Cet autre amour

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En deux mots:
La psychanalyse illustrée. Séance après séance, une l’analyse est détaillée, du trouble né avec le transfert à l’incompréhension des proches. Un «roman» devenu nécessaire pour l’auteur et éclairant pour le lecteur.

Ma note:
★★★ (beaucoup aimé)

Cet autre amour
Dominique Dyens
Éditions Robert Laffont
Roman
234 p., 18 €
EAN : 9782221197453
Paru en août 2017

Où?
Le roman se déroule en France, principalement à Paris. Un voyage en Suisse, à Morges est également évoqué.

Quand?
L’action se situe de nos jours, de 2013 à 2016.

Ce qu’en dit l’éditeur
Tu crois que c’est normal d’être amoureuse de son psy ?
« L’histoire que je m’apprête à raconter est une histoire d’amour. Une vraie, une incroyable histoire d’amour, qui m’a saisie par surprise et à laquelle il m’a été impossible de résister. Pendant deux longues années, peut-être davantage, j’ai mené une double vie. Je parlerais plutôt d’une vie double, c’est-à-dire fragmentée, divisée entre une vie conjugale heureuse, ouverte au regard des autres, et une vie intime, secrète, qui a puisé son inspiration dans les profondeurs de mon inconscient. »
Quel est ce lien d’«amour» unique qui unit un(e) patient(e) à son (sa) psychanalyste? C’est donc ça, le transfert? Telle est la question que tente de cerner la narratrice de Cet autre amour lorsque, amenée à entreprendre une thérapie à la suite d’un choc émotionnel violent, elle tombe amoureuse de son analyste. Ce récit à la fois pudique et cru d’un amour hors du commun rend un vibrant hommage à la fascinante aventure affective et intellectuelle qu’est la psychanalyse.

Ce que j’en pense
« L’histoire que je m’apprête à raconter est une histoire d’amour. Une vraie, une incroyable histoire d’amour, qui m’a saisie par surprise et à laquelle il m’a été impossible de résister. Pendant deux longues années, peut-être davantage, j’ai mené une double vie. Non pas dans le sens où on l’entend généralement, car je n’ai pas eu d’amant. Je parlerais plutôt d’une vie double, c’est-à-dire fragmentée, divisée entre une vie conjugale heureuse, ouverte au regard des autres, et une vie intime, secrète, qui a puisé son inspiration dans les profondeurs de mon inconscient.
Tout a commencé avec la fausse mort de M. Sans elle, sans cet événement qui m’a proprement désagrégée, rien ne serait jamais arrivé. Nous sommes le 8 février 2013. C’est le milieu de la matinée. À cette heure notre petit immeuble parisien a retrouvé son calme, l’appartement est silencieux, notre fille cadette est au lycée, les deux aînés n’habitent plus la maison. » Dès les premières lignes, tout est dit, ou presque. Si ce nouveau livre de Dominique Dyens se revendique comme un roman, il s’agit d’abord d’une confession, d’un témoignage d’autant plus fort qu’il s’est quasiment imposé. Car, comme l’explique la narratrice, Cet autre amour a phagocyté tout autre projet littéraire. Il n’était alors plus possible de poursuivre l’écriture d’un roman déjà commencé, no même de se lancer dans un nouveau projet tant ses séances lui «prenaient la tête».
Tout avait pourtant commencé sans à priori, simplement dans l’idée que la consultation d’un psychanalyste pourrait la soulager après le choc subi suite à la découverte de son mari inanimé dans l’appartement et la prise de conscience qu’il était passé près de la mort. Une issue «impensable». Voici donc la narratrice au seuil d’une aventure inédite: «C’est étrange, cette impression de me retrouver dans une situation presque analogue à celle d’une consultation médicale, sans toutefois parler d’autre chose que des douleurs de l’âme. Je lève les yeux vers l’homme assis en face de moi. Je ne décèle sur son visage aucune trace d’ennui ni d’ironie. Il m’écoute au contraire avec attention. Et sa sollicitude me touche. » Voilà comment ce fameux transfert se met en place. Le praticien instaure une relation de confiance, la patient commence à se laisser aller. Très vite, les confidences affleurent, y compris celles qu’on avait promis de ne pas dire. En l’occurrence, ne pas dire qu’on est écrivain. Une mission impossible, tant la création littéraire est indissociable de son existence, de son quotidien et vient brouiller l’analyse en cours.
« À force d’inventer des vies, je ne suis plus capable de penser la mienne. Je peux m’immiscer dans la tête de mes personnages, les faire parler, pleurer, rire, mais dès qu’il s’agit de moi, j’éprouve une sensation de vide. J’ai effectivement l’impression de ne plus savoir ordonner et structurer mes pensées, encore moins les formuler.
La solution va finir par s’imposer d’elle-même, évidente. Il faut traiter ces séances comme le ferait un écrivain. Il fait prendre des notes, dresser der compte-rendus des séances, essayer de comprendre ce qui a été dit – et ce qui n’a pas été dit – et les raisons de ce choix. Une analyse de l’analyse en quelque sorte. Exercice salutaire, mais aussi terreau très fertile du livre qui prend ainsi forme.
« C’est dans ce café, sur les notes de mon iPhone, que je consigne mes séances. L’écriture me sert d’exutoire et m’aide à classer et clarifier mes pensées. Et ce n’est qu’une fois la séance couchée sur le papier et mes émotions calmées que je peux m’en aller, avec l’impression d’avoir laissé sur la banquette un autre de ces anciens vêtements dont le poids m’encombrait. Que la séance ait été douloureuse ou joyeuse, que j’en ressorte frustrée ou au contraire emplie de satisfaction, entre le moment où je descends les escaliers du cabinet de mon psychanalyste et celui où je pénètre dans ce café, je ne suis liée à personne, ni affectivement ni socialement, mais ne suis définie que par mon vécu et mes émotions. Et cela aussi est une nouvelle plage de liberté intemporelle que je découvre et savoure. »
Reste que ces rendez-vous permanents chez le psychanalyste commencent à intriguer. Aux interrogations de la fille viennent s’ajouter les méfiances, voire la jalousie du mari. Cet «M» qui a tout déclenché et qui ne sera pas davantage nommé tout au long du livre. Pourtant le lecteur attentif le retrouvera dans les remerciements et comprendra combien le récit qu’il vient de lire est autobiographique, bien davantage que pour toute l’œuvre de Dominique Dyens et quand bien même elle se rendra compte que La femme éclaboussée contient beaucoup plus d’elle qu’elle ne se l’était imaginée. De découvertes en surprises, comme ce traumatisme durant l’adolescence, voici la narratrice en train de se (re)découvrir, en train de se (re)construire et en train de tomber à nouveau amoureuse. C’est bien entendu là le point central du livre que le titre résume clairement. Et qui sera lui aussi résolu par la littérature, par les «Fictions de la psychanalyse» et notamment par la lecture de Stefan Zweig, suivi de celle de sa correspondance avec Freud. Le tout s’achevant en apothéose lors d’un salon du livre, celui qui se déroule au bord du lac Léman, à Morges.
Si le livre est aujourd’hui bouclé et nous offre une plongée saisissante dans un cabinet de psychanalyse, l’auteur reste très discrète sur la suite des événements. Mais qu’importe, on comprend que désormais elle est prête à reprendre la plume et à poursuivre sa belle carrière.

