Vivre vite

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En deux mots
Le 22 juin 1999 Claude meurt d’un accident de moto. Vingt ans plus tard sa veuve vend la maison qu’ils ont acheté la veille du drame et qu’il n’a jamais habité. L’occasion de laisser affluer les souvenirs et de passer en revue les circonstances qui ont mené au drame et de formuler toutes les hypothèses.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

«Vivre vite, mourir jeune»

Dans ce roman bouleversant, couronné par le Prix Goncourt 2022, Brigitte Giraud revient sur ce jour de 1999 qui a coûté la vie à son mari Claude. Une exploration jusqu’à l’obsession qui est d’abord une superbe déclaration d’amour.

À la veille de l’attribution du Prix Goncourt, Marianne Payot faisait des rumeurs qui donnaient Brigitte Giraud et Giuliano da Empoli au coude à coude. Pour une fois la rumeur était fondée puisque c’est finalement Brigitte Giraud qui l’a emporté! La romancière, qui a fêté lundi ses 56 ans, mérite amplement ce prix. Son roman se lit d’une traite, un peu comme l’histoire qu’il raconte: «Accident. Déménagement. Obsèques. L’accélération la plus folle de mon existence.»
C’est au moment de signer la vente de la maison achetée avec son mari Claude que les souvenirs reviennent. Cet accident de moto qui a coûté la vie à son compagnon le 22 juin 1999. Ce jour où il a fallu emménager avec son fils et sans lui et où toute sa rage s’exprimait à coup de masse, pour faire place nette. Détruire des pans de mur, c’était aussi exprimer toute sa souffrance. Au fil des mois et des travaux, l’apaisement est venu. Mais beaucoup de questions sont restées sans réponse.
Alors «on rebrousse chemin, on revient hanter les lieux, on procède à la reconstitution. On veut comprendre l’origine de chaque geste, chaque décision. On rembobine cent fois. On devient le spécialiste du cause à effet. On traque, on dissèque, on autopsie. On veut tout savoir de la nature humaine, des ressorts intimes et collectifs qui font que ce qui arrive, arrive.»
C’est, pour reprendre la belle formule de Jérôme Garcin, l’heure de «conjuguer son passé au conditionnel», avec des «si». Si son frère n’avait pas laissé là cette moto Honda 900 CBR – dont la puissance avait fait peur au fabricant qui ne l’autorisait que sur circuit au Japon – l’accident n’aurait jamais eu lieu. Un premier «si» suivi de nombreux autres, chapitre après chapitre, et qui concernent leurs emplois de temps respectifs, la météo, la technologie. Pour tenter de surmonter «ces lames de fond, qu’on n’a pas vues venir, qui enflent et viennent vous engloutir», pour conjurer la détresse et le manque, l’absence et les remords. Le tout symbolisé par cette maison qui ouvre et referme ce roman bouleversant qui se pare d’une autre qualité, celui de retracer une époque où les smartphones n’existaient pas.
Brigitte Giraud, qui n’est que la treizième femme couronnée par l’Académie Goncourt, réussit à combiner le noir du deuil et l’écriture blanche. Elle redonne vie à celui qui hante ses jours. Et fait d’un deuil une éblouissante déclaration d’amour. Claude peut alors rejoindre les ombres et sa veuve entrer dans la lumière.

Vivre vite
Brigitte Giraud
Éditions Flammarion
Roman
208 p., 20 €
EAN 9782080207340
Paru le 24/08/2022

Où?
Le roman est situé en France, principalement à Lyon et Paris.

Quand?
L’action se déroule de nos jours, remontant jusqu’en 1999.

