Domovoï

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En deux mots:
Clarisse atterrit à Moscou où elle a choisi de parfaire sa connaissance du russe. Elle met en fait ses pas dans ceux de sa mère qui a également étudié à Moscou vingt ans plus tôt. À la découverte de la ville va très vite se substituer une enquête sur ce qui a poussé Anne en ex-URSS, car son père est resté très évasif sur ce sujet.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

Anne et Clarisse vont à Moscou

En imaginant une fille revenir vingt ans après sa mère à Moscou pour y apprendre le russe et retrouver un passé enfoui, Julie Moulin nous offre aussi, avec «Domovoï», l’occasion de découvrir une ville et un pays, loin des clichés.

En conclusion de ma chronique sur Jupe et pantalon, le premier roman de Julie Moulin, j’écrivais : «on prend un plaisir certain à suivre Agathe. Comme on prendra, j’en suis persuadé, le même plaisir en suivant le prochain roman de Julie Moulin. Une belle plume comme ça a sûrement plus d’un tour dans son sac!» En refermant Domovoï, je ne peux que confirmer cette prémonition. D’autant que son «roman russe» est aussi un peu le mien. J’ai en effet séjourné à Moscou en 1995 puis y suis retourné en 2015, soit à peu près aux mêmes dates que celles évoquées par Julie Moulin et je peux vous confirmer que les ambiances et le climat sont parfaitement bien rendus dans le livre.
À l’image de la ville que découvre Anne en 1993, on sentait à la sortie de l’époque communiste une sorte de frénésie faite à la fois d’envie et de crainte. Un besoin construire une ville moderne sans toutefois disposer des infrastructures et ce fossé grandissant entre ceux qui ont très vite intégré les règles de l’économie de marché et toute cette frange de la population laissée pour compte et dépassée par une «liberté» qui se limitera pour eux à tenter de survivre à cette jungle.
En revanche, en 2015, l’époque à laquelle Clarisse, la fille d’Anne, arrive en Russie, Poutine a changé les mentalités: «Rambo comme tu l’appelles, promet au peuple russe de restaurer sa puissance, d’être à nouveau fier de sa patrie. Il y a encore cette idée que la Russie puisse suivre une voie de développement unique.» L’Empire contre-attaque! Une fois planté le décor – essentiel – de ce roman, nous allons aller vers l’intime, à la recherche de cette mère qui a brutalement disparu et dont il ne reste qu’un vague souvenir et quelques photos, notamment avec son père et le groupe d’étudiants qui l’accompagnait à l’époque: «Je suis un souvenir avant d’avoir vécu. Je ressemble à l’absente.»
Julie Moulin a habilement construit son roman en passant alternativement de 1993 à 2015, nous offrant de comparer les deux époques, les deux parcours, avant que Clarisse ne découvre, en rassemblant des témoignages de ses amis de l’époque, que l’histoire que son père lui a racontée et celle qu’elle avait imaginée ne correspondait pas à la vérité. Mais n’en disons pas davantage, de peur de déflorer le joli suspense autour de l’histoire familiale, de la rencontre d’Anne et de Guillaume, qui effectuait alors un stage à l’Ambassade de France avant d’intégrer un cabinet d’avocat à Paris.
Ajoutons simplement combien l’expérience est riche pour Clarisse qui, en quelques semaines va beaucoup apprendre, s’appuyant pour cela sur la littérature et l’histoire qui, dans ce pays, sont indissociables. Comme Anne qui préférait passer ses soirées avec ses nouveaux amis russes plutôt qu’avec le clan des expatriés, Clarisse va se nourrir de cette culture: «Il en est de nos vies personnelles comme de la mémoire collective: nous avons besoin pour grandir du passé et de ses traces.»
Le Domovoï, l’esprit protecteur de la famille et du foyer, ne peut que s’incliner devant cette volonté et cette passion que Julie Moulin a joliment réussi à nous transmettre.

Domovoï
Julie Moulin
Alma éditeur
Roman
296 p., 18 €
EAN 9782362794209
Paru le 5/09/2019

Où?
Le roman se déroule en France, à Paris, mais principalement à Moscou en Russie. On y évoque aussi des voyages à Saint-Pétersbourg.

Quand?
L’action se situe sur deux époques, en 1993 et en 2015.

