L’automne est la dernière saison

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En deux mots
Leyla accompagne son mari à l’aéroport. Elle n’a pas voulu le suivre au Canada et entend se consacrer au journalisme. Rodja, qu’elle a rencontrée à l’université, a aussi choisi de partir. Elle s’inscrit en doctorat à Toulouse. Shabaneh, quant à elle, veut travailler et se marier. Trois jeunes filles iraniennes à la croisée de leur destin.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Trois iraniennes face à leur destin

Leyla, Rodja et Shabaneh se sont rencontrées à l’université de Téhéran. En racontant leurs parcours respectifs, Nasim Marashi brosse le portrait saisissant de la jeune génération dans l’Iran d’aujourd’hui.

L’un part, l’autre reste. Misagh quitte l’Iran et laisse sa femme Leyla triste et désemparée. Car elle a choisi de rester en Iran, avec sa famille et ses amis. Elle entend poursuivre sa carrière de journaliste, de faire partager ses goûts culturels. Mais elle doit désormais faire sans son tendre amour. Eux qui étaient si proches, qui avaient les mêmes aspirations, sont désormais séparés par des milliers de kilomètres.
Pour tenter d’atténuer sa peine, Leyla peut compter sur ses amies Rodja et Shabaneh, même si le trio qu’elles formaient à l’université de Téhéran ne se voit plus aussi fréquemment. Car depuis, leurs professions respectives et leurs nouvelles connaissances occupent une place non négligeable dans leurs vies. Shabaneh travaille dans un bureau d’architectes où sa personnalité n’a pas tardé à susciter l’intérêt de son collègue Arsalan. Il ne rêve désormais que d’une chose, l’épouser. Mais elle se demande si elle l’aime vraiment et ne veut pas précipiter les choses. Elle veut aussi rester aux côtés de Mahan son frère handicapé. Arsalan se fait alors de plus en plus pressant. Il va bien falloir trancher la question.
Pour Rodja, le choix est fait. Pour elle, il n’est pas question de moisir en Iran. Toute son énergie est désormais consacrée à monter son dossier afin d’obtenir un visa pour la France et s’inscrire en doctorat à l’université de Toulouse. Mais son parcours dans les administrations est loin d’être gagné.
En suivant le parcours de ces trois iraniennes, en revenant sur leur passé et leurs familles respectives, Nasim Marashi brosse un portrait saisissant de la jeunesse iranienne d’aujourd’hui. Rodja voit toutes ces jeunes filles à la croisée des chemins comme des monstres: «On n’est plus du même monde que nos mères mais on n’est pas encore de celui de nos filles. Notre cœur penche vers le passé et notre esprit vers le futur. Le corps et l’esprit nous tirent chacun de son côté, on est écartelées. Si nous n’étions pas ces monstres, à l’heure qu’il est, on serait chacune chez soi à s’occuper de nos enfants. (…) On ne serait pas en train de poursuivre des chimères.»
Si dans ce roman il n’est pas directement question du régime des mollahs et de la répression qui frappe la population depuis bien trop longtemps (il a été publié en 2015 dans sa langue originale), on sent bien la chape de plomb qui pèse sur les habitants, à commencer par ce choix binaire que tous sont appelés à faire, partir – quand on peut – ou rester. Choix cornélien, car il est souvent définitif. Il peut aussi entraîner pour les familles des conséquences imprévisibles, voire dramatiques. Les peurs et les espoirs, les contraintes et les rêves sont parfaitement concentrés derrière les visages de Leyla, Rodja et Shabaneh. Ce qui explique sans doute le succès du livre en Iran, mais place aussi la romancière dans une situation délicate. Car comme c’est le cas dans le roman, les menaces et les intimidations des gouvernants se font de plus en plus précises. La lutte continue…

L’automne est la dernière saison
Nasim Marashi
Éditions Zulma
Roman
Traduit du persan (Iran) par Christophe Balaÿ
272 p., 22 €
EAN 9791038701564
Paru le 12/01/2023

Où?
Le roman est situé principalement en Iran, à Téhéran. On y évoque aussi le Canada et la France, notamment Toulouse.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Dans le brouhaha des rues agitées de Téhéran, Leyla, Shabaneh et Rodja sont à l’heure des choix. Trois jeunes femmes diplômées, tiraillées entre les traditions, leur modernité et leurs désirs.
Leyla rêve de journalisme ou de devenir libraire. Son mari, pourtant aimant et attentionné, a émigré sans elle. A-t-elle eu raison de ne pas le suivre et de rester ? Shabaneh est courtisée par son collègue, qui voit en elle une épouse parfaite. Comment démêler si elle l’aime, si elle peut se résoudre à abandonner son frère handicapé, alors qu’elle en est l’unique protection ? Rodja, la plus ambitieuse, travaille dans un cabinet d’architectes, et s’est inscrite en doctorat à Toulouse – il ne manque plus que son visa, passeport pour la liberté. Vraiment ?
La solution est-elle toujours de partir ?
En un été et un automne, elles vont devoir décider. D’espoirs en incertitudes, de compromis en déconvenues, elles affrontent leurs contradictions entre rires et larmes, soudées par un lien indéfectible mais qui soudain vacille, tant leurs rêves sont différents. L’automne est la dernière saison est une magnifique histoire d’amour et d’amitié, sensible et bouleversante, profondément ancrée dans la société iranienne d’aujourd’hui, et pourtant prodigieusement universelle.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com

