Une poignée de vies

HAUSHOFER_une_poignee_de_vies
  RL2020

 

En deux mots:
Betty Russel vient d’acheter la maison où elle a passé son enfance. L’occasion de revisiter son passé et d’essayer de comprendre sa vie d’alors, son enfance, son adolescence et ses premiers temps de femme mariée, avant qu’elle choisisse de tout abandonner et de s’enfuir.

Ma note:
★★★ (bien aimé)

Ma chronique:

La double vie de Betty Russel

Après Le mur invisible, voici un nouveau roman de Marlen Haushofer traduit par Jacqueline Chambon. Un beau portrait de femme dans l’Autriche de la première moitié du XXe siècle.

«En mai 1951, dans une petite cité autrichienne, un certain Anton Pfluger mourut dans un accident de voiture.» Ainsi commence le nouveau roman de Marlen Haushofer qui nous avait déjà impressionné avec Le mur invisible. Ses héritiers constatent alors que la situation financière du défunt n’était pas aussi florissante qu’ils se l’imaginaient et son contraints de mettre en vente la demeure familiale. Betty Russel se présente alors. «Après être restée un assez long moment dans le jardin, elle dit qu’elle achetait la maison au prix que l’agent lui avait proposé. Toni dit qu’il allait faire rédiger un contrat de vente par son avocat. Elle expliqua en outre qu’il lui serait agréable que les anciens propriétaires continuent à y habiter.»
Cette étrangère, on va le découvrir bien vite, a en fait déjà vécu là. C’est son histoire que la romancière va dérouler, plongeant dans un passé mouvementé, comme une tentative de comprendre ses choix de vie, son incapacité à aimer, son envie de fuir.
C’est par petites touches, à partir d’objets et d’images que le roman est construit. Il aura suffi d’ouvrir un tiroir: «elle trouva un cierge de communiant, un petit cheval de bois, une pile de cahiers d’écolier et une boîte pleine de cartes postales et de photographies. Le cheval de bois, elle le reconnut. Tout en le tournant entre ses doigts, elle eut peur d’éprouver de l’émotion ou du chagrin, mais il n’en fut rien.
La fenêtre était grande ouverte et, du jardin, montait l’odeur du foin. Betty se souvint de la jeune femme, qui, si souvent, s’était penchée la nuit à la fenêtre, les yeux pleins de larmes, émue, livrée sans force au parfum envoûtant de l’été.»
Des années qui ont suivi la première guerre mondiale jusqu’à 1951, l’entrelacs des souvenirs va nous permettre de découvrir une maison habitée par des femmes, «tante Sophie, tante Else, les domestiques et la vieille bonne d’enfants. Pour la petite fille elles étaient des géantes dans leurs longues robes et leurs lourds chignons roux, bruns ou blancs. Au milieu de ce gynécée, la petite Lisserl est tour à tour rebelle puis résignée, dissimulatrice puis triste. Et comme son chagrin n’intéressait personne, «elle devint alors polie, gentille et même un peu trop lisse.» Lisserl ou Élisabeth, on l’aura compris, est aujourd’hui Betty. Une Betty qui, sous la plume de Marlen Haushofer observe cette Élisabeth comme si elle était une autre personne qu’elle cherche à comprendre. Elle la «voit» durant ses années de pension, puis de retour auprès de ses parents accepter un travail de secrétaire puis trouver auprès de son employeur un mari. Mais c’est contre son gré qu’elle se conforme à ce modèle classique du mariage auprès d’un homme qui voit en elle surtout la mère de famille et la responsable de la bonne tenue de leur maison. Une vie de plus en plus confise et un sentiment d’inutilité s’installe qui ne trouvera pas d’exutoire avec un amant.
Si bien qu’elle choisit la liberté et laisse son mari, son enfant et son amant.
Une déchirure viendra qui ne lui permettra pas de trouver pas l’apaisement, un choix qui n’est qu’une nouvelle aliénation. Au moment de se retourner, elle va aussi dévoiler un secret de famille qui donne à ce roman de la double vie encore davantage d’intensité dramatique.

Une poignée de vies
Marlen Haushofer
Éditions Chambon
Roman
Traduit de l’allemand (Autriche) par Jacqueline Chambon
188 p., 19 €
EAN 9782330130343
Paru le 8/01/2020

Où?
Le roman se déroule en Autriche, principalement dans une ville qui n’est pas nommée.

Quand?
L’action se situe en 1951 avec des retours en arrière jusqu’au années après le premier conflit mondial.

