En deux mots:
Trois hommes se retrouvent pour dresser le bilan de leurs vies respectives. Milan retrouve Émilien, son père, et Théo, son fils, pour un huis-clos explosif.
Ma note:
★★★ (bien aimé)
Ma chronique:
Pour le meilleur et pour le père
Unité de lieu et unité de temps : le drame réunissant fils, père et grand-père peut commencer. Sans oublier les coups de théâtre!
Ghislain Loustalot, grand reporter à Paris Match, a choisi un scénario proche du théâtre pour son premier roman. Tout se déroule l’espace d’une nuit dans un studio où vont se réunir Milan, son père Émilien et son fils Théo. Une rencontre aussi imprévue qu’inopportune. Car chacun des protagonistes a des choses à reprocher aux autres, sans doute pour effacer les reproches qu’ils pourraient s’adresser personnellement. Si Milan se retrouve seul, c’est qu’il a une maladie qui ne s’opère pas, il est «totalement inapte au bonheur». Catherine, son épouse, ne le supporte plus et décide le quitter : «Tu vas avoir quarante-cinq ans, tu es encore beau, tu as un métier qui te passionne, des enfants que tu adores et tu gâches tout.»
À ce jeu de massacre participe aussi Émilien qui a oublié qu’un jour, alors que son fils était hospitalisé, il lui avait promis de revenir le lendemain et n’était pas revenu durant «quarante jours de larmes et de cris». Un traumatisme qui aura marqué Milan à vie et qui l’a conduit a renier ce père, à couper les ponts. Pourtant c’est bien lui qui sonne à sa porte muni d’un sac. Il vient de quitter son épouse qui «a fait une crise» et cherche refuge auprès de son fils avec lequel il aimerait «parler un peu».
Si Milan le laisse entrer, c’es tpeu-être parce qu’il culpabilise. Car il se rend compte qu’en quittant sa femme il a aussi quitté ses enfants Théodore, Victoire et Maximilienne. Finis ses beaux rêves de dialogue et de complicité. À moins qu’il ne puisse renouer avec Théo qui s’est lui aussi invité chez son père.
Mais dès les premiers échanges, on se rend compte que les rancunes, les reproches, les griefs de toute sorte prennent largement le pas sur tout dialogue constructif. Aussi, quand tout s’effondre, quand la tension devient forte, il reste l’alcool pour se calmer. Mais il serait illusoire de croire qu’avec quelques verres de whisky les choses vont s’arranger…
Au fur et à mesure que la soirée s’avance, que le taux d’alcoolémie augmente, que les bouteilles de vin prennent le relais des alcools forts, des souvenirs ressurgissent, des vérités jusque là soigneusement enfouies se font jour.
Avec un art consommé du rythme narratif, Ghislain Loustalot fait se frotter et se piquer trois égos. Et s’il suffit d’une étincelle pour mettre le feu, il suffit aussi quelquefois d’un éclair de lucidité, d’une parole sincère pour éteindre l’incendie. Et nous offrir trois histoires pour le prix d’une. Car chacun des protagonistes finira par repartir avec la sienne. Sauf qu’elle sera bien différente de ce qu’il s’imaginait avant ce huis-clos explosif.
La première nuit
Ghislain Loustalot
Éditions JC Lattès
Roman
250 p., 18 €
EAN : 9782709661423
Paru le 10 janvier 2018
Ce qu’en dit l’éditeur
À quarante-cinq ans, Milan est toujours séduisant mais aussi alcoolique, taiseux et destructeur. Son ex-femme a obtenu la garde de leurs trois enfants et sa compagne, Catherine, vient de le quitter.
En ce dimanche soir de découragement dans son appartement blanc immaculé, deux visites surprises vont rebattre les cartes: celle de Théo, son fils, et d’Émilien, son père, tous les deux à la recherche d’un refuge pour la nuit.
La réunion familiale prend alors des allures de poker menteur où se posent les questions dont on craint les réponses, où chacun règle ses comptes et où trois générations d’hommes vont s’affronter, se détruire, et peut-être se sauver.
Une nuit d’alcool, de violences et de larmes, de secrets gardés, d’humour noir et de rancœurs crachées au visage.
