Oiseau

SKADEN_oiseau

  RL-automne-2021

En deux mots
Dans un futur assez lointain, une poignée d’hommes et de femmes trouve refuge sur une planète où ils ne disposent guère que de quoi survivre, mais ils s’accrochent. Un groupe de Terriens débarque un siècle plus tard et vient remettre en cause l’équilibre déjà très fragile de la communauté.

Ma note
★★★ (bien aimé)

Ma chronique

L’homme est-il un loup pour l’homme?

Dans ce roman d’anticipation, le norvégien Sigbjørn Skåden imagine un petit groupe d’humains installé sur une planète lointaine et qui voit débarquer des Terriens, sans savoir si ces nouveaux arrivants sont un espoir ou une menace.

Nous voici dans un monde qui pourrait fort bien être le nôtre dans moins d’un demi-siècle. L’un de ces instants de bascule, d’un combat pour la survie de l’humanité dans un environnement devenu de plus en plus hostile. Sur une planète non répertoriée pour l’instant vit une poignée de survivants, un peu plus d’une trentaine d’hommes et de femmes qui ont trouvé refuge sous un dôme qui leur permet d’assurer leurs besoins vitaux. Pourtant, ils disposent tout de même d’une certaine technologie, notamment d’écrans leur permettant de communiquer, car la parole a laissé place à l’écrit. Pour le reste, les animaux ont disparu et les repas sont tous à base de graines et de céréales, véritable viatique dans cet univers hostile ou même le jour et la nuit ne sont plus réguliers.
C’est dans ce contexte que débarquent les Terriens partis à la recherche d’exilés. Sur leur planète qui compte désormais plus de neuf milliards de personnes, la vie est aussi devenue de plus en plus difficile, les ressources s’amoindrissant toujours davantage.
L’arrivée de ces explorateurs n’est pas pour autant vécue comme une délivrance par les autochtones qui craignent notamment que leur infériorité dans le domaine scientifique et technologique ne se retourne contre eux, qu’ils deviennent des vassaux des nouveaux arrivants.
La première phase de la cohabitation est pourtant prometteuse, les messages d’encouragement et les promesses de soutien donnent même à certains l’impression que ces visiteurs seront leurs sauveurs, qu’ils pourront les aider à reconstruire leur histoire engloutie dans une perte de données et de toutes archives. Restent donc l’amour et la haine, la solidarité et le conflit.
Sigbjørn Skåden, qui se bat pour préserver l’identité des Sami dans une Norvège qui semble ne les considérer que comme une ethnie folklorique, dépeint cette guerre pour la survie d’un peuple dans une dystopie qui scinde le récit en deux époques, l’année 2048 et l’année 2147 et permet au lecteur de basculer de l’espoir au désespoir, de la paix à la guerre, de la vie à la mort. Les perspectives sont sombres, mais le roman est captivant, notamment par une écriture très éloignée des grandes épopées. Ici, il n’est pas question de retracer à la manière d’un Robinson Crusoé, le quotidien des habitants pour se nourrir et se protéger d’une nature hostile, pas davantage de faire étalage de découvertes scientifiques et de la supériorité du génie humain, mais de contempler ce monde qui n’offre plus guère de perspectives. Et nous oblige à nous poser les vraies questions. Existentielles. Vitales.

Oiseau
Sigbjørn Skåden
Agullo éditions
Roman
Traduit du norvégien par Marina Heide
160 p., 12,90 €
EAN 9782382460054
Paru le 7/10/2021

Où?
Le roman est situé sur une planète non répertoriée.

Quand?
L’action se déroule dans le futur, en 2048 et en 2147.

Ce qu’en dit l’éditeur
2048. Heidrun s’adresse à sa fille: en tant que première enfant née sur Home, elle incarne l’avenir des hommes sur cette planète. C’est là que se sont installés les passagers de l’expédition UR après avoir quitté la Terre, à bout de ressources. Mais la vie n’a rien à voir avec celle qu’ils ont connue: le climat est rude, la temporalité différente et aucun son ne parvient à percer le lourd silence qui règne là. Heidrun confie à sa petite le rôle de l’oiseau, celle qui saura les guider tous vers la lumière. 2147. Un siècle plus tard, la poignée d’hommes qui survivent difficilement sur Home rendent tous les jours hommage à leurs ancêtres, les pionniers. Mais un jour, leur quotidien est bouleversé par l’arrivée d’un vaisseau à bord duquel se trouve une équipe venue de la Terre. Tout le monde ne voit pas d’un bon œil cette intrusion : ces étrangers apportent-ils un nouvel espoir ou leur venue signera-t-elle la fin de la petite communauté ? Quel genre d’avenir nous attend si nous quittons la Terre ? Quels seront nos plus grands défis ? Les conditions de survie difficiles ou la nature humaine ? Telles sont quelques-unes des questions à la base de ce roman contemplatif qui saura donner goût à la science-fiction aux plus réfractaires.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Goodbook.fr
Blog Le nocher des livres
Blog Les lectures du Maki

Les premières pages du livre
« 2048
Su, réveille-toi. Je vais te raconter une histoire. L’histoire de quelqu’un qui a découvert une planète inconnue. Tu entends, Su, ma petite fille ? Des gens sont partis dans un vaisseau qui portait le nom d’un oiseau, ils ont voyagé loin, longuement, jusqu’à trouver une tempête. Ils s’y sont précipités tout en sachant qu’ils ne pourraient jamais faire demi-tour, à des années-lumière de tout ce qu’ils connaissaient. Réveille-toi, Su, il faut que tu m’écoutes. Écoute ce que maman a à te dire. De l’autre côté, il y avait une planète. Ils l’ont appelée Sedes, parce que ce serait leur nouveau chez eux. Au bout d’un moment, une petite fille est née là-bas. C’était toi, Su. C’était toi.

Extrait du journal de bord
DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA PLANÈTE, IL Y A L’OCÉAN. GRAND-PÈRE M’Y A EMMENÉE UN JOUR, AVANT QUE LES DERNIERS AVIONS NE SOIENT IMMOBILISÉS À TERRE. C’ÉTAIT L’APRÈS-MIDI, IL S’EST POSÉ SUR LE RIVAGE ET NOUS NOUS SOMMES INSTALLÉS LÀ POUR REGARDER L’INFINITÉ DU LARGE. AVANT LE COUCHER DU SOLEIL, DES TOURBILLONS SONT APPARUS, DES SPIRALES QUI SE SONT MATÉRIALISÉES UNE À UNE DANS LA DENSE COUCHE DE NUAGES ET SONT TOMBÉES DU CIEL, VERS LA SURFACE HOULEUSE. NOUS SOMMES RESTÉS LONGUEMENT LÀ, TANDIS QUE LA LUMIÈRE S’ÉVANOUISSAIT À L’HORIZON, DES CENTAINES DE TOURBILLONS S’AGITAIENT À FLEUR D’EAU, FRONÇAIENT LA NOIRCEUR DE L’OCÉAN.

2147
Le matin, le vent souffle. La lumière d’un soleil. Dans une zone montagneuse, au creux d’un petit renfoncement, un homme se redresse en position assise, à l’abri d’une tente en forme d’œuf. Il s’étire. Le paysage est aride et désert, seules quelques saillies rocheuses viennent percer le sable rouge, pas un brin de verdure, pas un mouvement, tout est statique, mort, sauf les bourrasques qui balaient le sable épais, fait non de grains mais de débris écarlates.
L’homme dans son œuf commence à manger. Un bruit omniprésent monte aux alentours, un bruissement subtil qui se lève avec la lumière matinale et se pose telle une nappe monotone sur le paysage. D’un geste lent et calme, il se nourrit et s’hydrate, tandis que le soleil grimpe de plus en plus haut au-dessus des crêtes. Une fois son repas terminé, il glisse l’emballage dans un sac et enfile un casque. Puis il replie la tente d’un seul geste et la fourre dans le sac. Sa combinaison est rouge, elle aussi, d’un rouge plus clair que la terre, et son casque d’un blanc fané, orné d’une visière transparente qui lui couvre tout le visage. Le tissu du vêtement s’agite quand l’homme se lève et fait face au vent, le nez pointé vers la montagne.
Il se met à escalader le versant. Ses pieds s’enfoncent dans le sol sans laisser de traces ; dès qu’il lève le talon, du sable ruisselle et comble le trou, comme si aucun être humain n’était jamais passé par ici. Au sommet du col, il s’arrête. Le paysage montagneux s’étire de toutes parts, rouge et désert. Le soleil est perché au-dessus de sa tête et le bruit s’est intensifié, le bruissement sourd a laissé place à un crépitement perçant, une vibration dans l’air qui vous transperce la chair et érafle le squelette. À l’aide d’un appareil qu’il sort de son sac, il fait quelques mesures de routine, alors que le vent redouble de force, tiraille le tissu de sa combinaison, lèche le sable au sommet. Les rafales s’acharnent sur lui, s’abattent en pellicule sur sa visière. L’homme reste immobile un instant, les yeux plissés vers le jour naissant, avant de ranger l’appareil, de tourner le dos au soleil et de redescendre là d’où il vient.