NB. Pour les Suisses et ceux qui feront le déplacement sur les bords du Léman, Dominique Dyens sera (forcément) présente au livre sur les quais du 1er au 3 septembre à Morges.
Pour les Parisiens, signalons que Dominique Dyens présentera son livre à la Librairie Gallimard, 15 Boulevard Raspail, 75007 Paris le mardi 5 septembre à partir de 18h30.

Autres critiques
Babelio
Le littéraire (Jean-Paul Gavard-Perret)
Pluton magazine (avec entretien)
Blog A book is always a good idea
Blog Lis-moi si tu veux 
Blog Au pouvoir des mots


Dominique Dyens présente «Cet autre amour» © Production Librairie Mollat

Les premières pages du livre

Extrait
« Je rédige effectivement des sortes de comptes rendus de mes séances depuis que j’ai commencé ce travail, mais je m’autocensure et ne transcris jamais quoi que ce soit de mes sentiments. Est-ce ce jour-là que vous me suggérez de faire quelque chose de mes séances, de les écrire, de les transformer ? Je ne sais plus mais vous me parlez de dialogue, me dites de réfléchir à la forme, au nombre de personnages. Je vous fais remarquer qu’il n’y a jamais rien d’autobiographique dans mes romans. Cela vous fait sourire. Vous n’en croyez pas un mot. Je vous écoute poliment, persuadée du contraire. L’avenir vous donnera raison, quand, au détour de plusieurs séances et d’interprétation de rêves, je réaliserai que j’ai distillé quelque chose de ma vie dans mon premier roman, La Femme éclaboussée. Mais je n’en suis pas encore là. Pour l’heure, je me dis juste que vous ne savez pas que jamais je n’écrirai de livre aussi intime et cela me désole un peu. Cependant j’aime bien que vous me parliez d’écriture. Et si je n’écarte pas complètement la possibilité de commettre un jour un roman autobiographique, je suis bien loin d’imaginer alors que celui-ci pourrait revêtir la forme d’un récit sur le transfert amoureux. »

À propos de l’auteur
Écrivain, Dominique Dyens est notamment l’auteure de huit romans, parmi lesquels La Femme éclaboussée (Héloïse d’Ormesson 2000), Intuitions (Héloïse d’Ormesson 2011), Délit de fuite (Héloïse d’Ormesson 2008), Lundi noir (Héloïse d’Ormesson 2013) et Cet autre amour (Robert Laffont, 2017). (Source: Éditions Robert Laffont)

Site Wikipédia de l’auteur 
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Focus Littérature

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  RLN2017   Livre_sur_les_quais_2017

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L’été en poche (57)

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Quand le diable sortit de la salle de bain

En 2 mots
Journaliste, écrivain et chômeuse : les malheurs de Sophie la Lyonnaise ne sont pas près de se terminer, malgré la famille, un ami, une éditrice et… le diable !

Ma note
etoileetoileetoile (beaucoup aimé)

Si vous voulez en savoir plus…
Ma chronique complète publiée lors de la parution du roman en grand format

Les premières lignes

L’avis de… Estelle Lenartowicz (Lire)
« Traitant du thème de la précarité comme un stimulus au récit, une matière à travailler dans la forme comme dans le style, l’auteure s’amuse avec l’écriture et livre un roman drolatique. […] Parce qu’elle est novatrice ambitieuse et généreuse, son œuvre est à découvrir sans condition. »

Vidéo


Sophie Divry présente «Quand le diable sortit de la salle de bain» © Production librairie Mollat

Ronce-Rose

CHEVILLARD_Ronce-Rose

En deux mots
Le monde vu par Ronce-Rose ne manque pas d’originalité. La petite fille est pourtant entourée de truands, d’une sorcière et du d’un unijambiste. Mais par naïveté ou par espièglerie, elle va choisir d’affronter les problèmes avec optimisme. Joyeux, inventif, irrésistible !

Ma note
etoileetoileetoile (beaucoup aimé)

Ronce-Rose
Éric Chevillard
Éditions de Minuit
Roman
144 p., 13,80 €
EAN : 9782707343161
Paru en janvier 2017

Où?
Le roman se déroule en france, dans un endroit qui n’est pas cité.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Si Ronce-Rose prend soin de cadenasser son carnet secret, ce n’est évidemment pas pour étaler au dos tout ce qu’il contient. D’après ce que nous croyons savoir, elle y raconte sa vie heureuse avec Mâchefer jusqu’au jour où, suite à des circonstances impliquant un voisin unijambiste, une sorcière, quatre mésanges et un poisson d’or, ce récit devient le journal d’une quête éperdue.

