À la mesure de l’univers

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En deux mots
Ce roman atteint à l’universel en retraçant plus d’un demi-siècle de l’histoire islandaise à travers le portrait d’un homme de retour au pays après un exil au Danemark, de sa famille et de ses amis. Porté par une écriture poétique, il nous livre quelques magnifiques leçons de vie.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

À la mesure de l’univers
Jón Kalman Stefánsson
Éditions Gallimard
Roman
Traduit de l’islandais par Éric Boury
448 p., 22,50 €
ISBN: 9782070179312
Paru en avril 2017

Où?
Le roman se déroule en Islande, principalement à Keflavík, mais également à Reykjavik et tout au long de villages aux noms imprononçables. Un séjour à Copenhague est aussi évoqué.

Quand?
L’action se situe d’une part de nos jours avec des retours en arrière dans les années quatre-vingt et dans les années soixante avec l’évocation d’épisodes précédents, notamment durant la Seconde guerre mondiale.

Ce qu’en dit l’éditeur
«Et maintenant, il est trop tard, répond Ari, pétri de remords. Anna esquisse un sourire, elle lui caresse à nouveau la main et lui dit, quelle sottise, il n’est jamais trop tard tant qu’on est en vie. Aussi longtemps que quelqu’un est vivant.»
À la mesure de l’univers est la suite du roman D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds. Ari rentre en Islande après avoir reçu une lettre de son père lui annonçant son décès imminent. Le jour se lève sur Keflavík, l’endroit le plus noir de l’île, à l’extrémité d’une lande à la végétation éparse et battue par les vents. Ici, la neige recouvre tout mais, partout, les souvenirs affleurent. Ari retrouve des connaissances qu’il n’a pas vues depuis des années. Ses conversations et ses rencontres le conduisent à s’interroger et finalement à accepter son passé : les deuils, les lâchetés, les trahisons, afin de retrouver celui qu’il était, et qui s’était perdu «au milieu du chemin de la vie».
Comme dans la première partie de son diptyque, Jón Kalman Stefánsson entremêle les époques, les histoires individuelles et les lieux : le Norðfjörður, dans les fjords de l’Est, où évoluent Margrét et Oddur, les amants magnifiques, et Keflavík, ce village de pêcheurs interdits d’océan, très marqué par la présence de la base militaire américaine. Dans une langue à la fois simple et lyrique, nourrie de poésie et de chansons de variétés, agissant comme autant de madeleines de Proust, l’auteur nous parle de mort, d’amour, de lâcheté et de courage. Mais ce récit délivre aussi un message d’espoir : même si le temps affadit les plus beaux moments, ces derniers restent vivants au cœur de l’homme, car le langage a le pouvoir de les rendre éternels. L’amour est le ciment et la douleur du monde.