Les premières pages du livre
« ÉTÉ
Leyla
Je te cherchais, je courais. Sur le carrelage blanc glacial du hall de l’aéroport. Dans un silence de mille ans.
À chaque foulée, ma respiration haletante bourdonnait à mes oreilles, de plus en plus fort, emplissant ma gorge d’amertume. Les vols internationaux étaient à l’autre bout. Ce n’était pas l’aéroport Imam Khomeini.
Non, plutôt Mehrabad. La zone d’embarquement ne cessait de s’éloigner, j’ai pourtant fini par atteindre la porte. Tu avais le dos tourné, mais je t’ai reconnu aussitôt.
Tu portais ta veste bleu foncé. Tu attendais tranquillement, ta valise à la main. La lumière était d’un blanc aveuglant. Je ne voyais que cette lumière et toi, un point bleu indigo au milieu de tout ce blanc. Je t’ai appelé. Mais tu t’es éloigné. Comme si tu flottais au-dessus
du sol. J’ai couru, tendu la main vers toi, attrapé la tienne. Ta main est restée dans la mienne, l’avion a décollé.
Je suis encore sur le bord des rêves. Dans cet entre-deux douloureux, entre veille et sommeil, où toutes les cellules de mon corps sont comme piégées dans un bâillement
sans fin. Je me force à ouvrir grand les yeux pour mettre un terme à ce supplice. J’aperçois le placard à moitié ouvert, la lampe éteinte sur la table de nuit, jonchée de verres sales, un réveil cassé, quelques livres.
Tes livres. Je passe la main sur le drap à côté de moi.
Tu n’es pas là. Il n’y a personne. Où suis-je? J’ai quel âge? Quel jour sommes-nous? Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est que je me sens mal. J’ai un goût amer dans la bouche, mon cœur bat la chamade. J’ai soif. Il
faut que je me souvienne. Je dégage mon bras gauche sur lequel j’étais allongée. La montre en acier a laissé sa marque imprimée sur mon poignet en sueur. Onze heures cinq. Si tard ? Je ferme les yeux, j’ai la tête prise
dans un étau. Je pense à hier, à avant-hier. Ça me revient. Nous sommes dimanche et j’ai rendez-vous pour un boulot. Je repousse la couverture.
Quand j’avais décroché le téléphone, il avait dit : «Bonjour Leyla, ici Amir Salehi. C’est Saghar qui m’a donné votre numéro.»
Ils s’apprêtaient à lancer un nouveau journal. Avec trois pages culturelles quotidiennes. La première partait sous presse à midi. Les deux autres dans la soirée. « Si vous en avez le temps, et bien sûr l’envie, passez
donc me voir au bureau dimanche après-midi.»
Du temps, j’en ai. Autant qu’il veut. Ces quatre
derniers mois, je n’ai rien eu d’autre que du temps, du temps à perdre, du temps gâché, inutile, qui n’enlève ni n’ajoute rien à ma vie. Je ne m’entendais pas bien avec le rédacteur en chef du magazine où je travaillais.
Quatre mois plus tôt, il était venu se poster devant mon bureau. «Tes articles m’appartiennent, j’en fais ce que je veux.» J’ai rassemblé mes affaires. « Tu t’imagines qu’on ne peut pas changer un seul mot de ce que tu écris?» J’ai fourré mes livres et mes stylos dans mon sac.
«C’est la dernière fois que je t’entends protester.» J’ai mis mon sac à l’épaule: « C’est la dernière fois, en effet.» Et je suis partie. Il ne comprenait pas que ses corrections avaient détruit mon article. Depuis que j’ai démissionné, je me réveille tous les matins, je suis le mouvement du soleil d’est en ouest, jusqu’à ce que la nuit tombe. Puis je m’endors. Je ne me souviens de rien d’autre. Parfois, je vois Rodja ou Shabaneh. Elles me rejoignent ici ou on sort manger un morceau, puis je reviens à la maison. Une fois papa est passé me prendre pour m’emmener à Ahwaz. J’ai revu maman et toute la famille. Pendant trois ou quatre jours. Je ne me souviens plus. J’ai du temps pour bosser. Autant qu’il veut. Mais l’envie? Je ne sais pas trop. Sans doute
que j’en ai envie. J’aimais ce que je faisais auparavant. Tu le sais bien. On riait beaucoup au boulot. Je m’en souviens. Mais à présent, qu’ai-je envie de faire, sinon rester allongée à compter les jours? Je ne sais pas.
— Je vais te présenter à la Société des Pétroles, avait dit papa. Je te trouverai un job dans ta spécialité. Avec un bon salaire. Tu te construiras un avenir. Tu vivras plus près de nous.
Je n’ai aucune envie de retourner vivre à Ahwaz. Mieux vaut ne pas regarder en arrière. Lors de mon dernier séjour, j’ai réalisé que c’était impossible.
À Ahwaz, il fait chaud. La chaleur monte du sol et vous écrase la poitrine. Combien de fois peut-on faire l’aller-retour jusqu’à la mer, à vingt minutes à pied ? Et combien de temps peut-on rester assis à lire un magazine sous un climatiseur, en respirant ce bon air chargé
de poussière? Combien de fois peut-on arpenter les allées du bazar Kyan, à rire et marchander avec les femmes arabes le prix des dattes ou du poisson ?
Pendant ces quelques jours, Ahwaz m’a semblé plus petite. Bien plus petite que dans mon enfance. Je pouvais traverser n’importe quelle rue en deux enjambées.
L’avenue Chaar Shir donnait directement sur
la place Nakhl, et celle-ci s’engouffrait dans Seyed Khalaf. Les cours étaient petites et les tranchées datant de la guerre minuscules comme des boîtes d’allumettes.
J’observais tout cela, et les images de mon enfance s’en trouvaient bousculées, rendant mes souvenirs confus.
Même la nuit, je n’arrivais pas à me détendre. Je n’avais qu’une envie, retrouver mon chez-moi. Mon lit. Notre lit.
— Viens bosser dans ma boîte. Ils recrutent. On sera à nouveau ensemble. Ce sera sympa, m’a dit Shabaneh. Ce ne sera pas sympa, j’en suis sûre. Je serai assise derrière un bureau toute la journée, à griffonner des chiffres sur du papier, sur des plans, sur un écran. Les
quatre se mélangeront aux deux, les deux aux cinq, et tous ces nombres s’aligneront les uns derrière les autres pour me ronger le cerveau. Avec des moins et des virgules. Zéro, virgule, trois. Zéro, virgule, huit. Le diamètre de l’arbre multiplié par la hauteur de la pale, la longueur du piston diminuée de celle du cylindre.
Tout cela me rendra folle. Shabaneh recroquevillée en elle-même, Rodja la tête plongée dans son écran, comme à la fac. Personne ne m’adressera la parole. Je serai toute seule dans un bureau déprimant.
— On fait nos valises et on part, a dit Rodja. Tu as juste le test de langue à passer. Je m’occupe de l’inscription à la fac et du visa. Pourquoi veux-tu rester ici?
— Si j’avais voulu partir, je serais partie avec Misagh.
— Quelle tête de mule! Arrête de te faire du mal, Leyla.
Je ne veux pas partir. Pourquoi personne ne
comprend-il ce que je dis? Et maintenant, même si je le voulais, je n’en aurais plus la force. Je n’ai pas l’énergie de Rodja, ni la tienne. Je sais ce que signifie partir, je l’ai observé de près. Dans ma propre maison, tous les formulaires que tu remplissais s’empilaient comme les degrés d’une échelle qui t’éloignait inexorablement de moi. Ça n’a pas été une période facile. Tu accumulais
des lettres et des documents par centaines. Que tu faisais traduire, tamponner et signer pour le rendez-vous à l’ambassade… Le rendez-vous à l’ambassade?!
On est dimanche. Rodja a rendez-vous de bonne heure à l’ambassade. Je lui avais promis de la réveiller. Comment ai-je pu oublier?
« La personne que vous cherchez à joindre n’est pas…»
Elle doit déjà être en route pour l’ambassade, voilà pourquoi son téléphone est éteint. Rodja n’est pas du genre à rater un rendez-vous. Elle est forte, comme toi.

J’ai la tête qui tourne. Il faut que je me fasse un thé et que je mange quelque chose. Je sors de la chambre, l’appartement est un chaos. Le cendrier déborde de mégots. Tu détestais cela, tu passais ton temps à les vider pour que l’appartement ne pue pas comme un dortoir de cité U, c’est ce que tu disais. Le plan de travail de la cuisine est jonché de serviettes en papier et d’assiettes sales où sont figés des reliefs de nourriture.
La table en verre est maculée de traces de doigts, les journaux de la veille, de l’avant-veille et de la semaine dernière s’entassent sans avoir été lus. Mon manteau traîne sur le canapé. Je me réfugie dans la chambre pour
me cacher sous les couvertures. Ceci n’est pas ma maison. Cette journée est en train de m’échapper, il faut que je la rattrape et que cet endroit redevienne ma maison. Si je retrouve du travail, si je vais mieux, de mieux en mieux, je pourrai prendre soin de la maison
à nouveau. Je réorganiserai tout. Je changerai les ampoules. Je ferai restaurer le canapé rouge. Il est sale, les ressorts sont défoncés, il a besoin d’un bon nettoyage et de nouveaux boutons blancs, comme à l’origine. Tu ne l’aimais pas. Ce rouge te sortait par les yeux. Dès le départ, tu m’avais dit que je finirais par m’en lasser. Le jour même où nous l’avons acheté. Toi et moi, avec Rodja et Shabaneh, nous avions séché le cours de midi
à la fac. Maman n’était pas encore arrivée à Téhéran. Nous avions écumé les boutiques d’ameublement pour ne pas avoir à retraverser toute la ville avec elle. Rodja avait suggéré: «Allons à Yaftabad », mais je n’avais pas envie de faire tout ce trajet. Elle a eu beau ajouter : «Juste une fois», je savais bien qu’on sillonnerait la ville cent fois pour quatre morceaux de bois recouverts de tissu. Toi, tu étais d’avis de la laisser faire à son idée.
Comme d’habitude, Shabaneh nous observait sans rien dire. Alors que nous passions par Djahan Koudak, j’ai aperçu dans la vitrine d’un grand magasin ce canapé rouge, avec ses boutons blancs et ses grosses fleurs, je suis tombée en extase. Tu t’es esclaffé:
— Un canapé rouge?! Je ne te donne même pas trois jours pour en avoir marre. En revanche, celui-là, le beige et marron, est magnifique… Rodja a fait la grimace.
— Mais vous avez quel âge? Si vous n’achetez pas du rouge maintenant, vous ne le ferez jamais. Vous aurez le temps, quand vous serez vieux, pour les teintes marronnasses, avec vos petits-enfants sur les genoux !
Moi, j’aimais bien ce rouge. Je ne m’en lasserais pas, j’en étais sûre. Je me suis tournée vers Shabaneh, l’éternelle indécise.
— Les deux sont bien. On n’irait pas voir aussi à Yaftabad ?
Aucune envie de courir jusque là-bas. C’était ce canapé que je voulais, aussi cher et criard soit-il. Il mettrait un peu de gaîté chez nous, et aussi entre nous.
J’ai téléphoné à papa.
— Peu importe le prix ! Tu vas t’asseoir dessus
pendant des années, choisis la couleur qui te plaît. Prends tout ce que tu veux.
Je l’ai acheté. Tu n’étais pas mécontent. Tu passais la main sur les fleurs, le tissu était si doux.