Ce que j’en pense
Le 39e livre d’Éric Chevillard est dans les librairies et nous offre à nouveau de plonger dans cette littérature du rien qui est aussi celle du tout, celle où le langage prévaut sur l’histoire, celle où la recherche du mot juste peut dynamiter le récit.
Après les les réflexions post-mortem d’Albert Moindre, spécialiste des ponts transbordeurs dans Juste Ciel, voici celles d’une petite fille baptisée Ronce-Rose. Si l’auteur n’a pas dû aller chercher très loin l’inspiration pour son héroïne, étant lui-même père de deux filles de six et huit ans, il a en revanche construit un scénario entre le roman d’initiation, le polar et le conte philosophique. Belle gageure relevée haut la main, notamment par le choix de laisser la parole à Ronce-Rose et à son journal intime. Car ainsi les trouvailles littéraires, la vision naïve – ou poétique – des choses peuvent éclore en toute liberté. C’est ce qu’il a expliqué à François Caviglioli dans l’Obs, dévoilant par la même occasion son projet: « Beaucoup de gens ne disent rien d’intéressant après huit ans, dit Chevillard. Ils ont eu ce génie, ces trouvailles un peu maladroites, mais l’ont oublié avec la maîtrise. L’écrivain est celui qui ne s’arrête pas à la panoplie des mots suffisants pour traverser la vie tranquillement. Il amène une contre-proposition. Je ne vois pas l’intérêt d’écrire un livre pour répéter ce que tout le monde dit déjà. »
Voici donc ce monde de Ronce-Rose – piquant comme la ronce, beau comme la rose – qui est à la fois le nôtre et, à travers le regard de la petite fille, une sorte de royaume de tous les possibles. À l’exemple de la profession de Mâchefer et de son ami Bruce, qu’elle détaille ainsi : « Quand Bruce vient dîner, ensuite habituellement ils partent sur un coup avec Mâchefer, c’est leur métier. Ils travaillent avec les banques, les bijouteries, les stations-service. Ne me demandez pas exactement ce qu’ils font, mais ils sont responsables d’un large secteur et ils couvrent une large zone géographique, si bien qu’ils restent parfois absents deux ou trois jours. Ils partent avec leur voiture de fonction qui change tout le temps et je ferme à clé derrière eux. Je ne dois ouvrir à personne. Le monde est plein de brutes, dit Bruce. J’ai des provisions. De quoi tenir une semaine, mais il ne leur est jamais arrivé de partir si longtemps et il reste toujours plein de charcuterie quand ils rentrent. Tout est bon dans le cochon, c’est la seule parole d’évangile que j’aie jamais entendue sortir de la bouche de Bruce et elle y entre plus volontiers mais au moins il vit en accord avec sa foi. Il le dévore entier et il ne laisse pas d’orphelins. »
Très libre et beaucoup plus fûtée qu’on peut le croire de prime abord, Ronce-Rose est une autodidacte curieuse qui se destine à une prefession qu’elle a elle-même inventée: Ornithologue étymologiste.
C’est qu’elle aime beaucoup les expressions et les mésanges: « Toutes les expressions que je connais, c’est Mâchefer qui me les a apprises. Les autres choses aussi, parce que nous avons jugé préférable que je n’aille pas à l’école, voyez-vous. Mâchefer trouve que ce n’est pas un endroit pour les enfants. »
Avec une telle éducation, le lecteurs va se retrouver confronté à quelques mystères qui ne vont toutefois pas l’empêcher de comprendre qu’une sortie nocturne a mal tourné. Ronce-Rose découvre dans la vitrine d’un vendeur d’électro-ménager un sosie de Mâchefer sur tous les écrans de télévision avec ce titre «fin de cavale sanglante».
Dès lors quel sort est réservé à la petite fille ? Sa voisine, Scorbella la sorcière, va bien tenter de se transformer en bonne fée, mais cela ne suffira pas à ramener Mâchefer. Voilà donc notre héroïne partant à la recherche de l’homme de sa vie et de ces réponses si difficiles à trouver.
« Les questions les plus intéressantes, on n’a pas le droit de les poser. Mâchefer dit que les réponses me blesseraient, que ‘en serais meurtrie comme une pêche dans un panier de coings et qu’il vaut mieux quelquefois ne rien savoir. Mais quand je tâte mon front, c’est dur, plus un coing qu’une pêche, mon pouce ne s’enfonce pas. Je l’ai dit à Mâchefer, que je préférais quand même connaître les réponses. Il m’a expliqué qu’il ne les avait pas toutes, que beaucoup de choses restaient mystérieuses. »
Lire Chevillard est à chaque fois s’offrir une belle récréation. Évadez-vous !

Autres critiques
Babelio
En attendant Nadeau (Maurice Mourier)
La Croix (Patrick Kéchichian)
Causeur.fr (Marie Céhère)
BibliObs (David Caviglioli)
Le Magazine littéraire (Pierre-Édouard Peillon)
Philosophie Magazine (Philippe Garnier)
La Vie (Anne Berthod)
Le Littéraire (Jean-Paul Gavard-Perret)
Le Temps (Isabelle Rüf)
Le Populaire du Centre (Muriel Mingau)
Page des libraires (Hugo Latreille)

Les premières pages du livre (.pdf)

Extrait
« Et donc, je vais raconter un peu comment ça se passe. D’abord, je me réveille. Avant, bien sûr, je m’étais couchée mais je préfère raconter ça à la fin, sinon à force de remonter en arrière dans le temps je tomberai en pleine paléontologie. On les rencontre parfois, ces hommes préhistoriques, ils sont accroupis entre des ficelles tendues, ils creusent dans la boue. Nos mœurs ont bien changé. Je me réveille et Mâchefer me demande de quoi j’ai rêvé. Il veut savoir si j’ai rêvé de lui, en fait, mais comme je ne m’en souviens jamais j’invente. Les rêves aussi sont inventés, alors ça paraît vrai. J’aime bien mettre un crocodile pour que ça paraisse même terriblement
vrai et ça fait plaisir à Mâchefer parce qu’il me sauve la vie à chaque fois. Je le roule dans la farine du moulin à paroles. En fait, j’en donne quand même un peu. »

A propos de l’auteur
Éric Chevillard est né à la Roche-sur-Yon (Vendée) en 1964. Il est l’auteur de plus de vingt romans. (Source : Editions de Minuit)

Site Wikipédia de l’auteur 
eric-chevillard.net (Site réalisé par Even Doulain consacré à l’œuvre d’Éric Chevillard)
Blog d’Éric Chevillard (L’autofictif)
Page Facebook administrée par deux lecteurs assidus d’Éric Chevillard, Dimitry et Clément (L’auteur n’y est pas affilié)

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Les furies

GROFF_Les_furies

En deux mots
C’est l’histoire de Lancelot et de Mathilde, racontée tour à tour par Lancelot, puis par Mathilde. Deux histoires d’un couple qui ne se ressemblent vraiment pas!

Ma note
etoileetoileetoileetoile(j’ai adoré)

Les furies
Lauren Groff
Éditions de l’Olivier
Roman
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Carine Chichereau
432 p., 23,50 €
EAN : 9782823609455
Paru en janvier 2017

Où?
Le roman se déroule aux Etats-Unis, notamment en Floride, à New York, dans le Maine, à Poughkeepsie et Albany, État de New York où se trouve le Vassar College, à Boston dans le Massachusetts, dans le New Jersey ou encore à San Francisco, en Californie. Une période se déroule également en France, notamment à Nantes et à La Chapelle-de-l’Estuaire, à Paris et en Bretagne. Enfin, des voyages à Montréal, à Osaka, en Suisse et en Thaïlande, ainsi qu’à Londres y sont aussi évoqués.

