Un funambule sur le sable

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En deux mots:
Né avec un petit violon dans la tête, la vie de Stradi n’a rien d’une sinécure. On va suivre la bande-son de son existence de sa jeunesse à sa postérité. Fantastique !

Ma note
★★★ (beaucoup aimé)

Un funambule sur le sable
Gilles Marchand
Éditions Aux forges de Vulcain
Roman
360 p., 19,50 €
EAN : 9782373050288
Paru en août 2017

Où?
Le roman se déroule en France, dans différents endroits qui ne sont pas nommés et le long de la route qui mène aux vacances à la mer et passe par les châteaux de la Loire.

Quand?
L’action se situe à la fin du siècle dernier.

Ce qu’en dit l’éditeur
Stradi naît avec un violon dans le crâne. D’abord condamné à rester à la maison, il peut finalement aller à l’école et découvrir que les plus grandes peines de son handicap sont l’effet de la maladresse ou de l’ignorance des adultes et des enfants. Mais, à ces souffrances, il oppose chaque jour son optimisme invincible, hérité de son père inventeur et de sa mère professeur. Et son violon, peu à peu, va se révéler être un atout qui, s’il l’empêche de se concentrer sur ses devoirs, lui permet toutes sortes d’autres choses : rêver, espérer… voire parler aux oiseaux.
Un jour, il rencontre l’amour en Lélie. Ils vont s’aimer, se quitter, se retrouver, et faire couple. Jusqu’au moment où cette fantaisie permanente de Stradi va se heurter aux nécessités de la vie adulte : avoir un travail, se tenir bien en société, fonder une famille. Comment grandir sans se nier ? Comment s’adapter sans renoncer à soi ?
Dans ce deuxième texte empreint de réalisme magique, Gilles Marchand, après le succès d’Une bouche sans personne, livre un beau et grand roman d’éducation, étonnant manifeste pour la différence, et pour les puissances de l’imagination, qui permettent de vaincre le réel, quand celui-ci nous afflige et nous opprime. Un roman plein de musique, de fantaisie, d’imagination, de lumière et d’optimisme, accompagné par la musique des Beach Boys, et brillant de mille éclats empruntés à Gary, Vian et Perec.

Ce que j’en pense
Gilles Marchand sait joliment mêler le vrai et le faux, le drame et la légèreté, la fantaisie et la construction soignée. C’est ce que j’écrivais à propos de son premier, Une bouche sans personne, découvert l’an passé avec les 68 premières fois.
Il confirme son talent avec son second opus. Aux qualités du premier, on ajoutera cette fois une touche de fantastique, du côté de Marcel Aymé ou de Boris Vian.
Dès la naissance du narrateur l’extraordinaire se produit, au grand désarroi du corps médical : il faut bien se rendre à l’évidence, le bébé a un petit violon dans la tête. Quatre cordes qui ne vont pas tarder à jouer dans le cerveau de l’enfant provoquant l’incrédulité, la surprise ou même la gêne de la famille et des proches.
Et alors que l’enfant tente de maîtriser la musique dans sa tête, son père qui entend être un grand inventeur va essayer de comprendre, sans grand succès il faut bien l’avouer.
Pour sa mère, qui l’entoure de tout son amour, il faut qu’il mène une vie des plus normales, qu’il oublie ce handicap. Aussi, quand il commence à parler aux oiseaux, elle ne veut pas le croire, cette activité étant réservée aux «fous». Ses camarades de classe ont tout autant de peine à accepter cette différence, ajoutant un brin de cruauté à leur jugement.
Fort heureusement, il y a Max et Lélie. Le premier est également handicapé à la jambe et devient vite le meilleur ami de celui que l’on surnomme désormais Stradi. Ensembles, ils vont partager jusqu’à leurs rêves. Lélie est la fille dont il tombe amoureux et avec laquelle, après maintes péripéties, il finira par partager sa vie. Car pour l’heure, il faut bien reconnaître que toutes ses tentatives d’intégration se soldent par des échecs. Qu’il souffre physiquement et psychologiquement.
C’est que Gilles Marchand, sous couvert d’une fable poétique, nous offre un formidable plaidoyer pour ce fameux droit à la différence. Lucide, Stradi constate combien il est difficile de vivre quand on sort du moule : « J’y avais bien réfléchi, ce n’était pas le monde qui n’était pas fait pour moi, mais la société, ce qui est totalement différent. Rien ne m’empêchait de vivre, d’être heureux et amoureux. Le système scolaire attendait de moi que je suive le même rythme que mes camarades, les parents de Lélie désiraient un jeune homme comme les autres pour leur fille, les médecins attendaient une tête sans instrument. La société dans son ensemble n’attendait et ne désirait qu’une seule chose de moi : que je sois comme tout le monde. (…) La société a établi tout un tas de règles mais n’avait rien prévu pour les gens qui n’étaient pas capables de les suivre pour des raisons indépendantes de leur volonté. Elle les acceptait mais ne leur donnait pas une réelle chance à part celle de rester bien sagement assis sans trop déranger et surtout, surtout, sans oublier de lui dire merci. »
L’optimisme et l’amour, la tendresse et l’humour seront les antidotes de Stradi et la récompense du lecteur, une fois encore emporté par la plume alerte de l’auteur.

Autres critiques
Babelio
Blog L’Albatros (Nicolas Houguet)
Blog Les lectures du mouton (Virginie Vertigo)
Blog Les livres de Joëlle 


À l’occasion du Livre sur la Place à Nancy, Gilles Marchand présente Un funambule sur le sable © Production Librairie Mollat

Extrait
« Au début, je n’avais pas vraiment conscience de ma différence. D’autant que, il faut bien le reconnaître, les personnes extérieures à la famille n’avaient aucun moyen de savoir que j’avais un violon fiché à l’intérieur du crâne. Je n’attirais pas les regards, je ne suscitais pas la curiosité des gens que je croisais lorsque nous nous promenions. Je pouvais passer pour un petit garçon comme les autres. Force est d’ailleurs de constater que mes parents faisaient tout leur possible pour m’offrir une enfance normale. C’est dans le cadre familial que cette différence était omniprésente. J’étais au centre de toutes les attentions, on me surveillait comme l’huile sur le feu, on guettait mes réactions, on me protégeait, on me surprotégeait. Je ne saurais dire comment le vivait mon frère aîné. S’il était aimé autant que moi, il ne bénéficiait pas de ce statut à part que la nature m’avait conféré. Lui était comme les autres : il pouvait courir, sauter, jouer, tomber sans que cela soit la source d’une inquiétude générale. Je le suivais dès que je pouvais, partageant au mieux ses jeux toujours plus audacieux, dès que la vigilance de mes parents déclinait. Car là était le nœud du problème : nul ne pouvait prévoir les réactions du violon ni ce qui se passerait si je me cognais violemment la tête. »

À propos de l’auteur
Gilles Marchand est né en 1976 à Bordeaux. Il a notamment écrit Dans l’attente d’une réponse favorable (24 lettres de motivation) et coécrit Le Roman de Bolaño avec Eric Bonnargent. Une bouche sans personne est son premier roman. (Source: Éditions Aux Forges de Vulcain)

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N’oublie rien en chemin

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En deux mots:
Rivka vient de décéder, laissant à sa petite-fille une lettre et ses carnets de moleskine. À leur lecture, Sandra va éclairer les zones obscures de l’histoire familiale et découvrir qu’il n’y a pas de hasard.