La lumière se dissipe. La vallée est une langue, un versant qui s’incline depuis les hauteurs pour venir se coucher au fond d’une profonde cuvette. Outre de petits reliefs qui rompent çà et là le sable rouge, le paysage est plat, monotone, rébarbatif. Quand l’homme franchit le passage qui y mène, l’obscurité a commencé à s’imposer. Dans la cuvette en contrebas, la lumière se diffuse à la manière d’une lanterne, un grand dôme éclaire peu à peu le crépuscule. L’homme se hâte dans cette direction. En s’aplanissant, le terrain s’élargit pour former un arc de part et d’autre de la vallée bordée de parois rocheuses escarpées qui, tout au fond, s’arrêtent sur un mur massif enfermant le tout dans un cocon.
Arrivé en bas, l’homme ralentit. Ses pas se font plus agiles, plus légers. Il coupe de biais, se dirige vers le côté de la vallée, où une imposante terrasse naturelle forme un toit, un léger appentis. Aux alentours, le sable est plus sombre, d’une teinte plus profonde, rouge bordeaux. Une vaste zone sableuse aux grains plus fins, plus collants, comme du terreau. Ce sont les vestiges des excavations, d’importantes quantités de terre ont été extirpées d’ici et acheminées ailleurs.
L’homme se penche, en attrape une poignée, la verse dans un étui qu’il a extrait de son sac, avant de se retourner d’un coup et de repartir vers le dôme lumineux, plus loin dans la vallée.
Même ici, le vent malmène la combinaison, les bourrasques remontent jusqu’à la crête et s’emparent de l’homme. Une fois tout près du but, il constate que la lumière du jour a presque décliné, mais celle du dôme l’éclaire de plus en plus. Une porte s’ouvre.
La pièce est une cellule isolée, un espace intermédiaire qui sépare le dehors du dedans. L’homme attend là sans bouger que s’allume un indicateur vert. Il retire alors son casque, libère un entremêlement d’épais cheveux noirs, il a les traits jeunes, le teint pâle et lisse, les yeux clairs, limpides. Après avoir retiré ses vêtements d’extérieur, il approche du mur qui donne sur le dôme et entre, aussitôt la porte ouverte.
La zone urbaine baigne dans une couleur mate et argentée, un reflet blême venu du soleil artificiel illumine les façades et les toits. L’homme marche entre les bâtiments. MONTIFRINGILLA, lit-on en lettres rouges flamboyantes dans son dos, au-dessus de la porte par laquelle il s’est glissé.
Des ombres tombent dans les ruelles, de petites poches d’obscurité. Il n’y a pas âme qui vive. Le toit du dôme est transparent, il fait sombre au-dehors, le crépitement perçant s’est tu, on n’entend pas un bruit, pas même le son des pas. Là où la ville prend fin pour laisser place à une grande zone cultivée qui s’étend sur tout le périmètre, l’homme pénètre dans une petite maison. Sans prendre la peine d’allumer, il traverse le séjour en direction de la cuisine, avance à tâtons à la lueur qui filtre de l’extérieur. Il attend d’être arrivé dans la salle de bains pour allumer, et s’observe dans le miroir. De sombres poils de barbes naissants lui criblent le menton, percent sa peau d’émail. L’eau coule à grand jet du robinet, au lieu de s’engouffrer droit dans la bonde, elle forme un maelström dans le lavabo. L’homme se baisse et se passe de l’eau sur le visage. Dehors, l’obscurité devient plus profonde.
Lorsqu’il se couche dans sa petite alcôve, la maison est de nouveau plongée dans le noir. Il dort. Et quand il se réveille, il voit une silhouette qui le regarde, assise dans la pièce. Il se redresse, bat des cils, allume la lumière.
Maman ? écrit-il sur un clavier laissé à son chevet. Maman, qu’est-ce qu’il y a ?
Ses paroles apparaissent sur un panneau mural.
Sa mère lui sourit.
Rien, écrit-elle. Je voulais juste être sûre que tu sois bien rentré.
Il fait noir. L’homme l’observe d’un air troublé.
Tu ne dors pas ?
Le vent se déchaîne depuis le coucher du soleil, le temps n’a jamais été aussi long, écrit-elle. La nuit dure depuis près de douze heures.
L’homme jette un œil par la fenêtre de l’alcôve. L’obscurité est toujours aussi profonde, mais les nuages filent à vive allure dans le ciel.
Tu as attendu longtemps ? écrit-il. Que je me réveille ?
Sa mère est assise sur un tabouret escamotable accroché au mur, dans un coin de la pièce. La lumière du lit jette des ombres sur son visage. Toute sa figure s’éclaire lorsqu’elle se penche en avant. Il fait bon.
Mais non, répond-elle, et elle lui passe la main dans les cheveux. Je mets en route le petit déjeuner?

Dans la cuisine, une seule lampe est allumée, une fenêtre au plafond donne sur la voûte, le toit du dôme et le ciel qui le surplombe, et une autre, dans un mur, sur le champ. Au-dessus courent des nuages isolés dans le noir, ils apparaissent dans la clarté des sources lumineuses qu’ils dissimulent, des étoiles qu’ils camouflent un instant pour ensuite les révéler.
Quand l’homme entre dans la cuisine, il trouve sa mère penchée sur la cuisinière, elle mélange le contenu d’une petite casserole sans prêter attention à lui. Il s’assied, la table est déjà mise. La vieille femme regarde d’un œil distrait le champ et les nuages qui filent dans le ciel, lui reste là, à l’observer.
Je ne me rappelle pas avoir jamais connu une tempête aussi violente, écrit-il au bout d’un moment.
Le texte apparaît sur un écran sphérique au-dessus de la table, mais sa mère, plantée devant la cuisinière, dos tourné, ne le voit pas. Il laisse ses paroles en suspens, le temps qu’elle se retourne, en vain. Il appuie alors sur une touche du clavier, et le texte passe sur un écran intégré à sa combinaison, au niveau du torse. Puis il s’approche de sa mère et lui prend délicatement l’épaule. Elle sursaute et se retourne, s’empressant d’afficher un sourire.
Tu m’as fait peur, écrit-elle, je ne t’avais pas vu.
Non, poursuit-elle, en réponse à ce qu’elle lit sur le torse de son fils, moi non plus.
La journée sera terriblement longue, peut-être la plus longue de l’histoire de Home, écrit-il.
Oui, peut-être.
Le calme règne dans la ville, personne n’a encore mis le nez dehors, mais quelques maisons sont allumées, des ombres glissent aux fenêtres, certains sont réveillés, ils attendent que le jour se lève. La mère retire la casserole du feu, elle l’apporte à table et s’installe sur le tabouret, en face de son fils.
Mange, écrit-elle, tant que c’est chaud.
Ils partagent le repas en silence, regardent par la fenêtre le périmètre du dôme et au-delà. La vieille femme mange lentement, elle porte tant bien que mal la cuillère à sa bouche, mâche tout en reposant sa main sur la table, pour répéter ce geste encore et encore. Elle a le visage maigre, les joues creuses, le teint hâve et flétri, grisâtre comme le papier qui se décompose en cellulose.

L’eau qui jaillit d’une fissure au pied de la montagne, en haut de la vallée, forme une rivière qui longe tout le territoire jusqu’à la paroi inférieure, où elle s’engouffre dans un trou dans la roche, disparaissant aussi soudainement qu’elle apparaît. Un cours éternel et indomptable, d’une force brutale, un flot blanc qui se précipite à travers la vallée, la seule source d’eau à ciel ouvert de la planète, en plus de l’océan à l’opposé.
Lorsque l’homme sort de chez lui, qu’il referme la porte de la maison, le jour a commencé à se lever. La lumière se faufile sur les bâtiments bas, s’installe sur les façades. Des nuages épars dissimulent un instant le soleil puis glissent plus loin, mais dans le dôme l’air est immobile et la température stable, seul un bruissement croissant vient perturber le silence, l’écho de la clarté du jour.
Il marche entre les maisons en direction du centre-ville, traverse une place puis s’introduit dans un bâtiment différent des autres, une construction à deux étages au toit vitré. La centrale de contrôle. Un cylindre de verre constitue le cœur du bâtiment : l’observatoire. Au sommet, un gigantesque télescope pointé vers la voûte est installé en contrebas d’une salle d’observation, avec un grand écran incurvé qui couvre tout un mur, ainsi que des machines, des chaises et une table. Un homme est assis là, seul, le regard fixé sur l’écran, sur les mesures qu’il parcourt à l’aide du tableau de commandes devant lui. Il est plus âgé, presque aussi vieux que la mère. Son nom, Ansgar, est cousu à points serrés sur sa combinaison, côté gauche.
Tu as interrompu l’excursion, écrit-il sans se retourner quand l’homme entre dans la pièce.
Ses paroles s’affichent sur le grand écran. Il pivote sur sa chaise, le salue d’un aimable hochement de tête. L’homme répond avec un sourire et prend place sur la chaise voisine.
On vérifie les résultats ensemble depuis le début ? suggère Ansgar. J’y ai jeté un œil, tout semble normal, mais c’est toujours mieux de regarder à deux.
Oui, tu n’es plus tout jeune, quelque chose pourrait t’avoir échappé, répond l’homme.
Peut-être, écrit Ansgar, le sourire aux lèvres.
Les analyses forment une masse flottante qui glisse lentement sur l’écran. Personne ne prononce un mot. L’homme s’enfonce dans sa chaise. À travers la baie vitrée, il voit sa mère, seule au milieu du champ. Elle va et vient dans le périmètre, tâte distraitement une pousse puis une autre, le visage tourné vers le fond de la vallée et sa formation de trente-quatre obélisques qui se dressent là où la rivière disparaît dans la roche. Un bosquet de pierre au milieu du paysage plat. À intervalles réguliers, elle s’arrête et se redresse, rentre les épaules, tout en scrutant les obélisques qui sortent du sable au loin.
Une jeune femme entre à son tour dans la pièce. Ils la remarquent seulement quand elle s’assied près de l’homme.
Bonjour, écrit-elle, avec un sourire radieux.
Tiens, ma fille, répond Ansgar, te voilà.
Bonjour, écrit l’homme.
Il la dévisage un instant et lui sourit.
Son nom, Iŋgir, est inscrit comme les leurs sur sa combinaison.
Il y a du nouveau ? leur demande-t-elle, le regard malicieux.
L’homme lui donne un coup de coude taquin. Iŋgir rougit et jette un œil à Ansgar. Il fixe de nouveau le flux de données qui défile sans cesse sur l’écran. Elle s’étire légèrement, bombe le torse, ses seins ressortent sous sa combinaison. Elle a les cheveux plus clairs que les deux autres, blond cendré, et la peau blanche, souple, sillonnée de vaisseaux bleuâtres. Elle dégage quelque chose de doux, de transparent. La fermeture éclair de sa combinaison laisse entrevoir la peau nue de son décolleté. À son tour, elle donne un discret coup de coude à son voisin, avant de se retourner vite vers l’écran, tout sourire.
Dix-sept portraits sont exposés au mur dans leurs dos, dix-sept hommes et femmes vêtus de la même combinaison, surmontés d’une inscription en grandes lettres : Nos 18 pionniers. Cor unum. Un seul cœur. Sur la première rangée se devine la trace d’une photographie qui a été retirée.
Dehors, la mère s’est immobilisée, le regard fixé sur les obélisques qui se dressent au fond de la vallée. La tempête se concentre de ce côté-là du ciel, les nuages qui roulent se font plus sombres et plus sauvages. Tous trois consultent longuement les résultats, assis à leurs places. Quand l’homme jette de nouveau un œil vers le champ, sa mère a disparu.
Voilà, rien de nouveau, écrit Ansgar une fois qu’ils ont tout parcouru.
Il y en a déjà eu, papa ? ironise Iŋgir.
Un jour, on pourrait connaître la percée, écrit Ansgar. Et tu ne pourras plus te moquer.
Il sourit à pleines dents, presque comme un rire muet. Le bruissement omniprésent s’accroît progressivement – le bourdonnement constant de microsons qui ricochent dans le conduit auditif – et s’étend en les enveloppant comme une couverture.
On devrait regarder le bulletin météo, écrit l’homme. On dirait que des conditions extrêmes nous attendent.
J’ai vérifié avant votre arrivée, répond Ansgar. Le vent devrait s’intensifier au cours de la soirée et de la nuit, je crois que nous allons affronter les rafales les plus fortes de notre histoire. C’est bien que tu aies arrêté les analyses et que tu sois rentré.
Oui, heureusement, écrit Iŋgir.
Elle déplace discrètement son bras pour que sa main repose contre celle de l’homme. Elle lui lance un regard, puis se tourne vers son père.
Ça souffle sur la rotation de la planète, reprend Ansgar. Si les pronostics s’avèrent exacts, la journée de demain pourrait être plus longue de 50 %, voire 75 %, que la moyenne.
Iŋgir remue la main, sa peau effleure celle de l’homme. Il a beau la regarder, elle continue en l’ignorant. Il finit par porter les yeux au-dehors, vers le champ déserté.
Il n’y a aucun danger, poursuit Ansgar. Mais la nuit sera longue. Très longue.
Iŋgir sursaute lorsque l’homme commence lentement à se lever. Elle le regarde enfin.
Tu t’en vas ? écrit-elle.
Je vais juste voir où est passée ma mère, répond-il. Je ne l’aperçois nulle part.
Elle a dû rentrer, écrit Ansgar.
Oui, sans doute.
Une fois à l’extérieur, l’homme coupe en direction de la partie inférieure du dôme. La zone cultivée, qui s’étend de tout son long, couvre plus de la moitié de toute la surface. Il marche tranquillement à travers champs, va d’un pas léger et prudent le long des sillons. Ses talons s’enfoncent dans la terre cultivée, du grain poisseux colle à ses semelles, … »

À propos de l’auteur

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Sigbjørn Skåden © Photo DR
Né en 1976, Sigbjørn Skåden est un écrivain same (lapon) installé à Tromsø. De langue same et norvégienne, il fait ses débuts en littérature en 2004 avec un poème épique contant le quotidien d’un village du Grand Nord de la Norvège à l’époque de l’entre-deux-guerres. Ce texte remarqué lui vaut d’être nommé au prestigieux prix du Conseil nordique en 2007. Oiseau est son deuxième roman, publié en Norvège en 2019 et salué par la critique. Il écrit également des textes pour des projets transartistiques expérimentaux. (Source: Agullo Éditions)
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Le répondeur

BLANVILLAIN_le_repondeur
  RL2020  coup_de_coeur

 

En deux mots:
Baptiste est un imitateur qui peine à trouver son public. Alors quand un écrivain lui propose d’être son «répondeur», il ne peut refuser cet emploi aussi étrange que lucratif. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est qu’il va transformer la vie de ses interlocuteurs. Et la sienne!

