La Grande escapade

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En deux mots:
Les enfants terminent leur école primaire et s’apprêtent à basculer dans l’adolescence. Leurs parents digèrent mai 68 et s’apprêtent à basculer dans la société de consommation. Autour de quelques épisodes tragi-comiques, ce sont les mutations de la France des années 70 qui sont au cœur de ce roman.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

L’année de tous les possibles

Jean-Philippe Blondel poursuit son exploration de la France d’avant dans le milieu éducatif qu’il connaît si bien. Avec «La grande escapade» il nous offre de découvrir le microcosme d’un groupe scolaire dans les années 70.

Tout à la fois plongée dans la France des années 70, étude sociologique et évocation d’un système éducatif en mutation, le nouveau roman de Jean-Philippe Blondel, après Un hiver à Paris et La mise à nu, est avant tout la chronique des souvenirs d’enfance, de cet âge où l’innocence peu à peu s’enfuit pour laisser place à des personnalités qui s’affirment, à des destins qui s’ébauchent, marqués par quelques épisodes inoubliables qui ont valeur de rites de passage.
Pour ouvrir ce roman au goût nostalgique, on retrouve une poignée d’enfants sur la corniche qui court le long du grenier du groupe scolaire, à une dizaine de mètres du sol. C’est Baptiste Lorrain qui a eu cette idée et qui a entraîné toute la bande en haut de l’immeuble pour un jeu qui mêle aventure, audace, danger, adrénaline. Si Pascal Ferrant n’avait pas touché l’épaule de Philippe Goubert et si les pieds de ce dernier ne s’étaient pas emmêlés, ce dernier ne se retrouverait pas les mains accrochées à la corniche. En quelque secondes, il voit son destin basculer… Mais la main secourable d’un pompier, suivi de la gifle retentissante de sa mère vont le ramener sur terre.
La vie autour du groupe scolaire Denis-Diderot peut dès lors reprendre son cours. Les parents se préoccuper de la vie de leurs voisins et leur progéniture faire du terrain vague au bord de la ligne de chemin de fer Paris-Bâle le cadre de leur émancipation et l’endroit où ils vont ériger leur cabane.
Jean-Philippe Blondel, en observateur attentif, va alors dévier des enfants à leurs parents et nous montrer combien ce microcosme – les enseignants et leurs époux ou épouses respectives – va se trouver au cœur des bouleversements d’une société qui n’a pas encore pris toute l’ampleur du mouvement initié par mai 68. Le patriarcat vacille, les principes rigides de l’enseignement vont soudain être traversés de voix discordantes, d’expériences nouvelles. Le jean et le tee-shirt s’invitent dans les garde-robes.
Après la coupure des vacances en famille, les envies d’émancipation se précisent. Alors que Gérard Lorrain rêve de ses prochains grands voyages, son épouse Janick grimpe les échelons de l’entreprise. Baptiste va sur ses quinze ans et prend la direction du collège. Charles Florimont se détache de sa Josée pour rêver à d’autres corps. Celui de Michèle Goubert ne lui déplairait pas. Mais avant cette grande escapade qui donne son titre au roman, il devra éteindre l’incendie provoqué par Reine Esposito. Un joli scandale qui rester dans les mémoires. Mais le point d’orgue de cette année particulière sera ce voyage à Paris dont je vous laisse découvrir les acteurs et le scénario.
C’est avec la palette d’un impressionniste que l’auteur nous raconte ce pays en train de basculer dans une société plus libre, plus ouverte. Par petites touches, il dépeint les courants encore en gestation qui vont déboucher sur une frénésie consumériste. Ayant partagé cette expérience du groupe scolaire – mon père était instituteur – j’ai aussi retrouvé dans ce livre une partie de mon enfance. Et ce joli parfum de nostalgie douce-amère.

La grande escapade
Jean-Philippe Blondel
Éditions Buchet Chastel
Roman
272 p., 18 €
EAN 9782283031506
Paru le 15/08/2019

Où?
Le roman se déroule en France, dans une région qui ne doit pas être très éloignée de Troyes où vit l’auteur.

Quand?
L’action se situe durant une année, de 1975 à 1976.

Ce qu’en dit l’éditeur
La Grande Escapade raconte l’enfance – un territoire que Jean-Philippe Blondel a jusqu’à présent refusé d’explorer dans ses romans. Les années 70, la province, l’école Denis-Diderot en briques orange, le jardin public, le terrain vague. Et surtout, les habitants du groupe scolaire. Cette troupe d’instits qui se figuraient encore être des passeurs de savoir et qui vivaient là, avec leurs familles.
1975-1976 ou des années de bascule : les premières alertes sérieuses sur l’état écologique et environnemental de la terre ; un nouveau président de droite qui promet de changer la société mais qui nomme Raymond Barre premier ministre ; les femmes qui relèvent la tête ; la mixité imposée dans les écoles…
Il y a les Coudrier, les Goubert, les Lorrain et les Ferrant ; il y a Francine, Marie-Dominique et Janick. Il y a des coups de foudre et des trahisons. De grands éclats de rire et des émotions. Tous les personnages sont extrêmement incarnés. On y est ! Dans l’ambiance et le décor. Et le lecteur peut suivre, page après page, Jean-Philippe Blondel qui nous fait faire le tour du propriétaire de ce monde d’hier.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com 
La Croix (Francine de Martinoir)
La Grande Parade (Serge Bressan)
L’Indépendant (Michel Litout)
Blog Fflo la dilettante
Blog mots pour mots (Nicole Grundlinger)
Blog Albertine22
Blog 31rst floor