Ma note:
★★★ (bien aimé)

N’oublie rien en chemin
Anne-Sophie Moszkowicz
Éditions Les Escales
Roman
176 p., 16,90 €
EAN: 9782365692687
Paru en mai 2017

Où?
Le roman se déroule en France, principalement à Lyon et à Paris.

Quand?
L’action se situe de nos jours. On y évoque aussi 1997 ainsi que la Seconde guerre mondiale.

Ce qu’en dit l’éditeur
À la mort de sa grand-mère qu’elle adorait, Sandra, quarante ans, se voit remettre des lettres et des carnets de son aïeule. Rivka y livre un témoignage poignant sur sa jeunesse dans le Paris de l’Occupation, les rafles, la terreur, le chaos. Mais il y a plus. Par-delà la mort, la vieille femme demande à sa petite-fille d’accomplir une mission.
Une mission qui obligera Sandra à retourner à Paris, ville maudite, sur les traces de son amour de jeunesse, Alexandre. Un homme étrange, hypnotique et manipulateur dont Sandra ne pensait plus jamais croiser la route… Pour elle, l’heure est venue d’affronter ses démons.
Avec délicatesse, Anne-Sophie Moszkowicz brosse le portrait d’une famille prise dans les tourments de l’Histoire et nous entraîne dans les dédales de la mémoire.

Ce que j’en pense
Sandra, la narratrice de ce roman, va soudain se voir confrontée à son passé ainsi qu’à celui de sa famille. À quarante ans, mariée, mère de trois filles et menant une vie sans histoires dans un bel appartement de Lyon elle est destinataire d’un courrier posthume de sa grand-mère adorée. Une lettre qui résume le propos du livre et en explique le titre: « Je n’ai jamais voulu m’épancher en grands discours, mais, vois-tu, je ne peux me résoudre à ce que tout disparaisse avec moi. Tu trouveras dans cette enveloppe le récit chronologique des événements qui ont constitué ma longue vie. Tu y liras les étapes de ce destin aux sinuosités incroyables qui aura été le mien. De la bête traquée que j’étais à mes vingt ans à la grand-mère respectée, il y aura eu un sacré chemin parcouru, j’en ai bien conscience, malgré l’amertume qui n’a jamais pu me quitter. Bien sûr, tu ne mémoriseras pas tout et beaucoup de choses ne seront d’ailleurs pas dignes d’intérêt. Pardonne-moi d’avance. Mais plus que transmettre, il sagit pour moi de consigner. Consigner les choses. Consigner les choses, les faits, les noms des rues et des gens qui ont compté au cours de mon existence. Un peu comme toi et tes petits Moleskine… J’ai toujours eu la même manie que toi, tu le sais, et le jour est venu de te donner les miens, écrits tout au long de ma vie. Ils ont été mes confidents, quand parler m’était impossible. Tu en trouveras aussi trois neufs pour toi. Vois-tu, j’ai besoin de savoir que la vie continuera après et que l’on ne cessera de remplir des Moleskine. Tu les rempliras plus vite que tu ne le penses.
Voilà ma chérie, je te quitte sur ces mots. Sache que je suis très fière de toi, très heureuse d’avoir connu tes merveilleux enfants. Continue sur cette voie car je ne doute pas qu’elle soit la bonne et n’oublie rien en chemin, ni remords ni regrets. J’espère que ces carnets que je te laisse te permettront d’apprendre sur toi aussi, et sur la vie en général. »
En refermant cette lettre bouleversante, nous voici conviés à remonter le temps, à suivre le parcours de Rivka et son combat contre les forces obscures, mais aussi celui de cette relation privilégiée avec sa petite-fille quand «ne comptaient que les heures passées à discuter, dormir, visionner des films, écouter le silence du vide».
Car Sandra rêve, s’imagine un destin et se voit héroïne d’une histoire exaltante. Elle quitte Lyon et son ami Paul, sage, attentionné et raisonnable, pour Paris où l’attend Alexandre, fougeux, imprévisible et torturé et se voit bien continuer ce parcours entre deux pôles qui ont chacun leurs attraits: «tous deux me satisfaisaient, l’un pour son immédiateté, l’autre pour sa solidité. L’éphémère, le durable». Seulement voilà, il arrive toujour sun moment où la dure réalité, le poids du réel vient se heurter aux constructions illusoires. Où il faut faire un choix.
Un lourd secret va ici faire voler en éclats cette double vie et relier ene fois encore la grand-mère à la petite-fille.
Anne-Sophie Moszkowicz a choisi pour son entrée en littérature de retracer un épisode douloureux de la Seconde Guerre mondiale. À l’instar de plusieurs autres auteurs de sa génération, elle a ressenti la nécessité impérieuse en cette période troublée, de ne rien oublier en chemin. Un roman très émouvant construit de main de maître. Bref, une jolie réussite!

68 premières fois
Blog Les couleurs de la vie (Anne Leloup)

Les autres critiques
Babelio
Cultures J (Patricia Drai)
Blog Livresse des mots 
Black Kat’s blog – Livr’envie
Blog La rousse bouquine 
Blog La bibliothèque de Marjorie 


Anne-Sophie Moszkowicz lit un extrait de son premier roman N’oublie rien en chemin © Production Les Escales

Les premières pages du livre
« Je n’étais pas retournée à Paris depuis l’automne 1997. La dernière fois, je n’avais pas vingt ans et je commençais des études de droit que je ne finirais jamais.
Octobre, novembre, décembre. Trois mois en tout et pour tout, passés là-bas. Cela pouvait sembler court. C’était juste assez pour disparaître. Le temps d’une rencontre, d’un étourdissement et d’une subite envie de tout envoyer en l’air.
Si on s‘y prend bien, on peut faire beaucoup de dégâts en trois mois. Il suffit de croiser un autre chemin et de se demander à quoi ressemblerait sa vie si on bifurquait. Un dernier caprice. On a vingt ans et voilà qu’un regard fasciné vous attrape dans ses filets. Dans le fond, la tentation est toujours trop grande. Si personne ne vous retient, la vie bascule sans que vous puissiez faire marche arrière. J’avais eu cette chance.
Vingt ans après, je débarrasse la table du dîner dans notre appartement lyonnais. Vingt ans après, il y a nos trois filles endormies, et nos oreilles résonnent encore des rires et des pleurs et des jouets qui tombent. Nous nous racontons nos journées à voix basse pour ne pas les réveiller. Paul passe l’éponge sur la table de la salle à manger et je goûte ces dernières minutes paisibles, ce bonheur insouciant, le calme des maisons où les enfants dorment enfin, le frottement régulier d’une éponge sur la toile cirée et la douceur du regard bienveillant d’un mari.
Les jours avaient coulé naturellement pendant vingt ans. Je n’y pensais plus. Ou très peu. Parfois, des souvenirs me revenaient par fragments, mais très vite, le présent se chargeait de les diluer. Avec sa cadence effrénée, le quotidien balayait tout. Il y avait toujours un goûter à préparer, les prochaines vacances à organiser, des plans à terminer pour la maison d’un client. Le passé n’était plus rien devant la fluidité du présent qui m’entraînait sans cesse vers l‘instant d’après. Ces trois mois à Paris semblaient de plus en plus loin, de plus en plus flous… Jusqu’à la lettre de Rivka.
Il avait suffi d’un instant pour que ces souvenirs enfouis refassent surface, plus réels que jamais. »