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

La doublure du grand écrivain

Le grand écrivain Pierre Chozène veut se concentrer sur la rédaction de son nouveau livre. En décidant d’engager un imitateur pour répondre à sa place, il ne se rend pas compte des conséquences… Luc Blanvillain réussit un superbe petit traité très ironique sur la difficulté de communiquer.

Ceux qui aiment les romans qui mettent en scène les écrivains et le milieu littéraire vont, comme moi, se régaler avec le nouveau roman de Luc Blanvillain. Si Baptiste, le narrateur, est un jeune homme qui essaie de réussir une carrière d’imitateur, le personnage au centre du roman est un écrivain célèbre.
Après l’une de ses représentations saluée par un public de 27 personnes, Vincent –qui croit au talent de Baptiste mais met en péril l’équilibre financier de son théâtre en continuant à le programmer – vient lui annoncer que quelqu’un l’attend dans sa loge.
«Il n’en revenait pas. Un producteur, il aurait pu comprendre. Mais un écrivain? Peut-être l’un de ceux qu’il admirait le plus, un auteur aussi célèbre que discret, Goncourt à la toute fin du vingtième siècle, prosateur raffiné dont la voix douce et rare illuminait certaines fins d’après-midi d’automne, sur France Culture. Par quelle fantaisie du destin Pierre Chozène avait-il pu se retrouver dans sa loge? C’était inimaginable.»
Plus surprenante encore est la demande formulée par l’écrivain: pour lui permettre de terminer son grand livre autobiographique sans être dérangé, il va proposer à Baptiste de l’imiter, de répondre à sa place aux appels téléphoniques.
À la fois par admiration et pour se prouver qu’il a du talent Baptiste accepte de relever le défi. À l’aide des fiches préparées par Jean ainsi que des renseignements qu’il trouve sur internet, il va engager la conversation avec l’éditeur, l’attachée de presse, un jeune romancier, un critique littéraire, mais aussi l’ex-femme, le père et la fille du romancier.
Et découvre tout à la fois la difficulté de cet emploi et l’exaltation qu’il peut y avoir à se mettre dans la peau d’un homme célèbre. Au fur et à mesure, sa voix se fait plus juste, plus travaillée et son assurance le pousse à prendre des initiatives.
En enchaînant les coups de fil, Baptiste construit toute une série d’histoires, de dialogues qui sont autant de moyens de harponner le lecteur, avide de savoir jusqu’où il va aller dans la manipulation.
D’autant que Baptiste s’enhardit très vite. Il lui prend par exemple l’envie de savoir à quoi ressemble le nouvel amoureux de la fille de Chozène et décide illico d’aller l’observer dans le bar où il a ses habitudes. Ils échangent quelques propos, font connaissance, puis deviennent rivaux. Car Baptiste a jeté son dévolu sur Elsa. Elsa qui a demandé à son père un avis sur cet homme dont elle est «vraiment amoureuse». On le voit pour Baptiste la situation est tout à la fois très excitante et très périlleuse. Mais n’en disons pas davantage.
Ajoutons toutefois que le lecteur, qui sait depuis le début de quoi il en retourne, ne peut plus lâcher le ce formidable roman et découvrir comment «le répondeur» va pouvoir s’en sortir, maintenant qu’il a transformé la vie de ses interlocuteurs – et la sienne – et joué avec leurs sentiments. Ne va-t-il pas finir comme Icare par se brûler les ailes en s’approchant trop près du soleil?
Luc Blanvillain a l’humour léger et la plume incisive. À l’image d’un jeu de l’oie, il pousse ses pions vers l’épilogue, parsemant son parcours d’indices et de sous-entendus qui nous montrent combien, à l’heure des réseaux sociaux et de la communication tous azimuts, il devient paradoxalement si difficile de dire les choses.

Le Répondeur
Luc Blanvillain
Quidam Éditeur
Roman
260 p., 20 €
EAN 9782374911236
Paru le 2/01/2020

Où?
Le roman se déroule en France, principalement à Paris, mais on y évoque aussi Angoulême.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Baptiste sait l’art subtil de l’imitation. Il contrefait à la perfection certaines voix, en restitue l’âme, ressuscite celles qui se sont tues. Mais voilà, cela ne paie guère. Maigrement appointé par un théâtre associatif, il gâche son talent pour un quarteron de spectateurs distraits. Jusqu’au jour où l’aborde un homme assoiffé de silence.
Pas n’importe quel homme. Jean Chozène. Un romancier célèbre et discret, mais assiégé par les importuns, les solliciteurs, les mondains, les fâcheux. Chozène a besoin de calme et de temps pour achever son texte le plus ambitieux, le plus intime. Aussi propose-t-il à Baptiste de devenir sa voix au téléphone. Pour ce faire, il lui confie sa vie, se défausse enfin de ses misérables secrets, se libère du réel pour se perdre à loisir dans l’écriture.
C’est ainsi que Baptiste devient son répondeur. A leurs risques et périls.

Les critiques
Babelio 
Lecteurs.com
Le Télégramme (Claire Charpy)

INCIPIT (Les premières pages du livre)
« Baptiste soupira. Il avait encore massacré François Hollande.
C’était toujours pareil. Il n’était pourtant pas dur à faire, Hollande. Chez lui, dans l’intimité, Baptiste y parvenait parfaitement. Il suffisait de se figurer un fauteuil de cuir épais, des ongles sur les accoudoirs, et c’était parti. Il avait tenté d’expliquer plusieurs fois sa méthode, à ses parents d’abord, puis à d’autres artistes. Les plus polis faisaient semblant de comprendre mais apparemment, il était totalement atypique. Aucun autre imitateur n’avait besoin de se concentrer sur des images mentales pour s’approprier des voix. Ils s’entraînaient plutôt à la façon des chanteurs, parlaient tessiture et tonalité, travaillaient au casque. Lui, il écoutait la personne jusqu’à ce qu’une représentation figurative ou abstraite se forme dans son esprit et s’y fixe. Pour Balladur, une oseraie sous la lune, pour Françoise Hardy deux hélicoptères, une mare pâle pour Zidane et ainsi de suite. Après quoi, il reproduisait le phrasé, les intonations avec un réalisme étonnant. Peut-être, avait un jour suggéré un médecin, une forme d’imaginaire sonore synesthésique.
Mais le problème n’était pas là. Le problème était que le public lui faisait perdre ses moyens. Pas complètement, certes, mais sur scène il versait dans la caricature. En tête à tête avec Vincent, le directeur du théâtre, Baptiste était presque inquiétant d’authenticité. Les absents peuplaient la salle, les morts jacassaient.
Le rideau tomba dans une bruine d’applaudissements évasifs. On aurait pu, à l’oreille, compter le nombre de spectateurs. Baptiste s’écroula sur une chaise, dans la coulisse.
— C’était bien, affirma Vincent, c’était pas mal du tout.
Baptiste lui lança un regard navré. Entre eux, le courant était passé tout de suite. Ils avaient d’abord échangé des mails, bien avant que Baptiste ne quitte Angoulême pour tenter sa chance à Paris. Le théâtre alternatif de Vincent l’avait séduit d’emblée, une salle minuscule coincée entre un immeuble de bureaux et une supérette, dans le quatorzième, restaurée et animée par des bénévoles au sein d’une association sans le moindre espoir lucratif. La buvette proposait du maté, des orangeades bio et des bières fermières aux noix. Le public était essentiellement constitué d’amis d’amis.
— Non, j’ai foiré Hollande.
Baptiste s’essuya les cheveux. Tous les soirs, il suait comme Brel au soir de ses adieux à la scène. C’était sans doute ce qu’il aurait de mieux à faire. Ses adieux. Avant d’avoir complètement coulé Vincent. Il payait le loyer de sa chambre de bonne en rédigeant des newsletters pour une chaîne de magasins discount. Un boulot provisoire. Ses collègues de travail adoraient ses imitations, il animait tout l’open space.
— Hollande était un peu guindé, mais tu as vraiment transcendé Gide.
— Vincent ! Qui connaît Gide aujourd’hui?
C’était l’autre problème. Il était particulièrement doué pour les voix méconnues, oubliées, les premiers ministres de la quatrième république, les chanteuses rive gauche, les animateurs de l’ORTF. Il pratiquait l’imitation de niche.
— A propos de Gide…
Quelque chose, dans l’intonation de Vincent, intrigua Baptiste. Dans la pénombre des coulisses, il l’entendait sourire.
— Oui?
— Quelqu’un veut te voir. Je l’ai fait attendre dans ta loge. »

Extrait
« Il n’en revenait pas. Un producteur, il aurait pu comprendre. Mais un écrivain? Peut-être l’un de ceux qu’il admirait le plus, un auteur aussi célèbre que discret, Goncourt à la toute fin du vingtième siècle, prosateur raffiné dont la voix douce et rare illuminait certaines fins d’après-midi d’automne, sur France Culture. Par quelle fantaisie du destin Pierre Chozène avait-il pu se retrouver dans sa loge ? C’était inimaginable.
— Tous mes livres?
Chozène paraissait sincèrement épaté. Pourtant, il écrivait peu. Un roman tous les quatre ans, en moyenne. Une demi-douzaine en tout, traduits dans vingt langues.
— J’ai commencé par hasard, dans une librairie, les premières lignes du Voyage d’été…» p. 11-12

À propos de l’auteur
Luc Blanvillain est né en 1967 à Poitiers. Agrégé de lettres, il enseigne à Lannion en Bretagne. Son goût pour la lecture et pour l’écriture se manifeste dès l’enfance. Pas étonnant qu’il écrive sur l’adolescence, terrain de jeu où il fait se rencontrer les grands mythes littéraires et la novlangue de la com’, des geeks, des cours de collèges et de lycée.
Il est l’auteur d’un roman adulte qui se déroule à la Défense, au sein d’une grande entreprise d’informatique: Nos âmes seules (Plon, 2015). (Source : Quidam Éditeur)

Page Wikipédia de l’auteur

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Einstein le sexe et moi

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En deux mots:
Olivier a participé à la finale de Questions pour un super-champion en 2012. Il nous raconte le jeu télévisé dans le détail avec ses coulisses et son suspense, mais nous offre surtout des digressions sur son parcours, son érudition, ses amours. Drôle, enlevé, précieux.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

Le super-champion se pose des questions

Pour son second roman Olivier Liron revient sur un événement fort de sa vie, sa participation à la finale de Questions pour un super-champion en 2012. Bien plus que le récit d’un jeu télévisé, c’est une leçon de vie.