Quand?
L’action se situe de la fin des années 1960 à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
« Le mariage est un tissu de mensonges. Gentils, pour la plupart. D’omissions. Si tu devais exprimer ce que tu penses au quotidien de ton conjoint, tu réduirais tout en miettes. Elle n’a jamais menti. Elle s’est contentée de ne pas en parler. »
Ils se rencontrent à l’université. Ils se marient très vite. Nous sommes en 1991. À vingt-deux ans, Lotto et Mathilde
sont beaux, séduisants, follement amoureux, et semblent promis à un avenir radieux. Dix ans plus tard, Lotto est devenu
un dramaturge au succès planétaire, et Mathilde, dans l’ombre, l’a toujours soutenu. Le couple qu’ils forment est l’image-type d’un partenariat réussi.
Mais les histoires d’amour parfaites cachent souvent des secrets qu’il vaudrait mieux taire. Au terme de ce roman, la véritable raison d’être de ce couple sans accrocs réserve bien des surprises.

Ce que j’en pense
Si Les Furies est le troisième roman de Lauren Groff, c’est le premier que je lis de cette Américaine de 39 ans. Mais il donne furieusement envie de découvrir les autres. Car l’originalité de sa construction le dispute à la brillance du style.
Il nous plonge dans l’intimité d’un couple, celui que forment Lancelot, dit Lotto, et Mathilde Satterwhite, dont on découvrira plus tard qu’elle s’appelle en fait Aurélie et que sa mère était poissonnière sur les marchés à Nantes.
La première partie est vue du point de vue de Lancelot, la seconde avec les yeux de Mathilde. Ce qui nous donne deux versions totalement différentes et met tout à la fois le ressenti que l’on peut avoir d’un même événement et le mensonge sous toutes ses formes au cœur d’un livre que l’auteur souhaitait au départ publier en deux volumes, baptisés Destins et Furies.
Tout commence merveilleusement bien pour le jeune couple. C’est la période de la lune de miel, celle de tous les possibles. Lancelot connaît ses premiers succès de comédien. Il rêve de gloire, soutenu par Mathilde. Et même si sa riche famille ne semble pas voir son union d’un bon œil, il croit en sa chance. D’autant que jusqu’à présent tout lui a souri, baigné dans cette atmosphère joyeuse de la fin des années 60. Aux premiers succès sur les planches, s’ajoutent ceux auprès des filles : « Lotto fut baptisé « Maître Queue ». Il serait faux de dire qu’il baisait tout ce qui passait, en réalité il voyait dans chaque fille le meilleur de ce qu’elle avait. »
Mais quand il rencontre Mathilde, il sent que les choses deviennent plus sérieuses, que sa vie prend un tournant. D’autant que sa femme devient bien plus qu’une compagne très agréable, une collaboratrice, une protectrice, une gestionnaire de carrière, apparemment pleine d’abnégation.
Et si les amis s’éloignent peu à peu, peu importe. Car Lotto choisit de se lancer dans une carrière de dramaturge, entend revisiter la mythologie et réussir en tant qu’auteur plutôt qu’en tant qu’acteur. De premiers succès font du bien à son égo, mais l’installent aussi dans une sorte de confort proche de la cécité. Car il ne voit plus la vie qu’à travers le prisme de cette œuvre qui se construit « Quelque chose se passait tout au fond de lui. Un haut-fourneau qui le carboniserait s’il s’ouvrait. Un secret si profondément enseveli que même Mathilde l’ignorait. »
Imperceptiblement, il s’éloigne de sa femme. À l’image de l’opéra sur lequel il travaille avec Leo, on sent le drame couver, on imagine l’issue tragique. Et si l’on voit bien le dessein de l’auteur qui entend souligner cette descente aux enfers avec les extraits des œuvres de Lancelot, il faut aussi reconnaître qu’elles rendent la lecture moins fluide… Jusqu’au moment où la version de Mathilde prend le relais.
Ici, les secrets ont un poids autrement plus lourd. Sur les circonstances qui ont conduit cette fille unique de France aux Etats-Unis, sur la relation qu’elle entretient avec son «protecteur», sur la manière dont elle partira à la recherche d’un bon parti. Le mariage n’est plus alors une belle histoire d’amour, mais le fruit d’un calcul qui tient davantage de Machiavel que de Cupidon.
Au fil des révélations, le récit devient stupéfiant, fascinant. Très troublant. Entre le personnage lisse et bien-né de Lotto et les failles et la complexité du personnage de Mathilde, Lauren Groff dissèque bien davantage qu’un mariage. Elle fait voler en éclat la légende de l’amour qui serait la «fusion avec l’autre», brise la version trop fleur bleue du rêve américain et radiographie une société qui se cherche des valeurs, une vision. On comprend, en refermant ce livre, que Barack Obama a pris beaucoup de plaisir à le lire. À votre tour…

Autres critiques
Babelio
Télérama (Marine Landrot)
Le JDD (Marie-Laure Delorme)
Tribune de Genève (Boris Senff)
Culturebox (Laurence Houot)
Le Devoir (Chistian Desmeules)
Le Temps (André Clavel)
Blog Dingue de livres
Blog motspourmots.fr (Nicole Grundlinger)
Blog Les mots de la fin
Blog Journal d’une lectrice
Blog Nyctalopes 

Les premières pages du livre http://www.youscribe.com/catalogue/documents/litterature/romans-et-nouvelles/les-furies-2793708

Extrait
« Ils s’appelaient Lotto et Mathilde. L’espace d’une minute, ils contemplèrent une mare remplie de créatures pleines d’épines qui, en se cachant, soulevaient des tourbillons de sable. Il prit son visage entre ses mains et embrassa ses lèvres pâles. Il aurait pu mourir de bonheur en cet instant. Il eut une vision, il vit la mer enfler pour les ravir, emporter leur chair et rouler leurs os sur ses molaires de corail dans les profondeurs. Si elle était à ses côtés, pensa-t-il, il flotterait en chantant. Certes, il était jeune, vingt-deux ans, et ils s’étaient mariés le matin même en secret. En ces circonstances, toute extravagance peut être pardonnée. »

A propos de l’auteur
Lauren Groff est né en 1978 à Cooperstown, NY, et a grandi à une rue du Baseball Hall of Fame. Elle est diplômée de Amherst College et a une maîtrise dans la fiction de l’Université de Wisconsin-Madison. Ses nouvelles ont été publiées ou sont à venir dans un certain nombre de journaux, dont The Atlantic Monthly, Ploughshares, Glimmer Train et dans les anthologies telles que Best American Short Stories 2007. Elle a reçu la bourse Axton dans la fiction à l’Université de Louisville, et a eu des résidences et des bourses à Yaddo et le Centre du Vermont Studio.
Le premier roman de Lauren, Les Monstres de Templeton, publié en Février 2008, figurait sur la liste des best-sellers du New York Times et Booksense. Son deuxième livre est un recueil de nouvelles. Elle vit à Gainesville, en Floride avec son mari, fils de Clay Beckett, et le chien Cooper. (Source : Babelio.com)