Quand maman est arrivée, nous sommes allés choisir les rideaux, marron, pour que la décoration de l’appartement soit à la fois à ton goût et au mien. Sept ans après, ils ont pris un coup de vieux. Il faudrait que je les change. Quand j’aurai retrouvé du boulot et que ça ira mieux, je verrai quelle couleur se marie bien avec le rouge et je remplacerai les rideaux. Je me ferai un chez-moi tout mignon tout beau. Dès que j’irai mieux. J’ai envie d’un thé. Je traverse la pièce jusqu’à la cuisine en essayant de ne pas regarder autour de moi.
La bouilloire est couverte de taches multicolores. À son poids, je me rends compte que j’ai encore oublié d’acheter du détartrant. Je la remplis d’eau et je la pose sur la gazinière, maculée de jaune craquelé, de graisse rouge, de grains de riz séchés et de macaronis couverts de sauce. J’observe sur la poignée du réfrigérateur des traces de doigts sales, les étagères sont couvertes de
miettes, il y a des sacs en plastique vides, et cette tache de yaourt qui me dégoûte, jaune et craquelée comme la terre du désert. De l’évier remontent les remugles d’une vaisselle sale qui date de plusieurs jours. Il faudra que je demande à Molouk Khanom de venir faire le ménage.
Voilà des mois que je dois l’appeler, mais je ne me sens pas la force de passer une journée entière à l’entendre pérorer sur sa malheureuse fille qui a divorcé ou sur la belle-sœur paralysée dont elle a la charge depuis plus de vingt ans. Ah ! Si maman était là ! Elle apporterait un rayon de bonheur dans cette maison. Elle ferait venir Molouk Khanom, remplirait le congélateur, une bonne odeur de cuisine se répandrait dans l’atmosphère. Elle viendrait s’asseoir à côté de moi pour papoter sans fin : ma tante maternelle qui a acheté une nouvelle voiture, ma tante paternelle qui n’a pas pris de nouvelles de grand-père depuis des lustres! Elle me parlerait de papa
qui se languit de Samira et de moi et réclame tous les soirs ses deux filles en rentrant du cabinet médical. Il aimerait tant les avoir à sa table. Elle me donnerait des nouvelles de sa cousine et des jumeaux, quels nouveaux
mots le fils de Samira vient d’apprendre en persan et comme il les prononce bien. Je m’installerais en face d’elle sur le canapé, je boirais un thé fraîchement infusé en mangeant une orange, j’écouterais sa voix résonner dans la maison en faisant juste des petits hum hum de temps en temps.
Je verse l’eau bouillante dans un verre. Des filets bruns forment des volutes dans l’eau. Je retire le sachet. Les nuages se mélangent, mon thé est prêt. Depuis que tu n’es plus là, j’ai remisé sans regret la théière sur l’étagère la plus haute. Je ne prends plus que du thé en
sachet. J’ai besoin de thé pour être en forme. Et je dois être en forme pour aller au travail. Je retrouve enfin le métier que j’ai toujours aimé et qui me rendait heureuse. Je vais devoir apprendre à l’aimer de nouveau.
Pourquoi pas? Ces jours-ci, rien ne m’amuse plus. Pourquoi? C’est sans doute parce que je ne fais rien. J’ai besoin de m’investir dans quelque chose qui m’occupe et me divertisse. Qui me fasse passer le temps. Qui me distraie de tout le reste. Sinon mes idées noires prennent le dessus. Je me laisse aller dans le canapé rouge, je peux rester ainsi pendant des heures sans m’ennuyer.

Juste à laisser les idées galoper dans ma tête. Je pense à moi, à toi, à Samira, à la vie de Shabaneh avec Mahan. Je me demande comment on a pu en arriver là, où nous nous sommes trompés, à quel moment de notre histoire et sous quelle pression nos fondations ont commencé à se fissurer sans que nous sachions pourquoi, si bien qu’au premier coup de vent, nous nous sommes effondrés sur nous-mêmes sans pouvoir nous relever. Même si nous en avions été capables, cela n’aurait jamais plus été comme avant. La faute à quel ingénieur, qui n’a pas su calculer correctement nos forces, qui nous a fourni une structure susceptible de s’écrouler à tout moment? Penser à cette vie dénuée d’humour, vide de désirs me brise en mille morceaux, comme cette vilaine tache de yaourt sur le plan de travail de la cuisine. Mais si j’ai un boulot, ça m’empêchera de penser: je travaillerai jusqu’à l’épuisement, puis je prendrai ma fatigue dans mes bras et je m’enfoncerai doucement dans le sommeil. Rodja me demande: « Pourquoi es-tu si dure avec toi-même? Toi, tu n’as pas besoin de bosser.»
Pourquoi ne comprend-elle pas que c’est ma seule consolation dans cette fichue vie? La seule. En partant, tu ne m’as rien laissé d’autre. Désormais il faut que je sois heureuse. Je ne dois pas l’oublier. Je me prends la tête dans les mains et j’essaie de me souvenir ce que c’était d’avoir un fou rire.
— Allons, Leyli, viens! Ne traîne pas comme ça. On est en retard.
— Je t’en prie, attends. Juste une seconde. Je te tenais par la main en riant aux éclats. J’étais pliée en deux au bord du trottoir tant je riais. Je n’arrivais plus à respirer, j’avais mal au ventre, je m’en souviens encore. Tu me tirais par le bras. On était en retard. Qu’est-ce qui nous faisait rire comme ça ? Je ne
me rappelle plus. Je me souviens seulement qu’on était avenue Enghelab. On sortait du cinéma Bahman, on venait de voir un film minable au Fajr Film Festival et on retournait à la fac. On cherchait un taxi sur l’avenue
Kargar, on se faufilait parmi les marchands de CD, les stands de samoussa ou de galettes koloutcheh de Fouman, les petits bouquinistes et les vendeurs de fripes. Il fallait jouer des coudes dans cette foule.
Tu portais la chemise blanche que Samira t’avait envoyée. Un type a foncé sur nous, tête baissée. Tu m’as lâché le bras pour le laisser passer. J’ai à nouveau éclaté de rire. L’homme m’a regardée. Tu as eu une seconde d’hésitation. Quand l’homme a relevé la tête,
il était trop tard. Il t’a heurté en pleine poitrine, renversant sur ta chemise blanche son verre de jus de grenade.
Durant tout le temps que nous avons vécu ensemble, cette tache n’est jamais partie, j’ai essayé le bicarbonate, le vinaigre, la Javel et même le détachant Rafouneh la dernière fois, avant de la mettre dans ta valise. «Ne la porte qu’à la maison, quand il n’y a personne d’autre», t’ai-je dit.
J’avale mon thé froid d’une seule gorgée. Le bruit me surprend. Est-ce à cause du silence qui règne dans l’appartement que le son se réverbère si fort dans ma tête? Ou bien est-ce mes oreilles qui ont perdu l’habitude d’écouter? Je me suis accoutumée à ce silence, à ce vide. À rester prisonnière derrière le double vitrage des fenêtres. Je n’ai même plus envie de faire de la musique.
Depuis combien de temps n’ai-je pas joué au piano ? Quatre mois? Huit ? Je ne sais plus. J’ouvre la main, écarte les doigts, je les replie pour les ouvrir à nouveau. Je les étire au maximum. La douleur remonte jusqu’au
poignet. Ils ont perdu toute leur souplesse et leur légèreté. Ils sont devenus courts et laids, les articulations raides et gonflées, ça me fait mal au moindre mouvement.
Ces doigts douloureux, aux ongles longs et mal taillés, accrochent sur les touches du clavier. Je ne peux plus jouer le passage de la valse en la mineur que tu aimais tant.
Tu étais venu t’asseoir près de moi sur le tabouret du piano.
— J’aime bien que tu aies les ongles courts et sans vernis.
— C’est à cause du piano.
Je t’avais appris à tenir le mi mineur grave à l’octave sur chaque temps quand je jouais Chopin.
— C’est ce jour-là que je suis tombé amoureux de toi, m’as-tu dit. Le jour où dans l’amphi de la fac, tu t’es mise au piano et que tu as joué, je crois, un morceau de Chopin. Tu savais que je te regardais?
— Vraiment? Tu me regardais? Je pensais que c’était moi qui étais tombée amoureuse la première. Le jour de la grève. Tu étais assis tout en haut des marches devant le syndicat étudiant, avec ton béret de velours, tu avais l’air tellement sûr de toi.
— J’aime toujours observer tes doigts qui dansent sur le clavier quand tu joues, indifférente à ce qui t’entoure.
Quand je m’exerçais, je sentais ta présence, à la porte du salon. Comment jouer maintenant que tu n’es plus là pour me regarder? Tu n’es plus là et mes doigts ne savent plus danser. Ils sont raides, j’ai tout oublié de Chopin. Il faut que je rattrape tout ça ! Quand j’aurai repris le boulot, et que j’aurai retrouvé un rythme, je ferai accorder le piano. Je reprendrai mes exercices pour que mes doigts redeviennent comme avant ton départ.
Il faut que je ressorte mes partitions. Pourquoi tout avance si lentement aujourd’hui? Il est à peine une heure. J’allume mon ordinateur portable avec l’espoir d’y trouver le seul message qui n’y est jamais. «Important, important, important !»; «Trois méthodes efficaces pour prévenir le cancer du sein »; « Une top model iranienne à New York ». J’efface tout. Je referme ma boîte mail pour ouvrir mon blog. Mon post d’hier a onze commentaires. J’y parlais de cette
nouvelle proposition de job, de Salehi, du journal et de toutes ces belles perspectives, de choses très simples en somme. On me répond : « Félicitations!» «Quand est-ce qu’on fête ça ?» « Bravo ! Tu écris à nouveau !» «Viens consulter notre page.» Etc. J’aime bien le fait de ne pas voir mes lecteurs. Quand j’ai envie de dire quelque chose, je peux l’écrire de loin et rester cachée pour lire les réactions, à mon propre rythme, de loin.
Je n’ai pas envie que quelqu’un s’assoie en face de moi et me fixe en attendant une réponse. C’est pour ça que j’aime les journaux. J’aime bien être assise dans la salle de rédaction à écrire, et le lendemain, me poster derrière le gros platane en face du kiosque à journaux pour voir combien de personnes s’arrêtent sur le titre de mon article. Le téléphone sonne. C’est Rodja, elle a fini à l’ambassade.
— C’est quand ton rendez-vous?
— À quatre heures et demie. J’étais réveillée aux aurores mais j’ai complètement oublié de te réveiller.
Tu étais à l’heure? Elle y était, oui.
— Allons déjeuner. Il n’est qu’une heure et demie, j’ai tout mon temps.
Rodja insiste:
— Tu me rejoins? Je n’ai pas envie d’aller bosser tout de suite. Déjeunons d’abord. Ensuite, j’irai au bureau, et toi au journal.
Je traîne des pieds. Je ne sais pas trop.
— Comment ça, tu ne sais pas trop ? Allez, viens.
Je n’ai pas de voiture. On se retrouve à deux heures et quart, à l’angle de Niloufar et d’Apadana. On trouvera bien un endroit. Tu viens, hein ? Si tu ne dis rien, c’est que tu es d’accord. Si je ne dis rien, cela signifie-t-il que je suis d’accord ?
Non, certainement pas! Quand je suis d’accord, je ne reste pas silencieuse. Je ris. J’ouvre la bouche pour dire oui, je suis d’accord. Mais le silence… sûrement pas!
Peut-être étais-je restée silencieuse ce jour-là aussi, tu en avais conclu que j’étais d’accord. J’étais là sans rien dire, occupée à faire tes valises. Je n’étais pas d’accord pour que tu partes. Je n’ai rien dit, et toi, tu es parti sans moi. Tu as d’abord rendu visite à tes parents. Tu t’es sans doute amusé à taquiner ta mère en lui demandant de ne pas s’en faire pour toi. Tu as certainement aussi embrassé tes tantes venues te dire au revoir, en leur promettant de revenir bientôt. J’ai rouvert deux ou trois fois tes valises pour m’assurer qu’on n’avait rien oublié, je les ai refermées, en silence. Toi, tu faisais le tour de la ville pour dire adieu à tes copains en leur faisant
promettre de ne pas me laisser seule et de prendre soin de moi en ton absence. Moi, je ne disais rien, je vérifiais ta valise une dernière fois, toi, tu bavardais avec les uns et les autres, plein d’espoir, souriant à ceux que
tu abandonnais. J’ai bouclé le cadenas de ta valise. Tu as ouvert la porte de l’appartement et tu es entré. Je ne disais rien, mais j’étais loin d’être d’accord. J’étais persuadée que tu ne partirais pas. Je m’attendais à ce que tu entres dans la chambre, que tu m’embrasses et que tu dises : «J’ai changé d’avis. Je n’irai nulle part si tu n’es pas d’accord.» J’espérais que tu dirais : «Non, je ne vais pas te laisser toute seule. Où irais-je sans toi ?» J’étais convaincue que tu ne partirais pas. Même quand tu as appelé le taxi pour l’aéroport Imam Khomeini. Je suis restée dans l’entrée. Tu t’es changé, j’ai détourné les yeux. Tu as enfilé une chemise et un pull neufs. Je les avais posés sur le lit après avoir retiré les étiquettes. Je les avais achetés moi-même, je voulais être certaine que tu serais le passager le plus élégant de l’avion : une chemise à rayures lilas, un pull gris et un jean foncé. Ta veste bleu ciel était sur le lit. Tu as ouvert ton sac à dos pour y mettre les habits que tu venais d’ôter.
— Je t’ai mis des habits neufs dans la valise. Pas la peine de prendre ceux-là.
— D’accord ! as-tu répondu sans un regard.
Tu as attrapé tes chaussettes. Je suis allée m’asseoir sur le canapé au salon avec mon livre. Je ne voulais pas pleurer. Tu n’allais pas partir. J’en étais sûre. Tu ne partirais pas sans moi. Tu voulais juste me faire peur. J’ai
entendu les roulettes de ta valise. Tu étais devant la porte et je t’ai regardé par-dessus mon livre. Tu portais ta veste bleu foncé. Tu as posé ton sac par terre, tu as enfilé tes chaussures que tu as lacées très lentement.
Quand tu as regardé vers moi, j’ai baissé les yeux.
— Viens dans mes bras.
Je n’ai pas bougé. Je suis entrée dans notre chambre et j’ai fermé la porte. Tes habits étaient encore sur le lit, derniers éclats de ta présence dans la maison en ton absence. Je suis restée là à écouter, la porte d’entrée s’est
ouverte et refermée, le bruit des roulettes s’est éloigné. Il ne fallait pas que je pleure. Tu allais revenir. J’en étais sûre. Tu ne pouvais pas vivre heureux sans moi. Tu rentrerais très vite. Peut-être même de l’aéroport. Peut-être demain ou après-demain. »