Olivier Liron met les choses au point dès l’incipit de cet étonnant roman: « Je suis autiste Asperger. Ce n’est pas une maladie, je vous rassure. C’est une différence. Je préfère réaliser des activités seul plutôt qu’avec d’autres personnes. (…) Je me souviens des dates de naissance des gens. J’ai publié un premier roman chez Alma éditeur en 2016. Je vais vous raconter une histoire. Cette histoire est la mienne. J’ai participé au jeu télévisé Questions pour un champion et cela a été très important pour moi. J’ai passé plusieurs journées avec Julien Lepers. Pour m’endormir, je fais parfois le produit de 247856 fois 91.»
En 200 pages, il va nous conter cet événement qui l’a fortement marqué, la finale 2012 de Questions pour un super-champion, l’émission qui met aux prises les vainqueurs du jeu télévisé et à laquelle il a failli être éliminé avant même qu’elle ne commence pour une panne de réveil. Arrivé avec une demi-heure de retard sur l’horaire, il sera d’autant plus vite repêché que la production a décalé les enregistrements en fin d’après-midi.
Pour ceux qui suivent le jeu, la trame du roman ne réservera pas de grandes surprises, Olivier Liron ayant découpé son récit en quatre parties, elles qui structurent le jeu: le Neuf points gagnants, le Quatre à la suite, le Face-à-face puis le Super-champion. L’intérêt de cette construction est triple. Tout d’abord, il nous permet de jouer et de tester notre érudition en suivant le défilé des questions, ensuite il nous plonge dans la psychologie des candidats – et notamment celle d’Olivier – qui s’est préparé comme un athlète de haut-niveau à cette confrontation. Enfin, et c’est sans doute le plus passionnant, l’auteur nous offre des digressions sur son parcours, ses pensées, sa vie affective. On passe ainsi de Diên Biên Phu aux mésanges, d’un atlante à Caroline, des souvenirs de vacances aux Pensées de Pascal ou encore de la Place de l’opéra à Canet-en-Roussillon, d’Einstein au sexe.
On passe de l’histoire familiale aux grandes étapes de sa vie: « Ma mère vient d’une famille d’ouvriers, il fallait absolument être bon à l’école, et elle m’a transmis ça. C’était le seul moyen de s’en sortir. Je suis fier de ça, de cet héritage qu’elle m’a légué, et même si l’école n’est plus tout à fait l’ascenseur social qu’elle était pour ma mère, j’ai tout fait pour suivre les études les plus longues possibles. J’ai eu un parcours d’élève modèle. Baccalauréat à 17 ans, classe préparatoire littéraire à 18 ans, entrée à l’École normale supérieure à 20 ans. Agrégé à 23 ans. Enseignant à la Sorbonne à 24 ans. Julien Lepers à 25 ans. Dépucelage à 26 ans. Dépression à 27 ans. Mais c’est une autre histoire. »
On passe de la confiance au doute, de l’émoi amoureux à la difficulté de communiquer – qui n’est en l’occurrence pas seulement l’apanage des Asperger: «J’aurais voulu lui dire qu’avec elle tout changeait. J’aurais voulu lui dire qu’avec elle le désir m’avait emporté comme la marée haute. Qu’un autre monde s’ouvrait à moi et que je m’imaginais dans ses bras. Je suis avec toi, Barbara. (…) Sauf que voilà. Je me suis tu. Et maintenant je devais répondre à une question de Julien Lepers sur un roman de Dostoïevski. »
Et à propos de Dostoïevski, je ne peux résister à citer encore ce passage qui fait l’éloge de la littérature et qui mériterait de figurer au fronton des lycées et des bibliothèques ou qui devrait, encore plus prosaïquement, vous précipiter chez votre libraire: « À l’adolescence, après le baccalauréat surtout, il y a eu la poésie et la découverte de la poésie. J’ai découvert Victor Hugo et Walt Whitman. Emily Dickinson et Sylvia Plath. Je crois vraiment que sans la poésie je serais mort. J’avais des fantasmes secrets pour l’extase de la chair, et il y avait la poésie pour la masturbation de l’âme. Je crois vraiment que s’il n’y avait pas eu ça je me serais foutu en l’air. »

Einstein, le sexe et moi
Olivier Liron
Alma éditeur
Roman
200 p., 18 €
EAN: 9782362792878
Paru le 6 septembre 2018

Où?
Le roman se déroule en France, principalement à Paris et à la Plaine Saint-Denis.

Quand?
L’action se situe en 2012 et les années qui suivent.

Ce qu’en dit l’éditeur
« Je suis autiste Asperger. Ce n’est pas une maladie, je vous rassure. C’est une différence. Je vais vous raconter une histoire. Cette histoire est la mienne. J’ai joué au jeu télévisé Questions pour un champion et cela a été très important pour moi. »
Nous voici donc en 2012 sur le plateau de France 3 avec notre candidat préféré. Olivier Liron lui-même est fort occupé à gagner; tout autant à nous expliquer ce qui lui est arrivé. En réunissant ici les ingrédients de la confession et ceux du thriller, il manifeste une nouvelle fois avec l’humour qui est sa marque de fabrique, sa très subtile connaissance des émotions humaines.

68 premières fois
Blog motspourmots.fr (Nicole Grundlinger)
Blog Bricabook

Les autres critiques
Babelio 
Lecteurs.com
Blog Mes échappées livresques
Blog The unamed bookshelf 
Untitled Magazine 


Olivia de Lamberterie présente Einstein le sexe et moi sur Télématin © Production France Télévisions

Les premières pages du livre
« 1. Bienvenue dans mon monde
Je suis autiste Asperger. Ce n’est pas une maladie, je vous rassure. C’est une différence. Je préfère réaliser des activités seul plutôt qu’avec d’autres personnes. J’aime faire les choses de la même manière. Je prépare toujours les croque-monsieur avec le même Leerdammer. Je suis fréquemment si absorbé par une chose que je perds tout le reste de vue. Mon attention est souvent attirée par des bruits discrets que les autres ne perçoivent pas. Je suis attentif aux numéros de plaques d’immatriculation ou à tous types d’informations de ce genre. On m’a souvent fait remarquer que ce que je disais était impoli, même quand je pense que c’était poli. Quand je lis une histoire, j’ai du mal à imaginer à quoi les personnages pourraient ressembler. Je suis fasciné par les dates.
Au sein d’un groupe, il m’est difficile de suivre les conversations de plusieurs personnes à la fois. Quand je parle, il n’est pas toujours facile de placer un mot. Je n’aime pas particulièrement lire des romans. Je trouve qu’il est compliqué de se faire de nouveaux amis. Je repère sans cesse les mêmes schémas dans les choses qui m’entourent. Je préfère aller au musée qu’au théâtre. Cela me dérange quand mes habitudes quotidiennes sont perturbées. J’aime beaucoup les calembours comme «J’ai mal occu, j’ai mal occu, j’ai mal occupé ma jeunesse.» Parfois je ne sais pas comment entretenir une conversation. Je trouve qu’il est difficile de lire entre les lignes lorsque quelqu’un me parle. Je note les petits changements dans l’apparence de quelqu’un. Je ne me rends pas toujours compte que mon interlocuteur s’ennuie. Il m’est extrêmement difficile de faire plus d’une chose à la fois.
Parfois, au téléphone, je ne sais pas quand c’est mon tour de parler. J’ai du mal à comprendre le sarcasme ou l’ironie. Je trouve qu’il est compliqué de décoder ce que les autres ressentent en regardant leur visage. Le contact physique avec un autre être humain peut me remplir d’un profond dégoût, même s’il s’agit d’une personne que je désire. Si je suis interrompu, j’ai du mal à revenir à ce que j’étais en train de faire.
Dans une situation de stress avec un interlocuteur, j’essaie de le regarder dans les yeux. On me dit que je répète les mêmes choses. Quand j’étais enfant, je n’aimais pas jouer à des jeux de rôle. Je trouve qu’il est difficile de s’imaginer dans la peau d’un autre. Les nouvelles situations et surtout les lieux que je ne connais pas me rendent anxieux. J’ai le même âge que Novak Djokovic et un an de moins que Rafael Nadal. Quand je regarde un film où un personnage fait des cupcakes, je passe tout le reste du film à me demander combien de cupcakes ont été cuisinés exactement. Je ne supporte pas de porter des jeans trop serrés. Une exposition à une source de lumière trop vive me plonge dans un état de panique. Toutes mes émotions sont extraordinairement fortes et on m’a souvent dit que la façon dont je réagissais était exagérée.
Je me souviens des dates de naissance des gens. J’ai publié un premier roman chez Alma éditeur en 2016. Je vais vous raconter une histoire. Cette histoire est la mienne. J’ai participé au jeu télévisé Questions pour un champion et cela a été très important pour moi. J’ai passé plusieurs journées avec Julien Lepers. Pour m’endormir, je fais parfois le produit de 247856 fois 91. Il suffit qu’une femme ou qu’un homme me prenne dans ses bras pour que je frissonne violemment et que je songe sérieusement à l’épouser. Je n’ai jamais su faire de la corde à sauter. Le résultat du produit de 247856 fois 91 est 22554896. Il suffit de faire 247856 fois 9. Je commence par les gros chiffres. 1800000. 2160000. 2223000. 2230200. 2230704. Puis de multiplier par 10: 22307040. Et d’ajouter 247856: 22554896. J’aime beaucoup les lasagnes, le chocolat à l’orange, la Patagonie et les chansons de Leonard Cohen. Bienvenue dans mon monde. »

Extraits
« Le jour où j’ai joué à Questions pour un super champion, je ne me suis pas réveillé. C’est Paul de Senancour qui m’a réveillé. Paul de Senancour venait de perdre sa grand-mère. Il est sorti boire des coups pour noyer sa tristesse. Je lui ai laissé un double des clés. Quand il est rentré ivre à trois heures du matin, il a tout tenté pour faire le moins de bruit possible. Paul a le cœur sur la main. Il veut qu’on l’appelle Paul, mais en réalité son prénom c’est Paul-Étienne. Il marchait lentement sur le parquet qui craquait horriblement. Dans mon lit en mezzanine, je n’arrivais pas à m’endormir. Mon cœur battait à tout rompre. Le lendemain, je serais avec Julien Lepers. J’allais enregistrer les émissions de Questions pour un super champion, celles du dimanche où s’affrontent les vainqueurs de l’émission quotidienne. J’ai gagné trois fois la quotidienne au printemps ; j’ai perdu à la quatrième, heureusement, on m’a appelé pour participer aux prestigieuses Questions pour un super champion. On était le 15 août, jour de l’Assomption de la Vierge.» p. 17