Site Wikipédia de l’auteur

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Vivre près des tilleuls

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Vivre près des tilleuls
L’AJAR
Éditions Flammarion
Roman
128 p., 13 €
EAN : 9782081389199
Paru en août 2016

Où?
Le roman se déroule principalement en Suisse, sur les bords du Léman, à Yens, Morges, Genève, Aubonne, Yvoire, Lausanne ainsi que dans le canton de Neuchâtel, à La Chaux-de-Fonds, La Chaux d’Abel et le Creux du Van. Le Rwanda avec Kibuye et le lac Kivu y sont évoqués, ainsi que des voyages à Venise, Trieste, Vienne, Paris, Munich, Berlin ou Bruxelles.

Quand?
L’action se situe de 1956 à 1960, mais l’histoire antérieure et l’histoire postérieure à cette période-charnière font également partie, en filigrane, de ce récit.

Ce qu’en dit l’éditeur
Vincent König est le dépositaire des archives de l’écrivaine suisse Esther Montandon. En ouvrant par hasard une chemise classée « factures », il découvre des dizaines de pages noircies, qui composent un récit intime. Esther a donc tenu un « journal de deuil », dans lequel elle a pour la première fois évoqué la mort de sa fille Louise et l’aberrante « vie d’après ». Les souvenirs comme les différents visages de la douleur s’y trouvent déclinés avec une incroyable justesse. Ces carnets seront publiés sous le titre Vivre près des tilleuls.
Roman sur l’impossible deuil d’une mère, porté par une écriture d’une rare sensibilité, Vivre près des tilleuls est aussi une déclaration d’amour à la littérature : ce récit d’Esther Montandon est en réalité l’œuvre d’un collectif littéraire suisse, l’AJAR. Ces dix-huit jeunes auteur-e-s savent que la fiction n’est pas le contraire du réel et que si « je est un autre », « je » peut aussi bien être quinze, seize, dix-huit personnes.

Ce que j’en pense
****
On retiendra tout d’abord la genèse de ce roman né à l’initiative du groupe de jeunes Suisses associés sous L’AJAR – Association de jeunes auteur-e-s romandes et romands. Depuis 2012 ses membres «partagent un même désir : celui d’explorer les potentialités de la création littéraire en groupe. Les activités de l’AJAR se situent sur la scène, le papier ou l’écran. Vivre près des tilleuls est son premier roman.
En préface ainsi qu’en postface, on nous explique comment l’idée a germé d’écrire un roman en une belle nuit d’été. Le chois d’une histoire, d’un personnage, d’un prénom…
« Nous avons d’abord dessiné la vie d’Esther Montandon. Une vie qui commence le 8 mai 1923, à La Chaux-de-Fonds et qui va conduire cette femme à embrasser une carrière d’écrivain. Mais, à quarante ans, devenue mère, Esther Montandon a la douleur de perdre sa fille. « Ce deuil était, pour nous, l’un des seuls événements capables de briser son parcours d’écrivaine – et de ménager, ainsi, une place pour ces fragments. »
Un scénario très habile qui donne à chacun des auteurs un cadre assez précis pour pouvoir participer à cette belle aventure, d’autant que le personnage de Vincent König permet de structurer le tout. C’est à lui que l’on confie le soin de gérer le fonds
Esther-Montandon, c’est-à-dire ce qui reste de « l’autodafé qu’elle a commis à la suite de la mort accidentelle de sa fille Louise, le 3 avril 1960. De cette tragédie, inaugurant dix ans de silence éditorial dans la vie de l’auteure, on ne trouve trace ni dans Trois grands singes ni dans Les Imperdables. Jamais Esther Montandon n’a écrit sur la perte de sa fille. C’est du moins ce que l’on a longtemps cru. »
Or voici qu’en mettant de l’ordre dans les cartons, on découvre des fragments de journal intime qui s’échelonnent de 1956, année de naissance de sa fille Louise aux deux ans qui suivent son décès, le 3 avril 1960.
Quelques pages magnifiques sur ce drame absolu que représente la perte d’un enfant vont suivre, comme nous le confirme Vincent König : « Rien n’a été épargné à l’auteure. Il ne faudrait pas pour autant en conclure que la joie est absente de ces pages. Fidèle à elle-même et malgré la blessure, Esther Montandon module patiemment, et avec obstination, une douleur qui n’appartient qu’à elle. Définitivement tragique et éternellement heureux, transfiguré par l’écriture, le souvenir de Louise s’inscrit désormais pleinement dans la littérature. »
La force de la littérature explose tout ai long de ces pages. L’imagination vient suppléer le vécu, la compassion nous faire partager la douloureuse épreuve que traverse Esther, racontant les jours heureux avec Louise, « Le corps d’une fillette, c’est ce que j’ai pu voir de plus beau. Et de plus intolérable. Ses boucles châtaigne, où j’aimais passer la main. Son nez minuscule, qu’elle avait en commun avec tous les enfants de son âge. Sa tête indolente, qu’elle balançait, légèrement penchée vers l’avant, pour dire non. Un non devant lequel on ne pouvait que céder. Ses bras dodus, ses jambes boudinées qui pendaient du haut tabouret. » puis les jours, les semaines, les mois qui suivent la mort de cet enfant.
«Le téléphone sur les genoux, je prépare mon texte. Maman, Louise a eu un accident cet après-midi. Elle est morte. Maman, j’ai une terrible nouvelle. C’est Louise, elle a eu un accident. Maman, Louise est tombée. On n’a rien pu faire. Écoute maman, ta petite-fille a fait une grave chute. Elle est morte. Louise est morte. Morte. Morte. Je répète le mot vingt fois dans ma tête. Je veux lui faire perdre son sens, le réduire à une syllabe creuse. Morte. Louise est morte. Je prends le combiné. Je compose le numéro. Je tombe sur mon père et réalise qu’il y a longtemps qu’on a incinéré maman.»
Puis, plus loin… « Ce soir, Louise dort en terre. Ce sera le cas pour tous les soirs à venir. Toutes les nuits du monde. (…) Ici repose Louise Montandon (1956-1960), notre fille bien-aimée. Jamais ma vue n’a porté si loin. À travers les allées, à travers les branches des tilleuls.
« Le chagrin est moins un état qu’une action. Les heures d’insomnie, puis le sommeil en plomb fondu sur les paupières, la prostration dans le noir, la faim qui distrait la douleur, les larmes qu’on ne sent plus couler : le chagrin est un engagement de tout l’être, et je m’y suis jetée. On me dit de me reprendre, de faire des choses pour me changer les idées. Personne ne comprend que j’agis déjà, tout le temps. Le chagrin est tout ce que je suis capable de faire. »
On pourrait dès lors recopier toutes les pages de ce trop court roman qui, comme l’écrivent ses auteurs multiples est aussi une puissante déclaration d’amour à la littérature : « Oui, nous avons mené cette aventure avec sérieux, travaillant avec acharnement à la justesse du texte, l’asséchant sans relâche, traquant toute complaisance. Au début, tout le monde y allait de son commentaire sur la mort, tout le monde prouvait le caractère définitif de son sentiment. C’était répétitif et lourd. Nous avions huilé ce qui devait être sec, poli ce qui devait être tranchant. »
On attend avec impatience la nouvelle production de L’AJAR !