Ce qu’en dit l’éditeur
À vingt ans de distance deux jeunes femmes en quête d’elles-mêmes se lancent à la découverte de la Russie. La mère juste après la fin de l’Urss. La fille à l’heure du nationalisme selon Poutine. Un roman d’apprentissage à rebours des clichés.
Voici dix ans qu’Anne est morte. Clarisse, sa fille, étudiante à Sciences-Po, vit maintenant l’ « âge des possibles » mais peine à penser l’avenir. Elle voudrait aussi comprendre pourquoi sa mère sourit avec tant de bonheur sur une photo de groupe tout juste retrouvée dans les affaires de son père. C’était en Russie, avant sa naissance, alors que finissait l’URSS. De ce voyage, ne reste à la maison que le souvenir d’un Domovoï, nain du foyer cher aux Russes, malicieux et bougon, auquel Clarisse, enfant, faisait des offrandes. Ne serait-ce pas lui qui pousse la jeune fille, à son tour, vers cette fascinante Russie, sur les pas de sa mère?
Alternant le périple d’Anne et celui de Clarisse, vingt ans après, ce roman en forme de matriochka est aussi un roman d’apprentissage, découverte éblouie de toutes les Russies et de la langue russe. La mère et la fille font l’expérience des illusions perdues mais aussi des grandes espérances. Jusqu’à la révélation du secret russe qui est aussi un secret de famille. Une aventure portée par l’enthousiasme, la générosité et la curiosité toujours en éveil de Julie Moulin.

Les critiques
Babelio 
Lecteurs.com
Blog motspourmots.fr (Nicole Grundlinger)
Blog Le petit carré jaune (Sabine Faulmeyer)
Blog Les petites lectures de Maud 

INCIPIT (Les premières pages du livre)
Paris, avril 2015
La plupart du temps, les familles vivent en paix avec leur Domovoï. Le nôtre s’est bien moqué de nous : il s’est barré avec Maman.
Il n’avait pas dû supporter le déménagement. Je ne parle pas des déménagements intra-muros, du petit appartement de la rue Guérin à celui, bien plus grand et plus lumineux, de la rue Leconte-de-Lisle, cet appartement dans lequel j’habite toujours avec Papa. Non, notre Domovoï n’avait tout simplement pas supporté l’immigration. Ou bien l’expatriation. Enfin, je ne sais pas. C’était un Domovoï ; il était russe et nous sommes français. Maman aussi était française. Elle avait importé le Domovoï de Russie quelques années avant ma naissance. Une sorte de nain barbu, griffu, au regard oblique dont la reproduction sur d’anciens livres en cyrillique me gardait éveillée jusque tard dans la nuit. J’espérais à ne jamais le rencontrer pour de vrai.
Elle l’avait importé, c’est ça. Un Domovoï ne serait jamais venu en France de lui-même. Encore moins à Paris. Il n’y a pas de poêles traditionnels derrière lesquels se cacher ni d’écuries pour jouer des tours aux habitants, ensuite, et tout bêtement, ici personne n’entend rien aux histoires de Domovoï. Chez nous, en France, le Domovoï était totalement déplacé. Mais Maman insistait. Le Domovoï était l’esprit de notre foyer, il nous protégeait ; je devais le nourrir et le chérir, en somme, l’adopter.
Elle avait des lubies comme ça, Maman, des foucades et des idées extravagantes. C’était comme vouloir dépiauter du hareng séché en plein jardin du Luxembourg. Il fallait la voir, Maman, comme elle déroulait journal et couverture, les genoux repliés sous sa jupe, avec sa bière et son poisson ; tout un cérémonial. Le hareng arrivait bien enserré de sa Baltique dans du papier journal, des éditions couvertes de caractères cyrilliques de manière à garder toute sa saveur, son arôme de là-bas. Ce hareng, il me tournait la tête et me retournait le cœur. Je l’aurais bien caché et offert au Domovoï la nuit suivante. Les Russes font ça, ils laissent sur la table de la cuisine de quoi nourrir leur Domovoï, des offrandes alimentaires à l’esprit du foyer pour se garantir une vie paisible. Maman me disait de lui offrir un verre de lait. Ou du pain salé enroulé dans un drap blanc. Je suis certaine que le Domovoï aurait préféré le hareng séché. Ils viennent du même endroit, non ?
Elle était empêtrée dans ses contradictions, Maman. Encore, si elle avait été russe, on aurait pu lui concéder une folie légitime, la nostalgie du pays natal, mais aussi loin que remonte notre arbre généalogique, il n’y a pas traces de racines slaves. Maman s’était faite russe, comme ça, un jour, toute seule ; elle s’était désignée par la force de sa volonté un pays d’adoption. Maman était si empêtrée dans ses contradictions qu’elle m’a bizarrement prénommée Clarisse. Ce prénom, personne ne le porte en Russie.
Quoi qu’il en soit, moi, je l’aimais, Maman. Je me souviens de ses mains fines aux ongles vernis dépeçant avec la délicatesse qu’on donne aux caresses le maigre poisson. Maman a disparu il y a dix ans.