Extrait
« On est des sortes de monstres, Shabaneh. On n’est plus du même monde que nos mères mais on n’est pas encore de celui de nos filles. Notre cœur penche vers le passé et notre esprit vers le futur. Le corps et l’esprit nous tirent chacun de son côté, on est écartelées. Si nous n’étions pas ces monstres, à l’heure qu’il est, on serait chacune chez soi à s’occuper de nos enfants. On leur consacrerait tout notre amour, nos projets, notre avenir, comme toutes les femmes ont toujours fait à travers l’histoire. On ne serait pas en train de poursuivre des chimères. Leyla aurait courbé l’échine comme les autres pour suivre son mari. Moi, je m’emmerderais pas avec l’argent, les emprunts, le boulot… Je resterais ici bien tranquille à mener ma petite vie. Toi, tu aurais un mari, des enfants, tu serais heureuse. Au lieu de servir de mère à Mahan, tu aurais tes propres enfants. » p. 217

À propos de l’auteur

MARASHI_Nasim_©Florence_Brochoire
Nasim Marashi © Photo Florence Brochoire

Née en 1984, Nasim Marashi est romancière, scénariste et journaliste iranienne. Publié en 2015, son premier roman L’automne est la dernière saison a remporté le prix Jalal Al Ahmad, l’un des prix les plus prestigieux en Iran. Best-seller en quelques années, il atteint son 50e tirage et a été traduit en italien et en anglais. Son second roman connaît aussi un grand succès, traduit en turc et en kurde. (Source: Éditions Zulma)

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Debout dans l’eau

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Ouvrage sélectionné pour le Prix Roblès 2022

En deux mots
Quelque part en Belgique, près d’un étang, une fille de onze ans raconte son quotidien. Elle séjourne chez ses grands-parents, croise des animaux et des gens, rêve et apprend les choses de la vie.

Ma note
★★★ (bien aimé)

Ma chronique

Pour faire des ronds dans l’eau

Pour son premier roman Zoé Derleyn a choisi de raconter son séjour chez ses grands-parents lorsqu’elle était préadolescente. Avec poésie et humour, avec un brin de nostalgie.

Voilà un roman qui fonctionne comme un caillou jeté au milieu d’un étang. En suivant les ondes, on s’éloigne de plus en plus du cœur de l’histoire tout en découvrant de nouveaux cercles. Le premier se résume en une phrase. Une fille de onze ans séjourne chez ses grands-parents. Le second nous en apprend un peu davantage sur la géographie des lieux. Près du domaine, il y a un étang qui fascine la fillette, dans lequel elle se baigne, sent la vase et les poissons, imagine tout un monde, allant jusqu’à y voir surgir une baleine. Et autour de la maison, le grand jardin offre tout un monde de saveurs d’où émergent les groseilles à maquereau.
Le troisième cercle est celui du temps qui file au rythme de la météo et des activités. Entre la canicule qui va provoquer un carnage chez les poissons, la pluie qui n’empêche ni les chiens ni leur amie de se promener ou encore l’orage qui va frapper à l’heure des confitures, on va se laisser bercer par l’ambiance de cette campagne qui a quelque chose d’immuable.
Le quatrième cercle est celui de la sensualité. Au sortir de l’enfance, les bruits, les odeurs, les goûts et les couleurs accompagnent avec avidité cette existence.
Le cinquième cercle est constitué par l’entourage, à commencer par les grands-parents, qui sont une source inépuisable de savoir et de découvertes, des parties de pêche au jardin, du bricolage à la cuisine. Puis viennent toutes les personnes qui gravitent autour des grands-parents. Le personnel de maison, l’infirmière et Dirk, le jeune homme dont la plastique ne laisse pas la jeune fille insensible.
Ajoutons-y un sixième cercle, celui des émotions qui puisent dans une large palette, par exemple face à la blessure ouverte suite à une chute, ou encore lorsqu’elle comprend que la mort rôde autour du grand-père.
Des ronds dans l’eau chargés de poésie et d’un brin de nostalgie, des ondes qui nous emportent au pays de l’enfance et de l’apprentissage de la vie.