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Autres critiques
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Extrait (Avant-propos)
« Lorsque Esther Montandon m’a laissé la responsabilité de ses archives, en 1997, je me suis trouvé face à une masse de documents divers : cartes postales, pièces administratives, courriers, coupures de journaux… À quoi s’ajoutait le lot commun de tous les écrivains dont la recherche fait son miel : brouillons griffonnés épars, pages dactylographiées avec ou sans annotations autographes, et trois carnets de notes.
Reconnaissant de cette marque de confiance, je me suis attelé à la tâche avec un enthousiasme qui n’a cessé de décroître devant l’ampleur du travail. Même si la mort de l’auteure, l’année suivante, a ravivé un temps l’intérêt du public pour ses écrits, l’œuvre est peu à peu tombée dans l’oubli.
Cette production exigeante a parfois été jugée trop mince – Esther Montandon n’a publié que quatre livres de son vivant. On la réduit par ailleurs souvent au seul Piano dans le noir (1953), le premier et le plus connu de ses textes. C’est sous-estimer les richesses que recèlent ses trois autres ouvrages. Il n’y a qu’à relire Bras de fer (1959), portrait acide et jubilatoire d’une Suisse hésitant entre tradition et modernité, ou Trois grands singes (1970), nouvelles dans lesquelles l’auteure revendique son engagement féministe en dépeignant sans concessions une société patriarcale. Enfin, la gerbe de ses souvenirs d’enfance, magnifiquement nouée dans les fragments des Imperdables (1980), offre dans un style épuré un aperçu poétique et documentaire du Rwanda et de la Suisse des années 1930. En dehors de cela, il n’y a rien.
L’ensemble du fonds Esther-Montandon ne contient que la matière relative à son activité depuis le début des années 1960. Tout ce qui précède – cahiers, brouillons, manuscrits, projets en cours, dont atteste sa correspondance – a disparu dans l’autodafé qu’elle a commis à la suite de la mort accidentelle de sa fille Louise, le 3 avril 1960. De cette tragédie, inaugurant dix ans de silence éditorial dans la vie de l’auteure, on ne trouve trace ni dans Trois grands singes ni dans Les Imperdables. Jamais Esther Montandon n’a écrit sur la perte de sa fille. C’est du moins ce que l’on a longtemps cru.
Comment donc décrire mon émotion lorsqu’un matin d’hiver 2013, en mettant de l’ordre dans les cartons qu’elle m’avait confiés, je découvre une pochette étiquetée « factures », pochette que j’ai dû manipuler vingt fois sans jamais l’ouvrir – renfermant une petite liasse manuscrite.
Et tout est là, miraculeusement préservé. »

A propos de l’auteur
L’AJAR – L’Association de jeunes auteur-e-s romandes et romands s’est constituée le 28 janvier 2012 à Genève. Ses membres partagent un même désir : celui d’encourager et d’offrir une visibilité à la création littéraire par le biais de projets collectifs (lectures, rencontres et publications sur la scène, le papier ou l’écran). Ils sont 18 à avoir contribué à l’écriture de Vivre près des tilleuls. (Source : Éditions Flammarion / Livres Hebdo)

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Quand le diable sortit de la salle de bain

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Quand le diable sortit de la salle de bain
Sophie Divry
Les Editions Noir sur Blanc
Roman
320 p., 18 €
ISBN: 9782882503848
Paru en août 2015

Où?
Le roman se déroule principalement à Lyon et sa proche banlieue ainsi qu’à Montpellier et Sullac où la narratrice a passé son enfance et revient le temps d’un court séjour.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Dans un petit studio mal chauffé de Lyon, Sophie, une jeune chômeuse, est empêtrée dans l’écriture de son roman. Elle survit entre petites combines et grosses faims. Certaines personnes vont avec bonté l’aider, tandis que son ami Hector, obsédé sexuel, et Lorchus, son démon personnel, vont lui rendre la vie plus compliquée encore. Difficile de ne pas céder à la folie quand s’enchaînent les péripéties les plus folles.
Après la mélancolie de La Condition pavillonnaire, Sophie Divry revient avec un roman improvisé, interruptif, rigolo, digressif, foutraque, intelligent, émouvant, qui, sur fond de gravité, en dit long sur notre époque.