Ce qu’en dit l’éditeur
Deux décennies sont passées quand une femme revient dans la maison où elle a vécu avec sa famille, qu’elle a abandonnée pour vivre sa propre définition de la liberté. Elle ouvre une boîte qui la replonge dans son passé. Maintenant, et sans que celui-ci en soit conscient, elle est face à son fils…

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Libération (Frédérique Fanchette)

INCIPIT (Les premières pages du livre)
« En mai 1951, dans une petite cité autrichienne, un certain Anton Pfluger mourut dans un accident de voiture. En se rendant en ville, sans raison apparente il rentra dans un arbre, avec pour conséquence une fracture du crâne et des blessures internes. Il ne reprit plus conscience. On supposa qu’il avait été pris d’un brusque malaise. Quelques jours avant, Anton Pfluger avait fêté son cinquantième anniversaire, sans doute avec quelques excès. Dans les semaines suivantes on s’aperçut que la situation financière qu’il avait laissée derrière lui n’était pas aussi bonne qu’on l’avait supposée.
La famille Pfluger possédait, depuis plusieurs générations, une petite fabrique de clous qu’on pensait prospère. Quand survint l’événement, son fils, qui se prénommait aussi Anton, mais qu’on appelait Toni, était un étudiant de vingt-deux ans. Sans ces études il aurait pu lui aussi vendre des clous, mais pour le prestige et parce qu’Anton souhaitait vivre dans la grande ville on lui avait permis de fréquenter l’université.
Ce jeune homme, qui ne s’intéressait pas le moins du monde au commerce, se retrouva soudain dans une situation difficile. Finalement il abandonna la direction de la fabrique au directeur adjoint qui s’était consacré aux clous depuis l’enfance et dont on pouvait espérer qu’il gérerait honnêtement l’entreprise. Quelques mois avant la mort du patron, sa fille s’était mariée et elle, ou peut-être son époux, exigeait de toucher sa part d’héritage.
Après avoir pris conseil et pour éviter une mesquine querelle de famille, Toni décida de vendre la fabrique de clous pour pouvoir payer sa part à sa sœur.
L’étonnant, dans cette affaire, fut que la veuve se rangea du côté de son beau-fils au lieu d’être du côté de sa propre fille. Toni Pfluger, en effet, était le fruit du premier mariage de son père avec une femme, qui s’était noyée dans la rivière à l’âge de vingt-cinq ans. Une année après cet accident, Anton Pfluger avait épousé la meilleure amie de sa femme ; il n’aurait pu donner une meilleure mère à son enfant.
Pour une raison quelconque, Mme Käthe Pfluger avait toujours préféré son beau-fils à sa fille.
Le père, toutefois, s’était beaucoup plus occupé de sa fille que de Toni qui, comme sa mère, avait un caractère difficile et entêté et montrait de l’attachement à sa belle-mère. Il ne repoussa jamais ses tendresses puis, en grandissant, se montra plein de galanterie et d’égards envers celle qui, par sa beauté, sa blondeur et sa douceur, séduisait tous les hommes.
Souvent, en parlant avec lui, elle retrouvait clairement cette distance que sa mère avait toujours conservée dans toutes ses amitiés. De cette mère, il avait hérité ce don de faire croire à son interlocuteur qu’on se confie à lui, alors qu’on lui cache l’essentiel.
Après leurs échanges, Käthe se sentait un peu oppressée. Elle caressait les cheveux dorés de son beau-fils et oubliait ses propres préoccupations en retrouvant les grands yeux gris de son amie dans le fin visage du garçon. Elle ignorait que le sentiment qu’elle éprouvait n’était autre que le mal du pays, mais elle avait appris à ne jamais y penser et se hâtait d’oublier une pensée déjà éprouvée, qu’elle avait toujours été incapable de s’expliquer.
Elle avait au moins préservé l’entente familiale, pensait-elle avec cette bienveillance qui lui avait permis de supporter l’humeur grincheuse de son mari et le caractère récalcitrant de sa fille.
À présent que son époux était mort et sa fille mariée, elle pouvait un peu se laisser aller. Plus personne n’était là pour lui dicter sa conduite. Elle pouvait manger les sucreries qu’elle aimait tant, rester chez elle en peignoir et, après le repas, s’allonger sur le divan avec un roman à l’eau de rose qui aurait provoqué les railleries de sa fille.
Le gentil Toni se gardait bien de la critiquer. Il lui apportait des fleurs et des confiseries et n’était pas irrité, à l’inverse de son père, lorsqu’elle invitait ses amies pour le goûter.
Il écoutait volontiers les derniers commérages, et faisait des remarques spirituelles et sans méchanceté ; elle trouvait donc qu’ils s’entendaient parfaitement.
Quand il lui proposa de licencier la bonne et de prendre à la place une femme de ménage, elle fut aussitôt d’accord. Elle se contenta de fermer les chambres inutilisées et de restreindre leur train de vie.
Quand elle lui avait demandé ce qu’il avait contre la bonne, Toni avait simplement répondu: « Elle dérange « . »

Extraits
« Elle ouvrit le coffre, il était vide, les deux tiroirs du haut de la commode l’étaient également, mais dans le troisième tiroir, elle trouva un cierge de communiant, un petit cheval de bois, une pile de cahiers d’écolier et une boîte pleine de cartes postales et de photographies.
Le cheval de bois, elle le reconnut. Tout en le tournant entre ses doigts, elle eut peur d’éprouver de l’émotion ou du chagrin, mais il n’en fut rien. La fenêtre était grande ouverte et, du jardin, montait l’odeur du foin. Betty se souvint de la jeune femme, qui, si souvent, s’était penchée la nuit à la fenêtre, les yeux pleins de larmes, émue, livrée sans force au parfum envoûtant de l’été. » p. 16