Ce que j’en pense
« Nous sommes à Keflavík. Cette ville excentrée et surprenante, ses quelques milliers d’habitants, son port vide, son chômage, ses concessionnaires automobiles, ses camionnettes à hamburgers, et cette terre si plate que, depuis le ciel, on dirait une mer étoilée. Par les matins calmes, le soleil nous offre son éruption muette. Le feu naît, loin derrière les montagnes, il est cette force grandiose surgie de l’abîme, capable de soulever le ciel, de tout transformer, et de faire reculer le noir de la nuit. Puis l’astre du jour se lève. C’est d’abord cet embrasement qui efface les étoiles bienveillantes, il surgit et s’élève, majestueux, au-dessus de la péninsule de Reykjanesskagi. Lentement, il se lève, et nous sommes vivants. » Dès le prologue, le lecteur est pris par la langue de Jón Kalman Stefánsson tout comme par la nécessité vitale exprimée par l’auteur de situer géographiquement son œuvre. Car, comme c’était le cas pour D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds, dont ce roman est en quelque sorte la suite, le personnage principal du livre est cette terre d’Islande, son histoire, sa géographie et ses légendes.
Nous avons rendez-vous dans le vieux quartier de Keflavík où habite Jakob, un pêcheur qui vit ses derniers instants. C’est son fils Ari qui va dérouler l’histoire familiale. Une histoire à la hauteur de la géographie, rude, passionnée, entière. Une histoire qui commence par un amour aussi fort que violent. Quand Jakob rencontre sa future épouse, il l’aime « si ardemment que c’était parfois une douleur, il avait eu avec elle trois enfants, un triple avenir, un triple bonheur.»
Réciproquement, sa mère « est tellement fougueuse qu’elle a mordu Jakob à l’épaule de retour de campagne de pêche au hareng ». Car l’île vivait alors sa grande mutation, celle qui bouscule une économie principalement basée sur la pêche vers ce qu’il est convenu d’appeler la modernité. De l’après-guerre, on passe aux années soixante: « Presley est en train de devenir plus grand que lui-même, les Soviétiques lancent des satellites les uns après les autres, ils les envoient renifler l’atmosphère. Laïka, une chienne errante âgée de trois ans, est à bord d’une des fusées. Elle grogne et aboie, effrayée par les étoiles, puis meurt, solitaire, si loin de la vie, au service de la science. » Les étudiants cherchent une nouvelle voie, déchirés entre l’appel de la mer et l’envie de s’ouvrir à des nouveaux horizons. Les histoires d’amour naissent, les couples se font puis se défont. Même si elles passent quelquefois comme une étoile filante, les femmes jouent un rôle essentiel, contrairement à ce que l’on peut penser des «virils» islandais. La vie suit son cours entre bonheurs et malheurs, car « la vie n’a sans doute pas de bonheur en quantité suffisante pour tout le monde », entre drames et aspirations à une meilleure situation.
« Et c’est ainsi, ainsi que va la vie, ainsi que vont les systèmes solaires au-dessus de l’Islande en ces années 1981 et 1982. Le monde avance avec son cortège d’événements, deux cents personnes, hommes, femmes et enfants, égorgés de nuit au Guatemala, l’armée polonaise continue de s’inquiéter, M. Brejnev, l’homme le plus puissant d’Union soviétique, commence à se fâcher, et Ronald Reagan, le président des États-Unis, a le quotient intellectuel d’un toutou et les capacités émotionnelles d’un revolver. »
Jón Kalman Stefánsson sait mieux que personne mettre en musique la chronique des jours qui passent. En détaillant le futile, en s’attardant à une chanson, à une actualité, à un fait divers. Ce faisant, il nous révèle son secret tout en nous livrant une philosophie de vie qui vaut autant pour les nations que pour les individus : « celui qui ne connaît pas passé, ou qui refuse de l’assumer, se perd immanquablement dans le futur. Celui qui veut avancer doit parfois d’abord consentir à retourner en arrière. »
À se plonger par exemple dans les vieilles légendes et dans les recueils de poésie, extraordinaires compagnons de route. Les magnifiques lignes qui suivent devraient suffire à vous persuader de découvrir cette superbe ballade islandaise… « Les poèmes sont bien utiles, ils peuvent vous servir de couverture quand le froid enserre le monde, ils peuvent être des grottes à l’écart du temps, des grottes dont les parois sont ornées d’étranges symboles, mais ils sont une piètre consolation quand vos os sont éreintés, quand la vie vous a éconduit ou quand, le soir, votre tasse de café est la seule chose qui vous réchauffe les mains. »

Autres critiques
Babelio
En attendant Nadeau (Maurice Mourier)
Blog La lectrice (Cécile Pellerin)
Le Temps (Mireille Descombes)
Blog D’une berge à l’autre 
Blog Estampilles 
https://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=6ef229a2-2869-4d50-9932-1c687e4cf626
France culture, émission « La grande table » par Olivia Gesbert – Lettres d’Islande.

Les premières pages du livre

Extrait
« Mais le ciel d’hiver au-dessus du village est parfois d’une grande beauté, tout parsemé d’étoiles et d‘aurores boréales, et les matins de printemps sont parfois si paisibles qu‘on entend les poissons ouvrir et fermer la bouche au fond de l‘océan qui s’étend à perte de vue… L‘herbe de Sandgerdi est parfois comparée à des couteaux émeraude sortis du sable noir, elle croît un peu partout, égayant le paysage. Certains habitants du village possèdent quelques moutons qu‘ils gardent comme un souvenir de la campagne dont ils sont originaires, et quand les animaux paissent tranquillement à l‘extérieur, les belles journées d’été, on tend vers une sorte d’harmonie. Il souffle pourtant souvent de grosses tempêtes, le village est ouvert à tous les vents, et rien ne les arrête. Les bourrasques forcissent, les maisons vibrent, le ciel tremble, les bateaux se cognent à la jetée, un chat est emporté vers la mer ou bien vers la lande en fonction de la direction du vent qui arrache l‘herbe et l‘emporte avec lui. Quand la tempête retombe, l’herbe a disparu, tout est noir autour de Sandgerdi et la lumière du jour si pâle qu‘on dirait que la nuit jamais ne prendra fin. » (p. 78)