Debout dans l’eau
Zoé Derleyn
Éditions du Rouergue
Premier roman
140 p., 16 €
EAN 9782812621963
Paru le 4/05/2021

Où?
Le roman est situé en Belgique, du côté de Bruges et Gand.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
La narratrice, une enfant de onze ans, vit chez ses grands-parents, dans le Brabant flamand. Sa mère l’a abandonnée des années auparavant. C’est l’été dans cette vaste maison bordée d’un étang et d’un magnifique jardin. Le grand-père est en train de mourir dans une des chambres à l’étage, visité chaque jour par une infirmière. Cet homme autoritaire, distant, intimidant, est l’ombre manquante dans le jardin, espace de prédilection où sa petite-fille l’assistait dans ses occupations. Alors que la mort approche, autour de la fillette prennent place les différents protagonistes de ce lieu où la nature est souveraine : ses grands-parents bien sûr, les trois chiens, un jeune homme qui s’occupe des gros travaux, une baleine qui un jour a surgi dans l’étang. Elle rêve aussi d’un ailleurs qui pourrait être l’Alaska, la mer des Sargasses ou les Adirondacks.
Dans ce premier roman qui impressionne par sa sobriété et sa maîtrise, Zoé Derleyn interroge avec subtilité la manière dont se construit une filiation.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
goodbook.fr
Le Carnet et les Instants (Thierry Detienne)
L’Echo.be
Blog Le coin lecture de Nath

« Debout dans l’eau » de Zoé Derleyn – Entretien from Éditions du Rouergue on Vimeo

Entretien avec Zoé Derleyn © Production Éditions du Rouergue

Les premières pages du livre
Ni maintenant ni maintenant
Debout, de l’eau jusqu’à la taille, je suis capable de rester immobile dans l’étang très longtemps. Mes pieds disparaissent peu à peu dans la vase. À travers le reflet de mon maillot rouge, j’aperçois mes jambes, tronquées aux chevilles. Je laisse les poissons s’approcher de moi jusqu’à ce qu’ils m’embrassent les mollets, les genoux, les cuisses. Je ne bouge pas, j’oscille légèrement, je respire au rythme de l’eau, je fais partie de l’étang.
J’entends ma grand-mère qui m’appelle mais je ne réponds pas, ça gâcherait tout.
Au moment où les poissons s’imaginent que je suis un vieux tronc d’arbre, une branche, j’en attrape un : les doigts serrés sur les écailles visqueuses, je le sors de l’eau et je le brandis comme un trophée, juste le temps de savourer mon exploit, je le relâche avant qu’il n’ait vraiment compris ce qui lui arrivait.
En face de moi, la berge est vide, personne pour applaudir ma main triomphante fermée sur le poisson. Personne pour me voir extirper mes pieds de la vase, nager lentement dans l’eau tiède, dans le plaisir du mouvement retrouvé.
Dans le verger, j’arrache des touffes d’herbe pour frotter mes chevilles et mes mollets. Je m’allonge près des groseilliers à maquereau, je croque quelques fruits pas encore mûrs. Ma grand-mère ne m’appelle plus, elle doit penser que je suis partie jouer à la ferme. Que je suis trop loin pour l’entendre. En séchant, la vase laisse des traces presque dorées sur ma peau. L’odeur de l’étang reste sur moi. Un des chiens, Baron, trouve ma cachette ; il me renifle, me lèche le genou. Il attrape une groseille à maquereau, la recrache tout de suite ; dans quelques jours, quand elles seront sucrées, il les avalera. Il faudra faire attention à bien fermer la barrière du verger, sans quoi il les mangera toutes.
Baron se couche le long de moi et presque tout de suite j’ai trop chaud. Je passe mes doigts dans ses poils noirs, quelques-uns restent collés sur ma paume. Je m’essuie dans l’herbe, puis sur la surface brillante de mon maillot.
***
La cuisine est sombre et mes yeux ont du mal à s’habituer au changement de luminosité. Le carrelage est frais sous mes pieds.
– Ah, tu es là.
Ma grand-mère pèle des carottes et des pommes de terre. Je m’assieds en face d’elle. J’ai faim. J’allonge la main pour attraper une carotte mais elle fait un geste du menton vers la boîte en carton du pâtissier posée sur le buffet. Je prends un éclair au chocolat entre mes doigts, les mêmes qui ont serré le poisson. Le chocolat a légèrement fondu. Je m’installe à la fenêtre, face à l’allée.
– Tu crois qu’elle va venir ?
Elle hausse les épaules, prétend ne pas savoir de qui je parle.
– Qui ?
– Elle. Maman. Tu crois qu’elle va venir ?
– Rien n’est moins sûr.
Ma grand-mère pèle une carotte comme si elle voulait la punir.
***
L’eau de la douche vient de l’étang. Elle est filtrée quelque part à la cave. L’eau de la douche n’est pas verte ni brune, elle n’a plus le goût ni l’odeur de l’étang mais on ne peut pas la boire ; même si elle est filtrée, c’est bien l’eau des poissons. Le seul robinet d’eau potable de la maison se trouve à la cuisine. Je me lave de l’étang avec de l’eau de l’étang. J’utilise du savon liquide, beaucoup de savon liquide. Ma grand-mère en a des tas de flacons, de toutes les couleurs, de tous les parfums. Lavande. Pomme. Vanille. Je fais des mélanges, je me lave plusieurs fois de suite. Arrive un moment où j’en ai assez. Je m’enroule dans une serviette de bain. Je passe la tête par la porte entrouverte, je vérifie qu’il n’y a personne dans le couloir. Je cours jusqu’à ma chambre, laissant des traces mousseuses sur le plancher.
Je suis contente que mes cousins ne soient pas là. Ma grand-mère a parfois peur que je m’ennuie, toute seule pendant les vacances scolaires. Alors, elle invite des cousins éloignés et d’autres cousins pas si éloignés que ça. Je préfère m’ennuyer seule plutôt que jouer avec eux. Quand ils sont là, j’organise des parties de cache-cache pour leur échapper. Je me recroqueville derrière une vieille malle. Un des cousins vient inspecter le grenier, il tourne dans la pièce en m’appelant : Je sais que tu es là, montre-toi ! Je ne suis pas stupide. La poussière me donne envie d’éternuer alors je me frotte le palais du bout de la langue et je résiste. Je reste immobile, comme dans l’étang. Il ne me trouve pas et il s’en va, il referme la trappe derrière lui. Je pose mon oreille contre ma montre-bracelet. Je savoure le doux cliquetis de ma victoire. Je me demande s’ils ont arrêté la partie de cache-cache. Je me demande s’ils partiront avant que je ne descende. Je suis certaine que je suis la seule qu’il n’a pas trouvée, mon débile de cousin.
Je rince mon maillot rouge, je l’essore, l’eau fraîche coule entre mes doigts serrés, et je le pose sur le radiateur éteint. À travers la fenêtre, le soleil est brûlant ; demain matin, mon maillot sera sec. Je m’essuie paresseusement, je m’habille, la peau encore humide. Un jeans, des baskets, et un T-shirt bleu presque gris, avec le dessin à demi effacé d’un arc-en-ciel. Il est temps que j’aille le voir, dans sa chambre, comme chaque jour. Mon grand-père.
Je m’assieds au bord de son lit. La machine est posée par terre, les tubes en plastique remontent jusqu’à ses narines. Il a fort maigri. Ce n’est pas le même grand-père que celui qui m’avait réveillée à minuit, m’obligeant à aller chercher à la nage la barque orange que j’avais oublié d’amarrer et qui avait glissé jusqu’au milieu de l’étang.
Je lui dis que les groseilles à maquereau ne sont pas encore mûres.
Il demande si j’en ai mangé quand même.
Je réponds que non, je démens, je secoue la tête. Quelques gouttes d’eau tombent de mes cheveux en petites taches foncées sur mon jeans.
Le bruit de la machine me paraît fort au début, il finit par se mêler à nos silences.
C’est une belle chambre. Je l’aime bien parce qu’il y a des fenêtres des deux côtés. La vue arrière est la plus belle, l’étang, puis les pâtures encadrées de peupliers, une rangée de saules têtards qui suit le ruisseau jusqu’à sa source, loin là-bas. Quand mon grand-père n’était pas malade, il restait déjà des heures devant la fenêtre. Debout. Il y a quelques années, je lui avais demandé où s’arrêtait notre jardin. Il avait ri, à cause du mot jardin. Il avait dit : On voit que tu es née en ville. Quand j’étais plus petite, en visite chez les uns ou les autres de mes cousins, en ville, je demandais si l’eau du robinet était potable. Mes tantes gloussaient : On voit que tu vis à la campagne.
Mon grand-père avait répondu, avec un large geste du bras : Le jardin, c’est tout ça. Tout ce que tu vois. Et même plus loin. Cela ne m’avait pas particulièrement surprise, »

À propos de l’auteur
DERLEYN_Zoe_cyrus_paquesZoé Derleyn © Photo Cyrus Pâques

Zoé Derleyn a publié en octobre 2017 aux éditions Quadrature un recueil de nouvelles, Le Goût de la limace, lauréat du prix Franz De Wever 2018, décerné par l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. En 2021 est paru son premier roman, Debout dans l’eau. (Source: Éditions du Rouergue)

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Une âme d’enfant

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Illustration © http://disneyandmore.blogspot.fr

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En deux mots:
En route vers Neverland, ce monde imaginaire inventé par J.M. Barrie, le créateur de Peter Pan, le narrateur va essayer de retrouver son enfance. Entre souvenirs et sensations, ce roman est d’une rare poésie, un hymne à un âge magique.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Une âme d’enfant

Ce «premier livre pour les adultes», signé Timothée de Fombelle, un auteur jeunesse reconnu, explore ce moment singulier où l’enfance s’en va.