Ce que j’en pense
***
Si le titre n’avait pas déjà été pris, on aurait pu intitulé ce roman Les Malheurs de Sophie. Car la vie de l’aspirante journaliste-écrivain au cœur de ce récit très créatif – nous y reviendrons – n’est pas très rose. C’est même tout le contraire. Au moment où s’ouvre le livre, elle est proche de la catastrophe. Chômeuse en fin de droits, il ne lui reste qu’une allocation de solidarité spécifique (ASS) pour boucler ses fins de mois.
Mais cette dernière a déjà été mise à mal par les différentes factures (électricité, eau) payées ou restant à payer, si bien que le 20 Sophie n’a plus que 17,70 € sur son compte. Il faut la suivre dans les rayons du supermarché pour comprendre ce que représente ce combat quotidien pour simplement pouvoir manger. Quand prendre un café au comptoir d’un bistrot devient du luxe ou, pire encore, quand l’administration se montre dans toute sa rigidité et son absurdité vis à vis de ses administrés les plus fragilisés. Kafkaïen, mais malheureusement tout aussi quotidien.
Rester digne, ne pas baisser les bras. Ne pas avouer à la famille à quel point sa situation est grave. Telle pourrait être l’autre face de ce combat. Car fort heureusement, il reste la famille – la mère et les six frères Martial, Gaston, Virgile, Kazan, Elie, Tom – pour un séjour qui tient de la cure de remise en forme autant que du bain de jouvence. Les quelques jours à Sullac donnent à Sophie l’occasion de revenir sur son parcours et sur les bons moments qu’elle a vécu, avant de retrouver son petit appartement lyonnais et les soucis du quotidien. Avec peut être un moyen de s’en sortir… En acceptant un travail de serveuse dans un bouchon, elle va retrouver au moins pour quelques temps le monde du travail.
Ce qui fait toute l’originalité de ce roman – et qui pourra irriter certains lecteurs, reconnaissons-le – tient à la façon dont l’auteur a choisi de mettre son récit en scène. Il y a quelques fantaisies graphiques : polices de caractère, jeux graphiques avec les lettres, typographie sortant du cadre défini, insertion d’un conte pour enfants d’une part, de littérature érotique d’autre part et, de façon beaucoup plus convaincante et drôle, l’arrivée d’interlocuteurs dans le récit qui n’hésitent pas à interpeller la narratrice : sa mère qui n’est jamais avare d’un conseil, son ami Hector qui se plaint du traitement qui lui est réservé et qui exige une scène susceptible de le réhabiliter – il y aura droit – et son éditrice qui ne voulant pas paraître rabat-joie explique qu’«au vu des élucubrations incontrôlables qui émaillent ton manuscrit» il sera difficile d’atteindre des ventes record. N’oublions pas non plus la narratrice elle-même expliquant par exemple, comment elle vient de rater son début de chapitre. Ajoutons enfin Lorchus, le diable qui se permet de sortir de la salle de bain, et le tableau sera complet.
Il convient d’ajouter encore quelques prouesses narratives comme l’accumulation d’adjectifs sur près d’une page entière, la collection de métaphores sorties de la boîte à outils de l’écrivain ou encore le recours à l’anaphore (vous savez le «Moi, président… de François Hollande) pour expliquer que tout était normal dans son existence et l’on aura une bonne idée de cet objet dû à une adulte qui n’avait sans doute «pas fait entièrement le deuil de cette époque bénie où vivre dans ce monde, c’était s’en remettre à une longanime et bienveillante main. »
Pour tous ceux qui ont envie de sortir de la narration classique, qui veulent s’amuser avec un récit dramatique en soi ou qui ne dédaignent pas le fourre-tout, ce roman aura la saveur d’un bonbon acidulé : très piquant par moments, il n’en reste pas moins joliment sucré.

Autres critiques
Babelio
France 5 (La grande librairie de François Busnel)
L’Express (Blog les 8 plumes)
Culturebox
Blog Cannibales Lecteurs
Blog Tu vas t’abîmer les yeux !
Journal de Québec

Extrait
« Le fait que je me résigne à mon chômage, que je m’y installe durablement, avait éteint leur inquiétude au lieu de les aiguiser. Au fond, ma situation s’était normalisée. Rien de nouveau ; donc, plus de danger. J’étais là comme ils m’avaient toujours vue. La même tête. La même voix. Seul un révélateur chimique d’une composition inconnue aurait pu rendre visible la faim qui le tenaillait. Ce que ma famille ignorait, c’est que le pire du chômage n’est jamais le début. Le pire, c’est l’installation dans cette idée, justement, que rien de nouveau n’arrivera plus… »

A propos de l’auteur
Sophie Divry est née en 1979 à Montpellier. Elle vit actuellement à Lyon. Après La Cote 400, traduit en cinq langues, et le succès de La Condition pavillonnaire, Quand le diable sortit de la salle de bain est son quatrième roman. (Source : Editions Noir sur Blanc)

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Un homme dangereux

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Un homme dangereux
Émilie Frèche
Stock
Roman
288 p., 19,50 €
ISBN: 9782234079854
Paru en août 2015

Où?
Le roman se déroule principalement à Paris. Alger, Tanger et Essaouira sont les étapes de tournage d’un film. Des voyages à Nice, au Mexique, à Belgrade sont également évoqués dans le roman ainsi que le Grand-Bornand, Venise, Marrakech ainsi que Ramatuelle et Bénerville.

Quand?
L’action se situe de nos jours, dans une période que l’on peut situer de 2013 à 2015.

Ce qu’en dit l’éditeur
« – Maintenant que tu as vraiment quitté ton mari, on va pouvoir parler. Je veux que tu deviennes ma femme. Je t’aime, je veux vivre avec toi, mais avant, il faut que tu laisses tes enfants.
– Pardon ?
– Je suis sérieux. Il faut que tu les laisses à leur père, je te dis ça pour leur bien. Elles seront très heureuses avec lui ; ils partiront vivre en Israël, ce sera beaucoup plus simple, et tu iras leur rendre visite pour les vacances.
– T’es complètement malade.
– Tu sais bien que non, puisque c’est comme ça que ça va se terminer pour les juifs de France. Sept mille juifs sont partis rien que cette année, c’est moi qui l’invente ? Bientôt, il n’y aura plus de juifs en France. Plus un seul juif. Tu te rends compte, un peu ? Le grand rêve de Vichy réalisé par des Merah, des Nemmouche, des Kouachi. Que des petits-enfants de bicots qu’on a fait venir du bled pour assembler des boulons, et qui feront mieux que les idéologues du Troisième Reich, sans même avoir besoin de vous mettre dans des trains. Tout ça simplement en jouant avec votre peur. Quelle intelligence ! Quelle économie, surtout. La France nettoyée pour pas un rond.»
« Pourquoi est-on toujours attiré par les histoires qui ne sont pas faites pour nous ? »