INCIPIT (Les premières pages du livre)
« L’affaire dite de la corniche
C’est à ce moment-là que Philippe Goubert se rend compte qu’il est vivant.
Il est suspendu à une douzaine de mètres du sol, les mains agrippées à la corniche qui court tout le long du grenier du groupe scolaire, ses amis lui jettent des regards anxieux depuis la lucarne derrière laquelle ils se sont réfugiés et sa mère est en train de piquer une crise de nerfs en contrebas tandis que le camion des pompiers arrive toutes sirènes hurlantes, couvrant la voix du chanteur français d’origine batave qui s’échappe par la fenêtre de la cuisine de Nicole Desplanques et prie qu’une dénommée Vanina ne le laisse pas seul au monde. La brise de ce juin 1975 s’infiltre sous son tee-shirt (Philippe aime le mot « tee-shirt », même s’il n’est pas très bien vu au sein de sa famille de l’utiliser, puisqu’il s’agit d’un anglicisme et que ces satanés Yankees vont bientôt coloniser notre langue comme ils annexent les territoires asiatiques et sud-américains, il serait mieux d’utiliser l’expression «maillot de corps», et tant pis si elle semble légèrement vieillotte et exhale des parfums de Deuxième Guerre mondiale et de colonies françaises) et Philippe Goubert comprend qu’il est sur le point de mourir, à dix ans à peine.
Il suffirait que ses doigts crispés et douloureux desserrent leur étreinte pour que son corps flotte un instant dans l’éther puis s’écrase dans l’allée du jardin public alors que sa mère tomberait cette fois carrément dans les pommes et que les pompiers se précipiteraient, mais trop tard, «on n’a rien pu faire, chef, le petit était déjà inerte».
Ce qui est sûr, pense-t il, c’est qu’on ne le reprendra plus à jouer à la pique sur les corniches du groupe scolaire. C’est Baptiste Lorrain, le meilleur ami de Philippe Goubert et son aîné d’un an, qui a eu cette idée saugrenue l’été dernier et toute la bande en a été émoustillée. Il faut dire que courir sur cette bordure de pierre d’un mètre de large qui longe les toits du bâtiment est exactement le type d’activité que recherchent les garçons : de l’aventure, de l’audace, du danger, de l’adrénaline, mais au sein d’un cadre familier. Et puis, tous ceux qui ont tenté l’expérience vous le diront: là-haut, quand on tutoie les cimes des arbres et qu’aucun édifice ne vient vous gâcher le soleil, on se sent le maître du monde. La seule chose à laquelle il faut évidemment prêter attention, c’est à ne pas trébucher quand votre camarade vous touche et que vous devenez à votre tour la pique, le loup ou l’un de ces noms dont on affuble celui qui a été plus lent que les autres et qui doit maintenant se venger. Or c’est justement ce qui s’est produit : Pascal Ferrant a touché l’épaule de Philippe Goubert dont les pieds se sont soudain emmêlés – en même temps il est tellement pataud, ce Philippe Goubert ! –, l’entraînant par-dessus bord. Il a tout de même eu l’instinct, au moment de sa chute, de se raccrocher à la corniche en poussant un hurlement de terreur, et ce au moment même où sa mère et Geneviève Coudrier débouchaient au coin de la rue, de retour du supermarché avec leurs cabas remplis à ras bord.
C’est donc là, entre ciel et terre, le regard accroché aux cumulus qui paressent, au milieu d’un invraisemblable tohu-bohu, que Philippe Goubert connaît sa première épiphanie. Il prend conscience des moindres parties de son corps, entend le sang qui bouillonne dans ses veines, ressent le périlleux engourdissement de ses doigts et assiste à la projection intérieure du très court film de son existence.
Curieusement, une fois le premier choc passé, il n’a pas peur – ce dont il est le premier à s’étonner, puisque tout le monde le décrit comme un trouillard de première. Il s’est vite résigné à l’idée qu’il va mourir, et il se plaît à croire qu’à décéder aussi jeune, il restera dans les mémoires du quartier. Les habitants du groupe scolaire gommeront ses défauts, arrondiront les angles, le rendront héroïque et exemplaire. Un jour, un de ses anciens voisins publiera un roman qui portera son nom (Philippe Goubert, un destin), sera édité dans la célèbre Bibliothèque Verte puis adapté en une de ces séries télévisées, rendez-vous incontournable du samedi après-midi. Les filles pleureront (surtout Nathalie Lespinasse), les garçons ravaleront leur salive et seront fiers de l’avoir connu. Ce sera beau. À ceci près que Goubert, dont les parents sont franchement anticléricaux, n’est pas du tout certain qu’il pourra assister à son apothéose. Le paradis, très peu pour lui. »

Extrait
« Non, ce qui le heurte c’est de se rendre compte qu’une fois les portes des logements de fonction refermées, les adultes portent des jugements pas seulement les uns sur les autres, ce qui paraît au fond tout à fait normal, mais aussi sur la progéniture de leurs voisins. Il est d’autant plus blessé que la critique provient de Janick Lorrain qui a toujours été, et de loin, un modèle pour lui – bien plus que sa propre mère ou que son père. Elle incarne à ses yeux la perfection – une alliance rare de douceur et de modernité. La façon dont elle s’exprime (cette voix calme et posée et les phrases affirmatives qui montent imperceptiblement en fin de proposition, se transformant presque en interrogatives), sa silhouette élancée et racée, l’élégance de ses tenues, ce monde extérieur qu’elle représente puisque elle, au moins, ne travaille pas dans le groupe scolaire – tout séduit Philippe, qui trouve sa mère bien plus quelconque, avec son rire tonitruant et contagieux, ses tenues parfois mal assorties et ses molaires en métal qui brillent au fond de ses gencives. Philippe a toujours secrètement mis Janick sur un piédestal et, même après la révélation de cette fin d’après-midi, il ne se résout pas à l’en faire descendre. » (p. 59)

À propos de l’auteur
Jean-Philippe Blondel est né en 1964. Marié, deux enfants, il enseigne l’anglais en lycée et vit près de Troyes, en Champagne-Ardenne. Il publie en littérature générale et en littérature jeunesse depuis 2003. (Source: Éditions Buchet Chastel)

Page Wikipédia de l’auteur

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Les belles ambitieuses

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En deux mots:
Amblard Blamont-Chauvry n’entend rien faire d’autre de sa vie que de profiter des plaisirs qu’elle peut lui octroyer. Mais, dans les années 70, les femmes sont ambitieuses et ne l’entendent pas de cette oreille. Même pas Coquelicot, la plus délicieuse d’entre elles…

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

Amblard le Bienheureux

Le nouveau roman de Stéphane Hoffmann est un régal de joyeuse ironie centrée sur un homme qui décide de ne rien faire, sinon de profiter de la vie. Dans son milieu, la chose n’est guère aisée, surtout quand quatre femmes ambitieuses vous entourent.

« Vous aurez beau vous agiter en tous sens, vous n’aurez qu’une expérience résuite à vous-mêmes. Les livres, eux, vous enrichissent de dix mille Existences. » Avouez-le, cette unique phrase suffit déjà à vous faire aimer le nouvel opus de Stéphane Hoffmann. L’auteur de Un enfant plein d’angoisse et très sage va vous convier à une fête de l’esprit ou le trait d’esprit – qu’on appelle aujourd’hui plus volontiers la «punchline» – est servi par une langue classique et élégante, où l’ironie cinglante voisine avec un humour pétillant.
Je ne sais si son «héros», Amblard Blamont-Chauvry, énarque et polytechnicien, aime l’opéra-comique. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il a décidé de vivre selon la formule de Jules Barbier et Michel Carré dans «Galathée» : « Ah ! qu’il est doux De ne rien faire Quand tout s’agite autour de nous. »
Car on s’agite beaucoup autour du jeune homme, énarque et polytechnicien de «bonne famille». Quatre femmes, Les belles ambitieuses du titre, vont essayer de (re)mettre le jeune homme dans le droit chemin. La comtesse de Florensac, sa marraine, est la plus expérimentée. À l’image de la Marquise de Merteuil dans les Liaisons dangereuses elle veut tout savoir des intrigues de cour – elle accueille chez elle et quelquefois dans son lit les ministres en exercice. Aussi manipulatrice qu’orgueilleuse, elle entend bien marier son protégé, quitte à la laisser ensuite folâtrer à sa guise. « Si un homme est doué pour l’amour, il doit faire profiter de ses qualités les autres femmes, si souvent délaissées. Et s’il n’est pas doué, il doit apprendre. Il s’améliore avec des maîtresses, l’épouse en profite, tu vois. »
Amblard va suivre ce conseil et épouser Isabelle Surgères, la seconde ambitieuse. Plus que pour avoir la paix que par amour. De fait, il ne se fait guère d’illusions : « Si on n’y prend pas garde, on se retrouve marié quand on prend juste plaisir à être ensemble. Mal assorti, le mariage est un crime parfait: deux morts. Le criminel – la société – n’est jamais punie. Il arrive même que ce double meurtre lui profite. »
En revanche pour elle, ce mariage doit être un tremplin pour atteindre les hautes sphères, celles qui décident, celles qui changent la vie. Sans doute plus par souci de sortir du rang et de se différencier que par conviction, elle s’affiche de gauche. Après tout, c’est «très tendance». Après des débuts en fanfare, il est nommé à Washington et elle peut parader au bras de son mari dans les dîners de l’ambassadeur Jacques Kosciusko-Morizet, les choses ne vont pas tarder à se gâcher.
Quelques années plus tard viendra le tour de sa filleule, Maxime d’Audignon. La jeune fille a le projet de construire un haras sur les terres familiales et vient demander l’aider d’Amblard, car elle se heurte au refus de son père. Et comme elle lui plaît bien…
Mais ma préférée est incontestablement Coquelicot qui doit ce surnom au jour de sa rencontre avec Amblard. Il faisait alors son service militaire et son régiment avait été choisi pour accueillir la reine d’Angleterre qui avait répondu à l’invitation du président Pompidou. Coquelicot, comme la couleur de la robe qu’elle portait, était l’une des hôtesses d’accueil dépêchées sur place. Très vite, ils vont se retrouver dans les bras l’un de l’autre et très vite ils vont s’amuser. Une complicité qui ne sera pas démentie par le temps, pétillante comme le champagne qui accompagne leurs retrouvailles. Un bonheur simple : « Je suis heureuse avec toi, tu es heureux avec moi. Laissons la société à Isabelle Surgères qui, elle, ne sera jamais heureuse parce que ce qu’elle n’a pas encore est plus important pour elle que ce qu’elle a. »
J’imagine qu’il y a un peu de Stéphane Hoffmann dans ce souvenir de jeunesse d’Amblard quand il raconte qu’il préférait se plonger dans Homère, Chateaubriand, Déon ou Lacarrière que dans la grande bleue. C’est ce qui nous vaut aujourd’hui ce magnifique roman.