« Aujourd’hui, je suis incapable de dater ce grand passage. Il me semble seulement qu’un matin on se réveille adulte dans le regard des autres. On hésite un instant. On ne se sent ni préparé ni volontaire pour le voyage. Mais il y a ce regard, en face, qui nous considère, et puis cette aspiration lointaine, le vent de la plaine que l’on sent pour la première fois sous sa chemise et un petit tas de noyaux de cerises au fond de nous, qui fait un peu mal.
Ce qui nous attend est déjà là, en pièces détachées. Alors on fait semblant. Cela commence toujours ainsi. On fait semblant d’être grand. Et, dans le meilleur des cas, je crois, on fera semblant toute sa vie. » Il est des moments dans une vie où tout bascule, où l’on se rend bien compte que plus rien ne sera comme avant, même si l’envie nous prend de revenir en arrière. Peut-être même de chercher à effacer ce que l’on pressent, à savoir que désormais l’enfance est un domaine qui nous est interdit. Tous les subterfuges semblent alors autorisés pour garder cette âme d’enfant. On se réfugie dans les souvenirs ou on en crée de nouveaux : «L’enfant est une île. Il ne sait ni ne possède rien. Il devine des forces immenses sous les bandelettes qui serrent son corps. Pour lui, le lendemain n’existe pas. Le passé a déjà disparu. L’enfant commence par être cet instant suspendu, désarmé, qui jaillit comme un bouchon au milieu de la mer et regarde autour de lui. Et quand il sera ivre d’avoir senti, quand il aura l’intérieur tapissé de ce qui l’entoure, il se mettra à imaginer. (…) Il inventera. Il complétera de l’intérieur ce qu’il voit dehors. Il finira le monde. Il fera des histoires. » Et si son imagination doit se tarir, il saura où assouvir sa soif. En se réfugiant dans les livres. C’est dans les romans que l’on peut à nouveau naviguer aux côtés du capitaine Crochet, plonger avec le Capitaine Nemo, s’évader avec Monte-Cristo… Même si le merveilleux voyage doit aussi s’arrêter, il est à nul autre semblable : « Il me fallait toujours du temps pour me retrouver. Quand j’avais fini le livre, on m’appelait dehors, je restais étourdi sur le lit. Alors je me levais, un peu à l’étroit dans cette peau et ce monde. Je faisais un pas, je m’étirais. Mon enveloppe se fendillait. Mon équilibre avait changé. En descendant l’escalier, je ne voyais pas qu’avaient poussé deux ailes en papier dans mon dos. »
Timothée de Fombelle réussit le tour de force, dans ce premier roman, de raconter son exploration dans ce monde avec les sensations, la poésie, le lyrisme propre à cette enfance perdue.
Cette époque où «le temps et la nuit sont un trésor qu’on ne compte pas, qu’on ne découpe pas en heures et en minutes», où «l’été durait des vies entières. Une explosion de liberté. Un grand feu dans lequel on jetait les autres saisons pour voir ce qu’il en resterait. Et tout se consumait. »
Il y a presque à chaque page de ces merveilleuses formules que l’on aimerait toutes recopier tant elles disent ce sentiment à la fois terrifiant de la perte et de l’oubli de cet âge insouciant et innocent et exaltant dans l’analyse désormais possible. Oui, c’était bien parce qu’alors tout était possible.
Il y a pour certains le sentiment diffus que désormais ils sont responsables, ils sont adultes. Pour d’autres un événement très fort marque cette rupture. Pour le narrateur de ce court et intense roman, la rupture est sans doute arrivée le jour où son grand-père qui «avait le génie des mots vibrants, était orateur, clown à l’occasion, romantique ou prédicateur selon les jours» lui demande de prendre le relais, lorsqu’il lui confie la rédaction d’une lettre pour coco, son ami d’enfance. Cette simple phrase «Je voudrais, s’il te plaît, que tu écrives pour moi quelques lignes à Coco» résonne comme un joli défi, mais aussi comme la reconnaissance que désormais son petit-fils était passé «de l’autre côté». Que ce soit avec cette mission rend la chose encore plus vive, encore plus inéluctable. Et pourtant…
Pourtant le narrateur ne peut se résoudre à vivre sans cette partie de lui. Il repart en direction de Neverland « Je suis parti un matin en chasse de l’enfance. Je ne l’ai dit à personne. J’avais décidé de la capturer entière et vivante. Je voulais la mettre en lumière, la regarder, pouvoir en faire le tour. Je l’avais toujours sentie battre en moi, elle ne m’avait jamais quitté. » À votre tour de chausser vos bottes de sept lieues et d’aller battre la campagne. Un monde magique vous attend au bout de la route !

Neverland
Timothée de Fombelle
Éditions L’Iconoclaste
Roman
128 p., 15 €
EAN : 9791095438397
Paru en août 2017

Ce qu’en dit l’éditeur
Neverland est l’histoire d’un voyage au pays perdu de l’enfance, celui que nous portons tous en nous. À la fois livre d’aventure et livre-mémoire, il ressuscite nos souvenirs enfouis.
Après son immense succès en littérature jeunesse (Tobie Lolness, Vango, Le livre de Perle), Timothée de Fombelle signe son premier livre pour adultes.
« Je suis parti un matin en chasse de l’enfance. Je ne l’ai dit à personne. J’avais décidé de la capturer entière et vivante. Je voulais la mettre en lumière, la regarder, pouvoir en faire le tour. Je l’avais toujours sentie battre en moi, elle ne m’avait jamais quitté. »

68 premières fois
Blog Livres et vous (Anne-Marie Gabriel)
Blog entre les lignes (Bénédicte Junger)
Blog PatiVore
Le blog du petit carré jaune (Sabine Faulmeyer)

Autres critiques
Babelio
Télérama (Michel Abescat)
Le Figaro (Françoise Dargent)
Livres hebdo (Léopoldine Leblanc)
Blog Cannibales lecteurs
Libération (Virginie Bloch-Lainé)
Blog La voix du livre 
Blog Bricabook


Timothée de Fombelle présente «Neverland» © Production Librairie Mollat

Les premières pages du livre
« Il y a dans les hauts territoires de l’enfance, derrière les torrents, les ronces, les forêts, après les granges brûlantes et les longs couloirs de parquet, certains chemins qui s’aventurent plus loin vers le bord du royaume, longent les falaises ou le grillage et laissent voir une plaine tout en bas, c’est le pays des lendemains : le pays adulte.
Les enfants qui vont près de cette lisière, au milieu des herbes plus hautes que leurs épaules, surprennent parfois en dessous d’eux, dans le fond de la plaine, la mort ou des amoureux, par accident. Ces apparitions ressemblent à des éclats de verre au soleil. Elles éblouissent et disparaissent aussitôt, cachées par des nuages bas.
En retournant vers la forêt profonde avec leurs arcs et leurs flèches, les enfants croient oublier cette vision. Mais elle a semé en eux un noyau de cerise qui grandit déjà à l’intérieur.
J’ai eu ma poignée de noyaux. Je crois même que ce sont eux qui nous font pousser. Et je me souviens, quand on les avalait, les yeux écarquillés, le plaisir dangereux de ces corps étrangers prêts à éclater. On regardait tout autour. Est-ce que quelqu’un nous avait vus ? C’était comme si on avait volé quelque chose. On attendait un peu pour sentir au fond de nous ce qui allait se passer, le voyage du noyau dans un monde invisible. »

À propos de l’auteur
Timothée de Fombelle a 44 ans. Il est dramaturge et l’un des plus importants romanciers contemporains pour la jeunesse. Ses romans Tobie Lolness, Vango et Le Livre de Perle sont tous des best-sellers vendus dans le monde entier. Avec Neverland il réalise son premier pas en littérature adulte. (Source : Éditions L’Iconoclaste)

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Là où tu iras j’irai

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En deux mots
Quand Isabelle part en Italie pour jouer les baby-sitter dans une riche famille, elle connaît le rôle qu’elle doit jouer : séduire le maître de maison. Mais, à l’image de sa vie, elle devra se rendre compte que si le scénario est écrit, les surprises ne manquent pas. Ou comment, de catastrophe en catastrophe, on en arrive à un roman pétillant d’optimisme.

Ma note
etoileetoileetoile (beaucoup aimé)

Là où tu iras j’irai
Marie Vareille
Éditions Mazarine
Roman
378 p., 17,90 €
EAN : 9782863744284
Paru en mars 2017

Où?
Le roman se déroule en France, à Paris puis en Italie, sur les bords du Lac de Côme.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Isabelle a 32 ans, un chihuahua nain prénommé Woody-Allen et une carrière d’actrice comparable à celle du Titanic : prometteuse en théorie, catastrophique en pratique.
Le jour où elle refuse la demande en mariage de l’homme qu’elle aime, sous prétexte qu’elle ne veut pas d’enfant, elle se retrouve à la rue, avec pour toute fortune vingt-quatre euros sur son compte en banque. Elle est alors forcée d’accepter le seul travail qu’on lui propose : utiliser ses talents de comédienne pour séduire Jan Kozlowski, un jeune veuf sur le point de se remarier.
La voilà donc partie en Italie, dans la maison de vacances de la richissime et déjantée famille Kozlowski. Seule ombre aux deux semaines de dolce vita qui se profilent : pour exécuter en toute discrétion sa mission « séduction », Isabelle devra jouer le rôle de l’irréprochable nanny anglaise de Nicolas, 8 ans, qui n’a pas prononcé un seul mot depuis la mort de sa mère cinq ans plus tôt. Isabelle est bien loin d’imaginer à quel point cette rencontre improbable avec ce petit garçon blessé par la vie va bouleverser sa vision du monde.
Une comédie pétillante, pleine d’humour et d’émotions.

