En deux mots
Plus qu’un portrait du compositeur Erik Satie, c’est à une plongée dans les arcanes de la création que nous convie Stéphanie Kalfon dans ce premier roman sensible et érudit. Avec cette belle question en filigrane… L’œuvre du musicien serait-elle différente si sa vie avait été plus heureuse ?
Ma note
(beaucoup aimé)
Les parapluies d’Erik Satie
Stéphanie Kalfon
Éditions Joëlle Losfeld
Roman
216 p., 18 €
EAN : 9782072706349
Paru en janvier 2017
Sélectionné pour le Prix de la Closerie des Lilas qui sera remis le 17 avril 2017.
Où?
Le roman se déroule à Paris, à Arcueil, à Honfleur.
Quand?
L’action se situe au tournant du XXe siècle.
Ce qu’en dit l’éditeur
En 1901, Erik Satie a trente-quatre ans. Sans ressources et sans avenir professionnel, il délaisse Montmartre et l’auberge du Chat Noir pour une chambre de banlieue sordide où, coincé entre deux pianos désaccordés et quatorze parapluies identiques, il boit autant, ou plus, qu’il compose. Observateur critique de ses contemporains, l’homme dépeint par Stéphanie Kalfon est aussi un créateur brillant et fantaisiste : il condamne l’absence d’originalité de la société musicale de l’époque, et son refus des règles lui vaut l’incompréhension et le rejet de ses professeurs au Conservatoire.
Ce que j’en pense
« On n’envie jamais les gens tristes. On les remarque. On s’assied loin, ravis de mesurer les kilomètres d’immunité qui nous tiennent à l’abri les uns des autres. » Dès ces premières lignes, on comprend que Stéphanie Kalfon ne va pas se contenter de retracer la vie d’Erik Satie, mais dépeindre une atmosphère, un cheminement, tenter d’expliquer le mystère qui entoure encore aujourd’hui ce compositeur et pianiste à nul autre pareil.
Pour cela, elle va faire fi de la chronologie, commencer par nous présenter «le petit homme hors norme» en mai 1901, alors qu’il a 35 ans, qu’il chemine à pied de Paris à Arcueil parce qu’il n’a pas les moyens de faire autrement pour regagner cette chambre de la rue Cauchy où règne un chaos indescriptible, entre deux pianos qui ne sont plus en état de marche et… quatorze parapluies. Arcueil rime avec cercueil.
Il se retrouve dans la misère après avoir perdu les siens, s’être fâché avec le tout-Paris de la musique, délaissé ses amis et Montmartre où il avait pu, sous l’aile protectrice de Rodolphe Salis, le patron du Chat noir, exercer son métier de gymnopédiste.
Car « depuis toujours il promène sa partition interne hors des musiques à la mode. Taillé pour l’exil, lui se fiche pas mal des « Périmés » et de l’Académie. Ses contemporains se sont embarqués sur un vieux bateau « modern style » et prennent l’eau jusqu’au bout des mâts. Son embarcation à lui, c’est le bout de ses mains. Tout ce qu’elles peuvent dire sans un mot, à leur façon. D’une manière si inimitable qu’elle retient l’oreille de l’Assemblée, elle étonne. »
Au fil de courts chapitres, il sera alors temps de remonter le temps, celui de l’enfance et déjà, de la mort qui rôde. À six ans, sa mère meurt. Avec son frère Conrad il retourne à Honfleur chez ses grands-parents. Mais sa grand-mère meurt est retrouvée à son tout morte sur la plage. Voilà les deux frères de retour à Paris. Erik y apprend le piano, entre au Conservatoire, mais ne tarde pas à refuser des règles qu’il juge désuètes. Il est renvoyé et, aussi curieux que cela puisse paraître, décide alors d’intégrer un régiment d’infanterie.
Bien entendu, il va vite constater que l’armée n’est pas faite pour lui et se fait réformer en se promenant poitrine nue dans le froid hivernal. Suivront les années montmartroises et la rencontre avec les poètes, les peintres, les musiciens parmi lesquels Claude Debussy tiendra sans doute un rôle majeur, entre fascination et rivalité. Non décidément, il reste en perpétuel décalage dans un monde qui est pourtant en train d’entrer dans la modernité. Après l’exposition universelle, le XXe siècle apparaît, celui du jazz et du coca-cola. Celui des gymnopédies et celui des trois morceaux en forme de poire aussi. Car le génie de Satie ne sera vraiment reconnu qu’après sa mort.
En lisant Stéphanie Kalfon, comment ne pas vous suggérer d’écouter en fond sonore cette musique si originale ? En (re)découvrant l’homme, vous (re)découvrez ainsi les principales œuvres d’Erik Satie. Vous verrez alors que le petit homme seul méritait cet hommage sensible, baigné de mélancolie.
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Autres critiques
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Extrait
«Satie fut méconnu. Insaisissable. Incompris. Peuplé d’une vie secrète dans laquelle peut-être, possible oui, possible, il aura mis le meilleur de lui-même. Or la société a besoin de cohérence. Erik Satie était un compagnon d’errance. Un rébus. L’homme qui possédait deux pianos et qui, pourrait-on dire au vu de la taille de sa chambre, vivait chez eux. Et puis surtout cette énigme : il fut l’homme aux quatorze parapluies noirs identiques.» (p. 25-26)
A propos de l’auteur
Titulaire d’une maitrise de philosophie à la Sorbonne et d’un DESS de Mise en Scène de l’Université de Nanterre Paris X (2005), Stéphanie Kalfon approfondit sa formation par des stages de dramaturgie, de scénographie, de direction d’acteurs, etc. Stéphanie Kalfon est lauréate de la bourse scénariste TV de la fondation Jean-Luc Lagardère en 2007 et a débuté comme scénariste de plateau sur la deuxième saison de la série Venus et Apollon pour Arte. Elle est aussi la réalisatrice du film Super Triste ! avec Emma de Caunes. Elle travaille actuellement sur un long métrage avec Jean-Pierre Darroussin. Elle a aussi participé à l’atelier scénario de la FEMIS. Les parapluies d’Erik Satie est son premier roman. (Source : Editions Joëlle Losfeld / agence-adequat.com)
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