Ce qu’en dit l’éditeur
«J’ai été aimantée par cette double mission impossible. Acheter la maison et retrouver les armes cachées. C’était inespéré et je n’ai pas flairé l’engrenage qui allait faire basculer notre existence.
Parce que la maison est au cœur de ce qui a provoqué l’accident.»
En un récit tendu qui agit comme un véritable compte à rebours, Brigitte Giraud tente de comprendre ce qui a conduit à l’accident de moto qui a coûté la vie à son mari le 22 juin 1999. Vingt ans après, elle fait pour ainsi dire le tour du propriétaire et sonde une dernière fois les questions restées sans réponse. Hasard, destin, coïncidences ? Elle revient sur ces journées qui s’étaient emballées en une suite de dérèglements imprévisibles jusqu’à produire l’inéluctable. À ce point électrisé par la perspective du déménagement, à ce point pressé de commencer les travaux de rénovation, le couple en avait oublié que vivre était dangereux.
Brigitte Giraud mène l’enquête et met en scène la vie de Claude, et la leur, miraculeusement ranimées.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
France TV Culture (Laurence Houot)
Benzine mag (Greg Bod)
20 minutes (Marceline Bodier)
En Attendant Nadeau (Robert Czarny)
RTS (Sylvie Tanette)
Blog Les chroniques de Koryfée (Karine Fléjo)
Blog Les lectures de Cannetille
Blog Les lectures d’Antigone
Blog Lili au fil des pages


Brigitte Giraud s’entretient avec Sylvie Tanette à propos de son roman Vivre vite © Production Maison de la Poésie – Scène littéraire

Les premières pages du livre
« Après avoir résisté pendant de longs mois, après avoir ignoré jour après jour les assauts des promoteurs qui me pressaient de leur céder les lieux, j’ai fini par rendre les armes.
Aujourd’hui j’ai signé la vente de la maison.
Quand je dis la maison, je veux dire la maison que j’ai achetée avec Claude il y a vingt ans, et dans laquelle il n’a jamais vécu.
À cause de l’accident. À cause de ce jour de juin où il a accéléré sur une moto qui n’était pas la sienne sur un boulevard de la ville. Inspiré par Lou Reed, peut-être, qui avait écrit : Vivre vite, mourir jeune, des choses comme ça, dans le livre que Claude lisait alors, que j’ai retrouvé posé sur le parquet au pied du lit. Et que j’ai commencé à feuilleter la nuit qui a suivi. Jouer au méchant. Tout saloper.
J’ai vendu mon âme, et peut-être la sienne.
Le promoteur a déjà acheté plusieurs parcelles dont celle du voisin sur laquelle il projette de construire un immeuble qui viendra dominer le jardin, qui viendra plonger sur mon intimité du haut de ses quatre étages, et aussi masquer le soleil. C’en est fini du silence et de la lumière. La nature qui m’entoure se changera en béton et le paysage disparaîtra. De l’autre côté, il est prévu que le chemin devienne une route, qui empiétera chez moi, pour favoriser l’accès au quartier à vocation désormais résidentielle. Le chant des oiseaux sera recouvert par des bruits de moteurs. Des bulldozers viendront raser ce qui était encore vivant.

Quand nous avons acheté, Claude et moi, cette année 1999 où les francs se convertissaient en euros et où le moindre calcul nous obligeait à une règle de trois infantilisante, le plan d’occupation des sols (ou POS) indiquait que nous étions en zone verte, autrement dit, que le secteur n’était pas constructible. Le propriétaire de la maison voisine nous informait qu’il était interdit de couper un arbre, sous peine de devoir le remplacer. Chaque once de nature était sacrée. C’est pour cela que ce lieu nous avait séduits, on pourrait y vivre caché, à la lisière de la ville. Il y avait un cerisier devant les fenêtres, un érable qu’une tempête a déraciné l’année où je suis retournée en Algérie, et un cèdre de l’Atlas, dont j’ai appris récemment que la résine était utilisée pour embaumer les momies.
D’autres arbres ont été plantés, par moi, ou ont poussé seuls, comme le figuier qui s’est invité contre le mur du fond, chacun raconte une histoire. Mais Claude n’a rien vu de cela. Il a juste eu le temps de visiter en poussant des sifflements d’enthousiasme, de constater l’ampleur des travaux à envisager, et de repérer l’endroit où il pourrait garer sa moto. Il a eu le temps de mesurer les surfaces, de se projeter dans l’espace en dessinant quelques gestes dans les airs, de signer chez le notaire, d’ironiser dans le bureau du Crédit mutuel au moment de répartir le pourcentage de l’assurance du prêt sur nos deux têtes. Les lieux avaient un fort potentiel, comme on dit dans le jargon immobilier. Cette affaire de rénovation nous électrisait. On pourrait écouter la musique fort sans gêner ce voisin qui comptait les arbres et dont le vaste terrain s’étendait derrière une haie naturelle. On pourrait poser nos valises pour une vie entière et faire des plans sur la comète, à gogo.