« Thor, Erik, Bengt, Knut, Torstein et Herman sont arrivés un peu plus de cent jours plus tard sur un atoll des Tuamotu, en Polynésie française. Leur hypothèse du peuplement de la Polynésie par des gens venant d’Amérique du Sud est validée. Huit mille kilomètres sur un radeau confectionné avec du bois pourri et des lianes. Ils ont survécu en jouant de la guitare et en bouffant des poissons volants. Thor Heyerdahl a même filmé la traversée, et il a réalisé un documentaire qui nous permet de savoir tout ça.
J’aime bien l’histoire de Thor Heyerdahl parce qu’on pourrait croire que c’est un film hollywoodien ; mais non, c’est une histoire qui s’est passée dans la vraie vie, et la vraie vie est toujours plus romanesque que les films. Et puis c’est une aventure qui nous dit qu’il faut toujours croire en ses rêves, même quand on a Julien Lepers en face de soi et qu’il s’agit de détrôner Michel à Questions pour un super champion.
En tout cas ça m’a solidement installé dans le match. S’il n’y avait que des questions sur des scientifiques fous comme Thor Heyerdahl, il ne pouvait rien m’arriver.
Après le Kon-Tiki, la mer était tranquille. J’étais confortablement installé à l’avant de la première manche. Je contrôlais le navire. Cap sur la seconde manche. » p. 53-54

« J’aurais voulu lui dire à quel point notre rencontre avait été si importante, inouïe pour moi. J’aurais voulu lui dire que jusqu’à ce que je la rencontre, je m’étais résigné en toute sérénité à mourir puceau, sans amour, sans chaleur, rien d’autre que la verticalité solitaire de la présence sacrée des choses.
J’aurais voulu lui dire qu’avec elle tout changeait. J’aurais voulu lui dire qu’avec elle le désir m’avait emporté comme la marée haute. Qu’un autre monde s’ouvrait à moi et que je m’imaginais dans ses bras. Je suis avec toi, Barbara. (…) Sauf que voilà. Je me suis tu.
Et maintenant je devais répondre à une question de Julien Lepers sur un roman de Dostoïevski. » p. 110

À propos de l’auteur
Olivier Liron est né en 1987. Normalien, il étudie la littérature et l’histoire de l’art à Madrid et à Paris avant de se consacrer à la scène et à l’écriture. Il se forme en parallèle comme comédien à l’Ecole du Jeu, au cours Cochet et lors de nombreux workshops. Il a également une formation de pianiste en conservatoire.
Au théâtre il écrit quatre pièces courtes qui s’accompagnent de performances, Ice Tea (2008), Entrepôt de confections (2010), Douze douleurs douces (2012), Paysage avec koalas (2013). Il réalise aussi de nombreuses lectures (Cendrars, Pessoa, Michaux, Boris Vian, textes des indiens d’Amérique du Nord). En 2015, il crée la performance Banana spleen à l’École Suisse Internationale. En 2016, il fonde le collectif Animal Miroir actuellement en résidence au Théâtre de Vanves.
En tant que scénariste pour le cinéma, il a reçu l’aide à la réécriture du CNC pour le long métrage de fiction Nora avec Alissa Wenz et l’aide à l’écriture de la région Île-de-France pour le développement du long métrage Un cœur en banlieue.
Il publie des nouvelles dans les revues Décapage et Créatures. Son premier roman Danse d’atomes d’or est publié chez Alma Éditeur. (Source : Alma éditeur)

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BettieBook

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En deux mots:
Stéphane Sorge est critique littéraire, Betty Leroy est booktubeuse. Leur rencontre va être l’occasion de confronter deux univers et de réfléchir à leurs rôles respectifs dans une ambiance d’amour-haine.

Ma note:
★★★ (bien aimé)

Ma chronique:

Choc des cultures dans le monde littéraire

En confrontant une booktubeuse et un critique littéraire du Monde des livres, Frédéric Ciriez nous offre un truculent jeu de massacre. Avec quelques arrière-pensées?

Deux personnages, deux parcours diamétralment opposés et deux manières de concevoir leur rôle de médiateur. Les écrivains et les cinéastes ont compris le potentiel de romans et de scénarios qui confrontent des acteurs qui n’ont à priori rien à faire ensemble. Parmi les derniers exemples en date, on peut citer Pactum Salis d’Olivier Bourdeaut et Abdel et la comtesse d’Isabelle Doval.
Frédéric Ciriez a choisi de Confronter Stéphane van Hamme et Betty Leroy. Stéphane étudie les lettres et écrit ses premiers articles pour le Pélican lettré, une revue lilloise. Il choisit alors le pseudonyme de Stéphane Sorge. « Son patronyme se réfère discrètement au Très-Haut, roman où Maurice Blanchot met en scène un certain Henri Sorge – « souci » en allemand. En 1948, année de publication du Très-Haut, la philosophie heideggérienne dominait en France et trouvait des échos chez quelques écrivains préoccupés par le  » souci de l’être ». Henri Sorge porte le nom d’une inquiétude. Stéphane Sorge devient le nom d’un critique littéraire de vingt et un ans. » Au fil des ans, il va parvenir à se faire une place dans le milieu parisien. Il est pigiste pour le magazine Books et pour le Monde des livres, chroniqueur sur Paris Première et livre également sous un autre pseudonyme des articles à Télé 2 semaines. Mais, à l’image de la presse écrite, sa situation n’en demeure pas moins précaire. La part consacrée à la culture et plus particulièrement aux livres à tendance à se restreindre, tout comme ses lecteurs qui sont en majorité des lectrices. « Il se dit parfois avec une pointe d’amusement qu’il mène une activité professionnelle de femme, à destination des femmes. La seule issue serait de changer de sexe, ou de devenir trans-critique. »
Betty a pour sa part eu envie de partager ses lectures, principalement les dystopies (récit dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur et entend mettre en garde le lecteur en montrant les conséquences néfastes d’une idéologie) et la littérature young adult. La jeune fille a choisi internet et la vidéo comme média et créé sa chaîne intitulée «BettieBook». Un passe-temps qu’elle pratique à côté de son emploi dans un centre de bronzage à Melun, ce qui ne l’empêche nullement de réussir, car ses vidéos sont suivies par quelque 30000 abonnés. Il faut dire qu’elle a su trouvé le ton juste et a su s’approprier les codes qui correspondent à son public. Sur sa page d’accueil, elle a imaginé une souris en train de grignoter un livre et un slogan approprié « Lectrice et petite souris qui voit tout, tout, tout, suis-moi dans la maison des livres. »
Quand Stéphane Sorge, qui est chargé d’enquêter sur ce nouveau phénomène, la contacte, elle est ravie de l’acueillir, car tout est bon pour accroître encore sa notoriété. Le critique littéraire, quant à lui, s’imagine déjà manger tout cru cette petite souris. Sauf que cette fois, la souris a du répondant : « Nous, on parle directement à nos abonnés, ce sont nos égaux. Ce qui nous intéresse, c’est le partage. On n’est pas comme les critiques littéraires classiques qui ne connaissent pas leurs lecteurs. » Sans oublier que notre érudit est soupçonné d’avoir parlé d’un livre sans l’avoir lu. De quoi régaler tous ceux qui souhaitent prendre sa place!
On sent que Frédéric Ciriez s’est beaucoup amusé à décrire les deux milieux, à alimenter de ses propres expériences cette satire des milieux littéraires, à conjuguer des auteurs réels avec des situations fictives. À moins que… Si ce livre n’est pas un roman à clé, il n’en dépeint pas moins parfaitement les usages, les rivalités, les mesquineries et autres coups bas ou renvois d’ascenseur espérés.
J’imagine que le plaisir que j’ai pris à le lire tient sans doute au fait que j’ai été d’abord l’un – critique littéraire durant plus de dix ans au sein d’un hebdomadaire – puis l’autre avec la création de mon blog littéraire et que je peux dire jusqu’où la réalité dépasse la fiction.
Mais la plume de Frédéric Ciriez ravira aussi les lecteurs qui ne sont pas du sérail, car elle mordante, inventive et joyeusement impertinente. Je vous laisse par exemple imaginer la tempête dans le crâne de Stéphane quand il se retrouve dans le lit de Betty. Tout le reste est littérature!

BettieBook
Frédéric Ciriez
Éditions Verticales
Roman
192 p., 18,50 €
EAN : 9782072762932
Paru le 4 janvier 2018

Ce qu’en dit l’éditeur
Quel obscur désir anime Stéphane Sorge, un critique littéraire respecté, alors qu’il enquête sur une jeune booktubeuse, consacrant ses coups de cœur vidéo à des dystopies grand public?
Au gré d’une intrigue hypnotique, le bref thriller de Frédéric Ciriez se fait tour à tour drôle, érotique et assassin. Il incarne avec une cruauté loufoque les enjeux actuels de l’industrie culturelle, ses splendeurs déchues, ses leurres en vogue et ses lueurs insoupçonnées.

Les critiques
Babelio
Libération (Philippe Lançon)
Le Temps (Isabelle Rüf)
RTS (émission Versus/lire sur Espace 2, par Linn Lévy)
DIACRITIK (Christine Marcandier)
Blog Les lectures du mouton (Virginie Vertigo)

Les premières pages du livre
« C’est le jour des funérailles de Norman, suivies en direct dans le monde francophone, à la télévision et sur le web, à l’égal de celles des plus grands chefs d’État. La vidéo funéraire, manière de web-testament ou de manifeste artistique posthume, tourne en boucle sur sa propre chaîne YouTube, atteignant les 120 millions de vues en quelques heures. C’est le jour des funérailles de Norman et le peuple numérique de France se réunit autour de son incinération vidéo, près de cent quarante ans après les obsèques nationales de Victor Hugo, qu’avait suivies en un long et extatique cortège le peuple de Paris, aux trois quarts analphabète. C’est le jour des « Funérailles de Norman », son sketch le plus abouti, avant que son visage soudain recomposé par un océan de pixels ne reprenne les couleurs de la vie, souriant, si lointain, si proche, avant que les lèvres du jeune homme ne s’ouvrent et disent : « Bonjour les gens, je suis ressuscité d’entre les morts, on a bien ri tous ensemble, à bientôt pour une nouvelle vidéo. »

Extrait
« La libido politique se paye de mots pour caresser le peuple, presque toujours sous forme de promesses, parfois sous forme de… livres (rires dans le public). On ne rit pas (rires dans le public) ! Leurs artisans de l’ombre, souvent recrutés parmi la fine fleur de l’élite intellectuelle française, sont de drôles de nègres, qui non seulement préparent les discours enflammés que tout le monde doit acclamer, mais aussi écrivent ces autobiographies-programmes que personne ne lit jamais (rires dans le public). J’ai rencontré ces écrivains de seconde main spécialement pour vous… et c’est bien évidemment l’un d’entre eux qui a écrit cette remarquable chronique (rires dans le public). »

À propos de l’auteur
Frédéric Ciriez est né en Bretagne en 1971. Il a suivi des études de lettres et de linguistique à l’université Rennes-2. Après plusieurs collaborations littéraires et un emploi chez fnac.com, il publie son premier roman, Des néons sous la mer (Verticales, 2008; Folio, 2010), qui fut un beau succès médiatique et commercial. Une novella a paru dans la NRF, Femmes fumigènes (avril 2010). Il publie ensuite un deuxième roman Mélo (Verticales 2013; prix Franz Hessel; Folio 2016), beau succès critique, traduit en allemand (éd. Tiamat, Berlin), et mis en scène par David Bobée (Lyon, Rouen…), puis un troisième, Je suis capable de tout (Verticales, 2016). BettieBook est son cinquième livre publié aux éditions Verticales.
En 2015, il a bénéficié d’une résidence d’auteur de la région Ile-de-France à l’université de Paris X-Nanterre, où il s’est interrogé sur la critique littéraire comme écriture de création à part entière. Avec le réalisateur Antonin Peretjatko, il a également co-scénarisé le film La Loi de la jungle (2016). (Source : Éditions Verticales)

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L’enlèvement des Sabines

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En deux mots:
Pour son départ, Sabine se voit offrir une autre Sabine, la poupée gonflable qui va dés lors l’accompagner et la transformer. Une fable sociale originale qui n’est pas faite pour les dégonflés.