Extrait
« Beaucoup croient que le pire a eu lieu pendant la guerre. C’est sans doute vrai. Mais l’enfer se poursuivait souvent bien après la fin de la traque. Il fallait rentrer. Où? Retrouver sa famille. Quelle famille? Reconstruire une vie. Que signifiait ce mot? Il fallait tout réapprendre, tout reprendre à zéro, les poches vides, les familles décimées et le cœur en morceaux. Le retour offrait bien des mauvaises surprises, et même si les ressources étaient depuis longtemps épuisées, on n’avait jamais fini d’être un survivant. Plus encore, il fallait revenir parmi eux, eux les traîtres, les indifférents, les complices, ceux qui avaient simplement eu peur, ceux qui avaient fermé les yeux et serré les dents. Pouvait-on les blâmer pour ça? Il est des moments de l’Histoire où tout mériterait de disparaître sous terre. »

À propos de l’auteur
Née à Nice en 1984, Anne-Sophie Moszkowicz vit aujourd’hui à Paris, où elle travaille dans l’édition. Sa famille lui a transmis deux choses: l’importance de la mémoire et la passion des mots. A l’heure de fonder sa propre famille, ses racines la rattrapent. L’écriture s’impose alors à elle. N’oublie rien en chemin est son premier roman. (Source: Éditions Les Escales)

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La promesse de l’autre

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Vilnius rend hommage à Romain Gary 

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En deux mots:
À la fête de la littérature, François-Henri Désérable convoque Romain Gary, sa mère, un certain M. Piekielny, mais nous offre surtout une ébouriffante enquête pleine de chausse-trapes et de vrai-faux souvenirs. Irrésistible!

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

La promesse de l’autre

Devant la maison natale de Romain Gary à Vilnius, un jeune écrivain va tenter de retrouver la trace d’un certain M. Piekielny, voisin mystérieux de l’auteur de La promesse de l’aube.

«En mai 2014, des hasards me jetèrent rue Jono Basanavičiaus, à Vilnius, en Lituanie.» La première ligne de ce délicieux roman sert de fil rouge à l’histoire que François-henri Désérable va dérouler comme une pelote de laine dans laquelle on va adorer s’emmitoufler. Car l’auteur d’Évariste fait une fois de plus la démonstration de son talent à tricoter – et à détricoter – les histoires les fabuleuses.
Si je vous dis d’emblée que le narrateur n’en apprendra guère plus sur ce voisin de Romain Gary qui lui fait promettre de dire à toutes les célébrités qu’il rencontrera qu’«au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Vilno, habitait M. Piekielny» ne soyez pas déçu. Car l’enquête est en elle-même un passionnant chassé-croisé entre le vécu du narrateur, le fruit de ses lectures, les quelques rares documents et témoignages qu’il peut recueillir et une imagination fertile. Cette joyeuse exploration historico-littéraire est un petit bijou fantaisiste tout autant qu’un brillant hommage à la littérature et à l’un de ses représentants les plus doués dans l’art du camouflage : Romain Gary / Émile Ajar. En prenant le pas de son illustre aîné et en faisant rebondir les repères biographiques avec sa propre histoire, celle d’un hockeyeur pris par une soif de littérature sous le regard ébahi de sa mère, l’auteur fait exploser les codes de la biographie et de l’autofiction pour un feu d’artifice que n’aurait sans doute pas renié Roger Grenier, qui est aussi célébré ici (le hasard voudra que les belles lignes sur l’auteur et éditeur chez Gallimard parurent quelques jours avant sa mort).
En revisitant La promesse de l’aube dont, par parenthèse, l’adaptation cinématographique proposée par Eric Barbier vaut le détour, il se permet toutes les audaces et roule en permanence son lecteur dans la farine. Qui en redemande! Après tout, peu importe si ce monsieur Piekielny n’a existé que dans l’imagination de Romain Gary – à moins que ce ne soit dans celle de François-Henri Désérable : « Ce qui existe, ce qui commencera à exister peut-être un jour, si j’ai beaucoup de chance, ce sont mes livres, quelques romans, une œuvre, si j’ose employer ce mot. Tout le reste n’est que littérature. »
L’essentiel est ici, par la magie du roman, de faire revivre un épisode historique dramatique, celui qui a vu disparaître quelques millions de Juifs d’Europe, dont le voisin de Romain Gary et d’offrir la plus belle des tribunes à notre devoir de mémoire.
S’il est passé fort injustement à côté des Prix littéraires de l’automne, il serait regrettable que vous passiez à côté de cette petite merveille!

Un certain M. Piekielny
François-Henri Désérable
Éditions Gallimard
Roman
272 p., 19,50 €
EAN: 9782072741418
Paru en août 2017

Où?
Le roman se déroule en Lituanie, à Vilnius ainsi qu’en France, de Rouen à Nice en passant par Paris. On y évoque aussi des épisodes qui se seraient déroulés à Londres, à Washington, à La Paz…

Quand?
L’action se situe de nos jours avec des réminiscences au siècle dernier.

Ce qu’en dit l’éditeur
« »Quand tu rencontreras de grands personnages, des hommes importants, promets-moi de leur dire : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny… » Quand il fit la promesse à ce M. Piekielny, son voisin, qui ressemblait à « une souris triste », Roman Kacew était enfant. Devenu adulte, résistant, diplomate, écrivain sous le nom de Romain Gary, il s’en est toujours acquitté : « Des estrades de l’ONU à l’Ambassade de Londres, du Palais Fédéral de Berne à l’Élysée, devant Charles de Gaulle et Vichinsky, devant les hauts dignitaires et les bâtisseurs pour mille ans, je n’ai jamais manqué de mentionner l’existence du petit homme », raconte-t-il dans La promesse de l’aube, son autobiographie romancée.
Un jour de mai, des hasards m’ont jeté devant le n° 16 de la rue Grande-Pohulanka. J’ai décidé, ce jour-là, de partir à la recherche d’un certain M. Piekielny.»