Ce que j’en pense
Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, j’ai lu du Chick-lit sans le savoir. Pour ceux qui comme moi n’ont pas encore les codes de ce genre, Marie Vareille a choisi d’expliquer ce genre littéraire sur le blog créé pour la circonstance. Le chick-lit est donc «un sous-genre de la comédie romantique. Littéralement « écriture de poulette » en anglais, elle désigne un courant littéraire visant un public féminin. L’expression apparaît dans les années 1990, on la définit alors comme « fiction post-féministe », « féminisme nouvelle vague ». Les romans chick-lit mettent en scène des héroïnes de tous les jours, souvent âgées plus ou moins d’une trentaine d’années, des filles comme vous et moi qui se débattent désespérément dans un quotidien cruel semé d’embûches pour trouver leur vraie vocation et le Prince Charmant, généralement en buvant des Mojitos avec leurs copines et en courant de catastrophe amoureuse en cataclysme professionnel. »
Voici donc une pétillante illustration de ce concept, dans la lignée de glorieux précurseurs, tels que Le Journal de Bridget Jones.
Le roman s’ouvre sur une scène de rupture originale, puisqu’elle va être provoquée par trop d’amour. Quentin veut épouser Isabelle et fonder une famille, mais Isabelle a trop peur de s’engager et préfère fuir, même s’il ne lui reste que quelques euros, sa carrière – prometteuse – d’actrice n’ayant jamais vraiment décollé.
Aussi n’a-t-elle guère le choix quand on lui propose de prouver son talent en endossant le rôle d’une baby-sitter chargé de séduire Jan Kozlowski, le célèbre réalisateur qui, après des essais prometteurs, lui a refusé un rôle dans l’un de ses films. La vengeance étant un plat qui se mange froid, elle part pour les bords du Lac de Côme dans une splendide villa. Le cadre idyllique ne va cependant pas lui assurer un séjour de tout repos, car Adriana, Zoé et Nicolas entendent bien pourrir la vie de leur nouvelle gardienne. Et dans cette famille pas vraiment unie, ce n’est pas Valentina, grand-mère et sorte de gouvernante en chef, qui va lui faciliter la tâche. Il est vrai qu’elle a des raisons de se méfier de cette soi-disant diplômée de la meilleure école de nannys anglaise.
Marie Vareille se régale – et nous régale – en imaginant la succession des épisodes de ce séjour où chacun des acteurs va tenter de jouer sa partition, provoquant une joyeuse cacophonie. C’est drôle et riche de rebondissements, quitte à laisser la crédibilité de l’ensemble un peu de côté. Mais on pardonne volontiers ce petit défaut à l’auteur qui compense les invraisemblances par une belle énergie qui nous emporte vers une fin que l’on sait heureuse et que l’on finit par espérer tant on s’est attaché aux personnages qui, au fil des pages, ont pris de la densité et sont devenus des compagnons de plus en plus attachants.
Un roman gai, qui n’a sans doute pas d’autre prétention que de vous faire passer un bon moment, de vous divertir et de vous redonner le moral. Mission parfaitement accomplie!

Autres critiques
Babelio
ELLE
Le blog d’eirenamg
Blog Mille et une frasques
Blog Chez Clarabel

Les premières pages du livre


Bande-Annonce du roman feel-good « Là où tu iras, j’irai » de Marie Vareille.

Extrait
« Quentin ? Des enfants ? Il avait évoqué le sujet à quelques reprises, mais jamais Isabelle n’avait pensé qu’il était sérieux. Mal à l’aise, elle tira de nouveau sur le joint.
– On n’en est pas là de toute façon.
– Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ? Cinq ans ?
– Mais non… Ça fait… (Isabelle calcula sur ses doigts.) Ah oui, cinq ans, réalisa-t-elle, surprise.
– Crois-moi, c’est le genre de conversation qu’il vaut mieux avoir maintenant que dans trois ans.
– Mais tu crois vraiment qu’il en veut ? On vient d’acheter un chien…
Alexandre ouvrit un Twix et ne put s’empêcher de rire en voyant la tête ébahie de son amie.
– Mais enfin, Isabelle, tout le monde veut des enfants.
Par la fenêtre, Isabelle observa longuement Quentin et, sans prévenir, comme un rhume au mois d’août, la culpabilité la prit à la gorge.
– Non, pas moi, murmura-t-elle. »

A propos de l’auteur
Âgée de 31 ans, Marie Vareille a eu son premier coup de foudre à six ans et demi, le jour où elle a lu un roman pour la première fois. Diplômée en management de l’ESCP-Europe et de l’université de Cornell aux Etats-Unis, elle n’a pas pour autant oublié son amour des histoires et travaille quotidiennement à accomplir sa vraie vocation : rêveuse professionnelle. Écrivain un brin geek et accro à son smartphone, elle fait aussi de la communication sur le web.
Elle est l’auteur de deux comédies romantiques, Ma vie, mon ex et autres calamités (City Editions, 2014) et Je peux très bien me passer de toi (Charleston, 2015) qui a obtenu le prix Confidentielles et d’un roman jeunesse, Elia, la passeuse d’âmes (Pocket Jeunesse, 2016), couronné par le Prix du meilleur roman jeunesse du Parisien. Là où tu iras j’irai est son quatrième roman. (Source : Éditions Mazarine/ Amazon)

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Jardin d’été

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En deux mots
Vacances d’été familiales en Bourgogne. Trois générations se retrouvent et se découvrent. Après quelques jours, les non-dits et les secrets de famille vont laisser la place au jeu de la vérité.

Ma note
etoileetoileetoile (beaucoup aimé)

Jardin d’été
Abigail Seran
Éditions Luce Wilquin
Roman
208 p., 20 €
EAN : 9782882535320
Paru en avril 2017

Où?
Le roman se déroule principalement en Bourgogne pour une réunion familiale. Différents épisodes se déroulent également à Londres, Paris, en Grèce, mais également à Deauville, Tübingen ou encore à Lisbonne.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Élé et Charles, couple de jeunes retraités, accueillent leurs petits-enfants pour un mois de vacances. Pour la première fois, ils sont tous là, les jumeaux londoniens John et June et Iris, la fille d’Agathe, mère angoissée à l’idée de laisser son enfant chez ses parents.
Une famille, comme un mobile, maintenue en harmonie grâce au rôle et à la position de chacun. Alors, quand au cœur de cet été bourguignon le passé refait surface, le fragile équilibre est mis à mal.
Ce roman polyphonique suit cette tribu un mois de juillet pas comme les autres. Celui où les non-dits se lèvent et où l’histoire personnelle de chacun se révèle, se transforme à la lumière d’une donnée trop longtemps escamotée.

Ce que j’en pense
Comme dans un film de Claude Sautet, qui savait comme personne rendre l’atmosphère des repas de famille, Abigail Seran choisit de mettre en scène un mois de vacances dans la campagne bourguignonne. Dans ce roman choral sobrement intitulé «Jardin d’été» trois générations vont se retrouver autour de Charles et Élé, couple de retraités qui ont choisi de tourner le dos à leur vie trépidante et citadine pour trouver refuge dans ce havre de paix.
La grande bâtisse est assez spacieuse pour accueillir leurs enfants et petits-enfants. Au moment où s’ouvre le livre, Agathe, leur fille, vient d’arriver avec Iris. Du haut de ses douze ans, elle est sans doute la plus enthousiaste des convives, à la fois ravie de retrouver ses grands-parents et curieuse de voir ce que sont devenus les « J », comme elle surnomme la famille de son oncle. Julien, le frère d’Agathe, a épousé Juddy. Ce second couple arrive avec leurs enfants John et June.
Avec beaucoup de finesse Abigail Seran dépeint les personnages de la tribu, révélant des aspects biographiques mais avant tout des traits de caractère. « Agathe, timide et tendre, qui avait tant besoin d’un cadre pour s’épanouir. Le contraire de Julien. Lui s’adaptait à tout. Toujours en souplesse. On pouvait modifier les plans douze fois, il était toujours partant, le sourire aux lèvres. Son côté bohème. » Bien vite, on comprend que la cohabitation de tout ce beau monde ne sera pas si simple. Agathe n’a pas vraiment compris comment son frère à pu épouser Juddy «très aristocratique. Un peu froide.» Fort heureusement son mari Florent «avait été le pacificateur, le liant.» Sauf qu’il n’est resté que deux brèves journées avant de repartir. Avec la promesse de revenir…
Pendant ce temps, la tension monte chez les adultes et l’excitation gagne les enfants. Avec leurs amis, ils décident de préparer une pièce de théâtre qui clôturera leur séjour. Outre les répétitions, ils vont s’occuper des décors et des costumes qu’ils pourront tailler dans les habits remisés par leur grand-mère. Dans une robe d’Élé, June découvre une alliance et une photo. Charles comprend alors que le moment est venu de révéler ce secret enfoui depuis des années. Que la femme qui partage sa vie a été mariée à un autre homme, son ami Werner qui décédera tragiquement.
Entre ceux qui condamnent et ceux qui pardonnent, la crise va virer au règlement de compte. Entre ceux qui auraient aimé ne pas savoir et ceux qui prennent un malin plaisir à tout déballer, le fossé se creuse, les inimitiés se ravivent.
Le contraste entre les belles journées d’été qui invitent à la sieste ou à piquer une tête dans la piscine et le drame qui éclate donne au roman une belle intensité. Il offre aux petits-enfants l’un de ces moments-clé de leur apprentissage vers l’âge adulte, aux parents l’occasion d’un premier bilan, entre souvenirs de jeunesse et interrogations sur la vie qu’ils mènent et aux grands-parents de soigner leurs bleus à l’âme, de gagner le droit d’ouvrir une nouvelle étape de leur existence, plus sereine dans ce lieu qui aura gagné le droit d’être enfin un havre de paix.