Ma note:
★★★ (bien aimé)

Ma chronique:

La femme et la poupée

Émilie de Turckheim nous revient avec un roman aussi original que dérangeant, aussi gonflé que la poupée qui y joue un rôle prépondérant.

La vie de Sabine n’est pas des plus joyeuses. Entre un compagnon tyrannique, un travail décevant, une mère qui n’a que peu de considération pour elle, elle esaie de faire bonne figure. Avant de toucher le fond, elle décide de démissionner pour se donner un peu d’air. Pour son pot de départ une surprise l’attend. Ses collègues ont choisi de lui offrir une poupée qui porte le même prénom.
Cette seconde Sabine mesure 1,58 m pour 40 kg. Fabriquée par une entreprise familiale située au Mans, elle est faite en élastomère thermoplastique «avec toucher effet peau et finitions réalistes».
Son premier réflexe est de revendre cet encombrant cadeau: «Ayant passé l’âge de jouer à la poupée, je la revends sans y avoir touché. Prix proposé: 6 999 € ». Sauf que Sabine a quelques atouts. Elle est silencieuse, calme et toujours présente.
Elle ne téléphone pas de manière intempestive comme le fait la mère de Sabine en se plaignant que le répondeur n’accepte pas de messages plus longs que deux minutes. Des messages qui montrent tout à la fois que cette ancienne mannequin à une bien piètre image de sa fille et une préférence affirmée pour sa sœur Fanny, une avocate «responsable et bosseuse».
La poupée Sabine écoute avec un sourire gentil sa nouvelle «propriétaire», bien loin de ce que lui fait subir Hans, son mari metteur en scène prompt à la dévaloriser ou même à l’humilier.
Émilie de Turckheim a eu la bonne idée de proposer entre les chapitres quelques dialogues éclairants qui viennent alterner avec le long monologue de la narratrice. Des discussions qui illustrent la difficulté à dialoguer de manière apaisée, des débuts qui ne seraient sans doute pas importants, s’ils ne s’accompagnaient de préjugés blessants.
« L’époux. — L’humanité entière sait pourquoi tu ne conduis pas ! Tes grands-parents sont morts dans un abominable accident de voiture! Grillés dans les flammes! Pauvre petite fille ! Tout le monde perd ses grands-parents, Claire! Et c’était il y a vingt-cinq ans!
L’épouse. — Ils sont morts sous mes yeux! J’ai passé un mois en réanimation à l’hôpital! J’ai eu des greffes de peau! J’ai failli mourir!
L’époux. — Moi j’ai failli mourir d’une intoxication à la salmonellose en colonie de vacances. Tout le monde a failli mourir une fois dans sa vie. On n’a pas tous des chauffeurs pour autant.
L’épouse. — Inculte.
L’époux. — Qu’est-ce que tu racontes?
L’épouse. — Quinze jours de vacances et tu n’emportes pas un seul livre.
L’époux. — Tu vas encore me faire chier avec cette histoire de livres? En vacances, je me repose! Je ne fais rien! Je me vide la tête!
L’épouse. — Il n’y a rien à vider! Ta tête est déserte! Même Dieu n’est pas dans ta tête! Tu n’as pas de Dieu! Tu ne vois pas Dieu! »
Et tandis que la situation empire, un petit miracle se produit : Sabine aide Sabine à s’émanciper… allant même jusqu’à transformer les sarcasmes de son mari en jalousie. Dès lors le roman prend une toute autre dimension. La violence sourde et le machisme rampant viennent se fracasser sur la solidarité nouvelle entre la femme et la poupée. Le rôle de l’homme et de la femme au sein du couple sont remis en question et vont finir… mais vous le découvrirez par vous-mêmes !
Ce roman est sélectionné pour le Prix Anaïs Nin 2018 qui récompense «une œuvre qui se distingue par une voix et une sensibilité singulières, l’originalité de son imaginaire et une audace face à l’ordre moral». Inutile d’ajouter que L’Enlèvement des Sabines répond parfaitement à ces critères.

L’enlèvement des Sabines
Émilie de Turckheim
Éditions Héloïse d’Ormesson
Roman
224 p., 17 €
EAN : 9782350874333
Paru le 11 janvier 2018

Ce qu’en dit l’éditeur
Avec impertinence et humour, L’Enlèvement des Sabines démonte la mécanique des rapports de force et opère une libération, aux confins du meurtre et de la folie.
Pour son pot de départ, Sabine reçoit une sex doll. Stupéfaite, la jeune femme rentre chez elle accompagnée de sa poupée aux seins démesurés et au visage figé de manga. Un renversement s’opère face à cette étrange colocataire convoitée et confortablement installée.
D’un naturel effacé, Sabine se confie et pas à pas s’impose dans le jeu mortifère de son couple avec Hans – un metteur en scène mondialement connu pour ses spectacles ultra réalistes, encensé par toute la critique qui veut y lire une dénonciation de la violence.
Pourtant en coulisse sévit un monstre féroce protégé par son charme, son succès et son aura de créateur génial.

Les autres critiques
Babelio
Toutelaculture.com
Lecteurs.com (Alsk Leska)
Emission Dans quelle éta-gère (Monique Atlan)


Émilie de Turckheim présente L’enlèvement des Sabines © Production Librairie Mollat

Les premières pages du livre 
Noma Takeshi : journaliste au Nikkan Gendai.
Gidayū Takemoto : en couple avec Sayana depuis un an.

L’entretien a lieu à Hiroshima, chez M. Gidayū, dans un appartement
d’une seule pièce, au 9e étage d’une tour.

Noma Takeshi Est-ce qu’on doit chuchoter ? Je vois qu’elle se repose…
Gidayū Takemoto Non, non… on peut parler normalement. Sayana est une poupée, elle n’entend pas.
N. T. Pour vous, Sayana est bien plus qu’une poupée… Vous la considérez comme votre compagne, je crois…
G. T. Oui, Sayana est ma compagne. Je partage ma vie avec elle.
N. T. Et elle ? Est-ce que Sayana partage sa vie avec vous ?
G. T. Bien sûr. Nous partageons tout. Je vais fermer le store si ça ne vous dérange pas, avec ce soleil qui entre il fait très chaud.
N. T. Ils ont annoncéde grosses chaleurs pour aujourd’hui et apparemment, ce sera pire demain. Monsieur Gidayū, racontez-nous une journée typique avec Sayana.
G. T. Rien de spécial… On se réveille à 5 h 50, on se lave, après on mange en tête-à-tête à cette table. Sayana est toujours assise de votre côté, à votre place. Elle n’est jamais assise ailleurs. Tous les couples ont leurs habitudes… Je lui sers son tamago kake gohan et des tsukemono, même si elle ne les mange pas. Je lui parle de ce que j’ai dans la tête… les soucis… ma mère… Je vous ai dit au téléphone que ma mère était malade… Et aussi les problèmes à l’usine… Ou parfois on mange en silence. Et puis je l’embrasse avant de partir au travail. Je lui dis : «À ce soir, Sayana. Passe une bonne journée». Et le soir, je la retrouve exactement à la même place, assise là.

Extrait
« Sabine, c’est moi, c’est maman. Je n’ai pas dormi de la nuit… c’était couru d’avance… On ne peut pas dormir dans ces conditions… Je suis épuisée… J’ai fini par appeler ta sœur à 5 h 15 du matin… Je m’en voulais de la réveiller, mais je n’avais pas le choix… j’étais angoissée, j’avais le cœur qui battait à cent cinquante à l’heure… Tu ne vas pas en croire tes oreilles : ta sœur était déjà levée! À 5 heures du matin! Elle a une audience très importante à 11 heures… elle était plongée dans son dossier… Elle reprenait tous les points, un par un, pour son client… Si un jour tu commets un crime… si tu étrangles Hans… prends ta sœur pour te défendre… Tu sortiras du tribunal innocente comme un bébé au sortir du ventre sa mère… Bref je lui explique que tu es sur le point de laisser tomber ton travail sur un coup de tête et que ça serait bien qu’elle prenne un moment pour te parler… J’avais un peu honte de l’embêter avec cette histoire… elle qui est tellement responsable et bosseuse… elle a d’autres chats à fouetter… et là je réalise qu’elle est déjà au courant… Non seulement elle sait que tu démissionnes, mais elle le sait depuis des mois… Mets-toi à ma place, Sabine! Je passe pour quel genre de mère? C’est tout à l’honneur de ta sœur… Fanny est une tombe. Quel que soit le secret qu’on lui confie, elle gardera la bouche cousue »

À propos de l’auteur
Née en 1980 à Lyon, Émilie de Turckheim publie à vingt-quatre ans Les Amants terrestres. Son expérience de visiteuse de prison lui inspire Les Pendus (2008) et Une sainte (2013). Elle reçoit le prix de la Vocation pour Chute libre (2009). Elle est modèle vivant pour des peintres et des sculpteurs, une expérience qu’elle relate dans La Femme à modeler, paru en 2012. En 2013, elle publie également deux albums pour la jeunesse Jules et César et Mamie Antoinette aux éditions Naïve. Elle reçoit le prix Roger Nimier pour La Disparition du nombril (2014). Suivra Popcorn Melody en 2015. L’enlèvement des Sabines est son neuvième roman. (Source : Éditions Héloïse d’Ormesson / Wikipédia)

Site Wikipédia de l’auteur

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Redites-moi des choses tendres

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En deux mots:
Le père, la mère, le garçon et la fille. Bref, la famille-type, bien sous tous rapports. Sauf que, à partir d’un courriel qui n’aurait jamais dû être envoyé, tout va partir à vau-l’eau. Un régal de comédie déjantée !

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Redites-moi des choses tendres
Soluto
Éditions du Rocher
Roman
504 p., 21,90 €
EAN : 9782268095158
Paru en septembre 2017

Où?
Le roman se déroule en France, principalement au Havre et en Haute-Normandie ainsi qu’à Berlin, sans oublier l’évocation des nombreux voyages de Barbara qui n’a «de cesse de vouloir élrgir son horizon».

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
C’est l’histoire d’un couple qui se sépare, d’une famille qui explose. Il y a un homme veule et une femme digne, des éperdus et des chairs à plaisir, des enfants manipulateurs. Il y a de l’amour, du sexe, de la violence, du désir, de la bêtise, du gâchis, des fuites, des trouilles bleues, du hasard taquin, des magasins de parfumerie, du skate-board, une poire de vitesse, des mensonges, un voyage, du chic et une boutique pour dame. Du tragique, des drôleries, de la fatalité.

Ce que j’en pense

Explosion jubilatoire

À bien y regarder, le mari volage et désabusé n’est pas le seul à avoir quelque chose à se reprocher. Son épouse et ses enfants ne sont pas en reste pour animer cette tragi-comédie qui va faire voler la famille en éclats.