Autres critiques
Babelio
La règle du jeu (Christine Bini)
Télérama (Fabienne Pascaud)
Culturebox (Anne Brigaudeau)
La Croix (Jean-Claude Raspiengeas)
Le litteraire.com (Jean-Paul Gavard-Perret)
Blog motspourmots.fr (Nicole Grundlinger)


François-Henri Désérable se lance sur les traces de Romain Gary dans son nouveau roman Un certain M. Piekielny. © Production La Grande Librairie

Les premières pages du livre
« En mai 2014, des hasards me jetèrent rue Jono Basanavičiaus, à Vilnius, en Lituanie. Un ami se mariait, il me prit pour témoin. J’aimerais, dit-il, que tu organises mon enterrement. J’objectai que c’était un peu tôt, qu’il avait encore de belles années devant lui, qu’en outre il semblait jouir d’une robuste constitution, mais que le cas échéant je saurais m’occuper de sa veuve. De vie de garçon, précisa-t-il. Ah, dis-je, tu veux dire promenade sur les Champs-Élysées, déguisé en cow-boy ? Il voulait dire strip-tease et hockey sur glace.
Nous prîmes donc des billets pour Minsk, où se tenait un tournoi de hockey qui devait nous servir d’alibi, parce que vois-tu, mon amour, qu’y pouvons-nous si le futur marié est amateur de patins et de crosses, s’il rêve d’assister aux championnats du monde, et s’ils ont lieu cette année en Biélorussie où les filles sont si belles et si
blondes et si promptes à se dévêtir ? »

Extrait
« À la première intersection, je tournai à droite, sur une longue rue que je descendis trois cents mètres, laissant arbitrairement à ma gauche les bulbes verts d’une église orthodoxe (quand trois ans plus tard je devais retourner pour la quatrième fois à Vilnius, les bulbes ne seraient plus verts mais dorés, repeints tels qu’ils étaient à l’origine, tels, penserais-je alors, qu’il avait dû les voir tous les jours en sortant de chez lui) pour continuer encore à droite, rue Jono Basanavičiaus.
Au n°18, sur la façade d’un immeuble de stuc jaune dont le porche donnait sur une cour intérieure, se trouvait une plaque, en lituanien et en français: L’écrivain et diplomate français Romain Gary (vilnius, 1914 – paris, 1980) a vécu de 1917 à 1923 dans cette maison qu’il évoque dans son roman « la promesse de l’aube ». »

À propos de l’auteur
Né en 1987 à Amiens, François-Henri Désérable passe son enfance et son adolescence en Picardie. À quinze ans, il part dans le Minnesota, aux États-Unis, pour s’adonner à sa passion: le hockey sur glace, qu’il a commencé à pratiquer à l’âge de cinq ans. À dix-huit ans, il devient joueur de hockey professionnel, entre en fac de droit et commence à écrire. Tu montreras ma tête au peuple, récits des derniers instants de personnages guillotinés pendant la Révolution française, est publié en 2013 aux éditions Gallimard. Il remporte plusieurs prix dont celui de la Vocation. En 2015, paraît Évariste, biographie romancée sur Évariste Galois, prodige des mathématiques mort en duel à vingt ans. À la rentrée littéraire 2017, avec Un certain M. Piekielny, François-Henri Désérable part sur les traces d’un personnage de Romain Gary, « souris triste » évoquée dans La promesse de l’aube. (Source : fhdeserable.com)

Site Wikipédia de l’auteur 
Site internet de l’auteur 

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Faux départ

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En deux mots:
Aurélie la Grenobloise voit la vie d’un œil désenchanté, broyé par un système qui ne lui offre guère de perspectives. Elle part tenter sa chance à Paris où elle va découvrir le concept de «travailleur pauvre». Un premier roman choc !

Ma note:
★★★ (bien aimé)

Faux départ
Marion Messina
Éditions Le Dilettante
Roman
224 p., 17 €
EAN : 9782842639044
Paru en août 2017

Où?
Le roman se déroule en France, à Grenoble puis à Paris et en banlieue.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Ma foi, qu’est-ce donc que la vie, la vie qu’on vit? D’expérience, elle a la douceur d’un airbag en béton et la suavité d’un démaquillant à la soude, la vie ne serait-elle qu’une épaisse couche d’amertume sur le rassis d’une tartine de déception? Pas moins, pas plus? C’est en tout cas la démonstration que nous livre Marion Messina, l’Emmanuel Bove de ces temps, dans Faux départ, son premier roman. À ma gauche, Aurélie, à ma droite Alejandro! Entre la Grenobloise de toute petite extraction qui crève la bulle d’ennui dans une fac facultative, souffre-douleur d’un corps en plein malaise, et le Colombien expatrié, ça s’aime un temps mais ça casse vite. D’aller de Paris en banlieue et de banlieue à Paris, d’œuvrer comme hôtesse d’accueil, de manger triste, coucher cheap et vivre en rase-motte, rencontrer Franck puis Benjamin ne change que peu de choses à l’affaire. Renouer avec Alejandro ne modifie guère la donne: l’amour fou, la vie inimitable, le frisson nouveau sont toujours à portée de corps, mais jamais atteints. Toujours en phase d’approche, jamais d’alunissage. Marion Messina décrit cette frustration au quotidien avec une rigueur d’entomologiste. Que voulez-vous, la vie fait un drôle de bruit au démarrage. Jamais on ne passe la seconde. Faux départ, telle est la règle.

Ce que j’en pense
Attention danger ! Les optimistes invétérés, les croyants aux lendemains qui chantent passez votre chemin. Le premier roman de Marion Messina risque de vous plomber durablement. Ici, la chronique est amère, la vie difficile et l’avenir très sombre. Nous allons suivre Aurélie durant ses années post-bac. Celles que l’on se plaît à décrire comme les plus belles de la vie.
Mais il suffit de placer le projecteur sur les bancs de la fac de Grenoble pour constater que la plupart des étudiants ne sont pas là par vocation, ni même pour se construire un avenir, mais parce que la voie universitaire semble être, après le baccalauréat, le meilleur moyen d’entretenir l’illusion d’une brillante carrière. Le poids des statistiques montre à lui seul le carnage qui s’annonce. Tout comme Aurélie qui ne comprend pas vraiment les cours qui lui dispensés et ne va tarder à s’en dispenser, la majorité de ses congénères rejoindra les rangs de pôle emploi avant d’avoir décroché un diplôme. Constat brutal et pourtant lucide sur la misère étudiante, ce roman est aussi la chronique du délittement des relations sociales.
Pas plus qu’on ne peut croire au plein emploi, on ne peut croire au grand amour. Le sexe est d’abord un pis-aller, un dérivatif. Avec Alejandro, étudiant colombien débarqué par hasard en Isère, Aurélie aurait pourtant voulu y croire. Mais de galère en incertitudes et au bout d’une série d’échecs, elle choisit de tenter sa chance à Paris.
Dans la ville lumière, elle trouvera certes un premier emploi d’hôtesse d’accueil, mais surtout tous les problèmes inhérents à son statut précaire. Travailleuse pauvre obligée de quémander un toit, elle «se sentait connectée à tous les balayeurs, soudeurs, employés du bâtiment, dames pipi, chauffeurs de bus, distributeurs de journaux gratuits qui travaillaient déià quand elle se réveillait. Son tailleur mettait de la distance entre elle et eux, il aurait été difficile de leur expliquer que de nombreux smicards pouvaient travailler endimanchés; si les ouvriers et assimilés n’y voyaient que du feu, les principaux concernés voyaient très bien la différence dans la qualité de l’accoutrement.» Marion Messina fait tomber le masque et nous offre avec ce tableau détaillé un réquisitoire puissant contre ce système qui broie ceux que les politiciens appelent les «forces vives de la nation». Dur, dur !

