Minuit, Montmartre

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Voici trois bonnes raisons de lire ce livre:
1. Parce que tous ceux qui se sont promenés sur la butte Montmartre se sont pris à rêver de cette époque aujourd’hui révolue, à la fin de la Belle Epoque, où les artistes se croisaient et s’encourageaient, où tous les arts s’épanouissaient grâce à une belle émulation, où l’on pouvait croiser Picasso, Steinlen, Apollinaire ou Toulouse-Lautrec au détour d’une rue ou dans l’un des cabarets.

2. Parce que, pour son troisième roman, Julien Delmaire a eu la bonne idée – un peu comme Camile Laurens avec sa danseuse de 14 ans – de mettre au cœur de son récit une «fille modèle». Répondant au doux nom de Masseïda, elle débarque dans l’atelier de Steinlen et sera son dernier amour.

3. Parce que cet hommage à la Butte nous permet de découvrir un artiste dont la plupart d’entre nous ont certes oublié le nom, mais pas les œuvres. Théophile-Alexandre Steinlein est en effet le créateur – entre autres – de l’affiche du Chat noir et sera l’un des animateurs de ce quartier parisien à nul autre pareil que le Musée de Montmartre a mis à l’honnneur l’an passé.

Minuit, Montmartre
Julien Delmaire
Éditions Grasset
Roman
224 p., 18 €
EAN: 9782246813156
Paru en août 2017

Ce qu’en dit l’éditeur
Montmartre, 1909. Masseïda, une jeune femme noire, erre dans les ruelles de la Butte. Désespérée, elle frappe à la porte de l’atelier d’un peintre. Un vieil homme, Théophile Alexandre Steinlen, l’accueille. Elle devient son modèle, sa confidente et son dernier amour. Mais la Belle Époque s’achève. La guerre assombrit l’horizon et le passé de la jeune femme, soudain, resurgit…
Minuit, Montmartre s’inspire d’un épisode méconnu de la vie de Steinlen, le dessinateur de la célèbre affiche du Chat Noir. On y rencontre Apollinaire, Picasso, Félix Fénéon, Aristide Bruant ou encore la Goulue… Mais aussi les anarchistes, les filles de nuit et les marginaux que la syphilis et l’absinthe tuent aussi sûrement que la guerre.
Ce roman poétique, d’une intense sensualité, rend hommage au temps de la bohème et déploie le charme mystérieux d’un conte.

Les critiques
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Les premières pages du livre
La Butte, en ce temps-là, paraissait une montagne. La poésie et la tuberculose y régnaient à parts égales. Surgie des cabarets, des ateliers de peintres et des bosquets en fleurs, une nuée de jeunes gens cueillait les fruits du siècle naissant. À chaque carrefour s’aiguisaient des fantaisies, se forgeaient des merveilles. Tout semblait possible depuis qu’une bonne fée avait tendu sa chevelure haute-tension aux pylônes des boulevards.
Loin des volts et des mirages, les ruelles de Montmartre buvaient la flamme paisible au bec des candélabres. L’ombre conservait son mystère, sa patine et sa saveur. Certaines venelles, à certaines heures, s’abandonnaient sans pudeur à la nuit. La lune, la belle luisarde, lanternait les pentes herbeuses, les caniveaux où flottaient les étoiles. Une horde de matous manœuvrait dans l’obscurité, frôlait les rails des tramways, les sépultures, les flaques d’eau.
Parmi cette multitude ébouriffée, un chat. Son maître, Théophile Alexandre Steinlen, un vieux dessinateur de la rue Caulaincourt, l’avait baptisé du nom de Vaillant. Ce sobriquet, hommage à un dynamiteur anarchiste, l’animal le portait avec panache. Sa jeunesse exultait dans un corps massif, au pelage épargné par la gale. Les femelles du quartier, sur l’ardoise des toits, miaulaient son nom avec des trémolos suraigus. Cela n’émouvait guère Vaillant, qui ne manifestait aucun intérêt pour les choses de l’amour. C’était un félin combatif le plus souvent, contemplatif, quand le soleil funambule dégringolait derrière le Sacré-Cœur, soulevant dans sa chute tous les pigments de la Terre.
Il connaissait le quartier comme les replis de sa pelisse ; sa carcasse se mouvait avec la souplesse d’un batelier. Les rempailleuses de la place du Calvaire l’appelaient « Le Chartreux », tant il est vrai qu’il partageait nombre de traits avec ce chat de luxe – sa robe grise, sa taille, le jaune vif de ses prunelles. Il conservait cependant dans la courbe des oreilles, le triangle du museau, un je-ne-sais-quoi de parfaitement roturier. S’il existait un griffu intraitable dans les rues de Montmartre, c’était bien lui, Vaillant, dont la toison se confondait avec la poussière des jours.