À propos de l’auteur
Après ses études au collège, qu’il termine en 1982, Jón Kalman Stefánsson travaille dans les secteurs de la pêche et de la maçonnerie. De 1986 jusqu’en 1991, ils suit des études de littérature à l’université sans les terminer. Il donne ensuite des cours dans différentes écoles et rédige des articles pour un journal, à Copenhague. Il rentre en Islande et, jusqu’en 2000, s’occupe de la Bibliothèque municipale de Mosfellsbaer. Depuis, il se consacre à l’écriture de contes et de romans. (Source : Babelio.com)

Site Wikipédia de l’auteur 

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Prince Sadruddin Aga Khan

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En deux mots
Cette biographie très détaillée vous fera découvrir l’engagement du Prince Sadruddin Aga Khan pour un monde meilleur au sein des Nations Unies pour les réfugiés et les droits de l’homme et au sein de sa Fondation pour la culture et aussi l’environnement. Le portrait d’un homme attachant par l’une de ses plus proches collaboratrices.

Ma note
etoileetoileetoile (beaucoup aimé)

Prince Sadruddin Aga Khan
Diane Miserez
Éditions Cabédita
Biographie
408 p., 24 €
EAN : 9782882957788
Paru en mars 2017

Ce qu’en dit l’éditeur
Homme parmi les plus remarquables de notre époque, Aga Khan, né à Paris, a longuement servi les Nations Unies aux plus hauts niveaux. Sa famille fuit la France en mai 1940 et Sadruddin est scolarisé en Suisse. Plus tard, il accomplit des missions pour le HCR et l’UNESCO. Devenu haut- commissaire pour les réfugiés, au moment d’exodes importants en Afrique, Amérique latine et Asie qui nécessitaient de nouvelles approches, il se distingua particulièrement dans sa fonction. Ses dons diplomatiques s’avérèrent indispensables dans les situations critiques. Visionnaire sur l’état du monde et la situation des réfugiés, Sadruddin décrit et prévoit quarante ans plus tôt les exodes de masse actuels. Passionné par la nature, tout comme fortement engagé sur la question de la menace nucléaire, il organisa des colloques internationaux d’importance sur ces sujets. Il mit également sur pied de nombreux projets en faveur des Alpes dans les sept pays de l’Arc alpin. Jusqu’à sa mort, sa préoccupation demeura le sort des populations dans les pays pauvres.
Reconnu comme un grand homme déjà de son vivant, le prince Sadruddin méritait que sa vie consacrée à la protection des hommes, des arts et de la nature soit connue, en anglais et en français. À une époque où les modèles de valeur font défaut, cette personnalité internationale et hors du commun s’offre comme une source d’inspiration pour les jeunes de tous pays et de toutes origines.

Ce que j’en pense
« J’espère que ceux qui n’auront jamais eu la chance de rencontrer cet être humain d’exception apprendront à le découvrir à travers ces pages, et à réaliser à quel point Sadruddin vécut pour améliorer le sort de l’humanité et le monde vivant pour lesquels il fut une bénédiction. » Le souhait de Diana Miserez, qui a fait la connaissance du prince Sadruddin Aga Khan dans les années soixante aux Nations Unies à Genève et l’a côtoyé durant près d’un demi-siècle trouve est réalisé dans ce livre qui fourmille de détails, qui compile une impressionnante somme de documents et qui, au-delà d’un homme, retrace aussi l’évolution des instances internationales durant cette même période. Riche, dense et éclairant, ce livre rend hommage à un homme vraiment hors du commun.
Si j’ai choisi de vous en parler, moi qui ne fait guère d’incursions hors de la fiction sur mon blog, c’est d’une part parce que j’ai également eu la chance de côtoyer le Prince à plusieurs reprises, mais surtout parce que je partage avec l’auteur cette fascination pour « un homme altruiste, d’un fort charisme, brillant, modeste et attachant, doté d’une grande magnanimité, de dignité et de perspicacité, d’un humour contagieux et empreint d’une profonde préoccupation pour l’humanité et notre environnement. »
Un caractère d’autant plus remarquable que cet homme n’a eu dès sa naissance aucun souci à se faire quand à son avenir, puisque né en 1933 à Neuilly-sur-Seine de S. A. Aga Khan III et de la Bégum (la Savoyarde de la famille, née Andrée Joséphine Carron) et descendant d’une lignée de princes perses. Mais l’Histoire autant que ses racines plus que son éducation vont marquer le jeune homme. Après une jeunesse passée en Suisse puis des années d’études à Harvard, il parcourt le monde – notamment en Inde – et s’engage dès les années cinquante auprès des instances internationales. Un engagement qui va le conduire dès 1965 au poste de Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), poste qu’il occupera jusqu’en 1977, avant de rejoindre la Commission des droits de l’homme. Envoyé sur le terrain des conflits en Afghanistan et en Irak, il sera l’un des fervents défenseurs du droit d’ingérence humanitaire.
En relisant quelques-uns de ses discours et ses prises de position de l’époque, on se rend compte a quel point il était visionnaire, combien il anticipait les événements que nous vivons aujourd’hui, mais aussi combien il aura réussi par son entregent à éteindre bien des incendies.
J’en arrive à ma première rencontre avec cet homme passionnant et passionné, notamment d’art et de musique. C’était en 1991, alors que Sadruddin Aga Khan figurait sur la short-list des prétendants à la succession de Javier Pérez de Cuéllar. Il m’avait accordé un long entretien dont je conserve un aujourd’hui encore un vif souvenir… et le regret qu’il n’ait pas été élu.