Les belles ambitieuses
Stéphane Hoffmann
Éditions Albin Michel
Roman
272 p., 32,40 €
EAN : 9782226437334
Paru le 22 août 2018

Où?
Le roman se déroule en France, principalement à Paris et Versailles, mais aussi à Orly, à Bougival, à Louveciennes, à Rambouillet, à Condé-sur-Vesgre, à Vichy, dans les Alpes italiennes et aux États-Unis, à Washington.

Quand?
L’action se situe du 15 mai 1972 jusqu’à la fin du XXe siècle.

Ce qu’en dit l’éditeur
« Traîner au lit avec une dame aimable est une sagesse : on n’y a besoin de rien ni de personne d’autre. C’est aussi une plénitude, c’est-à-dire un paradis. »
Paris, années 70.
La comtesse de Florensac veut avoir le salon le plus influent de Paris.
La jeune Isabelle Surgères veut changer la vie.
La douce Coquelicot veut faire plaisir à ceux qu’elle aime.
Ce sont les belles ambitieuses.
Elles s’activent autour d’Amblard Blamont-Chauvry qui, bien que polytechnicien, énarque, et promis à une brillante carrière, a décidé de s’adonner à la paresse, l’oisiveté, la luxure, la gourmandise et autres plaisirs.
Que faire de sa vie ? Comment s’épanouir ? Doit-on être utile ? Peut-on être libre ? Faut-il être ambitieux ?
À ces questions, chacun des personnages, entre Paris, Versailles et les États-Unis, à la ville comme à la campagne, répond à sa façon, et de manière parfois surprenante.
On retrouve l’élégance et l’humour mélancolique de Stéphane Hoffmann, prix Roger Nimier pour Château Bougon, dans ce roman éblouissant de finesse. »

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Le blog de Gilles Pudlowski 

Stéphane Hoffmann présente Les belles ambitieuses © Production Albin Michel

Les premières pages du livre
« Je la rencontre dans les jardins de Trianon pendant une visite de la reine d’Angleterre. Je fais alors mon service militaire au 76e régiment d’infanterie. Comme Proust, soit dit en passant. Et je suis du détachement accompagnant le président de la République et Mme Pompidou à Orly pour y accueillir la reine et le duc d’Édimbourg.
Tous se la jouent Grand Vent de l’Histoire. Le Royaume-Uni va entrer dans l’Europe. On annonce un référendum pour l’année suivante. Je me donne des airs de m’en foutre et, de fait, je m’en fous. Je n’y crois pas. L’Histoire ne se joue pas à la coupée d’Orly, avec un Léon Zitrone imbattable sur les couleurs de manteaux, châtaigne pour la reine, abricot pour Mme Pompidou.
Elle est une des hôtesses engagées pour l’occasion. Elle sourit au Grand Trianon, où la reine a pris ses quartiers et où aurait lieu le fla-fla. J’ai vite repéré, entre femmes de ministres et d’ambassadeurs, cette jolie brune à peau mate au bout des regards du duc d’Édimbourg et du ministre français de l’Économie et des Finances. Ces fins chasseurs l’avaient remarquée.
Mais c’est moi qui, le soir venu, l’emmène faire un tour dans les jardins de Trianon.
Elle hésite pourtant un peu :
– Je ne sais pas si je peux quitter le péristyle. On peut avoir besoin de moi à tout instant.
– Quel est votre rôle ?
Elle a une moue un peu vague, et qui me fait rire. Mais déjà elle me suit à pas lents, sans plus d’hésitation ni avoir demandé la permission à personne, ni regardé derrière elle. Bien sûr, je ne doute pas de moi. Nous marchons dans une allée si bien ratissée que les graviers semblent collés au sol. Je bombe le torse. Cet air tiède de tilleuls en fleur et de miel. Nous allons tranquillement vers le Grand Canal sur lequel, pendant des années, j’ai fait de l’aviron. Nous nous taisons. Si le silence se prolonge, il deviendra gênant. Je ne peux tout de même pas lui parler d’aviron.
– Qu’avez-vous fait depuis ce matin ? lui dis-je enfin.
Son petit rire. Spontané, clair et discret. Un rire d’enfant qui ne veut pas qu’on lui demande ce qui l’amuse.
– J’ai attendu, dit-elle enfin.
La voix est gaie, encore rieuse. Elle soupire, presse le pas. Je m’inquiète. Est-ce que je marche trop vite ? Mes grandes jambes. Et ces bottes. Mais elle reprend :
– Il a fallu arriver tôt. Trop tôt. On nous a coiffées. Puis habillées. C’est ma deuxième robe de la journée, explique-t-elle en tournant sur elle-même, dans un mouvement qui m’enchante. Je ne sais pas trop à quoi la première a servi. Vous aimez ?
C’est un fourreau de crêpe d’un rouge assez violent, avec un col Claudine en lamé argent.
– Cette couleur, c’est co-que-li-cot, m’explique-t-elle en détachant lentement les syllabes, comme si elle parlait à un demeuré. Joli, non ? Coquelicot, coquelicot, on dirait une chanson. C’est léger, c’est vif, c’est fragile, ajoute-t-elle. C’est violent, aussi ; et tenace. Comme moi. Dans cette robe, je me sens à la fois nue et protégée. C’est à la fois une peau et une armure, vous voyez ?
Elle éclate encore de rire devant mon air ahuri.
– Non, vous ne voyez pas. Les hommes comme vous ne voient rien aux femmes. Allons, je vous taquine. Bon, je reprends. Depuis ce matin, nous avons donc accueilli les invités. Nous les avons placés. Il a fallu garder le sourire en toutes circonstances. J’ai un peu mal à la mâchoire. Je pourrais vous raconter des choses pas jolies jolies sur certaines personnalités, mais nous dépendons de M. Senard, à qui nous avons promis le silence. J’aime beaucoup M. Senard. C’est le chef du protocole, vous savez, précise-t-elle comme si ça devait m’éblouir.
Je ris à mon tour. Cette fille me plaît.
– Oh ! gardez vos secrets, que voulez-vous que j’en fasse ? Croyez-vous que cela m’intéresse ?
Craignant de l’avoir froissée, je lui pose la main sur le bras. Elle ne frissonne pas.
– Pardon, je ne voulais pas dire ça. Ou, du moins, pas comme ça.
Elle continue à sourire mais, soudain, elle s’arrête net.
– Cette voix ! murmure-t-elle. »