Extrait
« Passant outre à la fatigue et la soif, elle se dirigea vers cette contrée inconnue. Le vent qui jusqu’alors s’était tu souffla dans la hampe des hauts peupliers, reprenant les premières syllabes de son nom : « Massa, Massa », dans une litanie de feuillages et de sève.
Sous les feux mauvais de la rampe, la lumière frelatée des réverbères, le vent sifflait son nom, Massa, Massa, comme une exhorte à ne pas lâcher prise.
Je suis Masseïda, la petite Massa du bord du fleuve. Aujourd’hui, je suis grande, et le vent me protège…
Elle entreprit l’ascension d’une colline. Son souffle puisait dans ses ultimes gisements, elle s’accrochait aux grappins de la nuit. Les volets claquaient au lointain, comme le chahut des rames sur l’écume.
Elle gravit la pente pour parvenir sur une esplanade cernée de lampadaires souffreteux. Trois directions possibles. Elle hésita, persuadée que de son choix dépendrait son devenir. Elle allait s’engager dans la ruelle la plus éclairée, lorsqu’un chat vint à sa rencontre. La bête aurait pu miauler son prénom, à l’instar du vent, que cela ne l’eût pas surprise. L’animal semblait un élément de la grande machinerie du hasard. Il accepta sa caresse, la paume de Masseïda effleura sa toison comme un manteau de luxe. »

À propos de l’auteur
Né en 1977, Julien Delmaire est romancier et poète. Plusieurs de ses textes ont été traduits, en anglais, en espagnol, en allemand, en italien et japonais. Depuis près de quinze ans, il multiplie les performances poétiques sur scène, un peu partout dans le monde. L’écrivain encadre de nombreux ateliers d’écriture dans les établissements scolaires, les hôpitaux psychiatriques, en milieu carcéral, ainsi que dans les bibliothèques et les médiathèques. Julien Delmaire anime le blog littéraire Nous, Laminaires. Son premier roman, Georgia, publié aux éditions Grasset, a remporté le Prix Littéraire de la Porte Dorée. Son second roman, Frère des Astres, lauréat du Prix Spiritualité d’Aujourd’hui est paru aux éditions Grasset en mars 2016. Son troisième roman Minuit, Montmartre est paru en août 2017. (Source: juliendelmaire.com)

Site Internet de l’auteur 

Wikipédia de l’auteur 

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L’été en poche (53)

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Amours

En 2 mots
Que signifie aimer en 1908 ? Léonor de Récondo raconte avec beaucoup de finesse un triangle amoureux peu conventionnel. Ce faisant, elle dépeint une société en pleine mutation.

Ma note
etoileetoileetoileetoile (j’ai adoré)

Si vous voulez en savoir plus…
Ma chronique complète publiée lors de la parution du roman en grand format

Les premières lignes

L’avis de… BibliObs (Claire Julliard)
« Dans une langue très pure, Léonor de Récondo exprime la violence du sentiment amoureux, qui peut conduire, irrépressible, à tous les extrêmes. Avec cette histoire d’une femme qui se débarrasse de ses corsets et de ses carcans, la violoniste baroque impose une musique fluide et percutante. »

Vidéo


Léonor de Récondo parle de son roman «Amours». © Production librairie Mollat

Amours

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Amours
Léonor De Récondo
Sabine Wespieser
Roman
280 p. 21 €
ISBN: 2848051736
Paru en janvier 2015

Version poche parue en mai 2016.

Où?
Le roman est situé en France, dans le Cher et plus précisément dans un bourg baptisé Saint-Ferreux-sur-Cher.

Quand?
L’action débute en 1908 et va se dérouler durant les mois et années qui suivent.