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Entretien avec le Prince Sadruddin Aga Khan paru dans l’hebdomadaire Coopération en octobre 1991.

Même si cela m’a alors permis de partager un autre engagement avec le Prince, celui pour la nature et la défense de l’environnement à travers sa Fondation de Bellerive et plus précisément «Alp Action». Grand randonneur, il a alors entraîné dans ses pas une poignée de journalistes à la découverte de la flore et de la faune alpine. Outre la conversation a bâtons rompus, nous avons eu la chance d’approcher un gypaète barbu, espèce menacée de disparition et pour laquelle il a défendu la préservation d’un environnement protégé.
Diana Miserez revient également en détail sur cette seconde vie et sur toutes les autres, car il brillait de mille facettes, comme vous le découvrirez dans cet ouvrage.


Un court résumé (en anglais) de l’action du Prince Sadruddin Aga Khan durant ses douze années à la tête du Haut Comité pour les Réfugiés (1966-1977)

Autres informations et vidéos réalisées à l’0ccasion du lancement du livre aux Nations Unies à Genève

Page Wikipédia consacrée au Prince Sadruddin Aga Khan 

A propos de l’auteur
Diana Miserez, née à Londres, après avoir côtoyé à l’Université des réfugiés de pays de l’Est, fut nommé au HCR (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés). À Genève comme sur le terrain, elle connut Sadruddin Aga Khan, adjoint puis haut-commissaire. (Source : Éditions Cabédita)

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Blasmusik Pop

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Blasmusik Pop
Vea Kaiser
Presses de la Cité
Roman
Traduit de l’allemand (Autriche) par Corinna Gepner
528 p., 22 €
ISBN: 9782258113374
Paru en août 2015

Où?
Le roman se déroule en Autriche, dans un village oublié des Alpes : Saint-Peter-sur-Anger. Lenk, la principale ville des alentours est également évoquée, tout comme la capitale ainsi que quelques villages alentour ainsi que Sankt-Pauli, un quartier de Hambourg.

Quand?
Le récit se situe sur deux périodes en parallèle : d’une part la chronique historique du village qui remonte à la nuit des temps et principalement la seconde moitié du XXe siècle jusqu’à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Au commencement était le ver.
Johannes se destinait à autre chose qu’à cette vie fruste dans le village de ses ancêtres. Son grand-père, Johannes premier du nom, avait lui-même quitté Saint-Peter-sur-Anger pour aller étudier en ville – et observer le développement des vers solitaires ! –, avant de revenir et de s’établir comme médecin. C’est ce dernier qui a communiqué à son petit-fils son goût du savoir et sa passion pour Hérodote, qui font de lui aussi un original dans ce microcosme alpin où se cultiver est considéré comme hautement suspect. Ainsi, lorsque le jeune homme échoue au baccalauréat, quel drame ! Le voici condamné à rester parmi les « barbares ». Et il ne tarde pas à se faire embrigader dans l’un des événements majeurs de la localité : la venue d’un grand club de football hambourgeois…
Des dialogues savoureux, une langue inventive, tantôt désuète, tantôt moderne, des personnages hauts en couleur, un luxe de détails, de l’esprit, beaucoup d’esprit. Avec son premier roman, très remarqué au moment de sa parution, Vea Kaiser s’en est donné à coeur joie.
«Un premier roman épique sur la vie d’un village, racontée avec fraîcheur et audace.» Zeit Literatur
«Vea Kaiser s’impose comme l’un des plus passionnants auteurs débutants de cette rentrée littéraire.» SonntagsZeitung