Extraits
« Coquelicot s’arrête et, soudain, tout s’ordonne autour d’elle. Tout est neuf dans ces jardins que je connais depuis l’enfance, et qui partout invitent à l’amour parmi ces tilleuls aux parfums sucrés fuyant dans la perspective du Grand Quinconce. Les insectes tournoient dans la lumière poussiéreuse et dorée de juin. Les promeneurs, insoucieux de la présence de la reine, parlent doucement de leurs affaires. Tout cela pourtant tremble et s’estompe devant Coquelicot qui, seule, semble vraie. Elle s’est arrêtée et, en riant :
– Vous m’entraînez dans les jardins, je ne sais même pas qui vous êtes. Comment vous appelez-vous ? me demande-t-elle. Amblard Blamont-Chauvry ? C’est bien votre nom ? Le vrai ? Vous vous moquez de moi, c’est un pseudonyme, n’est-ce pas ? Savez-vous que Sacha Guitry avait un figurant nommé « Labite » et que c’était un pseudonyme ? (Elle rit encore ; plus longtemps, ça deviendrait vexant.) Mon Dieu ! vous avez un nom plus ridicule encore que le mien, que je ne vous dirai pas.
– Que je ne vous demande pas.
Elle hausse les épaules :
– Que voulez-vous faire, dans la France d’aujourd’hui, avec des noms pareils ? Autant porter des bois. »

« Dire que nous nous sommes amusés tous les deux, c’est ne rien dire. Nous nous sommes amusés, oui, mais surtout nous nous sommes trouvés.
L’amour avec Coquelicot ne va bien sûr pas très loin, dans la charmille, derrière le Buffet d’eau. Nous nous effleurons. Juste mes lèvres contre sa peau, « ne me décoiffez pas, je vous prie, que dirait M. Senard ? », son souffle dans mon souffle, son cœur palpitant, mes mains qui frôlent, une lumière qui naît. Une porte qui s’ouvre ; façon de parler, hélas.
De cette frustration, naît en moi un élan que je ne veux plus jamais perdre. Une frénésie que je veux ne jamais voir finir. Une évidence que je cherchais et que je viens de trouver. Et la certitude, à vingt-cinq ans, que ma vie sera merveilleuse.
D’une certaine manière, je suis né le lundi 15 mai 1972 à Versailles. Comme Archimède dans son bain, Paul de Tarse à Damas, Jeanne d’Arc dans le jardin de son père, entendant sainte Catherine, sainte Marguerite et saint Michel, Isaac Newton dans son verger de Woolsthorpe, Bernadette Soubirous à Massabielle ou Paul Claudel derrière son pilier de Notre-Dame. J’ai trouvé auprès de Coquelicot ma place dans le monde, ce qui engagerait ma vie entière : ma place est auprès de Coquelicot, par elle, avec elle et en elle. » p. 25-26

« Si on n’y prend pas garde, on se retrouve marié quand on prend juste plaisir à être ensemble. Mal assorti, le mariage est un crime parfait: deux morts. Le criminel – la société – n’est jamais punie. Il arrive même que ce double meurtre lui profite. » p. 32

« Depuis l’enfance, d’Audignon et moi nous mettons en garde contre les dangers que nous risquons et les bêtises que nous nous proposons de faire. Nous faisons toujours ces bêtises la prudence n’est pas notre fort -, nous évitons parfois ces dangers, mais avec le soutien d’un ami qui, quoi qu’on fasse, ne nous juge pas et prendra notre défense. .
Aujourd’hui, tout de même, quelque chose change. Pour la première fois, lui et moi nous présentons en même temps sur ce champ de tir aux pigeons qu’est le mariage. Thierry ne peut plus rien pour moi, je ne peux plus rien pour lui. » p.75

« « Je ne sais rien de toi, tu ne sais n’en de moi. » Nous avons trouvé la vérité de notre relation : l’amour physique. On me dit que j’ai une vie de chatte de gouttière. C’est curieux comme on condamne ceux qui font du bien. Je suis heureuse avec toi, tu es heureux avec moi. Laissons la société à Isabelle Surgères qui, elle, ne sera jamais heureuse parce que ce qu’elle n’a pas encore est plus important pour elle que ce qu’elle a. Pourtant, loin d’être frivole, Coquelicot est appliquée, réfléchie, studieuse, pieuse même : ne fait-elle pas une petite prière avant l’amour? Elle met du sérieux dans tout, surtout dans les jeux du lit.
Il est vrai que ce sont les seuls jeux que je lui connaisse. » p. 80

« Nous sentons que nous avons, l’un sur l’autre, du pouvoir et nous décidons de ne pas l’utiliser. Pas encore. Nous nous ménageons, ce qui est normal puisque nous sommes destinés à être un ménage. Nous ressemblons à des chatons pour calendrier des postes.
Ce mariage avec Isabelle serait une catastrophe? Peut-être, et alors? C’est amusant, les catastrophes qui ne concernent que deux personnes et font plaisir à tant de monde. Vivre, n’est-ce pas faire des bêtises ? Ce qu’on appelle : avoir des aventures.
Sinon, quel ennui ! » p. 87

« Je vais te dire ce que je pense, Amblard, poursuit Marraine en prenant la coupe de Dom Ruinart 1966 que lui tend l’hôtesse. Merci, mademoiselle. Je pense qu’un homme fidèle est un vicieux, un égoïste et un goujat. Ou alors, qu’il n’a pas de santé. Parfaitement. À ta santé, justement. (Elle cligne de l’œil.) Et à tes amours, hu! hu! hu! Comprends-moi bien. Si un homme est doué pour l’amour, il doit faire profiter de ses qualités les autres femmes, si souvent délaissées. Et s’il n’est pas doué, il doit apprendre. Il s’améliore avec des maîtresses, l’épouse en profite, tu vois. » p. 124

À propos de l’auteur
Journaliste et critique littéraire, Stéphane Hoffmann publie Le Gouverneur distrait en 1989 et obtient le prix Nimier pour Château Bougon en 1991. Des filles qui dansent (2007) et Des garçons qui tremblent (2008) le consacrent comme un de nos plus brillants romanciers. Les autos tamponneuses, en 2011, confirment son succès. En 2016, il obtient le prix Jean Freustié pour Un enfant plein d’angoisse et très sage. (Source : Éditions Albin Michel)

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Kornelia

DULUC_Kornelia

En deux mots:
Le corps parfait et les cheveux blonds de la nageuse est-allemande Kornelia Ender fascinent le narrateur. Voici l’histoire de cette quadruple championne olympique, mêlée aux souvenirs de l’adolescent.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:
Un amour de nageuse

Kornelia Ender a été quadruple championne olympique de natation en 1976 et le fantasme de Vincent Duluc, qui revient sur cette époque particulière.