Ce qu’en dit l’éditeur
Nous sommes en 1908. Léonor de Récondo choisit le huis clos d’une maison bourgeoise, dans un bourg cossu du Cher, pour laisser s’épanouir le sentiment amoureux le plus pur – et le plus inattendu. Victoire est mariée depuis cinq ans avec Anselme de Boisvaillant. Rien ne destinait cette jeune fille de son temps, précipitée dans un mariage arrangé avec un notaire, à prendre en mains sa destinée. Sa détermination se montre pourtant sans faille lorsque la petite bonne de dix-sept ans, Céleste, tombe enceinte : cet enfant sera celui du couple, l’héritier Boisvaillant tant espéré.
Comme elle l’a déjà fait dans le passé, la maison aux murs épais s’apprête à enfouir le secret de famille. Mais Victoire n’a pas la fibre maternelle, et le nourrisson dépérit dans le couffin glissé sous le piano dont elle martèle inlassablement les touches.
Céleste, mue par son instinct, décide de porter secours à l’enfant à qui elle a donné le jour. Quand une nuit Victoire s’éveille seule, ses pas la conduisent vers la chambre sous les combles…
Les barrières sociales et les convenances explosent alors, laissant la place à la ferveur d’un sentiment qui balayera tout.

Ce que j’en pense
****

Le livre s’ouvre sur un premier chapitre très fort. Anselme, le maître de maison y viole Céleste, sa bonne. Quelques pages plus loin, on comprendra que cette scène est celle de la conception d’Adrien, l’enfant qui est bien involontairement le déclencheur de cette histoire.
Nous sommes en 1908, à un moment où les droits des femmes étaient balbutiants, pour ne pas dire inexistants. Le droit de cuissage sur le «petit personnel» faisait partie de ces règles non-écrites, y compris en province. Ce qui pourrait donc être considéré comme un faits divers banal va prendre sous la plume de Léonor de Récondo, une toute autre dimension. Car Victoire, la femme délaissée, va se rapprocher de Céleste. L’une et l’autre vont découvrir que leur corps peut être autre chose qu’un outil de travail, qu’il peut aussi être vecteur d’émotions : « L’amour est là, où il ne devrait pas être, au deuxième étage de cette maison cossue, protégé par la pierre de tuffeau et ses ardoises trop bien alignées, protégé par cette pensée bourgeoise qui jusque là les contraignaient, et qui, maintenant leur offre un écrin. »
Pour quelques instants, le désir balaie la morale. Victoire décide d’adopter l’enfant, se remet au piano, part à Paris s’acheter une toilette et se fait accompagner par Céleste.
Mais cette liberté nouvelle est menacée. Le poids des conventions, le regard des autres, l’impossibilité de vraiment s’émanciper vont conduire au drame.
Mais au-delà de ce récit, c’est pour son style qu’il faut se plonger dans ce roman. Léonor de Récondo cisèle ses phrases, les travaille et retravaille jusqu’à ce que sa petite musique soit parfaitement harmonieuse. C’est bien simple, il est très difficile de ne pas quitter le livre jusqu’à la fin. Et il ne s’agit pas ici d’une formule. A l’image de cette clairière vers laquelle Céleste part se réfugier, on trouve dans ces pages une beauté envoûtante.

Le travail de l’écrivain
Ce fut un véritable plaisir de rencontrer l’auteur lors de son passage à Mulhouse. En présentant «Amours», elle a aussi parlé de son travail d’écrivain qui, chez elle, complète sa passion pour la musique (elle est violoniste) : « Je n’écris le livre que lorsqu’il est complet dans ma tête. Mais le travail en amont est très important. Je me documente beaucoup. J’ai lu beaucoup d’ouvrages sur cette période, sur la domesticité ainsi que des recueils de lettres, ce qui me permet de m’imprégner du sujet. Je mets aussi plusieurs mois à incarner mes personnages et, quand la structure est là, j’écris. Je ne rédige qu’un chapitre par jour, e qui explique aussi qu’ils soient relativement courts et qu’ils aient presque tous la même longueur. En revanche, je retravaille beaucoup le texte. Je veux que ma phrase soit fluide, que la lecture soit harmonieuse. »

Extrait
« C’est un feu de joie, ils sont tous excités de voir les flammes s’élever. Même Huguette, qui avait du mal à cacher son désaccord tant cette idée lui paraissait saugrenue, se prend à sourire. C’est la première à applaudir lorsque Victoire, dans un geste énergique, lance un corset dans le feu.
– Ah vraiment, bravo, madame ! Vous faites bien. Vous allez enfin pouvoir respirer !
– Et je vais surtout pouvoir m’habiller toute seule !
Pierre observe Victoire. Il réalise que cette femme si élégante qui, d’une certaine manière régit leurs vies, est à la merci des mains de sa femme. Comme une enfant, chaque matin, elle a besoin d’elle pour se vêtir. Leurs existences à tous sont finalement étrangement imbriquées, c’est ce qu’il comprend tandis qu’elle jette un deuxième corset dans un grand éclat de rire. Ils sont tous dépendants les uns des autres, chacun à sa manière, liés aux us et coutumes, liés à leur rang social. »