68 premières fois
Blog Mémo émoi 
Blog Les couleurs de la vie 
Blog Mes écrits d’un jour (Héliéna Gas)

Les autres critiques
Babelio
Marianne (Benoît Duteurtre)
L’Express (David Foenkinos)
Lelittéraire.com
20 minutes 
Blog Causeur.fr (Jean-Paul Brighelli)

Les premières pages du livre 
« Alejandro s’était réveillé avec la bouche sèche et la mi-molle des matins maussades. Il s’était étiré péniblement, la paume dorée de ses mains fines avait touché la poutre qui traversait l’unique pièce de son appartement. Il avait faim, le frigo acheté chez les Compagnons d’Emmaüs dégageait une odeur âcre de pâtes aux lardons. Il avait remis le même caleçon que depuis trois jours, enfilé un pull trop fin pour supporter les hivers grenoblois et regardé la liste de ses téléchargements. Il observa d’un œil torve et d’une main agitée la sodomie d’une quadragénaire en porte-jarretelles et talons aiguilles, sortit s’acheter un kebab avec un ticket-resto et rentra dans son dix-huit mètres carrés poussiéreux. Il était déjà 17 heures, c’était un samedi pluvieux et froid de décembre. Il ne travaillait pas les week-ends. La prochaine beuverie chez ses amis compatriotes ne commencerait pas avant 21 heures. Il se roula un joint et s’allongea. »

Extrait
« Aurélie était à Paris depuis un peu plus de deux mois, elle avait validé sa période d’essai et pouvait se lancer dans la recherche périlleuse d’un logement. Elle avait été hôtesse dans un prestigieux cabinet d’avocats du VIIIe arrondissement, dans une centrale d’appels pour une chaîne de la grande distribution à Rungis, dans un musée très réputé, dans divers sièges sociaux, dans les locaux d’une société de production audiovisuelle. Elle avait traversé toute la petite couronne en bus, transilien et métro. Certains déplacements prenaient quatre heures aller-retour, ce temps de transport n’était jamais rémunéré. Elle avait fondu, il avait fallu changer deux fois de tailleur. Elle se nourrissait mal, irrégulièrement, de carottes râpées en boîte plastique et sandwiches au poulet recomposé ou au surimi. Elle avait promis à sa mère d’effectuer une prise de sang afin de détecter une éventuelle anémie. Le laboratoire d’analyses était ouvert sur ses horaires de travail, la secrétaire médicale aurait demandé une ordonnance. Elle n’avait pas de médecin traitant à Paris, pas effectué
les démarches administratives auprès de la CPAM.
Pour cela, elle aurait dû aller dans un cybercafé afin d’imprimer le courrier. Cela lui aurait coûté une journée. »

À propos de l’auteur
Banlieusarde sans accent, ni pyromane, ni victime, élevée par des ouvriers bibliophiles et fins gourmets, Marion Messina était prédestinée à ne satisfaire aucun cliché. Persuadée qu’une carrière de diplomate l’attend, elle rêve d’Oxford depuis son lycée technique de zone «sensible», tuant ses après-midi à feuilleter des catalogues de voyagiste entre deux cours de bharatanatyam. Las, ni l’ONU ni les théâtres de Madras ne se décident à exploiter son talent. Elle devient pigiste, étudiante en science politique et finit par valider un BTS agricole. (Source : Éditions Le Dilettante)

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Mademoiselle, à la folie!

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En deux mots:
Catherine est une grande comédienne qui vit assistée de Mina, sa confidente et de Jean, son amant. Tous deux vont constater que la raison de Mademoiselle commence à vaciller…

Ma note:
★★★ (bien aimé)

Mademoiselle, à la folie !
Pascale Lécosse
Éditions de la Martinière
Roman
128 p., 14 €
EAN : 9782732484532
Paru en août 2017

Où?
Le roman se déroule en France, principalement sur l’île Saint-Louis à Paris.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
— Qu’est-ce que j’ai, Mina ?
— Demande-moi plutôt ce que tu n’as pas.
— Je veux dire, qu’est-ce qui cloche chez moi ?
— Je n’ai rien remarqué.
— Si, dis-moi. Pourquoi est-ce que je n’ai envie de rien ?
— Sans doute, parce que tu as tout.
— Certains jours, je confonds les visages, pourquoi ?
— Parce que tout le monde se ressemble.
Catherine danse au sommet de sa vie. Fantasque et admirée, elle a embrassé les acteurs les plus séduisants, joué dans les plus grands films. Elle aime les autres éperdument et distraitement. Jean, son amant éternel, ministre dûment marié. Mina, son assistante, sa confidente, sa meilleure amie. Mina qui ne lui passe rien, Mina qui lui permet tout.
Pourtant, un jour, les coupes de champagne à onze heures du matin, les coups de tête irrésistibles : même Catherine n’y comprend plus rien. Tout va trop vite, tout s’embrouille. Mina fera tout pour protéger Catherine de la maladie qui ne dit pas son nom.
Car Mademoiselle veut jouer son rôle jusqu’au bout. Un peu, beaucoup, à la folie.

Ce que j’en pense
La formule peut sembler éculée, mais ce court roman se lit effectivement dune traite, car le lecteur est d’emblée emporté par le ton du récit, confié à cette «Mademoiselle» dont la carrière au théâtre et au cinéma a été éblouissante. On peut, par exemple, imaginer Catherine Delcour sous les traits de Danielle Darrieux dont la carrière fut également très riche, tant au cinéma qu’au théâtre. Pour le reste, Pascale Lécosse imagine sa diva vivant sur l’île Saint-Louis avec Mina, son assistante et confidente et ayant une liaison avec Jean, un homme politique qui lui offre à la fois son affection et sa liberté. La vie passe, le trio se croise et s’épie, tour à tour joyeux, lucide, tendre, puis jaloux, voire cruel.
Si pour Catherine il n’est pas question de quitter la scène, les petits oublis et les pannes de mémoire se multiplient. On sent alors petit à petit sa vie filer vers cet inexorable drame annoncé dès le titre du livre…
L’auteur mène de main de maître ce bel exercice qui ne fait jamais basculer le récit dans un drame sordide. On pourra même lui reprocher de s’être arrêtée trop tôt et de ne n’avoir semé que de petits cailloux ici et là, le long d’un parcours insouciant qui va mener vers une fin redoutée.
Oui, il faut prendre garde à la douceur des choses!