Ce que j’en pense
****
La chronique d’un village perdu dans les Alpes autrichiennes, la tentation du repli sur soi, la difficulté à s’extirper de son milieu, la crainte du progrès et la science, les raisons du développement de l’extrême-droite et du populisme, le combat entre la ville et la campagne : le premier roman de la jeune Autrichienne Vea Kaiser nous offre une belle palette de thèmes et de réflexion. Le tout sous couvert d’une histoire de famille contée avec beaucoup d’érudition et de fantaisie.
Dans la version originale, le sous-titre du livre est «Comment la science arriva dans les montagnes». Dans la version française, ce sous-titre se transforme en «Comment un ver solitaire changea le monde». Autrement dit, on peut mettre à la fois l’érudition en avant ou la fantaisie.
Pour incarner ce récit, l’auteur imagine Johannes Gerlitzen, un descendant de cette longue lignée de «barbares des montagnes». Trois événements vont pousser ce sculpteur sur bois à sortir du moule imposé par l’histoire et par la géographie : une blessure qui va l’empêcher de courir les bois, la naissance d’un enfant qui ressemble davantage au voisin et surtout la maladie qui le ronge : un ver solitaire qui s’ébat dans ses entrailles et qu’il parviendra à extraire après seize heures d’un combat douloureux. « Lorsqu’il eut enfin sous les yeux l’animal dûment nettoyé, quatorze mètres quatre-vingts de longueur et presque aussi large que l’annulaire d’Elisabeth, il rayonna de fierté, comme s’il avait réalisé la première ascension du Grand Sporzer.»
Marqué par cette expérience, il décide de se consacrer à l’étude des vers : «J’allons dans la capitale por devegnir docteur. » (Saluons à ce propos le talent de Corinna Gepner, la traductrice de l’ouvrage, qui a su inventer un patois susceptible de rendre le curieux langage des autochtones et qui parsèment le récit de dialogues savoureux).
A force de petits boulots et de persévérance, Johannes parvint à son but et une décennie plus tard put revenir auréolé de gloire dans son village où il accompagna sa femme atteinte d’une maladie incurable et aida sa fille Ilse à grandir. Au printemps 1974 Elisabeth meurt et Ilse entre dans l’âge de la puberté. Un double choc pour Johannes qui se retranche dans ses études et note dans observations dans ses carnets qui mélangent l’analyse scientifique et le journal intime.
C’est a peu près à cette période qu’Alois Irrwein, apprenti charpentier, va s’amouracher d’Ilse. Une liaison qui, à l’instar de celles de nombreux autres jeunes du village, ne peut déboucher que sur un mariage. Si Johannes ne voit pas cette union d’un bon œil, il y trouvera cependant quelques années plus tard une belle satisfaction : la naissance de son petit-fils Johannes, le vrai héros du livre.
Car ce dernier va pousser plus loin encore sa différence. Suivant les pas de son grand-père, il entend lui aussi s’émanciper en étudiant. Une façon aussi de rendre hommage à son aïeul, qui disparait tragiquement en venant au secours d’un villageois qu’il ne portait pas vraiment dans son cœur.
On va suivre avec délectation les pérégrinations du jeune homme dans la grande ville. Nous sommes en 2002. Au sein du monastère bénédictin où il va poursuivre ses études, il va apprendra bien davantage que les sciences naturelles, la philosophie ou les mathématiques. Sous l’égide d’Hérodote, il a aussi apprendre la compromission, la trahison, l’injustice et le sens du secret. C’est avec ce bagage, et un examen de baccalauréat qui le marquera sans doute à vie, qu’il retourne dans son village. Et découvre que les Saint-Pétruciens méritent toute son attention. «En son temps, docteur Papi (son grand-père) avait étudié leurs corps. Johannes comprenait qu’il devait, lui, se pencher sur leur esprit.»
La dernière partie du livre est sans doute la plus riche et la plus entraînante. Johannes devient un homme, tombe amoureux, va changer les mentalités, devenir une sorte de sauveur et faire entrer son village dans la modernité. Mais il serait dommage de dévoiler ici comment tout cela va arriver. Laissez-vous plutôt emporter par le souffle de ce premier roman étonnant.

Autres critiques
Babelio
L’Express
Métronews
RTBF culture (Thierry Bellefroid)
Blog huit plumes (Véronique Poirson)
Blog Café Powell
Blog Le brocoli de Merlin

Extrait
Les 20 premières pages du livre

A propos de l’auteur
Vea Kaiser est née en 1988 en Autriche. Blasmusik Pop, son premier roman, a enthousiasmé la presse et s’est vendu à plus de 80 000 exemplaires. Une adaptation cinématographique est en cours. (Source : Presses de la Cité)

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