J’ai emménagé seule avec notre fils, au cœur d’un enchaînement chronologique assez brutal. Signature de l’acte de vente. Accident. Déménagement. Obsèques.
L’accélération la plus folle de mon existence. L’impression d’un tour de grand huit, cheveux au vent, avec la nacelle qui se détache.
J’écris depuis ce décor lointain où j’ai atterri, et d’où je perçois le monde comme un film un peu flou qui a longtemps été tourné sans moi.

La maison était devenue le témoin de ma vie sans Claude. Une carcasse qu’il m’avait fallu apprendre à habiter. Et dans laquelle j’avais abattu des cloisons avec de grands coups de masse à la hauteur de ma colère. C’était une maison un peu bancale, avec son terrain à défricher que nous avions espéré transformer en jardin. Au lieu de rénover, j’avais eu l’impression de défoncer, de saccager, de déclarer la guerre à ce qui me résistait, le plâtre, la pierre, le bois, des matières que je pouvais martyriser sans que personne me jette en prison. C’était ma vengeance minuscule face au destin, mettre des coups de pied dans la tôle d’une porte battante, des coups de cisaille dans une toile de jute crasseuse, casser des vitres en poussant des cris.
Tout en tentant de préserver un cocon au cœur du chaos, pour que notre fils y dorme à l’abri. Un petit terrier aux couleurs vives, avec des couettes et des oreillers de plume, des dessins accrochés malgré tout au-dessus du lit, et de la moquette épaisse, un rempart contre la peur et les fantômes de la nuit.

Au fil des ans, j’ai fini par apprivoiser cette maison que j’avais prise en grippe. Après avoir habité les lieux en somnambule, après avoir confondu le matin et le soir, j’ai cessé de me cogner aux murs et j’ai commencé à les repeindre. J’ai arrêté de massacrer les cloisons et les faux plafonds, de considérer chaque mètre carré comme une puissance ennemie. J’ai calmé ma furie et j’ai accepté d’enfiler le costume d’une personne fréquentable. Il me fallait revenir au marché des vivants. Celui qui disait que j’étais veuve, je le passais au lance-flammes. Sidérée de chagrin oui, veuve non.

Mais il me fallait encore venir à bout des mauvaises herbes qui envahissaient le jardin. Pendant des mois, j’ai arraché tout ce qui me passait sous la main, en des gestes répétitifs et inquiétants, j’ai appris le nom du chiendent officinal, de l’ortie brûlante ou du pourpier, que j’ai fait flamber dans des brasiers clandestins à la nuit tombée (on n’avait pas le droit de faire du feu à cause des particules fines). J’ai éradiqué les plantes invasives comme l’ambroisie et le lierre qui rampait dans l’ombre et, à force de traquer les indésirables, j’ai éclairci la parcelle de terrain en même temps que je chassais les ombres sous mon crâne.
Petit à petit, je me suis mise à habiter bourgeoisement les lieux, comme l’enjoignait l’une des clauses du contrat d’assurance que j’avais souscrit pour nous protéger en cas d’incendie, de dégâts des eaux ou de cambriolage (un malheur n’en a jamais empêché un autre, selon la fameuse loi de Murphy qui ne m’avait pas échappé). Je devenais moins enragée et je parvenais à dessiner les plans des deux niveaux, tels que nous les avions imaginés, Claude et moi. Je savais exactement ce qu’il aurait aimé, les matériaux auxquels il avait songé, je consultais les pages que nous avions cornées dans le catalogue Lapeyre. J’avais fini par retrouver mes esprits puis par rencontrer les artisans qui viendraient couler une dalle, changer une poutre ou carreler un sol abîmé. Qui viendraient refaire la salle de bains ou installer le chauffage central. Peut-être qu’un jour j’aurais à nouveau envie de prendre un bain.