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Blog Les livres de Joëlle (Joëlle Guinard)
Blog Mémo émoi
Le blog du petit carré jaune (Sabine Faulmeyer)
Blog Livres et vous (Anne-Marie Gabriel)
Aline Raynaud (sur Babelio)
Blog Carole Accroche Livres 
Blog Les couleurs de la vie (Anne Leloup)
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Blog Anne Mon petit chapitre
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Les autres critiques
Babelio 
L’Humanité (Gérald Rossi)
Blog Les lectures du mouton (Virginie Vertigo)


Pascale Lécosse présente Mademoiselle, à la folie! © Production ed. de la Martinière

Les premières pages du livre
« Je m’appelle Catherine, Catherine Delcour. J’aurai quarante-huit ans dans quelques mois, je suis plus vieille que ma mère ne l’était quand elle s’est tuée dans un accident de la route – elle venait d’avoir quarante ans. J’habite un grand appartement sur l’île Saint-Louis, où je vis depuis… Depuis je ne sais plus quand. J’ai aussi une maison à la campagne, mais c’est à Paris que j’aime être, dans mon quartier, où les touristes ne me connaissent pas et où les commerçants restent discrets. Quand je désire quelque chose ou quelqu’un, il m’arrive, pour l’obtenir, d’implorer un dieu que j’oublie aussitôt après. Je ne crois pas au destin, ce que je veux, je le prends. J’ai depuis toujours le goût de l’effort, du travail, sans lesquels le talent ne suffit pas. L’échec me fait horreur et je suis loin de penser, comme certains, que c’est un mal nécessaire. C’est un mal, point. Que je me suis efforcée d’éviter tout au long de ma vie. Je n’ai pas peur du temps qui passe mais du temps perdu. Quant à la maladie, le meilleur remède que j’ai trouvé pour la combattre, c’est de rester en bonne santé. Je ne me ressers jamais d’un plat, j’ai renoncé au fromage, au pain, et je finis rarement mon verre de vin. Je fais du sport, raisonnablement, je travaille ma respiration et ma mémoire. Je fais l’amour régulièrement et bien. Je dors huit heures d’affilée, quel que soit le fuseau horaire qui m’abrite. Je ne fume pas, je ne me drogue pas, je bois du champagne chaque jour. Je canalise mes énergies vers ce et ceux qui m’élèvent, je fuis la médiocrité. Mon fonds de commerce, c’est moi et j’en prends le plus grand soin. »

Extrait
« J’adore l’effervescence des tournages, et tout l’argent que je gagne n’a rien à voir avec ça. J’ouvre mon carnet, je note que demain, 8 septembre, une journaliste que je connais viendra à seize heures. Elle est très agréable, très professionnelle, elle travaille pour un magazine féminin, un hebdomadaire… Elle s’appelle… Je referme mon carnet.
Mina saura.
Elle se souvient de tout. »

À propos de l’auteur
Après avoir travaillé dans la publicité et écrit pour le théâtre Pascale Lécosse publie Mademoiselle, à la folie! son premier roman.

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Il n’y a pas d’internet au paradis

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En deux mots:
Le drame du harcèlement professionnel en entreprise trouve une illustration dans l’histoire du suicide d’un cadre informatique et dans l’entreprise de reconstruction auquelle est confrontée son épouse, la narratrice du roman.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Il n’y a pas internet au paradis
Gaëlle Pingault
Éditions du jasmin
Roman
224 p., 19,90 €
EAN : 9782352842200
Paru en septembre 2017

Où?
Le roman se déroule en France.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Gentiment bourgeois bohèmes sans être tout à fait dupes, Alex et Aliénor s’aiment, envisagent de faire un enfant ou deux, et de se déconnecter d’un monde qui va trop vite. Mais la Grande Entreprise en a décidé autrement. À coups de réorganisations, elle consomme de l’être humain comme une machine du carburant : sans états d’âme.
Entre chagrin et souvenirs, la colère d’Aliénor monte contre l’entreprise, mais aussi contre Alex, à qui son amour n’a pas suffi pour continuer à vivre. Et puis le deuil se fait, Aliénor commence une existence nouvelle, un peu hésitante, avec une seule certitude : face à l’adversaire, il ne faut pas plier.
Sans rien masquer de la souffrance de son personnage, l’écriture enlevée, touchante et drôle de Gaëlle Pingault réussit à tenir à distance la cruauté des entités déshumanisées pour laisser à l’individu toute la place, car en continuant à chercher son paradis sur cette Terre et dans cette vie, il est le seul grain de sable capable de gripper la machine.

Ce que j’en pense
« Tu disais : « Il n’y a pas Internet au paradis ». La formule t’était venue un jour, en vacances. Nous prenions le soleil dans un joli coin de bord de mer, en Bretagne Nord oui, j’ai bien dit « soleil » et « Bretagne Nord » dans la même phrase, particulièrement mal couvert par les réseaux de téléphonie mobile. Nous nous sentions un peu seuls au monde, ce qui était un comble vu le nombre de touristes qui arpentaient les rues du village. Mais nous étions loin des contraintes, et nos téléphones n’avaient pas suffisamment de peps pour nous les rappeler. Après un jour ou deux de cure de désintoxication express, ce furent des vacances parfaites.
Un soir de ces vacances idylliques, tu m’as dit: « Il n’y a pas Internet au paradis. » j’étais un peu partie, je crois, la faute aux mojitos à tomber par terre d’un petit pub hautement sympathique où nous traînions souvent le soir. La musique y était bonne. Ceci expliquait cela. »
Cette jolie formule, qui donne son titre à ce premier roman et qui est expliquée dans ce passage, révèle avec beaucoup de pudeur et un peu de poésie le drame que vit Aliénor. Son mari Alex s’est suicidé et ne lui adressera ni courriels, ni SMS. Pas plus qu’il ne concrétisera leurs projets communs, comme cette envie de retrouver la campagne et un rythme de vie différent. Alex n’aura pas supporté la pression de son entreprise et particulièrement celle de son supérieur répondant au doux nom de «Boucher». Au fil des pages, le lecteur va découvrir comment le harcèlement professionnel peut conduire à de telles extrémités, mais aussi combien le système peut défendre ces cadres supérieurs que personne n’ose nommer appeler assassins. Et pourtant…
Voici donc Aliénor qui nous raconte les jours heureux, leur vie de couple, mais aussi le poids de l’absence et les doutes qui s’emparent d’elle: «Je ne sais pas si je vais savoir faire ma vie sans toi. Recommencer officiellement à vivre, sortir du no man’s land tolérable après ton décès.» L’envie de mettre les coupables devant leur responsabilité et surtout la culture (une rencontre en librairie, la visite d’une exposition d’art) vont toutefois lui permettre de rebondir et de transformer cette histoire violente et douloureuse en un roman de la résilience pour ne pas dire de la renaissance.
Gaëlle Pingault écrit sur le fil du rasoir et réussit le tour de force, pour un premier roman, de nous confronter avec une actualité brûlante. À l’image de ces informations que distille la radio au fil des jours et qu’Alex aimait bien commenter – et qui parsèment le livre – elle offre ainsi au lecteur le miroir de notre société et de ses dérives.