« Tu dois devenir aussi grande et aussi forte que nous », disait la bonne en lui remplissant la bouche de miel et de bouillie. Lieserl regardait le visage semé de taches de rousseur sous les cheveux roux, percevait la chaleur du corps moelleux et savait dans son cœur que jamais elle ne deviendrait comme ça. » p. 19

À propos de l’auteur
Après des études de philologie allemande à Vienne, Marlen Haushofer (1920-1970) se marie et élève deux enfants. Tiraillée entre ses devoirs de mère au foyer et ses ambitions littéraires, elle est obligée d’écrire son œuvre tôt le matin ou la nuit. C’est à partir de 1946 qu’elle publie ses premiers contes dans des journaux; suivront ensuite des nouvelles et des romans. Son œuvre, dont la plupart des protagonistes sont des femmes, est marquée par l’intrusion de troublantes fantasmagories dans la banalité du quotidien. Avec Le Mur invisible (1963), son talent est enfin reconnu dans son pays mais elle disparaît déjà en 1970, à 50 ans. Plus tard, ce sont les féministes qui ont révélé son travail au grand public. Désormais, elle fait partie de ces femmes-écrivains dont les héroïnes sont inoubliables. (Source: Éditions Jacqueline Chambon)

Page Wikipédia de l’auteur 

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L’été en poche (58)

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coup_de_coeur

Black-Out

En 2 mots
Le réseau électrique européen interconnecté est victime d’une attaque de grande ampleur. L’Europe, puis l’Amérique vont devoir survivre et se défendre.

Ma note
etoileetoileetoileetoile (j’ai adoré)

Si vous voulez en savoir plus…
Ma chronique complète publiée lors de la parution du roman en grand format

Les premières lignes

L’avis de… Blaise Gauquelin (Libération)
« Sans rebuter les non-initiés, dans une langue sobre et claire, il a le mérite d’avoir été écrit avant la catastrophe de Fukushima et l’attaque des réseaux nucléaires iraniens par le virus américano-israélien Stuxnet. Depuis, il n’a de cesse d’être rattrapé par la réalité. C’est ce qui le rend à la fois intéressant et effrayant. »

Vidéo


Marc Elsberg présente son thriller «Black-Out» © Production Éditions Piranha

L’ordre du jour

VUILLARD_Lordre-du-jour

En deux mots
Les prémices de la Seconde guerre mondiale vus à travers les sentiments et les émotions de quelques acteurs majeurs en Allemagne et en Autriche. Avec la plume inimitable d’Éric Vuillard.

Ma note
etoileetoileetoile (beaucoup aimé)

L’ordre du jour
Éric Vuillard
Éditions Actes Sud
Récit
160 p., 16 €
EAN : 9782330078973
Paru en mai 2017

Où?
Le roman se déroule en Allemagne et en Autriche, notamment à Berlin, Berchtesgaden, Munich, Vienne, Linz. On y évoque aussi des épisodes se déroulant à Paris et Londres ainsi que tous les lieux où sont construits les camps de concentration.

Quand?
L’action se situe de 1933 à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
L’Allemagne nazie a sa légende. On y voit une armée rapide, moderne, dont le triomphe parait inexorable. Mais si au fondement de ses premiers exploits se découvraient plutôt des marchandages, de vulgaires combinaisons d’intérêts ? Et si les glorieuses images de la Wehrmacht entrant triomphalement en Autriche dissimulaient un immense embouteillage de panzers ? Une simple panne ! Une démonstration magistrale et grinçante des coulisses de l’Anschluss par l’auteur de Tristesse de la terre et de 14 juillet.
« Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre pardessus noirs, marron ou cognac, vingt-quatre paires d’épaules rembourrées de laine, vingt-quatre costumes trois pièces, et le même nombre de pantalons à pinces avec un large ourlet. Les ombres pénétrèrent le grand vestibule du palais du président de l’Assemblée ; mais bientôt, il n’y aura plus d’Assemblée, il n’y aura plus de président, et, dans quelques années, il n’y aura même plus de Parlement, seulement un amas de décombres fumants. » Éric Vuillard