Après nous avoir rappelé la carrière de George Best, le cinquième Beatles, puis nous avoir remis en mémoire l’épopée des Verts de Saint-Étienne dans Un printemps 76, Vincent Duluc poursuit l’exploration de sa jeunesse en délaissant son cher football pour revenir sur son idole des années soixante-dix, une sirène blonde émergeant de la piscine olympique de Montréal: Kornelia Ender.
Si ce nom ne vous dit rien, après tout qu’importe. Car au-delà de la biographie de la championne, c’est toute une époque et tout un système que l’auteur nous raconte. Grâce à lui, on va éviter le travers de beaucoup de procès portant sur une époque passée, c’est-à-dire porter un jugement avec les yeux d’aujourd’hui sur les dangereuses dérives « d’un pays qui manipulait ses athlètes au nom de la victoire socialiste. »

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Kornelia Ender lors des championnats du monde de Belgrade en août 1973. DR

L’une des meilleures plumes de L’Équipe commmence son récit par la relation du voyage qu’il a effectué à Schornsheim où Kornelia Ender-Grummt est aujourd’hui kinésithérapeute. Dans cette petite ville de Rhénanie-Palatinat, il espère croiser l’ex-championne, lui dire toute son admiration. Mais il craint tout autant la rencontre avec cette sexagénaire qui, selon toute vraisemblance, ne correspondra plus en rien avec l’athlète qui a enflammé son cœur d’adolescent (l’auteur avait quatorze ans lors des J.O. de Montréal. Et renonce finalement à son projet pour ne garder en mémoire que les images du triomphe de la belle allemande.
Nous voici donc au commencement, du côté de Halle, en République démocratique allemande. La fille d’un colonel et d’une infirmière est reprérée par les services de détection mis en place dans tout le pays et commence à accumuler les performances alors qu’elle n’a pas encore douze ans. Aussi est-elle la plus jeune athlète sélectionnée pour les Jeux Olympiques de Munich en 1972 où elle ne fera pas de la figuration puisqu’elle reviendra de Bavière avec trois médailles d’argent (200 mètres, relais 4 fois 100 mètres et 4 fois 100 mètres quatre nages).
Mais Kornelia frappe l’imagination du narrateur en 1973, lors des premiers Championnats du monde de natation organisés à Belgrade. Ce ne sont pas tant les quatre médaille sd’or qui le subjuguent, mais le maillot de bain de Kornelia qui laisse entrevoir un corps parfaitement sculpté.
Il n’en faut pas davantage pour qu’on poster vienne égayer sa chambre au côté de ceux des footballeurs et pour qu’il se réveille en pleine nuit pour assiter au triomphe de «sa» nageuse à Montréal: l’or au 100m nage libre, au 200m nage libre, au 100m papillon et au 4 x 100m 4 nages. Elle ne devra s’avouer battue que dans le 4 x 100m nage libre, décrochant l’argent derrière les rivales américaines.
En parlant de rivalité, les pages consacrées à Shirley Babashoff, la Californienne qui ne parviendra jamais à battre l’Allemande – sauf en relais – sont édifiantes. Elles montrent la guerre que se livraient alors, au sortir de la Guerre froide, l’est et l’ouest. On comprend très vite qu’il ne s’agit pas de dénoncer un dopage que l’on soupçonne, mais de trouver les moyens de faire encore mieux. En rappelant que Kornelia a davantage été victime que participante de ce système, l’auteur ne tente pas seulement de continuer à vivre son rêve, mais réussit à nous convaincre de la bonne foi de cette étoile filante. Sans «Ostalgie» comme disent les Alllemands qui regrettent la RDA, mais avec les yeux de l’admirateur inconditionnel qu’il fût et demeure.


Ce court film retrace la carrière de Kornelia Ender, depuis ses premiers diplômes jusqu’aux Jeux de Montréal . © Production Sportsreference.com

Kornelia
Vincent Duluc
Éditions Stock
Roman
256 p., 18 €
EAN : 9782234083417
Paru le 28 février 2018

Où?
Le roman se déroule d’abord dans un pays qui n’existe plus, la République démocratique allemande – RDA – à Halle, Leipzig, Berlin-Est, mais aussi dans les villes-hôte des Championnats du monde de natation et des Jeux Olympiques, telles que Belgrade, Munich, Montréal ainsi qu’en France, à Bourg-en-Bresse et Paris.

Quand?
L’action se situe de 1953 à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
« J’ai retrouvé une photo de Kornelia au fond d’un carton de souvenirs dans le grenier de mes parents. Sur une des fiches cartonnées des héros olympiques, elle sortait de l’eau, ses cheveux blonds plaqués en arrière, parce que les sirènes ne
reviennent pas à la condition terrestre avec une frange qui leur tombe sur les yeux. Elle avait dix-sept ans et à cet âge tout battait la chamade, son coeur d’artichaut et ses ailes musculeuses qui rythmaient le papillon.
Je l’ai cherchée comme on part sur les traces d’un amour de jeunesse, dans l’empreinte d’une époque qui avait sacré sa blondeur blanchie par le chlore, dans les archives d’un régime qui avait tout consigné, même ce qu’elle avait oublié. J’espère que je l’ai trouvée.»

Les critiques
Babelio
Valeurs actuelles (Mickaël Fonton)
France-Inter (Le journal pop de Joy Raffin)
France Bleu (1 livre – Frédérique Le Teurnier)
EPJT (Valentin Jamin)
Blog Lire le sport