« Sous les tuiles en ardoise de la maison bourgeoise, quatre personnes sont couchées, seul l’enfant dort. Les autres gardent les yeux grands ouverts. Chacun dans sa pièce, chacun dans sa solitude profonde, hanté par des rêves, des désirs, des espoirs qui ne se rencontrent pas, qui se cognent au murs tapissés, aux taffetas noués d’embrasses – métrages de tissu qui absorbent les soupirs, pour n’en restituer qu’un écho ouaté. » (p. 218)

Autres critiques
Babelio
L’Express (François Busnel)
Télérama
BibliObs
RTL (avec Interview-vidéo de l’auteur)

A propos de l’auteur
Léonor de Récondo, née en 1976, débute le violon à l’âge de cinq ans. Son talent précoce est rapidement remarqué, et France Télévisions lui consacre une émission alors qu’elle est adolescente. À l’âge de dix-huit ans, elle obtient du gouvernement français la bourse Lavoisier qui lui permet de partir étudier au New England Conservatory of Music (Boston/U.S.A.). Elle devient, pendant ses études, le violon solo du N.E.C. Symphony Orchestra de Boston. Trois ans plus tard, elle reçoit l’Undergraduate Diploma et rentre en France. Elle fonde alors le quatuor à cordes Arezzo et, grâce au soutien de l’association ProQuartet, se perfectionne auprès des plus grands maîtres du genre (Quatuor Amadeus, Quatuor Alban Berg). Sa curiosité la pousse ensuite à s’intéresser au baroque. Elle étudie pendant trois ans ce nouveau répertoire auprès de Sigiswald Kuijken au Conservatoire de Bruxelles. Depuis, elle a travaillé avec les plus prestigieux ensembles baroques (Les Talens Lyriques, Le Concert d’Astrée, Les Musiciens du Louvre, Le Concert Spirituel). De 2005 à 2009, elle fait partie des musiciens permanents des Folies Françoises, un ensemble avec lequel elle explore, entre autres, le répertoire du quatuor à cordes classique. En février 2009, elle dirige l’opéra de Purcell Didon et Enée mis en scène par Jean-Paul Scarpitta à l’Opéra national de Montpellier. Cette production fait l’objet d’une tournée. En avril 2010, et en collaboration avec la chanteuse Emily Loizeau, elle crée un spectacle mêlant musique baroque et musique actuelle.
Léonor de Récondo a été premier violon sous la direction de Vincent Dumestre (Le Poème Harmonique), Patrick Cohën-Akenine (Les Folies Françoises), Enrico Gatti, Ryo Terakado, Sigiswald Kuijken. Elle est lauréate du concours international de musique baroque Van Wassenaer (Hollande) en 2004.
Elle fonde en 2005 avec Cyril Auvity (ténor) L’Yriade, un ensemble de musique de chambre baroque qui se spécialise dans le répertoire oublié des cantates. Un premier disque de l’ensemble paraît chez Zig-Zag Territoires autour du mythe d’Orphée (plusieurs fois récompensé par la presse), un deuxième de cantates de Giovanni Bononcini en juillet 2010 chez Ramée.
Léonor de Récondo a enregistré une quinzaine de disques (Deutsche Grammophon, Virgin, K617, Alpha, Zig-Zag Territoires) et a participé à plusieurs DVD (Musica Lucida).
En octobre 2010, paraît son premier roman, La Grâce du cyprès blanc, aux éditions Le temps qu’il fait. Chez Sabine Wespieser éditeur, elle publie en 2012 Rêves oubliés, roman de l’exil familial au moment de la guerre d’Espagne. Pietra viva (Sabine Wespieser éditeur, 2013), plongée dans la vie et l’œuvre de Michel Ange, rencontre une très bonne réception critique et commerciale.
Avec Amours, son nouveau roman paru le 8 janvier 2015, Léonor de Récondo, dont on retrouve la phrase juste et précise qui conduit le lecteur au plus près de ses émotions, fait exploser les cadres de la conformité bourgeoise pour toucher à l’éclosion du désir, la prise de conscience de son propre corps, la ferveur et la pureté d’un sentiment qui balayera tout, et impressionne par l’amplitude de ses sources d’inspiration.. (Source : Sabine Wespieser Editeur)

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