Ce que j’en pense
Comment la Seconde guerre mondiale a-t-elle été rendue possible ? Quelles circonstances particulières ont présidé à l’avènement de cette tragédie ? Quels ont été les premiers acteurs de ce drame et qu’en savaient-ils ? Autant de questions auxquelles Éric Vuillard répond dans ce court mais passionnant récit, utilisant pour cela la même approche que dans 14 juillet, c’est-à-dire au niveau des personnes, des acteurs qui se voient soudain confrontés à une situation exceptionnelle, à des choix aux conséquences terribles.
Tout commence par la convocation à Berlin le 20 février 1933 de la fine fleur de l’industrie et de la finesse. À l’invitation de Göring, les grands patrons sont venus au Reichstag écouter Adolf Hitler leur présenter son programme en vue des élections du cinq mars. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ses propositions trouvent une oreille attentive chez ses messieurs «très respectables». L’État fort, l’éradication des syndicats et des marxistes obtiennent leur adhésion. Si bien que, séance tenante, ils rassemblent quelque 3 millions de Reichsmark qui vont assurer la victoire du chancelier à la petite moustache et à la mèche rebelle.
C’est le début d’un engrenage qui va petit à petit réussir à tout broyer sur son passage. Une fois l’économie allemande sous la botte, il fallait s’attaquer aux puissances étrangères. Après les visites de courtoisie et la «politique d’apaisement», les choses sérieuses peuvent commencer. Sans que les chancelleries européennes ne s’en émeuvent outre-mesure, les exactions se font plus violentes, les discours plus haineux et la menace plus précise. Lorsque le 12 février 1938 le chancelier autrichien arrive à Berchtesgaden, il n’est plus question que de lui faire rendre les armes. Face à l’ultimatum, les manœuvres de Kurt von Schuschnigg pour tenter d’adoucir les clauses les plus dures du traité qu’on lui soumet tournent vite au dérisoire. Beethoven ne viendra pas plus à son secours que le Droit international. C’est la tête basse qu’il reprend le chemin de Vienne. Après un timide «oui», il va soumettre la capitulation au Président de la République. Mais Hitler s’impatiente et n’attendra pas l’accord formel de son voisin pour envahit le pays et déclarer l’Anschluss.
Le voyage soi-disant triomphal de Hitler dans son pays natal est l’un des événements les plus cocasses et les plus éclairants de ce livre. Parce que la réalité est à mille lieues de la version officielle qui fait encore trop souvent autorité. « Car ce sont des films que l’on regarde, ce sont des films d’information ou de propagande qui nous présentent cette histoire, ce sont eux qui ont fabriqué notre connaissance intime ; et tout ce que nous pensons est soumis à ce fond de toile homogène. Nous ne pourrons jamais savoir. On ne sait plus qui parle. »
Éric Vuillard réussit par l’entremise de ce court récit une œuvre d’autant plus salutaire qu’elle est portée par une volonté de faire parler les faits plutôt que les idéologies, de scruter les photos et les expressions des visages plutôt que les discours – c’est particulièrement bien réussi avec la rencontre de Daladier et Chamberlain – de retrouver dans les écrits intimes les sentiments que l’on voulait cacher sur le moment. Mais aussi, et c’est là encore une vraie prouesse, de chercher la marque de l’infamie dans ce qui n’est pas dit, pas écrit. En cherchant par exemple dans la brochure de présentation de l’histoire du groupe Thyssen-Krupp quel rôle a pu, par exemple, jouer Gustav Krupp. Vous savez, l’un de ces 24 «messieurs respectables». Si respectable !

Autres critiques
Babelio
La Croix (Sabine Audrerie)
L’Express (Baptiste Liger)
Blog Sur la route de Jostein
Blog Charybde 27
Blog La bibliothèque de Delphine-Olympe

Les premières pages du livre 

Extrait
« La corruption est un poste incompressible du budget des grandes entreprises, cela porte plusieurs noms, lobbying, étrennes, financement des partis. La majorité des invités versa donc aussitôt quelques centaines de milliers de marks, Gustav Krupp fit don d’un million, Georg von Schnitzler de quatre cent mille, et l’on récolta ainsi une somme rondelette. Cette réunion du 20 février 1933, dans laquelle on pourrait voir un moment unique de l’histoire patronale, une compromission inouïe avec les nazis, n’est rien d’autre pour les Krupp, les Opel, les Siemens, qu’un épisode assez ordinaire de la vie des affaires, une banale levée de fonds. Tous survivront au régime et financeront à l’avenir bien des partis à proportion de leur performance. » (p. 23-24)

A propos de l’auteur
Éric Vuillard, né en 1968 à Lyon, est écrivain et cinéaste. Il a réalisé deux films, L’homme qui marche et Mateo Falcone. Il est l’auteur de Conquistadors (Léo Scheer, 2009, Babel n°1330), récompensé par le Grand prix littéraire du Web – mention spéciale du jury 2009 et le prix Ignatius J. Reilly 2010. Il a reçu le prix Franz-Hessel 2012 et le prix Valery-Larbaud 2013 pour deux récits publiés chez Actes Sud, La bataille d’Occident et Congo ainsi que le prix Joseph-Kessel 2015 pour Tristesse de la terre et le prix Alexandre Viallate pour 14 juillet. (Source : Éditions Actes Sud)

Site Wikipédia de l’auteur 

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Maestro

BALAVOINE_Maestro

En deux mots
Jusqu’où peut conduire une passion pour Mozart ? Le culte que voue Cécile à ce musicien va transformer sa vie et mettre son couple en péril. Un premier roman qui est aussi une enquête fouillée.

Ma note
etoileetoileetoile (beaucoup aimé)

Maestro
Cécile Balavoine
Éditions du Mercure de France
Roman
224 p., 17.80 €
EAN : 9782715245440
Paru en mars 2017

Où?
Le roman se déroule en France, à Paris et Azay-le-Rideau ainsi qu’en Autriche, à Salzbourg, Anif et Vienne, en Italie, à Brixen, Bolzano, Turin, Bologne, Sienne, Venise, Florence, Rome et Naples, et aux Etats-Unis, à New York et Miami, mais nous fait également voyager au gré des concerts, à Moscou, Tokyo, Sidney, La Haye, Berlin, Munich, Mannheim et Francfort ou Prague.