Les premières pages du livre:
« J’aimerais beaucoup la croiser mais je ne veux pas la rencontrer. Elle a passé sa jeunesse à être surveillée et écoutée, je me contenterais de la regarder depuis ma timidité. Je préférerais qu’elle reste un mystère, ne pas savoir si elle est Greta Garbo ou Odette Toulemonde. Bien sûr, il reste à déterminer si Garbo a voulu qu’on l’oublie, ou qu’on ne l’oublie pas, après avoir tourné son dernier film à l’âge de trente-six ans, en 1941. Elle sortait emmitouflée, son rire de divine avait cessé de tomber en cascade, ses yeux masqués de verres fumés cachaient leur lumière, et l’on ne pouvait tenir que c’était pour n’être pas reconnue : cette mise en scène même d’une notoriété camouflée la singularisait, entretenait l’ancienne flamme, ce mythe auquel elle se confrontait en glissant à petits pas sur les trottoirs de la Cinquième Avenue, que des reines sans prénom et des femmes sans couronne arpentaient en costume de scène à la tombée du jour sans parvenir à rivaliser avec un souvenir. Dès 1950, à New York, elle avait cessé de paraître en public pour fuir la compagnie des hommes, des femmes aussi, parfois. Kornelia, elle, est restée dans la vie. C’est le monde qui s’est retiré.
Un après-midi d’avril, du soleil des vignes de la Rhénanie-Palatinat aux premiers dégradés sombres des forêts de Bavière, j’ai mis deux heures et quarante ans pour aller de Kornelia Ender à Roland Matthes, dans l’Allemagne qui n’était pas leur pays du temps qu’ils formaient un couple idéal aux yeux de l’époque, et des amoureux. J’ai suivi la route qui éloigne désormais les enfants séparés d’un pays disparu. La RDA aura existé pendant quarante ans, dont trente-sept années de séparation, ce qui épouse à peu près leur vie de couple depuis 1976. Ils se sont éloignés de l’or des piscines olympiques et rapprochés de l’oubli en suivant des vies parallèles qui ne se rejoignaient plus.
J’ai traversé Schornsheim, un village en pente ; sur l’autre colline dévalaient les vignes. Je me suis rangé le long du trottoir opposé, à quelques mètres de l’entrée du cabinet de kinésithérapie de Kornelia, j’ai vu la plaque portant son nom de jeune fille héroïque accolé à celui de son deuxième mari, Kornelia Ender-Grummt, j’ai vu les stores orangés accrochés aux fenêtres, dans l’angle d’une maison de village massive. C’était un après-midi de printemps traversé de douceur immobile. Quand la porte s’est ouverte sur des patients qui laissaient à l’entrée une poussette ou un déambulateur, j’ai vu la salle d’attente et considéré le dernier sas qui me séparait d’elle. J’ai toujours su que je n’irais pas plus loin, que je préférerais deviner, comme les antihéros des films américains observent depuis une voiture garée en retrait un amour de jeunesse dans son jardin sans clôture avec ses enfants et son nouveau mari. Le scénariste organise la scène à l’instant même où l’homme rentre du travail, ce qui sous-tend d’une part que la femme ne travaille pas, ou moins et qu’elle a pu rentrer plus tôt, et d’autre part sème chez le spectateur l’espoir subliminal qu’elle finira par s’ennuyer de ces rituels banlieusards et se retournera un jour, en refermant la porte, vers l’homme de la rue. C’est ainsi qu’ils nous tiennent, par l’ambiguïté entraperçue.
Nous sommes tous revenus sur les lieux d’amours anciennes, en simple pèlerinage, sans rien chercher ni attendre, juste pour revoir l’endroit et se revoir soi-même, en comptant sur le hasard de dix secondes sur une période de vingt ans pour croiser celle ou celui qui passerait dans la rue, irait prendre son courrier sur le palier, taillerait ses roses dans le jardin, glisserait comme une silhouette dans un décor familier, ou comme un fantôme. La seule issue souhaitable de la quête est de demeurer une illusion, parce que le hasard serait un embarras, si difficilement justifiable qu’il faudrait se cacher pour voir sans se montrer, et ainsi éviter exactement ce que l’on faisait semblant de chercher, la rencontre.
Lorsqu’elle advient, par préméditation ou par hasard, il y a peu d’émotion comparable à ce qu’embrasse le premier regard, trente ou quarante ans plus tard. Nous avons du mal à retrouver la trace des femmes, elles suivent les hommes et changent de nom, pour la plupart, brouillant les pistes et suggérant que celles qui ont gardé le leur seraient celles qui ont raté leur vie de famille ou réussi leur divorce. Les hommes qui cherchent à retrouver les femmes sont indifférents au bilan comparé et narcissique des rides et des défaites, indifférents aux ombres : le matin, dans la glace, ils cherchent ce qui change, mais chez elles, quêtent ce qu’il reste, les traces de lumière.
Nous avons croisé dans les rues piétonnes d’anciennes amours que nous n’avons pas reconnues. Nous avons constaté l’érosion sur les visages de nos premiers flirts, mais notre premier regard d’après, une vie plus tard, nous a tiré du côté du déni ou de l’aveuglement, superposant deux époques et deux images au détriment de la vie réelle, de la vie qui a passé. Ce n’est plus le constat qu’il ou elle a changé qui nous prend par surprise, ce sont les stigmates qui créent l’émotion, c’est l’évidence d’une longue vie sans nous qui nous prend par la main et par les sentiments, nous laissant avec un vertige dont on ne sait pas quoi faire.
La conscience du vide, dans lequel les années de l’intervalle se sont engouffrées, s’éprouve un samedi soir d’insomnie en regardant Donna Summer sur YouTube chanter « MacArthur Park » ou « Last Dance » au début des années 2000. Elle a une ride profonde sur le front, qui n’existait pas trente ans plus tôt, là, entre les sourcils, elle a un peu plus d’ampleur dans une magnifique robe blanche, la gorge un peu plus remplie, la voix qui tient moins longtemps les aigus ; lorsque l’on clique sur la version originelle de 1976, elle est d’une beauté parfaite, et sa voix casse à chaque rupture harmonique, et elle danse comme on ensorcelle en arpentant la scène de ses longs compas bottés de cuir. 1976 nous plonge dans une nostalgie attendue, acceptée, peut-être recherchée, mais c’est la Donna crépusculaire qui nous emporte, par ses manières d’accepter d’être regardée pour ce qu’elle était et de nous livrer les traces du combat qu’elle a mené jour après jour pour retenir ce qui était en train de s’en aller, une grâce qui s’éventait comme une poussière d’or par le chas du sablier. »

Extrait
« Cependant que la lumière éclairait encore la blonde Kornelia, de Leipzig, enfin juste à côté, à Halle, l’ombre avait déjà commencé d’envelopper la blonde Shirley, de Los Angeles, enfin juste à côté, à Huntington Beach. Shirley Babashoff avait un sourire californien de beach girl, des taches de rousseur qui en faisaient la fille next door, et, chaque fois qu’elle comptait ses médailles pour s’endormir, trouvait tardivement le sommeil. Elle comptait son or et il en manquait ; Kornelia Ender et la RDA avaient décidé qu’une vie américaine s’écoulerait à l’ombre de ses rêves.
J’ai connu ces filles fantasmées, je les évoquais à voix basse, nous avions sur elles de longues théories qui présupposaient le mystère et, en retour, il leur arrivait de nous demander l’heure. C’était leur manière de n’être jamais banales, leur vernis sacré se serait craquelé dans l’instant si elles s’étaient intéressées à nous… »

À propos de l’auteur
Vincent Duluc est l’auteur chez Stock de deux récits très remarqués et salués par la presse (George Best, le cinquième Beatles et Un printemps 76). Il est le leader de la rubrique football de L’Équipe et intervient régulièrement en tant que consultant sur La chaîne L’Équipe et RTL. (Source : Éditions Stock)

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Mon père, ma mère et Sheila

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Voici cinq bonnes raisons de lire ce livre:
1. Parce que le magazine ELLE nous enjoint de le faire: «il faut lire le premier livre d’Eric Romand»

2. Parce que le résumé qu’en fait l’auteur m’a donné envie d’en savoir plus : « L’histoire de ce garçon, je la relate ici à travers une succession de souvenirs. De ces moments gravés qui, sans prévenir, nous reviennent en mémoire, comme s’ils avaient quelque chose à nous dévoiler. Les plus doux, qui réchauffent, les plus absurdes, qui font rire, d’autres que l’on ponctue de “c’est comme ça !”, les inavouables, qu’on transforme, et les plus graves qu’on garde pour soi. »

3. Parce que la nostalgie demeure un excellent moteur. Comme l’écrit Pierre Darracq « Tous ceux qui ont vécu les années 60/70 retrouveront son parfum avec le distributeur de cacahuètes et sa coupelle qui trônaient sur les bars ou sa télévision surmontée d’un napperon en crochet et dans laquelle Guy Lux et Sophie Darel annonçaient extasiés des chanteurs à minet(te)s et que l’on regardait moulés dans des sous-pull en acrylique. »

4. Parce que ce court roman est écrit en courtes séquences, telle que celle-ci : « Sitôt levés, nous étions tous douchés, habillés, les lits étaient faits. Après chaque repas, la table était aussitôt débarrassée, la vaisselle lavée, essuyée, rangée. Le passage d’un torchon sec sur l’évier et les chromes des robinets clôturait le rituel quotidien de ma mère. Elle prouvait ainsi aux visiteurs, même impromptus, que tout allait bien. »

5. Pour l’enthousiasme de Samantha Fleury, libraire, qui a « été emportée par ce roman, lu en un temps record et d’un seul trait. Un roman nostalgique, doux avec de l’humour et beaucoup de tendresse. Chacun retrouvera une partie de sa jeunesse dans ce roman… à lire et à partager. »

Mon père, ma mère et Sheila
Éric Romand
Éditions Stock
Roman
112 p., 14,50 €
EAN : 9782234083578
Paru en août 2017

Ce qu’en dit l’éditeur
C’est l’album d’une famille, issue d’un milieu populaire, avec ses codes, ses tabous, ses complexes, son ignorance, ses contentieux, dans les années 70 et 80. Le narrateur y raconte son enfance solitaire au milieu des turbulences. Pour son entourage, il a des goûts bizarres, des attitudes gênantes, des manières qui provoquent la colère de son père et la désolation de sa mère. Il dessine des robes et coiffe les poupées de sa sœur. Il fait son possible pour ne pas ajouter au malaise. Pour s’échapper, il colle son oreille à son mange-disque. Regarde les émissions de variétés scintillantes… Et admire une célèbre chanteuse dont il aime les robes à paillettes, les refrains joyeux. Il voudrait être elle. Il voudrait être ailleurs. Un premier roman tout en sensibilité sur fond de nostalgie douce amère et d’humour salutaire.