Ce premier roman est sans aucun doute l’une des très belles surprises de la sélection des «68 premières fois». Ne soyez pas effrayé par les quelque 500 pages de ve volume, vous en redemanderez en le refermant tant les tribulations de cette famille en train d’exploser vont vous tenir en haleine.
Mais commençons par le commencement, première pièce de bravoure d’un livre qui va les accumuler. Eugène est seul et s’ennuie. Aussi décide-t-il de rédiger cette lettre de rupture qu’il rumine depuis bien longtemps. De dire à Barbara, son épouse enseignante partie à Berlin avec ses élèves, tout ce qu’il a sur le cœur. Et les griefs ne manquent pas: « Que nous reste-t-il de commun au bout de vingt ans de vie commune ? Rien ou presque. Nous échangeons vaguement sur Alice et Julien qui ont la délicatesse de ne pas trop nous contrarier. Nous évoquons en zigzag des factures à régler, la toiture qui fuit, le remplissage du réfrigérateur, les vacances qui se dupliquent implacablement à Saint-Brieuc, ta mère qui vieillit et mes promotions professionnelles qui n’arrivent jamais. Le quotidien nous a hachés menu. Nous nous confondons avec lui. Nous sommes devenus des tartines d’ennui. Notre union a perdu toute sa sève. »
Seulement voilà, au moment d’envoyer cette missive explosive il se dit que sa situation a aussi quelques avantages et que, partagé entre son travail chez LiberTel&Net et ses maîtresses Francine et Wendy, il aurait tort d’ajouter ainsi un nouveau stress à cette existence à laquelle il s’est somme toute habitué. Mauvaise manipulation ou acte manqué ? Quoiqu’il en soit, le message se retrouve dans la boîte des courriers envoyés!
Sauf que le destin, qui ne manque pas de malice, vient au secours du mari trop prompt: Barbara s’est fait voler son portable et n’a pas accès à sa boîte mail. Ouf!
Cependant Soluto est un as du rebondissement, un orfèvre du coup tordu. Quand un mail a été envoyé, il est quasiment impossible de le supprimer et il y a bien des façons d’accéder à sa messagerie. Eugène a beau s’escrimer sur le PC de son épouse, sa défaite s’annonce inéluctable.
Me voici à peine au début des aventures de cette famille qui va voler en éclats et je n’ai encore rien dit des autres membres. Pourtant, ils méritent tous le détour, car sous un vernis des plus respectables, ils ont tous leur part d’ombre.
Barbara, femme bafouée et insultée a aussi trompé son mari. Si à Berlin, elle repousse les assauts de son collègue Rémi, amoureux transi, elle ne restera pas pour autant une oie blanche, vidéo à l’appui.
Sa fille Alice a beau avoir de bons résultats scolaires et viser une classe d’hypokhâgne à Paris, elle cherche avant tout à fuir Le Havre et l’institution religieuse où sa mère enseigne pour goûter aux fruits défendus.
Son frère Julien n’a pour sa part pas attendu pour braver les interdits. On dira que la puberté n’y est pas étrangère.
Mais n’en disons pas plus de peur d’en dire trop et laissons à l’auteur – un démiurge – le soin de nous révéler comment il a imaginé cette formidable machine romanesque, en laissant les circonstances, le sort, le hasard, la poisse ou les dieux s’acharner sur les personnages avant de se retirer sur des ruines magnifiques : « Que tourne la boule! La Destinée est sans mémoire. La culpabilité ne l’entrave pas. Elle continue en toute impunité de rafñner ses tours afin de distraire les hommes. Cette scélérate agite les consciences, empoisonne les braves gens, lustre les puissants. Elle ne se lasse jamais d’envoyer des mails par erreur, de titiller les sexes assoupis, de mettre les cœurs en terrines. Elle tue les hommes sans souci de justice, se plaît à battre et droguer les enfants. La perfide sécrète ses névroses, attise les haines… » Et nous, on se régale!

68 premières fois
Blog Accroche Livres
Blog Mémo Émoi
Blog Zazy 

Les autres critiques:
Babelio
La Cause littéraire (Philipe Chauché)
Blog Encres vagabondes (Sylvie Lansade)


Soluto nous présente son premier roman Redites-moi des choses tendres © Production éditions du Rocher

Les premières pages du livre
« Mail d’Eugène à Barbara.
Objet : Quittons-nous enfin…
Mon tendre amour,
Lequel de nous deux est le plus fatigué? À nous voir ainsi installés dans notre vie, meurtris comme de vieilles poires tapées dans un panier, je me demande qui a fini par gâter l’autre. Côte à côte, face à face parfois, je ne te vois plus, tu ne me regardes pas, on ne s’inspire plus rien, ni désir, ni joie, ni peine, ni colère.
Nous sommes devenus tristes et ternes, fades et plats, routiniers, seuls et idiots, sans élan, pathétiques en un mot…. Comme je voudrais pouvoir te haïr.
Quittons-nous enfin.
Ce soir, Barbara, je prends le taureau par les cornes. Je profite, peut-être un peu lâchement, de ton éloignement, de ce voyage scolaire à Berlin, pour tenter de t’expliquer qu’il n’y a plus rien à attendre de nous. Je suis las. Las de toi, de ta voix qui grésille ou qui grince, de ta silhouette asséchée qui me frôle sans plus jamais me toucher, de tes craintes et de tes recommandations stupides. Le peu qu’il te reste à me raconter ne m’arrête plus, ne m’intéresse pas. Je subis ta parole, toujours la même, blanche et banale.
L’as-tu compris ? Nous n’avons plus rien à nous dire. Quand tu me parles trop longtemps, tu me désoles. Un sentiment d’impatience me saisit. Je ne parviens pas à trouver le moindre intérêt à tes sempiternelles platitudes. Si tu savais comme tes histoires d’élèves irrespectueux, de collègues en dépression, de syndicats amorphes m’ennuient ! Je préfère quand tu te tais, que tu t’absorbes en silence dans tes pensées, que tu corriges loin de moi tes copies insipides. J’aime encore plus quand tu brasses et coules jusqu’à plus soif dans ton bassin des Docks. Je n’aspire qu’à t’oublier. Dès que je ne te vois plus mon existence s’allège. Je me sens délesté. Parfois je voudrais que tu n’existes pas.
Oui, quittons-nous pour de bon. Afin que tu ne renaisses pas sans cesse à ma conscience, je tranche, par ce courrier fielleux, le lien effiloché qui nous emberlificote bien plus qu’il ne nous attache. N’y vois pas l’exaspération d’un moment. Tu sais, ce mail, je te l’écris mentalement depuis des mois, peut-être même depuis des années. »

Extrait
« Las et faible, il se mit à penser à sa maîtresse, à Wendy. Elle, au moins, serait contente de cette franche rupture si courageuse – il ne lui raconterait pas ses atermoiements le doigt hagard au-dessus de la souris. Depuis le temps qu’elle le taquinait pour qu’il quitte sa femme. Sans doute, tout à sa joie, le consolerait-elle. Il lui dirait qu’il avait trouvé la force de rompre dans ses beaux yeux, elle mordrait au bobard, il la prendrait debout dans l’arrière-boutique ! Oui, pour contrebalancer sa tension extrême, il avait envie de ça, tout de suite, ou d’un grand whisky, ou même des deux… »

À propos de l’auteur
Soluto vit au Havre. Redites-moi des choses tendres est son premier roman.
Il a publié un recueil de nouvelles au Dilettante en 2013, Glaces sans tain. (Source : Éditions du Rocher)

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La zone des murmures

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En deux mots:
Deux collègues de travail décident de quitter leur agence Web pour un week-end dans le Sud de la France. Là-bas, il seront confrontés à une contrée hostile et à leurs traumatismes familiaux. À moins que leur imagination ne leur joue des tours…

Ma note:
★★★ (bien aimé)

La zone des murmures
Nathacha Nisic
Éditions TohuBohu
Roman
296 p., 20 €
EAN : 9782376220220
Paru en août 2017

Où?
Le roman se déroule en France, à Paris ainsi que dans le Sud de la France, notamment dans le hameau du Poil, après un voyage passant par Aix-en-Provence.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Signalement : Femme de type européen, âgée de 42 ans au moment de sa disparition, 1,69 m, 53 kg, corpulence fine, yeux gris-verts, cheveux bruns et longs.
Dans La zone des murmures, roman labyrinthe, une femme disparaît en haute montagne.
Le temps d’un week-end, Lise et Frankie, s’aventurent dans une zone escarpée, sans réseau ni hôtel de charme, afin de faire le point, par la même occasion affronter leurs démons. Avec cette question éternelle: qu’est-ce qui est réel ?
« On aura beau fabriquer des drones silencieux capables d’imiter le vol de la chouette et de se déplacer dans le noir entre les branches, il reste difficile de trouver une fin dans la nuit. Même si c’est dans le noir que j’entends le mieux ta voix, que tes mots s’éclaircissent et qu’il me semble enfin te comprendre. Je rêve encore de paysages vallonnés, de cimes, d’appels d’air, de ciel sans fin à bord d’un ULM… Je rêve de dragons volants et d’oiseaux aux grandes ailes plates qui me transporteraient jusqu’à toi. Je rêve d’arcs-en-ciel dessinés à la craie, d’orages noirs et de déserts de pierre… d’un piano muet et de vampires rassasiés sous la pluie… de ta mort sous forme de légende. Le jour revient, et le doute avec. »

Ce que j’en pense
Natacha Nisic nous propose un étonnant voyage dans La zone des murmures. Le genre d’épopée riche en surprises et qui, vers la fin du livre, risque de vous étonner bien au-delà des péripéties que vous avez déjà partagé avec Frankie et Lise. Vous voilà par conséquent condamnés à ne pas lâcher le livre jusqu’à cet épilogue pour en goûter tout le sel. À moins que vous ne soyez un lecture très attentif, soucieux de compter les petits cailloux qui sèment la route et forment autant d’indices.
Et comme je suis bon joueur, je vous indique que le premier de ces indices arrive avant même que les deux collègues ne décident de passer un weekend dans le Sud de la France, histoire de se changer les idées. Car leur quotidien se passe dans des bureaux, figés derrière l’écran de leur ordinateur. Leur mission est de développer un logiciel qui rassemblera un maximum de données sur les internautes afin de leur proposer de continuer à vivre virtuellement après leur mort.
« – Nous partons du présent pour aller le plus loin possible dans le passé. Et pas l’inverse. Nous fouillons la mémoire des gens et nous la stockons jusque dans leur tombe… Je cherche à recruter quelqu’un dans ce sens: préparer l’avenir. Qu’en pensez-vous ?
– Les gens sont prêts à tout pour ne pas oublier.
Cette phrase, je l’avais préparée; j’en étais même un peu fier. Mais le boss m’a repris, revêche.
– L’essentiel, c’est qu’ils soient prêts à payer. Raquer pour leurs souvenirs en prévision d’obsèques multimédias, vous comprenez?
– Oui.
– Bon, ça c’est facile… Mais le top, oui, vous m’entendez bien, ne croyez pas que je cherche à vous la faire à l’envers, oui le top c’est que les morts continuent à vivre et qu’on puisse les voir vieillir encore et encore; c’est pourquoi ces données sont précieuses et c’est grâce à cet historique que nous allons créer ensemble la mémoire du futur. En inversant le passé…
Animer les visages, les vieillir éventuellement, tout comme les corps, à l’aide d’un logiciel révolutionnaire et d’outils perfectionnés incluant la voix de synthèse. Arrêtez-moi si ce n’est pas clair… »
On comprend dès lors le besoin que l’on peut ressentir de s’aérer la tête. Et même si Lise n’est pas la petite amie de Frankie, elle accepte de l’accompagner dans son expédition. Mais au lieu du farniente qu’elle avait imaginé, c’est à une vraie épreuve qu’elle va se trouver confrontée. Leur voiture de location disparaît, le hameau qu’ils essaient d’atteindre n’est plus qu’une ruine, sans habitants – ou presque – sans électricité, sans moyens de communication. Une zone blanche.
Une situation de crise, on le sait, est propice à révéler les personnalités, à exacerber les sentiments ou encore à pousser à davantage de confidences et, dans le meilleur des cas, à plus de solidarité. Frankie va ainsi révéler qu’il a mis ses talents d’informaticien au service d’un programme permettant de reconstituer une voix, histoire de retrouver le message de sa mère, disparue après une course en montagne. Le choix du hameau de Poil n’est pas non plus fortuit.
Au fur et à mesure que se déroule l’écheveau, le lecteur va en apprendre davantage. L’expérience de survie en milieu hostile cristallisant les espoirs et les peurs.
Avec un joli sens de la construction, Natacha Nisic confronte l’angoisse des deux randonneurs à celle que l’on peut éprouver face aux dérives de la technologie :
« à l’ère de l’enquête en ligne, des serial hackers et d’avatars criminels aux profils multiples, de la traque numérique via la géolocalisation, le digital et les réseaux sociaux. Les cookies ne se mangent plus; ils nous surveillent. »
Virtuel, réel : difficile de dire qui aura le dernier mot. Et c’est tant mieux pour le lecteur!

