopté. Les années vont passer sans que rien ne change vraiment. Même après son mariage avec Béatrice. Leur vie de couple va bien vite se résumer à des soirées télé devant des séries qui tournent en boucle pour elle et l’incompréhension qui va vite le pousser au mutisme pour lui. D’autant qu’il n’est plus question de faire chambre commune. Barthélémy se retrouve relégué dans la chambre que les anciens locataires avaient prévu pour leur bébé. La banalité de la misère sociale…
Sauf que notre homme veut comprendre et décide d’aller consulter le psychiatre qu’on lui a recommandé: le docteur Blavar.
Mais les premières séances sont particulièrement décevantes. Il n’ose se confier à cet homme plutôt bizarre. En fait il a confondu Phil avec Pierre, son frère jumeau qui officie en face. Mais ce second psy n’est pas davantage efficace que le premier. S’il pose beaucoup de questions, il ne résout rien.
On l’aura compris, la lumière viendra de ce thérapeute invisible auquel Barthélémy s’astreint à écrire. Il lui permet de faire le point, d’analyser lucidement son quotidien: « Le sourire de Béatrice est bizarre, je n’ai pas de mot adéquat pour le qualifier, et pas tellement envie de m’en occuper. Je remarque que sa robe n’est ni vague ni terne, courte, voyante et assez près du corps. Un corps gras, si j’ose dire. Mais pas moche, attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. En tout cas, elle est beaucoup plus sympathique dans cette tenue que dans ses sacs à patates habituels. Je ne suis pas méchant, ne croyez pas ça, juste réaliste. » Au fur et à mesure que les courriers s’accumulent, la confiance croît. Petit à petit, l’agent administratif effacé prend sa vie en mains. Jusqu’à ce jour où il prend LA grande décision, celle de reprendre sa liberté. « Je me sens sûr de moi, pour une fois : je ne veux plus jamais vivre en collocation avec quelqu’un qui croit s’appeler bb et qui m’appelle bibi. »
Je n’en dirais pas plus, de peur de vous gâcher le plaisir des épisodes plutôt cocasses qui vont suivre.
Sachez toutefois qu’Isabelle Minière réussira une fois de plus un joli coup en transformant une chronique du malheur ordinaire en joli conte philosophique. Sans en avoir l’air, elle aborde des questions essentielles sur notre place dans la société, sur ce qui construit ou détruit un couple, sur le libre arbitre…
C’est beaucoup plus réussi que ce manuel de développement personnel que Barthélémy a décidé une fois pour toutes d’oublier. Et c’est drôlement revigorant!

Autres critiques
Babelio
Metamag, le magazine de l’esprit critique
Lecteurs.com (Sophie Gauthier)

Les premières pages du livre

Extrait
«Le premier psy que j’ai rencontré, c’est quand j’étais petit. «Psy», je ne savais pas ce que ça voulait dire, j’avais compris que c’était un docteur, je m’attendais plus ou moins à une piqûre: ma mère trouvait que je ne tournais pas rond (c’était son expression). Un vaccin pour tourner rond. Je n’avais pas peur des piqûres, au contraire: j’aimais montrer à ma mère que j’étais courageux, alors que les autres mômes braillaient à la vue de la moindre seringue. A chaque vaccin, j’avais droit aux félicitations du médecin, c’était très agréable, je me serais bien fait vacciner toutes les semaines. Pour une fois que quelqu’un disait du bien de moi. Je suis donc allé chez ce docteur-là en toute confiance, sûr qu’il me féliciterait, lui aussi. Or…
Or au lieu de piquer, il a causé. Causé avec ma mère, très peu avec moi. (quand il s’adressait à moi, je lui répondais du bout des lèvres ; ma mère m’avait souvent dit que je n’ouvrais la bouche que pour dire des âneries, donc j’étais prudent, regardais ma mère du coin de l’œil en espérant éviter les âneries. J’espérais une piqûre, j’étais déçu. Au bout d’un moment, il a prétendu que j’avais envie de me marier avec ma mère ! J’étais sidéré.»

À propos de l’auteur
Isabelle Minière est née au Mali mais ne s’en souvient pas. Elle a passé son enfance près d’Orléans, fait ses études à Tours et à Paris, puis vécu dans différentes régions. Elle écrit des romans, des nouvelles, et des livres pour la jeunesse. Elle est aussi psychologue, hypnothérapeute. Elle vit à Paris. Elle aime marcher, même les jours de pluie. Au pied de la lettre après On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise et Je suis très sensible, est son troisième roman. (Source : Serge Safran éditeur)

Commandez le livre en ligne sur Amazon (il suffit de cliquer sur la couverture)

Mes livres sur Babelio.com


Focus Littérature

Badge Lecteur professionnel
Badge Critiques à la Une

      RLN2017

Tags:
#aupieddelalettre #isabelleminiere #sergesafran #sergesafranediteur #RL2017 #roman #rentreelitteraire #VendrediLecture #unLivreunePage. #livre #lecture #books

5 réflexions sur “Au pied de la lettre

Laisser un commentaire