Les critiques
Babelio 
Livres Hebdo (Léopoldine Leblanc)
ELLE 

Blog Café Powell (Emily Costecalde)
Blog Lire par Elora
Blog Sans connivence 
Blog Le boudoir de Nath 


Eric Romand présente Mon père, ma mère et Sheila © Production Hachette

Les premières pages du livre
« Londres, 1er janvier 2012. Je suis heureux. J’ai bien l’intention de jouir de ce premier voyage avec toi. De retour à l’hôtel après une longue balade, nous faisons l’amour et nous endormons l’un contre l’autre. Je me réveille en criant. Tu sursautes.
« Ça va ?
– Oui, oui, ça va. »
Tu replonges dans un sommeil paisible que
je t’envie souvent.
Ma mère aime à répéter que j’étais un nourrisson difficile: un gueulard. Le médecin lui conseillait d’agrémenter mes biberons de Gardenal.
Les sièges de la Renault 12 de mes parents étaient en nylon vieil or. Le contact de mes ongles avec le tissu me faisait frissonner. En été, l’arrière transpirant de mes cuisses collait à l’assise. Lors de nos trajets, mes parents se disputaient souvent, à voix basse, jusqu’à ce que mon père appuie sur l’accélérateur et ma mère hausse le ton: « Quand tes gosses seront au cimetière… » Ma sœur et moi nous cramponnions aux accoudoirs des portières. « On est bientôt arrivés « , disait ma mère pour nous rassurer. »

Extrait
« Il arrivait que l’on parle musique dans ma famille.
Mon cousin Jean-Jacques préférait Sylvie Vartan . Sheila parce qu’elle avait un plus
beau cul. Ma mère avait le béguin pour Julio Iglesias et Sacha Distel. En revanche, elle ne supportait pas Mireille Mathieu, maniérée et mal fagotée. Mon père aimait bien Gilbert Bécaud. À chacune de ses apparitions télévisuelles, il répétait : « Il a toujours sa cravate à pois !  » ou alors : « Tiens, c’est rare de le voir sans sa cravate à pois!  »
Ma grand-mère détestait Johnny Hallyday: « Il ne chante pas, il gueule !  » Mon grand-père, lui, ne comprenait pas cette génération de chanteurs « tous infoutus de passer à la télé sans qu’une ribambelle de nègres se dandine autour d’eux « . »

À propos de l’auteur
Eric Romand a fait carrière dans la coiffure, où il travaille au côté de personnalités du monde du théâtre et du cinéma. Le primo-romancier est entré en écriture par le théâtre avec les pièces – toutes deux co-écrites avec Bénédicte Fossey –, Mange ! (Avant que ça ne refroidisse), jouée en 2016, et Comme à la maison, créée en 2017 au Théâtre de Paris (Source : Livres Hebdo)

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Un printemps 76

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Un printemps 76
Vincent Duluc
Stock
Roman
216 p., 18 €
ISBN: 9782234079687
Paru en janvier 2016

Où?
Le roman se déroule principalement à Saint-Etienne, mais également à Bourg-en-Bresse d’où est originaire le narrateur, à Mézériat, à Autun, ou encore le temps d’une escapade à Etaules en Charente-Maritime. Lyon, l’éternelle rivale de Saint-Etienne, ne pouvait manquer à cette histoire, pas plus que les villes européennes où l’équipe de foot à joué comme Split en Croatie, Kiev en Ukraine, Eindhoven aux Pays-Bas et Glasgow en Écosse, sans oublier les destinations plus exotiques telles que Lahti en Finlande, Pitesti en Roumanie, Stömsgodset en Norvége et Zabrze en Pologne.

Quand?
L’action se situe dans les années 70, avec en point d’orgue la finale de la coupe d’Europe perdue en mai 1976.

Ce qu’en dit l’éditeur
« Grandir dans ma province avec Saint-Étienne juste à côté, en 1976, c’était habiter Naples au pied du Vésuve, c’était savoir que le cœur de l’univers avait soudain été déplacé, qu’il se rapprochait de nous mais sans nous inclure, et c’est pour cela que l’on se levait, pour voyager, franchir la frontière et ressentir l’appartenance au monde.
Là-bas, juste à côté, Saint-Étienne avait les Verts, la ville avait cette fièvre, un pays venu prendre son pouls, et sous ses yeux la classe ouvrière mourait en chantant “Qui c’est les plus forts ?”».

Ce que j’en pense
***
Il y a des livres que vous rêvez de lire et que vous appréhendez d’ouvrir le jour où ils paraissent. Pour tous ceux qui, comme l’auteur, on vibré durant leur jeunesse aux exploits de l’équipe de foot de Saint-Etienne, il semblait évident que l’épopée des verts méritait d’être contée. Mais l’entreprise est périlleuse, car chacun des acteurs – et surtout des spectateurs – construit son propre mythe, sa propre histoire et entend ne pas être trahi.
Vincent Duluc a su fort adroitement éviter cet écueil en nous offrant le témoignage d’un jeune garçon de Bourg-en-Bresse dont la vie a sans doute basculé un jour à cause ou plutôt grâce à onze garçons à peine plus vieux que lui qui lui ont prouvé que le rêve était à portée de main. « Sans cette grande affaire, sans ce feuilleton haletant aux épisodes espacés qui apprenaient le désir par la rareté et la frustration, la thématique d’une éducation judéo-chrétienne dans les années 70, il ne serait resté que l’envie de passer à la suite le plus vite possible, de tenir dans l’heure les promesses de plus tard, de vérifier chaque matin devant la glace que l’on était en train de grandir er que l’évasion serait pour bientôt.»
La première vertu de ce court roman qui se lit très agréablement, est d’avoir fort bien su restituer le football de cette époque. On est alors bien loin de la manière actuelle de pratiquer la discipline, mais aussi bien loin des énormes enjeux qui entourent la discipline sportive la plus populaire du monde. Dans les années 70, un monde sans portable et sans internet, la vie en province se résumait pour beaucoup à quelques sorties, histoire de varier le plaisir qu’on pouvait alors avoir devant Champs Elysées, quand Michel Drucker accueillait Michèle Torr, Julien Clerc ou encore Nicoletta.
Pour les Français moyens, « la vie réelle avait besoin d’une allégorie qui donne un sens à leurs douleurs, et c’est ainsi qu’ils scrutaient les Verts, quêtant le labeur, suspectant une indolence. Les joueurs aux pieds carrés et aux maillots trop propres, la foule les envoyait à la mine. » À l’époque, le football était surtout l’affaires des «populaires», comme on appelait alors la grande tribune du stade.
Ou encore plus précisément pour les ouvriers Stéphanois qui descendaient à la mine ou travaillaient pour Manufrance, il fallait «passer le dimache après-midi au stade pour oublier que l’on est exploité et que l’on mourra fatigué.»
Ceux qui s’attandent à trouver un résumé circonstancié des grandes joutes sportives en seront pour leur frais. Le récit se fait ici à hauteur d’hommes. Plutôt que la grande équipe, ce sont les destins individuels qui se rassemblent ici pour former une aventure humaine hors du commun. Les petits secrets des Janvion , Piazza, Revelli, Santini, Bathenay, Curkovic, Larqué sont révélés, sans oublier ceux du très discret « Cht’i » Christian Synaeghel – que beaucoup ont sans doute oublié – ni du très médiatique ange vert Dominique Rocheteau qui doit sans doute à sa confiance aveugle en son kiné et ami Gérard Florissier d’avoir pu être sur la pelouse de Glasgow le 12 mai 1976.
Dans cette galerie de portraits, on n’oubliera ni l’entraineur Robert Herbin, ni le président Roger Rocher qui sont, chacun à leur place, deux autres incarnations de l’ascenseur social.
Enfin, et pour boucler la boucle, on retrouve les médias. À une époque où les journalistes sportifs passaient vraiment leur vie «aux côtés de ceux qui vivent leurs plus beaux jours (…) et s’ils ne s’en doutent pas il ne faut rien leur dire, l’ignorance leur est une nécessaire innocence.»
Si on peut être un peu nostalgique de cette époque, c’est sans doute d’abord pour cela : la fin de l’innocence. Oui, l’été 76 est bien loin. Trop loin !