Il m’est arrivé d’éprouver du plaisir en choisissant une couleur, en harmonisant une peinture avec le bois d’une porte. Il m’est arrivé de trouver belle la façon dont la lumière rasante entrait dans
la cuisine juste avant le repas du soir.
Mais je ne comprenais pas à qui s’adressait cette lumière. Je préférais les jours de pluie, qui au moins ne prétendaient pas me divertir de ma tristesse. J’avais décidé que la maison serait ce qui me relierait à Claude. Ce qui donnerait un cadre à cette vie nouvelle que notre fils et moi n’avions pas choisie. Il s’agissait encore de notre fils alors qu’il faudrait apprendre à dire mon fils. Comme il me faudrait finir par dire je à la place de ce nous qui m’avait portée. Ce je qui m’écorchera, qui dira cette solitude que je n’ai pas voulue, cette entorse à la vérité.
J’ai maintenu l’idée de créer le petit studio d’enregistrement, dont Claude avait envie depuis longtemps. Une pièce insonorisée où il avait espéré pouvoir s’isoler pour travailler. Et qui aurait contenu les instruments qu’il possédait, une basse, une guitare, et le synthétiseur qu’il venait juste d’acquérir (un Sequential Circuit Six-Tracks, pardon de le mentionner, mais cela a son importance), sur lequel il pianotait avec un casque sur les oreilles. »

Extraits
« Quand aucune catastrophe ne survient, on avance sans se retourner, on fixe la ligne d’horizon, droit devant. Quand un drame surgit, on rebrousse chemin, on revient hanter les lieux, on procède à la reconstitution. On veut comprendre l’origine de chaque geste, chaque décision. On rembobine cent fois. On devient le spécialiste du cause à effet. On traque, on dissèque, on autopsie. On veut tout savoir de la nature humaine, des ressorts intimes et collectifs qui font que ce qui arrive, arrive. Sociologue, flic ou écrivain, on ne sait plus, on délire, on veut comprendre comment on devient un chiffre. » p. 23

« Il n’y a pas d’ordre, ni chronologique ni méthodologique, à l’enchaînement des événements. Seulement des vagues qui se profilent depuis l’horizon, bien visibles sur leurs lignes de crête, le plus souvent inoffensives parce que prévisibles, vaguelettes ou rouleaux peu importe, et puis il y a ces lames de fond, qu’on n’a pas vues venir, qui enflent et viennent vous engloutir quand vous avez le dos tourné. »

« Il n’y a rien à comprendre, chacun joue son rôle. Chacun bien à sa place dans la ville, en toute légitimité : le médecin, le notaire, l’instituteur, le pompier, le policier, le bibliothécaire, le banquier, le curé. Ça s’appelle une société. Tout est si bien huilé. Ça fonctionne, ça dysfonctionne, pour le meilleur et pour le pire. » p. 193

À propos de l’auteur
GIRAUD_Brigitte_DRBrigitte Giraud © Photo DR

Brigitte Giraud est l’autrice de dix romans, parmi lesquels À présent (Stock, mention spéciale du prix Wepler 2001), L’amour est très surestimé (Stock, bourse Goncourt de la nouvelle 2007), Une année étrangère (Stock, prix Jean-Giono 2009), Un loup pour l’homme et Jour de courage (Flammarion, 2017 et 2019). (Source: Éditions Flammarion)

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L’Affaire Alaska Sanders

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En deux mots
En avril 1999 la découverte du cadavre d’Alaska Sanders met en émoi les habitants de Pleasant Mountain. Et si l’enquête es rapidement bouclée, Perry Gahalowood, le sergent de la brigade criminelle, et son ami Marcus Goldman ne se satisfont pas de cette version. Au fil de leur contre-enquête, ils vont aller de surprise en surprise.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Enquête sur une enquête bâclée

Le nouveau roman de Joël Dicker, L’Affaire Alaska Sanders, chaînon manquant entre La vérité sur l’affaire Harry Quebert et Le Livre des Baltimore, paraît au sein de la maison d’édition créée par l’auteur Genevois. Un double défi qu’il relève haut la main!