Quand?
L’action se situe des années 1980 à nos jours, avec de nombreuses réminiscences aux étapes qui ont jalonné la vie de Mozart.

Ce qu’en dit l’éditeur
C’est tant de joie, ces trois premiers accords qui font résonner toute ma chambre, les phrasés qui s’envolent, les triolets qui glissent et qui m’emportent avec eux au-delà du jardin, la partition bordée d’un liseré vert, baroque. Dessus, on lit le nom de Wolfgang Amadeus Mozart. Wolfgang Amadeus Mozart. Ce nom-là, je le répète dans ma tête, ça ne fait plus qu’un seul et très long mot, dur à dire, pareil qu’Azay-le-Rideau. Volfgangamadéoussemozare, Volfgangamadéoussemozare. À neuf ans, Cécile découvre la musique de Mozart, et c’est une révélation. Certains enfants s’inventent des amis imaginaires, d’autres vouent un culte à des personnages de fiction. Pour la petite Cécile, le plus grand des héros s’appelle Mozart ! Elle l’aime sans partage et comme un dieu.
Devenue journaliste, la passion de Cécile demeure intacte. Elle a désormais une connaissance intime de l’œuvre de Mozart. Le jour où elle doit interviewer un chef d’orchestre de renom, elle ne sait pas que sa vie va basculer. Au bout du fil, la voix du maestro la trouble comme l’avait troublée et envoûtée la musique de Mozart des années auparavant… Mais tombe-t-on amoureuse d’une voix, fût-elle celle d’un grand maestro ?

Ce que j’en pense
Ma mère a souvent raconté cette anecdote dans les repas de famille. J’avais cinq ans et je me précipitais vers elle avec une feuille de papier et un crayon en criant «atiq, atiq». Si ce n’est que bien plus tard qu’elle a compris que j’avais la volonté d’écrire des articles et encore bien d’autres années plus tard que je suis devenu journaliste, c’est bien à ce moment qu’est née ma vocation.
Si je raconte cette anecdote, c’est pour expliquer combien la passion de Cécile pour Mozart, qui naît à neuf ans, est crédible. Que si les enseignants se plaignent aujourd’hui que la plupart de leurs élèves n’ont guère d’idée sur la profession qu’ils veulent embrasser, il y a aussi ceux qui très tôt n’ont plus qu’une seule idée en tête.
Voilà donc Cécile littéralement amoureuse de Mozart au point de commencer à rassembler toute la documentation qu’elle peut trouver sur le musicien, à collectionner les partitions, les enregistrements, à vouloir mettre ses pas dans ceux de son idole.
Il lui faudra supplier son père de prendre la direction de Salzbourg pour les vacances, il lui faudra passer des heures devant son piano pour tenter de retrouver les mélodies qu’il a écrites, car sa voix lui fait défaut au moment de vouloir intégrer une école de chant. Quand d’autres jeunes filles trouvent leurs idoles chez les rockers, Cécile tapisse sa chambre de portraits de Mozart et de cartes de l’Europe indiquant les lieux qu’il a traversé.
Des années plus tard, elle ira étudier à Salzbourg et, tout en apprenant l’allemand, pourra explorer la ville et tous les alentours.
Pour son premier roman, Cécile Balavoine sait trouver le ton juste pour décrire les émois de la jeune fille, la pureté quasi religieuse de son engagement. Il n’est besoin que de l’accompagner dans les escaliers de la maison natale de Wolfgang Amadeus pour s’en persuader. En passant, l’auteur nous offre le fruit de toutes ses recherches, des détails biographiques au parcours des œuvres, des voyages du jeune prodige aux interprètes actuels. Aussi, c’est tout à fait naturellement qu’elle va vouloir faire la connaissance du Maestro qui donne son titre au livre.
Après avoir rédigé un guide touristique sur Salzbourg, on va lui proposer d’autres collaborations. Par exemple, de réaliser un entretien avec le grand chef d’orchestre. Un virtuose qui ne peut que l’éblouir. Cécile va se donner à cet homme qui sait si bien mettre en musique sa passion, laissant à son mari quelques miettes.
Nous voici arrivés à l’autre grande question qui parcourt ce beau roman céleste et tellurique : quel est le revers d’une médaille aussi brillante, sans cesse polie et repolie ? Quand on parle de passion dévorante, on pense d’abord à la passion, mais peut à la caractéristique dévorante. Si Cécile la narratrice tend aussi à l’oublier, Cécile l’auteure ne l’oublie pas, ajoutant une belle densité dramatique à cette somptueuse quête.