Les critiques
Babelio
Blog Au bonheur de lire 
Blog Voix de plumes
Blog Au chapitre


Natacha Nisic présente La zone des murmures © Editions TohuBohu

Les premières pages du livre
« Nous sommes partis, cheveux au vent et la fleur au fusil, laissant derrière nous, à Paris, tous nos objets connectés. J’ai juste emporté un appareil photo numérique, qui ne sert qu’à prendre des photos et à rien d’autre, et qui se recharge avec une batterie, à l’électricité ; je l’ai trouvé chez Frankie.
Dépourvue de tout autre appareil électronique et en particulier de téléphone, je me sentais bizarrement vulnérable. Davantage concentrée sur ce que je faisais, attentive à chacune de mes actions ainsi qu’aux directions à prendre, je répétais chaque geste, regardais autour de moi comme si j’étais sous surveillance. N’ayant plus droit à l’erreur ni à la distraction, je reprenais en quelque sorte possession de mon corps devenu par les circonstances autonome. Retrouver Frankie à la gare m’a rassurée. Je pouvais enfin me laisser aller, déployer mes pensées… Je lui ai renvoyé son sourire avec joie.
On a pris le train lent jusqu’à Aix-en-Provence, loué une voiture basique, la moins chère ; un modèle économique à essence, peinture blanche, qui nous attendait à l’emplacement G21250. Nous avons dû marcher dans un parking ouvert, au soleil.
– Le seul problème, a dit Frankie en fixant l’horizon où se découpaient les montagnes, ce sera de trouver une station pour faire le plein. »

Extrait
« Une voix s’éleva dans la pièce, couvrant les murs fissurés d’une tendre mélancolie: « Bonjour mon chéri, c’est maman. J’espère que tu vas bien… Bon, juste pour te dire que je suis partie quelques jours en haute montagne. J’adore cet endroit, c’est magique… Le ciel est très pur ici. Je t’embrasse fort. »
Lise me regardait sans comprendre. je me lançai dans une explication en douceur:
– C’est le dernier message que j’ai eu de ma mère. Elle était institutrice lorsqu’on habitait au Poil. Elle a disparu du jour au lendemain sans plus jamais donner de nouvelles. J’avais effacé son message de mon téléphone mais, avec le temps, je m’en suis souvenu, mot pour mot. Grâce aux logiciels de l’agence, j’ai réussi à reproduire sa voix et à reconstituer son message.
J’insistai sur le mot pour mot. Inquiète, Lise se mit à frissonner. Je poursuivis en contemplant ses ongles peints en jaune:
– Excuse-moi, ce n’est pas le bon moment pour te raconter tout ça, mais tu me demandais ce que je faisais dans cette boîte…
Lise ne réagit pas; elle devait être encore sous le choc de la tempête qui avait éclaté au bureau en fin d’après-midi. »

À propos de l’auteur
Natacha Nisic vit à Paris. Lors de ses études de Littérature Générale et Comparée, elle rédige un mémoire de maîtrise sur le thème du surhomme (chez Nietzsche, Fante et Dali). Elle traduit le roman d’un auteur serbe, Rastko Petrovic, pour les éditions L’Âge d’Homme. Le premier roman de Natacha Nisic, intitulé La tentation de Lazar, mettant en scène un anti-héros, paraît chez le même éditeur en 1998.
Suivront Le tatouage d’Eléonore, un texte plus onirique au Castor Astral ; Incendie et Une vague odeur de tabac froid chez Calmann-Lévy. Elle quitte la toile pour retourner au papier avec La zone des murmures, son cinquième roman publié aux éditions TohuBohu. (Source : http://www.natachanisic.com/)

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Marcher droit, tourner en rond

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Marcher droit, tourner en rond
Emmanuel Venet
Éditions Verdier
Roman
128 p., 13 €
EAN : 9782864328780
Paru en août 2016

Où?
Le roman se déroule principalement en France, dans les petites communes de Sainte-Foy-Laval, Saint-Léger-de-Vaux, Saint-Amand-les-Aix, ainsi qu’à Hyères, Le Lavandou et Giens. À l’étranger, Nyon, Mykonos ainsi que Luanda, Anvers ou Dubaï sont évoqués.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Atteint du syndrome d’Asperger, l’homme qui se livre ici aime la vérité, la transparence, le scrabble, la logique, les catastrophes aériennes et Sophie Sylvestre, une camarade de lycée jamais revue depuis trente ans. Farouche ennemi des compromis dont s’accommode la socialité ordinaire, il souffre, aux funérailles de sa grand-mère, d’entendre l’officiante exagérer les vertus de la défunte. Parallèlement, il rêve de vivre avec Sophie Sylvestre un amour sans nuages ni faux-semblants, et d’écrire un Traité de criminologie domestique.
Par chance, il aime aussi la solitude.

Ce que j’en pense
***
Quoi de mieux, au moment des bonnes résolutions, que de se plonger dans un roman qui a pour thème principal les arrangements que nous ne cessons de faire avec la vérité, les promesses vite oubliées, les compromis qui nous font occulter quelques faits pour n’en retenir que le côté qui nous sert.
L’auteur, qui exerce la profession de psychiatre, a choisi pour illustrer son propos un «héros» atteint du syndrome d’Asperger. Cette forme d’autisme, sans déficience intellectuelle ni retard de langage, se caractérise par des difficultés dans le domaine des relations et des interactions sociales : se faire des amis, comprendre les règles tacites de conduite sociale et les conventions sociales, attribuer à autrui des pensées ou se représenter un état émotionnel.
En revanche, l’Association Autisme France nous apprend également que «les patients atteints du syndrome d’Asperger sont étonnants de par leur culture générale et leur intérêt dans un domaine spécifique dans lequel ils excellent.»
Le narrateur va nous confirmer ce diagnostic tout au long du roman, y ajoutant une définition d’un spécialiste suisse, le professeur Urs Weiss « qui définit le syndrome d’Asperger comme un variant humain non pathologique voire avantageux, puisqu’il garantit, au prix d’une asociognosie parfois invalidante, une rectitude morale plutôt bienvenue dans notre époque de voyous. »
Voici pour le côté théorique, en espérant ne pas vous avoir perdu jusque-là, amis lecteurs, parce que le côté pratique nous offre quelques pages délicieusement jubilatoires sur la mauvaise foi, les secrets de famille plus ou moins bien gardés et l’hypocrisie qui règne en maître dans certaines circonstances.
Il s’agit en l’occurrence d’une cérémonie de funérailles qui déstabilise au plus haut point le narrateur : « Je ne comprendrai jamais pourquoi, lors des cérémonies de funérailles, on essaie de nous faire croire qu’il y a une vie après la mort et que le défunt n’avait, de son vivant, que des qualités. Si un dieu de miséricorde existait, on se demande bien au nom de quel caprice il nous ferait patienter plusieurs décennies dans cette vallée de larmes avant de nous octroyer la vie éternelle; et si les humains se conduisaient aussi vertueusement qu’on le dit après coup, l’humanité ne connaîtrait ni les guerres ni les injustices qui déchirent les âmes sensibles. »
Tout en approuvant cette logique imparable, on va bien vite se rendre compte que l’enfer est effectivement pavé de – telles – bonnes intentions. Faut-il dire que le cousin Henri est le fruit d’un viol, qu’Octave a été tué sur le chemin des dames par un tir venu de son camp, que le grand-mère Marguerite (que l’on enterre) a noué une relation extraconjugale avec un riche voisin et que la tante Lorraine en serait le fruit défendu ? Parmi les petits arrangements avec la réalité que cette dernière nous offre, on peut rajouter les régimes amaigrissants ou les cures thermales aussi sensationnels que sans résultats qu’elle suit année après année. On citera encore les positions politiques diamétralement opposées des cousines Marie et Christelle qui n’ont aucun scrupule à agir en opposition avec leur discours.
On se régale de ce petit jeu de massacre, agrémenté par les deux passions de notre homme, à savoir le jeu de scrabble et les catastrophes aériennes.
Et s’il vous fallait un argument supplémentaire pour vous plonger dans ce livre, terminons avec une histoire d’amour. Sophie Sylvestre, croisée sur les bancs de l’école, pourrait en effet devenir la plus heureuse des femmes, car un mari atteint du syndrome d’Asperger lui offrira un «gage de franchise, de réserve et de probité amoureuse.»
Mais je vous laisse découvrir par vous-même comment cette possible idylle va se développer…

Autres critiques
Babelio 
BibliObs (Jacques Drillon)
L’Express (Delphine Peras)
Atlantico.fr (Marine Baron)
La Montagne (Muriel Mingau)
L’Alsace (Jacques Lindecker)
Toute la culture (Jérôme Avenas)
Blog Le littéraire.com
Les mauvaises fréquentations, le blog de Thierry Savatier
Blog Les livres de Joëlle 
Le blog Charybde 27 
Blog Clara et les mots 

Les premières pages du livre (pdf)

Extrait
« Ma tante Lorraine, encore elle, a obtenu de lire un poème de son cru dont l’indigence le dispute à l’insincérité: « Maman joyeuse, maman rieuse, maman gracieuse, maman rêveuse, maman chaleureuse, maman travailleuse, maman berceuse, maman fabuleuse, maman facétieuse, maman lumineuse, maman tricoteuse, maman audacieuse, maman généreuse, maman fougueuse mais
surtout maman heureuse. » Certes, ma grand-mère Marguerite entretenait sa maison et aimait tricoter, mais pour le reste le portrait prend beaucoup de libertés avec le modèle. Quitte à retenir cette forme littéraire simplette, à la place de ma tante Lorraine j’aurais personnellement écrit « Maman menteuse, maman grincheuse, maman teigneuse, maman coureuse, maman oublieuse, maman rabâcheuse, maman truqueuse, maman râleuse, maman boudeuse, maman sermonneuse, maman cauteleuse, maman querelleuse, maman chicaneuse, maman rancuneuse, et surtout maman malheureuse ».. (p. 12-13)

A propos de l’auteur
Emmanuel Venet est psychiatre, il vit à Lyon où il est né en 1959. (Source : Éditions Verdier)

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