Disons-le d’emblée. C’est un vrai plaisir de retrouver Marcus Goldman et les protagonistes de La vérité sur l’affaire Harry Quebert dans ce nouveau roman qui vient s’insérer chronologiquement entre le roman qui a fait connaître Joël Dicker dans le monde entier et Le Livre des Baltimore et couvre les années 2010-2011. Il met en scène des personnages que les fidèles lecteurs de Joël Dicker connaissent bien et que les nouveaux lecteurs découvriront avec bonheur.
Dans un court chapitre initial, on apprend qu’ Alaska Sanders, employée de station-service dans une bourgade du New Hampshire, est assassinée en avril 1999.
Puis on bascule en 2010 à Montréal où se tourne l’adaptation de G comme Goldstein, le livre qui aura transformé Marcus Goldman en phénomène éditorial. Et même s’il a un peu de peine à trouver l’inspiration, tout va bien pour lui. Il a depuis trois mois une liaison avec Raegan, une superbe pilote d’Air Canada rencontrée à New York la nuit du nouvel an et Hollywood lui propose un pont d’or pour adapter La vérité sur l’affaire Harry Quebert. Mais pour l’instant, il ne veut pas de cette version cinématographique, car il imagine que Harry Quebert – dont il n’a plus de nouvelles – n’apprécierait pas cette plongée dans un dossier qui l’a certes innocenté mais surtout totalement discrédité.
C’est d’ailleurs en tentant de retrouver son mentor à Aurora où il pense qu’il a pu se réfugier qu’il va retrouver Perry Gahalowood, le sergent de la brigade criminelle, et sa famille. Il avait fait sa connaissance au moment de l’affaire Quebert et s’était lié d’amitié avec le policier, son épouse Helen et ses deux filles Malia et Lisa.
Alternant les époques, l’auteur nous fait suivre en parallèle l’enquête menée par Perry en 1999 pour retrouver les assassins d’Alaska Sanders, retrouvée par une joggeuse au moment où un ours noir s’attaque à sa dépouille et l’enquête que mène Marcus onze ans plus tard.
Car si dès la page 161, l’affaire est officiellement bouclée avec la mort de Walter Carrey, le petit ami d’Alaska, confondu par son ADN, et celui de son complice Eric Donovan, condamné à perpétuité, l’affaire sera relancée à peine dix pages plus tard, lorsque Marcus retrouve Perry, venu assister aux obsèques d’Helen, qui vient de succomber d’une crise cardiaque. Mais n’en disons pas davantage de peur de gâcher le plaisir à découvrir les rebondissements de ce roman aussi dense que passionnant.
Soulignons plutôt combien les fidèles lecteurs de Joël Dicker trouveront ici de quoi se régaler. Car ils savent que dans ses romans, comme avec les poupées russes, une histoire peut en cacher une autre. Il faut alors recommencer à enquêter, rechercher à quel moment on a fait fausse route. Son duo d’enquêteurs revoit alors son scénario, un peu comme l’écrivain, qui écrit sans connaître la fin de son roman et se laisse guider par le plaisir qu’il rencontre en imaginant les situations auxquelles ses personnages sont confrontés.
Un nouveau page turner dans lequel on retrouvera les thèmes de prédilection de l’auteur, la rédemption «qui n’arrive jamais trop tard», la fidélité en amitié et la ténacité. «Je crois que ce roman raconte avant tout, dans un monde où tout doit être rapide et parfait, comment les relations entre les gens sont devenues superficielles. On ne prend pas vraiment le temps de connaître les autres et fort souvent, quand on fait l’effort de s’intéresser à eux, on découvre des choses cachées, que l’on se refusait peut-être à voir jusque-là. C’est ce que découvrent Perry et Marcus», explique du reste le Genevois qui m’a accueilli dans les bureaux de sa nouvelle maison d’édition.
Car c’est avec un «double trac» qu’il sillonne désormais les plateaux de télévision, les rédactions et les librairies. D’abord en Suisse, où le roman paraît avec une semaine d’avance, puis en France. Il y présente son roman, mais aussi sa maison d’édition, Rosie & Wolfe. Dans un premier temps, elle va proposer tous les romans de l’écrivain-entrepreneur dans une version grand format, poche, numérique et audio. L’an prochain de nouvelles plumes devrasient élargir le catalogue.

J’aurais pour ma part le plaisir de l’accueillir en mai prochain à Mulhouse. Et pour les impatients, signalons aussi la rencontre et lecture digitale organisée par l’Éclaireur FNAC le 9 mars à 19h.