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Blog motspourmots.fr (Nicole Grundlinger)
Blog Passion de lecteur
Blog Mes écrits d’un jour (Héliena Gas)

Les autres critiques
Babelio
Blog Les chroniques de Mandor (Entretien avec l’auteur)
Blog A bride abattue
Blog Encres vagabondes

Extrait
« Sait-on seulement à quel point il est facile de détruire des hommes ? Des êtres sans histoire et sans fêlure particulière ? Des hommes solides, bien campés sur leurs jambes, qui en ont déjà vu dans leur vie et à qui on ne la fait pas ? Des hommes au clair avec eux-mêmes et bien dans leurs pompes ? Je ne suis pas sûre que tout le monde ait bien conscience du degré de vulnérabilité de l’être humain. Peut-être, sans doute, est-ce aussi bien ainsi. Au moins, ceux qui n’ont pas connaissance de cet état de fait ne tentent pas d’en jouer. Juste pour le fun, tiens, pour faire mumuse, essayons de bousiller untel. Ce qui est terrifiant, c’est qui si ça nous prenait, on y arriverait. Nous sommes tous des bourreaux en puissance. »

À propos de l’auteur
Nouvelliste, et maintenant romancière, animatrice d’ateliers d’écriture, orthophoniste, bretonne. Et réciproquement, ou l’inverse. Ça dépend du sens du vent. Celui que je préfère, moi, c’est le noroît qui claque. Pas très sérieuse, enfin pas trop, parce que la vie est trop courte pour ça. Déjà 40 ans de passés, c’était bien, merci. Barman, vous m’en remettrez le double, s’il vous plaît ? Un homme, une petite fille de moins en moins petite, la mer à 50 km: triangle parfait, équilibre atteint. (Source: Éditions du Jasmin)

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Parmi les miens

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En deux mots:
Victime d’un grave accident de voiture, une femme est dans le coma. Autour d’elle son mari et ses enfants sont sous le choc. Vient alors le temps des questions…

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

Ma mère, cette inconnue

Une fratrie et un mari se retrouvent face à une mère et épouse victime d’un grave accident. Désormais chacun est seul face à cette vie qui ne tient qu’à un fil.

 

« Il y a peu de choses que je n’acceptais pas venant de maman. La voir mourir en faisait partie. » Dès la première phrase du premier roman de Charlotte Pons le lecteur est happé par une histoire à forte teneur dramatique, par une tragédie qui change à jamais ceux qui y sont confrontés.
Je me souviens d’un repas de famille et de ce moment particulier où, après avoir épuisé les banalités, les commentaires sur l’actualité et les dernières histoires drôles nous en somme svenus à parler de la mort. Je me souviens notamment de ma mère nous priant de «la laisser partir» si jamais elle ne devait plus avoir sa tête. Je me souviens exactement de cette phrase : «Je ne veux pas finir comme un légume».
Je me souviens aussi du regard que nous avions échangé entre mes frères et ma sœur, mélange de crainte de nous retrouver un jour dans cette situation et d’interrogations sur l’attitude que nous aurions alors.
Voilà qui explique sans doute combien le personnage de Manon, l’aînée de la fratrie imaginée par la romancière et narratrice de ce drame intime m’a touchée. Un coup de fil de sa sœur l’avertit que sa mère a eu un grave accident et qu’elle doit sans tarder venir les rejoindre à l’hôpital de sa ville natale. Durant les cent cinquante kilomètres de trajet elle a à peine le temps de concevoir la situation, entre douleur et incompréhension.
En retrouvant son père, son frère Gabriel et sa sœur Adèle, en comprenant que si sa mère sort du coma elle ne sera ce «légume» tant redouté, elle trouve une seule issue pour évacuer la douleur, lâcher cette phrase définitive: autant qu’elle meure.
« J’avais dû le dire à voix haute car dans le regard de mes frère et sœur, j’ai lu l’effroi, j’ai deviné le gouffre qui menaçait toujours de surgir entre nous. Nos liens étaient si ténus. Mais que croyaient-ils ? Que nous avions les épaules pour cela? Affronter l’humanité de notre mère dans ce qu’elle avait de plus vain. Un corps, juste un corps. Qui se dégrade et que l’on maintient en vie coûte que coûte. Je ne pouvais pas, s’agissant de maman, imaginer l’œil vide et mort qu’elle nous jetterait lorsqu’on lui donnerait la becquée, imaginer les soliloques que l’on tiendrait en espérant qu’un mot l’atteigne. »
Pourquoi Manon prend seule ce poids sur ses épaules? Parce qu’étant l’aînée, elle se sent investie d’une mission ? Parce qu’elle ne se rend pas compte que pour son père et sans doute ses frère et sœur, il y a des circonstances dans lesquelles il vaut mieux essayer de nier la réalité que de prononcer ne condamnation.
« Les jours qui suivent, nous ne parlons pas de l’avenir; nous ne parlons pas de grand-chose d’ailleurs, nous abandonnant à ce temps bien particulier qui suit un traumatisme et n’exige rien d’autre que de se laisser aller à sa douleur. »
Manon s’installe quelques temps chez son père, Parmi les siens. Elle est de toute façon incapable de travailler ou encore de partager sa peine avec son mari et son fils. Car elle est obsédée par cette vie qui ne tient qu’à un fil et dont elle ne sait finalement pas grand chose. Venue de Norvège, elle a toujours été très mystérieuse sur ses parents. Petite fille, Manon a un jour croisé sa grand-mère sans qu’elle lui soit présentée. Les questions longtemps restées sans réponse prennent soudain une importance vitale. Son frère va finir par lâcher une part du lourd passé, son père également lorsqu’apparaissent des lettres expédiées d’Allemagne.
Et alors que l’on sait que l’issue sera fatale, voilà que l’hôpital entend récupérer le lit occupée par ce «légume». La famille décide alors de ramener cette femme totalement absente, et qui prend pourtant de plus en plus place dans leur quotidien, à son domicile. Une nouvelle épreuve commence alors.
Outre la revue d’effectifs et l’analyse some toute très lucide des liens qui se distendent au fil du temps avec les membres de la fratrie, Manon découvre combien sa meilleure amie Lisbeth lui est précieuse, qu’il est si apaisant de partager sans rien avoir à se dire. Car elle a la gorge sèche et, après les reproches encaissés autour d’elle, ne sait plus comment dire les choses? Comment exprimer sa détresse ? Comment expliquer à son mari, à son enfant qu’elle se retrouve déboussolée. Comment « dire toute la difficulté à être mère quand la mienne est en train de mourir, lui dire tout ce qu’elle ne m’a pas transmis et que je devrai trouver seule désormais; lui dire aussi toute l’intimité mêlée de défiance que j’éprouve pour mon bébé et qui me fait peur, me noue les tripes; lui dire encore que je n’ai plus souvenir d’une telle intimité avec ma mère aujourd’hui que je suis adulte, et que ça aussi, ça me rend malade. »
Avec beaucoup de pudeur, mais sans rien cacher des tourments et des conflits intérieurs qui agitent la narratrice et les membres de sa famille, Charlotte Pons nous offre un roman fort, chargé d’émotions, sans oublier de distiller quelques surprises de taille tout au long de son récit. Bref, une entrée en littérature réussie !