Autres critiques
Babelio
Libération (Christophe Alix)
Télérama (Laurent Rigoulet)
Un livre, un jour (Olivier Barrot)
Blog A l’ombre du noyer
Blog Miscellanées balades littéraires

Extrait
Les premières pages du livre

A propos de l’auteur
Vincent Duluc est l’auteur, chez Stock, d’un premier roman très remarqué et salué par la presse : George Best, le cinquième Beatles. Il est le leader de la rubrique football de L’Équipe et intervient régulièrement en tant que consultant sur L’Équipe 21, RTL et i-Télé. (Source : Editions Stock)

Site Wikipédia de l’auteur

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Opération Sweet Tooth

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Opération Sweet Tooth
Ian McEwan
Gallimard
Roman
440 p.
ISBN: 2070140725
Paru le 9 janvier 2014

Où?
L’action se déroule en Grande-Bretagne, principalement à Londres, Camden et à Bristol.

Quand?
Ce roman est situé en 1973.

Ce qu’en dit l’éditeur
En Grande-Bretagne, au début des années 1970, la guerre froide est loin d’être finie. Diplômée de Cambridge, belle et intelligente, Serena Frome est la recrue idéale pour le M15. La légendaire agence de renseignements anglaise est en effet bien décidée à régner sur les esprits en subvenant aux besoins d’écrivains dont l’idéologie s’accorde avec celle du gouvernement. L’opération en question s’intitule Sweet Tooth et Serena, lectrice compulsive, semble être la candidate tout indiquée pour infiltrer l’univers de Tom Haley, un jeune auteur prometteur. Tout d’abord, elle tombe amoureuse de ses nouvelles. Puis c’est de l’homme qu’elle s’éprend, faisant de lui l’autre personnage central de cette histoire.
Mêlant finement réalité et fiction, le romancier souligne l’influence de la littérature sur nos existences, pour le plus grand plaisir du lecteur, qui finira par comprendre que toute cette histoire était avant tout… un grand roman d’amour.

Ce que j’en pense
***

Qui manipule qui? Cette question résume à la fois l’intrigue, car depuis Solaire, on sait que tous les romans de Ian McEwan se construisent sur une base de roman policier, et l’idée maîtresse de cette «opération dent douce».
La première réponse semble évidente puisque Serena devient agent des services secrets, en grande raison parce qu’elle aime bien lire. Car il s’agit de financer des écrivains prometteurs qui raconteront comme il fait bon vivre de ce côté-ci du rideau de fer. Cette guerre psychologique menée sur un fond historique bien réel: on y voit notamment défiler les premiers ministres conservateur puis travailliste, on y découvre un Londres bien plus sale et morne qu’aujourd’hui et enfin, on redécouvre cette sorte de phobie anticommuniste qui occupait alors le MI5.
Après avoir découvert les nouvelles du jeune Tom Haley, Serena décide de rencontrer cet écrivain et de le recruter. Mais de l’amour de l’écriture à l’amour de l’écrivain, il n’y a qu’un pas que la jeune Anglaise franchit allègrement.
Très vite, il s’avère que son choix a été excellent, mais plus le succès se dessine et plus le cas de conscience devient difficile à Gérer pour Serena, d’autant que sa hiérarchie n’apprécie guère l’idylle entre son agent et sa «victime».
Avouons que le début du roman tire un peu en longueur et qu’il faut savoir mériter le plaisir d’un dénouement formidablement bien construit. Vous vous rappelerez alors la question posée au début de cette chronique.

Autres critiques
Babelio
L’Express
Libération
BibliObs
Télérama
ELLE

Citations
« En allant au travail, je méditais sur l’abîme entre la description de mon poste et la réalité. Je pouvais toujours me dire à moi-même – faute de pouvoir le révéler à quiconque que j’appartenais au MI5. Ca sonnait bien. Aujourd’hui encore, je m’émeus à la pensée de cette pâle petite jeune femme qui voulait se dévouer pour son pays. Je n’étais toutefois qu’une secrétaire en minijupe parmi tant d’autres ces milliers d’entre nous qui se déversaient dans les couloirs crasseux de la station de métro de Green Park, où les détritus la poussière et les courants d’air pestilentiels que nous acceptions comme notre lot quotidien nous giflaient le visage nous décoiffaient. (Londres est tellement plus propre, désormais.) Et lorsque j’arrivais au bureau, je restais une secrétaire qui tapait, le dos bien droit, sur une Remington gigantesque dans une salle enfumée, pareille à des centaines de milliers d’autres dans toute la capitale, qui allait chercher des dossiers déchiffrant des écritures masculines, revenait en courant de la pause déjeuner.
J’étais moins bien payée que la plupart d’entre elles.
Et, à l’image de cette jeune ouvrière dans un poème de Betjeman que Tom m’avait lu un jour, je lavais moi aussi mes dessous dans le lavabo de ma chambre. »

A propos de l’auteur
Né en 1948, Ian McEwan a passé une grande partie de sa jeunesse en Extrême-Orient, en Afrique du Nord (en Libye), et en Allemagne, où son père, officier dans l’armée britannique, était envoyé. Il a fait ses études à l’université du Sussex et l’université d’East Anglia, où il a été le premier diplômé du cours d’écriture créative créé par Malcolm Bradbury. Insolite et insolente, provocatrice, hautement originale, l’œuvre de Ian McEwan surprend par ses tours de force de concision et d’humour. L’auteur joue avec les énigmes qui sont l’essence de la narration. Tous ses romans affichent une parenté lointaine, sous forme de simulacre, avec l’énigme policière. Il a publié plusieurs nouvelles et romans pour adultes et, en 1994, «Le Rêveur», un recueil de nouvelles pour la jeunesse. (Source: Gallimard)

Fiche Wikipédia

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