L’Affaire Alaska Sanders
Joël Dicker
Éditions Rosie & Wolfe
Roman
576 p., 23 €
EAN 9782889730018
Paru le 10/03/2022

Où?
Le roman est situé aux États-Unis et au Canada. Entre New York, Montréal, on y sillonne le New Hampshire, de Concord à Durham, Barrington et Wolfeboro. Côté Canada, on passe aussi par Magog et Stanstead et côté américain, on visite Burrows et Boston, Montclair dans le New Jersey, Salem dans le Massachusetts ou encore Baltimore.
Un voyage au Bahamas, à Nassau et Harbour Island, puis du côté de Miami en Floride.

Quand?
L’action se déroule en 2010-2011, avec de nombreux retours en arrière, principalement en 1999.

Ce qu’en dit l’éditeur
Le retour de Harry Quebert
Avril 1999. Mount Pleasant, une paisible petite bourgade du New Hampshire, est bouleversée par un meurtre. Le corps d’Alaska Sanders, arrivée depuis peu dans la ville, est retrouvé au bord d’un lac.
L’enquête est rapidement bouclée, puis classée, même si sa conclusion est marquée par un nouvel épisode tragique.
Mais onze ans plus tard, l’affaire rebondit. Début 2010, le sergent Perry Gahalowood, de la police d’État du New Hampshire, persuadé d’avoir élucidé le crime à l’époque, reçoit une lettre anonyme qui le trouble. Et s’il avait suivi une fausse piste ?
Son ami l’écrivain Marcus Goldman, qui vient de remporter un immense succès avec La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert, va lui prêter main forte pour découvrir la vérité.
Les fantômes du passé vont resurgir, et parmi eux celui de Harry Quebert.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
goodbook.fr
RTS (Philippe Revaz)
Le Messager (Claire Baldewyns)
Podcast La bouteille à moitié pleine

Les premières pages du livre
La veille du meurtre
Vendredi 2 avril 1999

La dernière personne à l’avoir vue en vie fut Lewis Jacob, le propriétaire d’une station-service située sur la route 21. Il était 19 heures 30 lorsque ce dernier s’apprêta à quitter le magasin attenant aux pompes à essence. Il emmenait sa femme dîner pour fêter son anniversaire.
– Tu es certaine que ça ne t’embête pas de fermer ? demanda-t-il à son employée derrière la caisse.
– Aucun problème, monsieur Jacob.
– Merci, Alaska.
Lewis Jacob considéra un instant la jeune femme : une beauté.
Un rayon de soleil. Et quelle gentillesse ! Depuis six mois qu’elle travaillait ici, elle avait changé sa vie.
– Et toi ? demanda-t-il. Des plans pour ce soir ?
– J’ai un rendez-vous…
Elle sourit.
– À te voir, ça a l’air d’être plus qu’un rendez-vous.
– Un dîner romantique, confia-t-elle.
– Walter a de la chance, lui dit Lewis. Donc ça va mieux entre vous ?
Pour toute réponse, Alaska haussa les épaules. Lewis ajusta sa cravate dans le reflet d’une vitre.
– De quoi j’ai l’air ? demanda-t-il.
– Vous êtes parfait. Allez, filez, ne soyez pas en retard.
– Bon week-end, Alaska. À lundi.
– Bon week-end, monsieur Jacob.
Elle lui sourit encore. Ce sourire, il ne l’oublierait jamais.

Le lendemain matin, à 7 heures, Lewis Jacob était de retour à la station-service pour en assurer l’ouverture. À peine arrivé, il verrouilla derrière lui la porte du magasin, le temps de se préparer à recevoir les premiers clients. Soudain, des coups frénétiques contre la porte vitrée : il se retourna et vit une joggeuse, le visage terrifié, qui poussait des cris. Il se précipita pour ouvrir, la jeune femme se jeta sur lui en hurlant : « Appelez la police ! Appelez la police ! »
Ce matin-là, le destin d’une petite ville du New Hampshire allait être bouleversé.