Autres critiques
Babelio
Blog Bouquiner.ch 
Le Blog de Francis Richard
Blog Fattorius

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«Entre nous soit dit» émission de la Radio Suisse romande – Entretien de l’auteur avec Mélanie Croubalian

Extrait
« On ne savait jamais comment prendre Agathe. A la fois précieuse et distante, écorchée vive qui masquait sa sensibilité par un contrôle rigoureux. Il se souvint de l’enfance d’Agathe. Élé travaillait beaucoup. Voyages d’affaires, déjeuners professionnels, réunions tardives. Etant enseignant, c’est lui qu’Agathe trouvait à la sortie de l’école. Lui qui consolait des genoux écorchés et des chagrins d’amour. Agathe, timide et tendre, qui avait tant besoin d’un cadre pour s’épanouir. Le contraire de Julien. Lui s’adaptait à tout. Toujours en souplesse. On pouvait modifier les plans douze fois, il était toujours partant, le sourire aux lèvres. Son côté bohème. » (p. 54-55)

A propos de l’auteur
Après plus de vingt ans passés à vadrouiller en Suisse Romande et à l’étranger, Abigail Seran, aussi juriste et enseignante, a posé ses valises avec mari et enfant dans son Valais natal. Jardin d’été est son troisième roman après Marine et Lila (2013) et Une maison jaune (2015). Elle est également l’auteur d’un livre de chroniques illustrées (2015) et de textes publiés dans différentes revues. (Source : Éditions Luce Wilquin)

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Maures

berlendis_maures
Maures
Sébastien Berlendis
Éditions Stock
Roman
112 p., 14 €
EAN : 9782234081062
Paru en août 2016

Où?
Le roman se déroule dans la région des Maures, entre le Cap Camarat et l’île de Porquerolles, à La Roquebrussanne, Méounes, Belgentier, Solliès-Pont, La Crau, Carqueiranne, les Salins, La Londe-les-Maures et plus loin Toulon et Marseille. On y évoque aussi les abords de Rome, Tarente et Naples.

Quand?
Le roman retrace une période de 1959 à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
« Ces images d’une adolescence au soleil continuent de modeler mes désirs et mon imaginaire. Je me construis dans les souffles chauds, l’horizon bleu, le sel marin. »
Entre ombre et lumière, Maures est une plongée en adolescence dans une pinède au bord de la mer. L’écriture impressionniste de Sébastien Berlendis dit le vertige des sensations, la découverte du corps des filles, et l’inquiétude devant les disparitions à venir.

Ce que j’en pense
***
« Ces images d’une adolescence au soleil continuent de modeler mon désir et mon imaginaire. Je me construis dans les souffles chauds, les idylles, l’horizon bleu, le sel marin. » Une belle déclaration d’amour aux vacances familiales, au rendez-vous avec un lieu, à une «parenthèse enchantée» qui est aussi tout un programme.
Sébastien Berlendis revient tout au long de ce court et beau roman, plein de nostalgie et de mélancolie, sur ces semaines qui, au fil des ans, ont construit le jeune garçon et l’adolescent jusqu’à l’homme qui couche sur le papier ces années qui s’estompent aujourd’hui, de 1959 avec la Simca P60 du grand-père qui aime suivre les routes du littoral à 1989 qui déjà marque le fin d’une époque, quand les plis du temps laissent des rides qui ne s’effaceront plus. «C’est la fin de l’adolescence, la dernière année de lycée, l’année des retranchements.»
Il y a bien entendu cette histoire familiale, mais il y a avant tout un microcosme fait d’habitants du lieu et d’estivants : Il y a, par exemple, Mireille Leydet qui a passé là quarante ans et qui parle de son grand-père au narrateur sans savoir qu’il est son petit-fils. Ou Dédé Faye, la mémoire du camp, qui n’a pas besoin de se plonger dans des registres pour savoir qui s’installait avec qui, avec quel matériel et dans quel coin du camping. Il pourrait aussi raconter les étapes mythiques du Tour de France suivies devant un transistor, puis un téléviseur portable et qui font partie intégrantes de ses souvenirs.
S’égrènent alors des journées ponctuées de baignades, le moment où l’on peut jauger les filles, mais bien davantage par les sorties en catamaran qui sont autant de faits de gloire, tout comme les parties de football et davantage encore les matches de tennis qui permettent d’acquérir cette aura de champion qui devrait forcer l’admiration, faciliter les conquêtes.
Sans omettre la vespa de Gilles qui est bien plus qu’un moyen de locomotion. Nous sommes en 1972. Louise a 16 ans. Sur la Vespa, on se partage un casque pour deux. Vêtue d’un short en jean et d’un t-shirt rouge sans manches, l’adolescente s’agrippe à la taille du chauffeur, appuie son visage contre son dos et l0on peut voir ses cheveux dénoués briller au soleil : «Son empressement me surprend, les lanières du bikini n’ont pas besoin de mes mains pour tomber. Je suis ému par ses gestes émancipés, par l’abandon de son corps sous mes caresses.»
Il y ces photographies, ces instantanés qui disent le bonheur de l’instant et ne font pressentir en rien «la possible dispersion du clan».
Les épisodes joyeux se mêlent aux drames, au grand-père en train de mourir, à l’accident dont sera victime Léna qui glisse et heurte un bloc de pierre et, impossible à déplacer, finira par être hélitreuillée vers l’hôpital Sainte-Musse avant de finir à Toulon. Finalement, à l’angoisse de l’attente fera place le diagnostic rassurant : «Rien n’est cassé, il n’y a pas d’épanchement interne, un gros bleu colorera la hanche et le pubis de Léna. »
La construction est libre, la chronologie est davantage sentimentale que linéaire, «Quand je traverse les Maures, les temps se mêlent.» explique l’auteur. Avec lui, un retrouve des sensations enfouies, des parfums de sable chaud, ou oublie l’amertume et les tensions des mois d’hiver et l’on bénit ces jours où le corps des mfemmes «dégrafent leur armure». Encore une fois, la magie de la littérature opère, qui en quelques lignes nous fait voyager… dans l’espace et dans le temps.

Autres critiques
Babelio 
En attendant Nadeau
Blog A livres ouverts 
Blog Des galipettes entre les lignes 

Les premières pages du livre 

Extrait
« Les images d’une adolescence au soleil continuent de modeler mon désir et mon imaginaire. Je me construis dans les souffles chauds, les idylles, l’horizon bleu, le sel marin. » (p. 71)

A propos de l’auteur
Né en 1975 à Avignon, Sébastien Berlendis vit à Lyon où il enseigne la philosophie depuis 2000. Passionné de cinéma et de photographie, celle-ci a été l’objet de ses premiers travaux, exposés depuis 2008 en France et en Europe. L’art photographique l’amène progressivement à l’écriture.
D’abord des courts textes accompagnant ses images jusqu’à parvenir à un premier récit en 2013, Une dernière fois la nuit paru dans la collection
« La forêt » aux éditions Stock, qui aborde les thèmes de la mémoire, la maladie et le souffle. Ce texte est d’ailleurs composé de fragments, qui ne sont pas sans rappeler des instantanés photographiques et le montage de ces instants est comme une référence discrète au montage cinématographique.
Par la suite, il a publié un second roman en 2014 L’Autre pays (éd. Stock) dont l’action se déroule en Italie, terre de ses ancêtres. Même si la quête des origines familiales n’est pas le point central de son œuvre, elle traverse tout de même en creux, chacun de ses textes. Son troisième roman, Maures aborde les tracas de l’adolescence (Stock, 2016). Très attentif à la musicalité de sa prose, il aime à décrire son écriture comme suggestive et peu explicative, soit impressionniste.
Il est adhérent de la Maison des écrivains et de la littérature à Paris et entretient depuis l’été 2012 une correspondance littéraire et amicale avec l’écrivain Claudio Magris. (Source: Confluences.org)

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