Parmi les miens
Charlotte Pons
Éditions Flammarion
Roman
192 p., 18 €
EAN : 9782081414150
Paru en août 2017

Où?
Le roman se déroule en France, dans une ville au bord d’un lac, dans un chalet situé sur les hauteurs et dans une grande ville située à quelques 150 km. On y évoque aussi la Norvège et l’Allemagne.

Quand?
L’action se situe de nos jours avec des reminiscences à l’époque de la seconde guerre mondiale.

Ce qu’en dit l’éditeur
« Il y a peu de choses que je n’acceptais pas venant de maman. La voir mourir en faisait partie. » Quand le médecin leur annonce que leur mère est vivante mais en état de mort cérébrale, Manon laisse échapper qu’elle préfèrerait qu’elle meure. C’est trop tôt pour y penser, lui répondent sèchement Adèle et Gabriel.
Délaissant mari et enfant, Manon décide de s’installer parmi les siens. Au cœur de cette fratrie grandie et éparpillée, elle découvre ce qu’il reste, dans leurs relations d’adultes, des enfants qu’ils ont été. Et tandis qu’alentour les montagnes menacent de s’effondrer, les secrets de famille refont surface. Qui était vraiment cette mère dont ils n’ont pas tous le même souvenir?
Charlotte Pons écrit une tragédie ordinaire tout en tension psychologique et révèle un talent fou pour mettre en scène, dans leur vérité nue, les relations familiales.

68 premières fois
Blog Les couleurs de la vie (Anne Leloup)
Romanthé – blog littéraire décalé (Sarah Dupouy)

Autres critiques
Babelio
Le Point (Marie-Sandrine Sgherri)
Livres Hebdo (Léopoldine Leblanc)
Blog Abracada Books
Blog Tombée du ciel
Blog Lis-moi si tu veux
Blog Meelly lit
Blog Passion bouquins
Blog Chronicroqueuse de livres

Les premières pages du livre:
« Il y a peu de choses que je n’acceptais pas venant de maman. La voir mourir en faisait partie. Mais quoi? Penser à maman comme à un légume. Je n’étais jamais aussi désemparée que lorsqu’elle ne me comprenait pas et voilà qu’elle ne m’aurait plus reconnue? — Autant qu’elle meure. J’avais dû le dire à voix haute car dans le regard de mes frère et sœur, j’ai lu l’effroi, j’ai deviné le gouffre qui menaçait toujours de surgir entre nous. Nos liens étaient si ténus. Mais que croyaient-ils ? Que nous avions les épaules pour cela? Affronter l’humanité de notre mère dans ce qu’elle avait de plus vain. Un corps, juste un corps. Qui se dégrade et que l’on maintient en vie coûte que coûte. Je ne pouvais pas, s’agissant de maman, imaginer l’œil vide et mort qu’elle nous jetterait lorsqu’on lui donnerait la becquée, imaginer les soliloques que l’on tiendrait en espérant qu’un mot l’atteigne. Tu m’entends, dis, tu m’entends? Je ne pouvais pas envisager que la peau contre laquelle elle nous serrait enfants en vienne à nous dégoûter. Elle avait ce grain de beauté, là, sur le bras. Lequel déjà? Petite, je le caressais sans cesse. Il y avait des années que je ne l’avais plus touchée. Je l’avais dit à voix haute et c’est là que l’histoire a définitivement tourné court entre Adèle, Gabriel et moi. Que les liens sur lesquels nous tirions depuis l’enfance ont cédé. Que celle-ci, en somme, s’est terminée. »

Extrait
« Au bout du fil, la voix est celle de quelqu’un de blême. J’en reconnais le timbre, celui de ma sœur, pas le ton, paniqué, ni le sens de ce qu’elle dit, improbable: Maman a eu un accident.
Je pense: «Non». Et puis: «Pourquoi pas?». Cela arrive tous les jours, répondre au téléphone et soudain, flancher. Cela arrive tous les jours et ce jour-là, c’est mon tour.
— Elle va bien?
— Viens, on t’attend.
Je les imagine, tous les trois sous la lumière crue des néons de l’hôpital. Adèle, Gabriel et notre père. Leur panique et leur détresse identiques à la mienne. Une bouffée d’amour comme je n’en ai pas ressentie à leur égard depuis longtemps me remue. Le sentiment d’appartenir à quelque chose de bien plus grand que ma personne – une famille, un destin, un monde en marche.
En raccrochant, je bafouille à l’intention de Simon: «Je crois que ma mère est en train de mourir» et sans autre explication ni considération pour l’énormité de ce que je viens de dire, je le plante là, notre fils dans les bras, pour rallier la ville de mon enfance, pied au plancher. Cent cinquante kilomètres, une vingtaine de cigarettes fumées et peut-être autant d’accidents auxquels j’ai échappé. Cent cinquante kilomètres en apnée, jusqu’au parking de l’hôpital où l’urgence qui m’a poussée à appuyer sur l’accélérateur retombe pour laisser place à une trouille qui me paralyse. Les mains crispées sur le volant, encore tout étourdie par le trajet, nauséeuse d’avoir trop fumé, je me concentre pour percevoir un signe – de ma mère, des morts ou
de Dieu que je ne prie jamais –, n’importe quoi qui me dirait «ça ira», mais rien d’autre ne me parvient que les clics et les clacs du moteur encore chaud ou le ronflement de la voie rapide qui passe en dessous. Il me faudra encore dix minutes
avant de parvenir à bouger. »

À propos de l’auteur
Charlotte Pons a passé huit ans au sein d’une rédaction parisienne comme journaliste culture et chef d’édition. Elle a créé en 2016 les ateliers d’écriture «Engrenages & Fictions». Parmi les miens est son premier roman. (Source : Éditions Flammarion)

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