PROLOGUE
À propos de ce qui se passa en 2010
Les années 2006 à 2010, malgré les triomphes et la gloire, sont inscrites dans ma mémoire comme des années difficiles. Elles furent certainement les montagnes russes de mon existence.
Ainsi, au moment de vous raconter l’histoire d’Alaska Sanders, retrouvée morte le 3 avril 1999 à Mount Pleasant, New Hampshire, et avant de vous expliquer comment je fus, au cours de l’été 2010, impliqué dans cette enquête criminelle vieille de onze ans, je dois d’abord revenir brièvement sur ma situation personnelle à ce moment-là, et notamment sur le cours de ma jeune carrière d’écrivain.
Celle-ci avait connu un démarrage foudroyant en 2006, avec un premier roman vendu à des millions d’exemplaires.
À vingt-six ans à peine, j’entrais dans le club très fermé des auteurs riches et célèbres, et j’étais propulsé au zénith des lettres américaines.
Mais j’allais vite découvrir que la gloire n’était pas sans conséquence : ceux qui me suivent depuis mes débuts savent combien l’immense succès de mon premier roman allait me déstabiliser. Écrasé par la célébrité, je me retrouvais dans l’incapacité d’écrire. Panne de l’écrivain, panne d’inspiration, crise de la page blanche. La chute.
Puis était survenue l’affaire Harry Quebert, dont vous avez certainement entendu parler. Le 12 juin 2008, le corps de Nola Kellergan, disparue en 1975 à l’âge de quinze ans, fut exhumé du jardin de Harry Quebert, légende de la littérature américaine. Cette affaire m’affecta profondément : Harry Quebert était mon ancien professeur à l’université, mais surtout mon plus proche ami à l’époque. Je ne pouvais croire à sa culpabilité.
Seul contre tous, je sillonnai le New Hampshire pour mener ma propre enquête. Et si je parvins, finalement, à innocenter Harry, les secrets que j’allais découvrir à son sujet briseraient notre amitié.
De cette enquête, je tirai un livre : La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert, paru au milieu de l’automne 2009, dont l’immense succès m’installa comme écrivain d’importance nationale. Ce livre était la confirmation que mes lecteurs et la critique attendaient depuis mon premier roman pour m’adouber enfin. Je n’étais plus un prodige éphémère, une étoile filante avalée par la nuit, une traînée de poudre déjà consumée : j’étais désormais un écrivain reconnu par le public et légitime parmi ses pairs.
J’en ressentis un immense soulagement. Comme si je m’étais retrouvé moi-même après trois ans d’égarements dans le désert du succès.
C’est ainsi qu’au cours des dernières semaines de l’année 2009, je fus envahi par un sentiment de sérénité. Le soir du 31 décembre, je célébrai l’arrivée du Nouvel an à Times Square, au milieu d’une foule joyeuse. Je n’avais plus sacrifié à cette tradition depuis 2006. Depuis la parution de mon premier livre. Cette nuit-là, anonyme parmi les anonymes, je me sentis bien.
Mon regard croisa celui d’une femme qui me plut aussitôt. Elle buvait du champagne. Elle me tendit la bouteille en souriant.
Quand je repense à ce qui se passa au cours des mois qui suivirent, je me remémore cette scène qui m’avait donné l’illusion d’avoir enfin trouvé l’apaisement.
Les évènements de l’année 2010 allaient me donner tort.

Le jour du meurtre
3 avril 1999
Il était 7 heures du matin. Elle courait, seule, le long de la route 21, dans un paysage verdoyant. Sa musique dans les oreilles, elle avançait à un très bon rythme. Ses foulées étaient rapides, sa respiration maîtrisée  : dans deux semaines, elle prendrait le départ du marathon de Boston. Elle était prête.
Elle eut le sentiment que c’était un jour parfait : le soleil levant irradiait les champs de fleurs sauvages, derrière lesquels se dressait l’immense forêt de White Mountain.
Elle arriva bientôt à la station-service de Lewis Jacob, à sept kilomètres exactement de chez elle. Elle n’avait initialement pas prévu d’aller plus loin, pourtant elle décida de pousser encore un peu l’effort. Elle dépassa la station-service et continua jusqu’à l’intersection de Grey Beach. Elle bifurqua alors sur la route en terre que les estivants prenaient d’assaut lors des journées trop chaudes. Elle menait à un parking d’où partait un sentier pédestre qui s’enfonçait dans la forêt de White Mountain jusqu’à une grande plage de galets au bord du lac Skotam. En traversant le parking de Grey Beach, elle vit, sans y prêter attention, une décapotable bleue aux plaques du Massachusetts. Elle s’engagea sur le chemin et se dirigea vers la plage.
Elle arrivait à la lisière des arbres, lorsqu’elle aperçut, sur la grève, une silhouette qui la fit s’arrêter net. Il lui fallut quelques secondes pour se rendre compte de ce qui était en train de se passer. Elle fut tétanisée par l’effroi. Il ne l’avait pas vue.
Surtout, ne pas faire de bruit, ne pas révéler sa présence : s’il la voyait, il s’en prendrait forcément à elle aussi. Elle se cacha derrière un tronc.