Les critiques
Babelio
Publik’Art (Bénédicte de Loriol)
Blog Songe d’une nuit d’été
Blog La Dory qui lit
Blog Psych3deslivres
Romanthé blog littéraire décalé
Blog Le Notebook de Gwen
Les premières pages du livre
« Il neige dans la bouche grande ouverte de Milan mais rien à voir avec les frais souvenirs de l’enfance, petits gants glacés, courses et glissades. Il neige dans sa bouche mais les flocons tombent de ses dents qui se désagrègent, assèchent sa langue et son palais. Toutes ses dents s’effritent au point qu’il les mâche et cette pâte farineuse a un goût de déjà-vu qui l’horrifie. Il voudrait retrouver cette sensation de la neige qui caresse son visage pour la première fois, il y a longtemps, mais il mastique des grumeaux sur ses gencives déjà cicatrisées. Il se retourne, respire la puanteur de sa sueur alcoolisée sur l’oreiller, s’y abandonne. À présent, la neige attaque ses yeux. Chaque paillette étincelante entache sa vision. Il force le regard, les devine tous en haut, amis, amours, enfants, remplissant son dernier rectangle sombre. Alors c’est maintenant ? Et c’est ainsi ? Il pleure sur sa propre mort. La boucle est bouclée. Il retombe au stade primal d’une vie qui n’aura été ni douce ni légère, s’abandonne comme au jour oublié de sa naissance mais quelqu’un l’agrippe et il scrute pour savoir quelle main pourrait l’emporter plus loin encore de ce monde qui tournera sans lui. Il tente de hurler mais il geint. On le secoue encore et le monde redevient ce qu’il était. Sombre d’abord et puis de moins en moins. Il s’extrait du cauchemar parce qu’il la voit de ses yeux vrillés d’émail. Il passe la langue sur ses dents : il n’est ni édenté ni mort, mais il devine que là, tout de suite, il va le regretter, parce qu’il se souvient.
Ils sont rentrés au petit matin. Ils ont dormi dos à dos dans le canapé-lit. Il a voulu la prendre dans ses bras, lui faire l’amour, elle l’a repoussé avec ses pieds. Que s’était-il passé avant ? Que se passe-t-il depuis toujours ? Tant de choses mauvaises. Rien d’autre. Il repasse la langue sur ses dents. Catherine le secoue et il mesure qu’il va devoir affronter la réalité. Tout ce qu’il détruit.
— Ça suffit Milan. Arrête de faire semblant, réveille-toi maintenant.
Il la dévisage dans la pénombre du studio. Elle a mis son manteau bleu ciel, léger comme l’air. Elle a les cheveux mouillés et bouclés de la douche. Elle est belle. Il est trempé de sueur et il a soif.
— Milan, tu m’entends, j’ai bien réfléchi, c’est fini, je m’en vais.
Il ferme les yeux, comme s’il pouvait se sauver, oublier ce qu’il vient de comprendre et que cela le condamne, mais il n’y parvient pas. Il sait que les secondes gagnées n’y feront rien. On ne peut tout repousser indéfiniment. Tout a une fin. Il se lève en se demandant à quel moment elle a réfléchi et pourquoi les femmes réfléchissent toujours seules pendant que les hommes sont encore endormis. Il remarque des traces de vomi blanchâtres sur son épaule. Et un peu de sang. Il titube, replie le canapé sans faire le lit, jette les coussins rouge vif à leur place, tapote vaguement l’ensemble, il s’en fout, il se dégoûte de sa cruauté envers elle qui paie pour tout et pour toutes les autres alors qu’elle ignore même le sens du mot méchanceté. Il replace la table basse transparente devant le canapé. Elle s’assoit sans lâcher sa valise. Il ramasse l’énorme cendrier de verre rouge, le pose le plus doucement possible sur la table basse au lieu de le fracasser contre le mur. Elle a fait sa valise. Elle se tourne vers lui, se fige. Il passe encore la langue sur ses dents, affronte comme il peut son regard doux et sombre.
Milan part dans la cuisine. Un café, capsule noire, serré. Il étanche sa soif au robinet. L’eau est tiède. Il allume une première cigarette avant que le café n’ait fini de couler. La peur lui tord le ventre. Il scrute les quatre pendules au mur, au-dessus de l’évier. Los Angeles, New York, inutiles… Paris : 6 h 30. Tokyo aucun intérêt. Il se retourne, appuie sur l’interrupteur du volet électrique de la cuisine. Le soleil qui tape encore sur les fenêtres de l’immeuble d’en face, lui écarquille les yeux. 18 h 30 donc. Il est en caleçon rose et en T-shirt kaki sur lequel est écrit : « I don’t discriminate, I hate everybody. » Il a envie de vomir. Elle va partir. Il va la perdre.
Il avale son café brûlant, écrase sa cigarette dans la tasse, revient au salon, ne remonte le volet de la baie vitrée qu’à moitié, passe devant Catherine qui fixe le mur d’en face baigné de soleil à moitié. Il ouvre un placard intégré au mur de l’entrée, attrape une chemise blanche suspendue, arrache un jean propre. »
À propos de l’auteur
Ghislain Loustalot, 58 ans, a été rédacteur en chef à VSD puis directeur de la rédaction des magazines Dépêche Mode et Première. Il est actuellement grand reporter à Paris Match. Auteur de Mon grand-père a fait l’Amérique aux éditions Lattès (1994), La première nuit est son premier roman. (Source : Éditions JC Lattès)
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