68 premières fois
Blog motspourmots.fr (Nicole Grundlinger)
Le blog du petit carré jaune (Sabone Faulmeyer)
Blog L’insatiable (Charlotte Milandri)
Blog T Livres T Arts 
Blog Mes écrits d’un jour
Blog Les livres de Joëlle (Joëlle Guinard)

Autres critiques
Babelio
Culturebox (Laurence Houot)
Blog Les petits livres by smallthings
Blog Le monde de Mirontaine 
Les premières pages du livre 

Extrait
« Un jour, alors que je suis seule à la maison, peut-être qu’ils sont sortis tous les trois pour une promenade, je fouille dans la bibliothèque, je trouve une biographie de Mozart. Personne ne l’a jamais ouverte. Les pages sont encore propres, elles sentent le papier neuf. Peut-être qu’on l’a achetée pour moi. C’est une édition rouge, en cuir. L’auteur s’appelle Marcel Brion de l’Académie française. J’ai honte en lisant la préface où il raconte qu’il a bien hésité avant d’écrire son livre parce qu’On ne touche pas à Mozart. Parce que Mozart, c’est sacré. J’ai chaud dans la gorge, sur les joues, je voudrais disparaître, moi qui parle à Mozart, depuis l’été du film, qui pense à Lui et Le tutoie. Pourtant, Il est bien là, Mozart, assis sur le pupitre du piano, je Le sens, je Le devine. Marcel Brion de l’Académie française ne le sait peut-être pas : Mozart vit dans ma chambre. »

A propos de l’auteur
Après l’Autriche, l’Allemagne puis New York, où elle a vécu et enseigné pendant dix ans (New York University et Columbia University), Cécile a retrouvé la France pour devenir journaliste. Elle écrit pour Air France Magazine, Voyages d’Affaires ou encore IDEAT et enseigne à Columbia University in Paris, Smith College et Sciences Po Paris. Ce printemps, elle publie son premier roman, Maestro ainsi qu’une anthologie, Le goût du piano, aux éditions du Mercure de France. (Source : cecilebalavoine.com)

Site internet de l’auteur 

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Blasmusik Pop

KAISER_Blasmusikpop

Blasmusik Pop
Vea Kaiser
Presses de la Cité
Roman
Traduit de l’allemand (Autriche) par Corinna Gepner
528 p., 22 €
ISBN: 9782258113374
Paru en août 2015

Où?
Le roman se déroule en Autriche, dans un village oublié des Alpes : Saint-Peter-sur-Anger. Lenk, la principale ville des alentours est également évoquée, tout comme la capitale ainsi que quelques villages alentour ainsi que Sankt-Pauli, un quartier de Hambourg.

Quand?
Le récit se situe sur deux périodes en parallèle : d’une part la chronique historique du village qui remonte à la nuit des temps et principalement la seconde moitié du XXe siècle jusqu’à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Au commencement était le ver.
Johannes se destinait à autre chose qu’à cette vie fruste dans le village de ses ancêtres. Son grand-père, Johannes premier du nom, avait lui-même quitté Saint-Peter-sur-Anger pour aller étudier en ville – et observer le développement des vers solitaires ! –, avant de revenir et de s’établir comme médecin. C’est ce dernier qui a communiqué à son petit-fils son goût du savoir et sa passion pour Hérodote, qui font de lui aussi un original dans ce microcosme alpin où se cultiver est considéré comme hautement suspect. Ainsi, lorsque le jeune homme échoue au baccalauréat, quel drame ! Le voici condamné à rester parmi les « barbares ». Et il ne tarde pas à se faire embrigader dans l’un des événements majeurs de la localité : la venue d’un grand club de football hambourgeois…
Des dialogues savoureux, une langue inventive, tantôt désuète, tantôt moderne, des personnages hauts en couleur, un luxe de détails, de l’esprit, beaucoup d’esprit. Avec son premier roman, très remarqué au moment de sa parution, Vea Kaiser s’en est donné à coeur joie.
«Un premier roman épique sur la vie d’un village, racontée avec fraîcheur et audace.» Zeit Literatur
«Vea Kaiser s’impose comme l’un des plus passionnants auteurs débutants de cette rentrée littéraire.» SonntagsZeitung