L’adrénaline lui redonna la force de ramper discrètement sur le sentier, puis, lorsqu’elle s’estima hors de danger, elle prit ses jambes à son cou. Elle courut comme elle n’avait jamais couru.
Elle était volontairement partie sans son téléphone portable. Comme elle s’en voulait à présent !
Elle rejoignit la route 21. Elle espérait qu’une voiture passerait : mais rien. Elle se sentait seule au monde. Elle piqua alors un sprint jusqu’à la station-service de Lewis Jacob. Elle y trouverait de l’aide. Quand elle y arriva enfin, hors d’haleine, elle trouva porte close. Mais voyant le pompiste à l’intérieur elle tambourina jusqu’à ce qu’il lui ouvre. Elle se jeta sur lui en s’écriant: «Appelez la police ! Appelez la police!»

Extrait du rapport de police
Audition de Peter Philipps
[Peter Philipps est agent de la police de Mount Pleasant depuis une quinzaine d’années. Il a été le premier policier à arriver sur les lieux. Son témoignage a été recueilli à Mount Pleasant le 3 avril 1999.]

Lorsque j’ai entendu l’appel de la centrale au sujet de ce qui se passait à Grey Beach, j’ai d’abord cru avoir mal compris. J’ai demandé à l’opérateur de répéter. Je me trouvais dans le secteur de Stove Farm, qui n’est pas très loin de Grey Beach.

Vous y êtes allé directement ?
Non, je me suis d’abord arrêté à la station-service de la route 21, d’où le témoin avait appelé les urgences. Au vu de la situation, je trouvais important de lui parler avant d’intervenir. Savoir à quoi m’attendre sur la plage. Le témoin en question était une jeune femme terrorisée. Elle m’a raconté ce qui venait de se passer. Depuis quinze ans que j’étais policier, je n’avais jamais fait face à une situation pareille.

Et ensuite ?
Je me suis immédiatement rendu sur place.

Vous y êtes allé seul ?
Je n’avais pas le choix. Il n’y avait pas une minute à perdre. Je
devais le retrouver avant qu’il ne prenne la fuite.

Que s’est-il passé ensuite ?
J’ai conduit comme un dingue de la station-service jusqu’au parking de Grey Beach. En arrivant, j’ai remarqué une décapotable bleue, avec une plaque du Massachusetts. Ensuite, j’ai attrapé le fusil à pompe et j’ai pris le sentier du lac.

Et… ?
Quand j’ai déboulé sur la plage, il était toujours là, en train de s’acharner sur cette pauvre fille. J’ai hurlé pour qu’il arrête, il a levé la tête et il m’a regardé fixement. Il a commencé à approcher lentement dans ma direction. J’ai compris aussitôt que
c’était lui ou moi. Quinze ans de service, et je n’avais encore jamais tiré un coup de feu. Jusqu’à ce matin. »

À propos de l’auteur
Joël Dicker © Photo Markus Lamprecht

Joël Dicker est né en 1985 à Genève où il vit toujours. Ses romans sont traduits dans le monde entier et sont lus par des millions de lecteurs. Son œuvre a été primée dans de nombreux pays. En France, il a reçu le Prix Erwan Bergot pour Les derniers jours de nos pères, puis le Prix de la vocation Bleustein-Blanchet, Le Grand prix du roman de l’Académie française et le Prix Goncourt des lycéens pour La vérité sur l’affaire Harry Quebert. Ce roman a aussi été élu parmi «les 101 romans préférés des lecteurs du monde» et a été adapté en série télévisée par Jean-Jacques Annaud. Il a publié en 2015 Le livre des Baltimore, en 2018 La Disparition de Stéphanie Mailer, en 2020 L’Énigme de la chambre 622 et en 2022 L’Affaire Alaska Sanders.

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La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert

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