Ce que j’en pense
***
En juin 2013 Émilie Frèche se rend au Lutetia pour la remise du Prix Orange (pour son roman Deux étrangers). Parmi les auteurs présents, le chroniqueur du Point Patrick Besson. C’est sans doute lui l’homme dangereux décrit dans ce nouveau livre écrit en deux ans. Les indices sont en effet légion et le petit milieu de l’édition et des médias parisiens pourront en faire leurs choux gras. Certains ne s’en sont du reste pas privés.
Concentrons-nous pour l’heure sur ce qui fait le vrai sel de cette histoire, à savoir l’imbrication de la vie dans la littérature et vice-versa : «– C’est fini entre nous, Adam. Je te quitte. » Cette phrase prononcée page 257, l’auteur l’aura imaginée tant de fois, essayé de savoir comment cette rupture pourrait se dérouler, comment son mari et sa fille réagiraient, quelles pourraient être les conséquences. Car elle en était sûre, il ne pouvait en être autrement. Les circonstances, l’emprise que Benoît Parent exerce sur elle et l’usure de sa vie de couple devaient forcément mener à cette extrémité. «J’ai compris alors, en prononçant cette phrase, que je n’étais plus dans la réalité mais dans le roman que je n’avais pu achever en raison de mon accident à l’épaule, et j’ai eu la sensation horrible d’être passée du côté de la folie, car cela signifiait que je n’écrivais plus ma vie – ce qui était déjà en soi une maladie – mais que j’inventais des choses pour pouvoir les vivre, comme si mon existence ne suffisait plus, comme si à force de m’en être servie, je l’avais épuisée. »
De ce seul point de vue, le roman a déjà quelque chose de fascinant. Mais l’onde de choc qu’il provoque se démultiplie par la relation amour-haine entretenue au fil des pages.
Le hors d’œuvre nous est en quelque sorte livré par une rencontre opportune un soir de salon du livre déprimant et la relation qui s’ébauche avec un ancien copain, l’amant gentil.
Mais après la routine de la vie de couple vient la routine de la liaison extra-conjugale. Pour un faire un bon roman, il faut davantage de sel à l’histoire. C’est là qu’intervient un écrivain plus âgé, un chroniqueur impertinent doublé de relents antisémites. Autrement dit tout ce qu’une romancière, réalisatrice et essayiste, essayant d’analyser pourquoi les juifs continuent d’être persécutés, doit à priori rejeter.
Mais avant de condamner, ne faut-il pas essayer ? Si tout son entourage la met en garde, cette relation n’en devient-elle pas plus excitante ?
Jusqu’à cette scène de la chambre d’hôtel ou l’entraîne Benoît et où elle l’attend nue sous les draps, on va partager son attente, sa frustration, sa colère et son désir.
Après l’humiliation qu’elle va subir, on se dit que cette fois elle a compris. Qu’elle n’ira pas plus loin.
Sauf qu’il faut alimenter le livre qu’elle a entrepris d’écrire et il lui manque des éléments. Ne faut-il pas les vivre ? Et qui du roman ou de la vie aura le dernier mot…
Je vous laisse le découvrir, non sans souligner le côté prémonitoire de ces lignes écrites en août dernier avec le sentiment qu’un monde était définitivement mort : « Le nombre de chômeurs avait encore augmenté, d’autres affaires de corruption avaient éclaté, l’extrême droite était devenu le premier parti de France, l’âge moyen des candidats au Djihad était passé à quinze ans, de plus en plus de filles de convertis se disaient prêts à mourir pour la « cause » tandis qu’un peu partout en France, des mosquées étaient vandalisées et des imams insultés, quant aux juifs, il continuaient à se faire tirer dessus parce que juifs mais ils étaient moins nombreux car beaucoup avaient quitté les pays ».

Autres critiques
Babelio
Le Point
Le Magazine littéraire
Chronicart
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Blog Les chroniques de Koryfée (Karine Fléjo)
A bride abattue
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Blog Tu vas t’abîmer les yeux

Extrait
« Le Lutetia ? Le Bel Ami ? Le Montalembert ? Le Montalembert, je connais bien la directrice, on aura une belle chambre, a-t-il dit, mais allez savoir pourquoi, il s’est arrêté dans la rue Stanislas devant un petit hôtel du même nom, deux étoiles, dont la porte vitrée n’était pas plus large que celle d’un cabinet de toilette et il m’a dit entre. La chambre standard était à quatre-vingt-cinq euros pour deux personnes, petit-déjeuner inclus. Il m’a demandé ma carte de crédit. Sur le coup, j’étais tellement troublée que je n’ai pas bien compris pourquoi, mais j’ai obéi tout de même, sorti mon portefeuille et réalisé que ma Visa avait expiré – qu’allait-il bien pouvoir penser de moi ? Je lui ai donné celle d’Adam, c’était la seule qui fonctionnait. Sans la regarder, Benoît l’a tendue au réceptionniste en précisant que nous resterions pour le week-end. J’ai compris à ce moment-là seulement que c’était cet hôtel. Cet hôtel-là, pourri, qu’il avait choisi, et qu’il faisait payer à mon mari. Mais je n’ai pas protesté. J’étais trop médusée, complètement sidérée par le fait d’avoir osé donner sa carte et d’être maintenant incapable de la récupérer. Le petit homme au pull en laine, derrière son comptoir, a pris une empreinte au sabot, à l’ancienne, et je ne l’en ai pas empêché. Je crois que j’avais le cœur qui battait trop fort. Il nous a demandé ensuite nos passeports et si nous avions des bagages, des questions, une connaissance approximative du quartier, je me suis dit alors que ça ne s’arrêterait jamais, que non, jamais il ne nous laisserait monter, mais au bout d’un moment, je me suis tout de même retrouvée dans cet escalier minuscule, devançant Benoît qui, avec sa tête, s’amusait à me toucher les fesses, et malgré mon absence totale de désir j’ai pensé c’est bien, c’est très bien, c’est parfait, il faut y aller maintenant, il faut le faire, une fois que ce sera fait, ce sera terminé. La chambre se trouvait au troisième étage, sur un palier à peine plus grand qu’une cabine d’ascenseur. Benoît m’a demandé de m’écarter, ce que j’ai fait comme j’ai pu, en me positionnant dans la partie de l’escalier qui montait au quatrième, et il a glissé la clef dans la serrure. La porte s’est ouverte lentement. Depuis ma place, j’ai pu tout de suite avoir une vue d’ensemble, en plongée, de la chambre – ses dimensions, ses couleurs ternes, ses meubles rustiques, et même au-delà, un aperçu de la façade lézardée de la cour aveugle sur laquelle nous donnions ; je ne crois pas qu’on pouvait faire plus sordide.
– Merde, a juré Benoît, j’ai oublié mes médicaments. Il y a une pharmacie juste en bas, tu ne voudrais pas aller me les chercher ?
– Oui, si tu veux. Il m’a regardée un instant, puis il s’est corrigé :
– Non, en fait, je préfère y aller moi. Je n’ai pas d’ordonnance, il faut que je leur explique. Je reviens tout de suite, d’accord ? Tout de suite, tout de suite ! Déshabille-toi, mets-toi nue sous les draps et attends-moi.
J’ai acquiescé d’un signe de tête. Il avait déjà disparu. »

A propos de l’auteur
Émilie Frèche est romancière. Elle est l’auteur, entre autres, de Deux étrangers (prix Orange 2013 et prix des lycéens d’Île-de-France 2013). (Source : Editions Stock)

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