Ce que j’en pense
****
La chronique d’un village perdu dans les Alpes autrichiennes, la tentation du repli sur soi, la difficulté à s’extirper de son milieu, la crainte du progrès et la science, les raisons du développement de l’extrême-droite et du populisme, le combat entre la ville et la campagne : le premier roman de la jeune Autrichienne Vea Kaiser nous offre une belle palette de thèmes et de réflexion. Le tout sous couvert d’une histoire de famille contée avec beaucoup d’érudition et de fantaisie.
Dans la version originale, le sous-titre du livre est «Comment la science arriva dans les montagnes». Dans la version française, ce sous-titre se transforme en «Comment un ver solitaire changea le monde». Autrement dit, on peut mettre à la fois l’érudition en avant ou la fantaisie.
Pour incarner ce récit, l’auteur imagine Johannes Gerlitzen, un descendant de cette longue lignée de «barbares des montagnes». Trois événements vont pousser ce sculpteur sur bois à sortir du moule imposé par l’histoire et par la géographie : une blessure qui va l’empêcher de courir les bois, la naissance d’un enfant qui ressemble davantage au voisin et surtout la maladie qui le ronge : un ver solitaire qui s’ébat dans ses entrailles et qu’il parviendra à extraire après seize heures d’un combat douloureux. « Lorsqu’il eut enfin sous les yeux l’animal dûment nettoyé, quatorze mètres quatre-vingts de longueur et presque aussi large que l’annulaire d’Elisabeth, il rayonna de fierté, comme s’il avait réalisé la première ascension du Grand Sporzer.»
Marqué par cette expérience, il décide de se consacrer à l’étude des vers : «J’allons dans la capitale por devegnir docteur. » (Saluons à ce propos le talent de Corinna Gepner, la traductrice de l’ouvrage, qui a su inventer un patois susceptible de rendre le curieux langage des autochtones et qui parsèment le récit de dialogues savoureux).
A force de petits boulots et de persévérance, Johannes parvint à son but et une décennie plus tard put revenir auréolé de gloire dans son village où il accompagna sa femme atteinte d’une maladie incurable et aida sa fille Ilse à grandir. Au printemps 1974 Elisabeth meurt et Ilse entre dans l’âge de la puberté. Un double choc pour Johannes qui se retranche dans ses études et note dans observations dans ses carnets qui mélangent l’analyse scientifique et le journal intime.
C’est a peu près à cette période qu’Alois Irrwein, apprenti charpentier, va s’amouracher d’Ilse. Une liaison qui, à l’instar de celles de nombreux autres jeunes du village, ne peut déboucher que sur un mariage. Si Johannes ne voit pas cette union d’un bon œil, il y trouvera cependant quelques années plus tard une belle satisfaction : la naissance de son petit-fils Johannes, le vrai héros du livre.
Car ce dernier va pousser plus loin encore sa différence. Suivant les pas de son grand-père, il entend lui aussi s’émanciper en étudiant. Une façon aussi de rendre hommage à son aïeul, qui disparait tragiquement en venant au secours d’un villageois qu’il ne portait pas vraiment dans son cœur.
On va suivre avec délectation les pérégrinations du jeune homme dans la grande ville. Nous sommes en 2002. Au sein du monastère bénédictin où il va poursuivre ses études, il va apprendra bien davantage que les sciences naturelles, la philosophie ou les mathématiques. Sous l’égide d’Hérodote, il a aussi apprendre la compromission, la trahison, l’injustice et le sens du secret. C’est avec ce bagage, et un examen de baccalauréat qui le marquera sans doute à vie, qu’il retourne dans son village. Et découvre que les Saint-Pétruciens méritent toute son attention. «En son temps, docteur Papi (son grand-père) avait étudié leurs corps. Johannes comprenait qu’il devait, lui, se pencher sur leur esprit.»
La dernière partie du livre est sans doute la plus riche et la plus entraînante. Johannes devient un homme, tombe amoureux, va changer les mentalités, devenir une sorte de sauveur et faire entrer son village dans la modernité. Mais il serait dommage de dévoiler ici comment tout cela va arriver. Laissez-vous plutôt emporter par le souffle de ce premier roman étonnant.

Autres critiques
Babelio
L’Express
Métronews
RTBF culture (Thierry Bellefroid)
Blog huit plumes (Véronique Poirson)
Blog Café Powell
Blog Le brocoli de Merlin

Extrait
Les 20 premières pages du livre

A propos de l’auteur
Vea Kaiser est née en 1988 en Autriche. Blasmusik Pop, son premier roman, a enthousiasmé la presse et s’est vendu à plus de 80 000 exemplaires. Une adaptation cinématographique est en cours. (Source : Presses de la Cité)

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Focus Littérature

Black-Out

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Black-Out
Marc Elsberg
Piranha
Thriller
Traduit de l’allemand (Autriche) par Pierre Malherbet
480 p., 22,90 €
ISBN: 9782371190146
Paru en mai 2015

Où?
Le roman se déroule principalement en Europe : Italie, France, Allemagne ainsi qu’aux Etats-Unis.

Quand?
L’action se situe dans un futur que nous n’espérons pas voir arriver, sur une période de vingt-trois jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Et si le monde que nous connaissons, dépendant de l’électricité et des nouvelles technologies, était sur le point de disparaître ?
Thriller brillamment mené, Black-out plonge le lecteur dans une réalité qui pourrait demain être la nôtre.
Par une froide soirée d’hiver, les lumières de Milan s’éteignent. Puis c’est au tour de la Suède, de l’Allemagne, de la France… : partout en Europe, le réseau électrique est en train de lâcher. Manzano, ex-hacker italien, croit savoir qui est responsable et cherche désespérément à en informer les autorités. Un flic français d’Europol, Bollard, se décide enfin à l’écouter, mais piégé par des e-mails compromettants, Manzano devient le suspect n° 1. Face à un adversaire aussi rusé qu’invisible, alors que l’Europe s’enfonce dans l’obscurité et que plusieurs centrales nucléaires menacent la vie de millions d’êtres humains, commence pour Manzano une véritable course contre la montre.

Ce que j’en pense
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Un excellent thriller, de ceux qui poussent les lecteurs à la réflexion et qui les obligent à remettre en cause leur confort douillet. Marc Elsberg a imaginé un scénario aussi cauchemardesque que réaliste – malheureusement – en racontant une panne du réseau électrique à l’échelle européenne, puis américaine. Dans une postface qui fait également froid dans le dos, il explique même que « Nombreux étaient les scénarios possibles. Personne ne peut réellement prévoir ce qui se passerait dans de telles circonstances. Dans la mesure où je ne souhaite donner aucune indication qui serait utile à la préparation d’un attentat terroriste, j’ai laissé de côté ou transformé de menus détails techniques. Afin de favoriser la lisibilité de l’intrigue, j’ai fait quelques entorses à la réalité ; ainsi j’ai déplacé les postes de contrôle des réseaux aux sièges des entreprises gestionnaires, j’ai maintenu en état de marche, plus longtemps que ça ne serait le cas, les connexions téléphoniques et Internet, etc. »
L’histoire débute à Milan, par ce qui ressemble à priori à un banal accident de la route. Mais Piero Manzano, qui n’a pu éviter la collision, comprend très vite que la cause de l’accident est beaucoup plus grave que les tôles froissées : les feux de circulation ont brusquement cessé de fonctionner parce qu’ils n’étaient plus alimentés en électricité. Une panne qui ne va pas tarder à affecter bien plus que la ville et même la région. De part leur interconnexion, les différents réseaux vont les uns après les autres passer dans le rouge. Comme pour un jeu de dominos, quand le premier tombe, il est presque inéluctable qu’il entrainera tous les autres à sa suite. Informaticien et ex-hacker, Piero comprend très vite que la situation dérape et qu’il s’agit d’une catastrophe à l’ampleur inédite.
Shannon, une journaliste de CNN, ne tarde pas elle aussi à comprendre qu’il ne s’agit pas d’une simple panne de réseau, mais que le système lui même vient de montrer ses failles. Ensemble, ils vont essayer d’alerter les autorités sur la gravité de la situation et tenter de comprendre qui se cache derrière cette attaque d’une ampleur inédite.
Au début on se moque d’eux puis on imagine qu’ils font partie du complot avant de finalement reconnaître combien ils ont eu raison de tirer la sonnette d’alarme.
Car les mauvaises nouvelles se succèdent, à commencer par l’incident majeur qui frappe une centrale nucléaire française à Saint-Laurent-Nouan.
C’est à ce moment que l’on se rend compte que les problèmes liés à l’arrêt de l’alimentation électrique touchent très vite tous les secteurs de l’économie : l’approvisionnement, les télécommunications, les transports, la santé et la logistique. Après une phase d’entraide, les populations commencent à s’affoler puis à se révolter. La situation devient de plus en plus chaotique…
Le scénario imaginé par l’auteur est dramatique à souhait, afin que l’on se rende très vite compte des dangers que peuvent receler nos technologies et notre hyper-connectivité.
La traque du réseau terroriste est haletante à souhait, les épisodes d’espoir et ceux beaucoup plus dramatiques s’enchaînent si bien qu’on ne lâche plus ce suspense.
Au moment de refermer le livre on comprend pourquoi l’auteur a été beaucoup sollicité pour parler des périls qui nous menacent et on ne souhaite qu’une chose : que sa mise en garde reste du domaine de la fiction.

Autres critiques
Babelio
Libération (Next)
Blog littéraire et musical EmOtions
Blog La prophétie des ânes

Extrait
« La Suède, la Norvège et la Finlande au nord, l’Italie et la Suisse au sud sont tombées, expliquait l’opérateur derrière lequel se tenait Jochen Pewalski. Y compris des parties des États voisins comme le Danemark, la France, l’Autriche, également la Slovénie, la Croatie et la Serbie. E.ON signale quelques pannes, Vattenfall et EnBW sont totalement dans l’orange. Les Français, les Polonais, les Tchèques et les Hongrois aussi. Puis quelques taches sur les îles Britanniques. »
Jochen Pewalski, directeur de la conduite réseaux pour Amprion, travaillait depuis plus de trente ans au sein du complexe situé non loin de Cologne, sorti de terre en 1928 pour servir de dispatching à l’ancienne compagnie d’électricité de la Rhénanie Westphalie (RWE), connu depuis longtemps sous le nom de « disjoncteur principal de Brauweiler ». L’écran gigantesque, de seize mètres sur quatre, zébré de lignes rouges, oranges et vertes, ainsi que ceux, innombrables, des postes de travail, lui rappelaient jour après jour la responsabilité qui lui incombait, ainsi qu’à ses équipes.
À Brauweiler, on surveille, aiguille et conduit l’intégralité du réseau de transport d’électricité de la société Amprion, l’un des quatre réseaux allemands les plus étendus, l’un des plus grands réseaux européens pour le 380 et le 220 kilovolts.
On y coordonne en outre l’interconnexion entre les quatre grands gestionnaires de réseaux de toute l’Allemagne, ainsi qu’avec toute la partie nord-européenne du réseau d’électricité, et on en surveille l’équilibre entre production et consommation d’électricité. Il s’agit de la Belgique, de la Bulgarie, de l’Allemagne, des Pays-Bas, de l’Autriche, de la Pologne, de la Roumanie, de la Slovaquie, de la République tchèque et de la Hongrie. (p. 15)

A propos de l’auteur
Marc Elsberg est né en 1967 à Vienne. Depuis la publication en 2012 de Black-out, véritable phénomène éditorial en Allemagne, il est régulièrement invité par tous les médias nationaux allemands pour son expertise scientifique et technique sur les menaces que font peser sur notre société les progrès de l’hyper-connectivité. (Source : Editions Piranha)

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