Moscou, février 1993
Quand elle arrive pour la première fois à Moscou, quand elle débarque à l’aéroport de Cheremetievo, la mère de Clarisse est encore très jeune. Elle a vingt et un ans. L’URSS s’est effondrée deux ans plus tôt. L’année de son bac, c’était le mur de Berlin qui tombait. La jeune femme entre dans la vie adulte sans aucun repère. Ce qu’elle a appris à l’école est déjà obsolète.
Elle tient serré dans le creux de sa main son passeport dont elle a fait plusieurs copies enfouies dans ses différents bagages. Elle piétine, une file interminable s’est formée au niveau du contrôle des papiers d’identité. Derrière elle, quelqu’un affirme que les étrangers se font parfois refouler. La plupart des passagers sont des Français, des hommes d’affaires attirés par le nouvel Eldorado russe. Il y a aussi quelques Russes issus de l’immigration, et encore cette classe de collégiens bruyants que la mère de Clarisse observe et dont elle est une version à peine plus âgée. Ils sont les premiers à présenter leurs passeports.
Elle porte une main à son ventre. Dans l’avion, elle n’a pas touché au plateau repas à cause d’une contracture à l’estomac, une crampe qu’accentuait un parfum écœurant d’aneth, cette odeur que plus tard elle sentira chaque fois qu’elle ouvrira un frigo à Moscou. Encore un spasme et ce battement violent dans la poitrine ; la mère de Clarisse sort de sa poche l’un des deux sacs à vomi qu’elle a subtilisés pendant le vol. Elle y glisse son billet d’avion.
On se rencogne dans les manteaux. Le bâtiment dans lequel elle a débouché à la descente de l’avion ne ressemble en rien à l’aéroport Charles-de-Gaulle, tout de verre et de blanc. Un antagonisme clair-obscur étonne les touristes occidentaux habitués aux réclames publicitaires et au sourire des hôtesses. Cheremetievo, c’est tout à fait autre chose : du gris, de l’espace vide, un monde austère. La mère de Clarisse tire sur les manches de son pull et enroule ses deux poings dedans, l’un agrippant fermement son passeport, l’autre la poche en papier. Un courant d’air glacial souffle sur la nuque des passagers.
Elle patiente au niveau de la rainure jaune qui délimite la zone de contrôle des passeports en tapant du pied. Elle porte des chaussures de randonnée, celles qu’elle a utilisées l’été dernier pour parcourir les Alpes. C’est à son tour d’avancer. Derrière une vitre en plexiglas sale, une femme en uniforme kaki la toise avec quelque chose de mort dans le regard.
— Anne Laforêt ?
Elle ne répond pas immédiatement. On la penserait sourde. Ou bien c’est la peur qui la paralyse. La femme en kaki répète ses nom et prénom en lui jetant maintenant un regard si glacial qu’on croirait qu’elle procède à un interrogatoire. C’est comme si la mère de Clarisse était coupable d’un délit. Aucun sourire, pas même une douceur dans le regard chez cette femme qui s’impatiente et toque du poing au plexiglas. Anne répond enfin : Da ; oui, Anne Laforêt, c’est bien elle.
La Russe la dévisage longuement tandis que de l’index elle tourne avec lenteur les pages du passeport. Enfin elle arrête son ennui sur la page du visa et y abaisse son regard. Puis elle ouvre la porte de sa cabine et en sort pour héler une collègue, qui introduit son corps massif dans le réduit. Elles examinent à deux le passeport. Le regard vert émeraude d’Anne se trouble. Les Russes quittent la cabine.
Leurs propos sont inaudibles, même à quelqu’un maîtrisant leur langue. À leurs mines, on peut seulement s’imaginer le pire. Une rumeur enfle derrière Anne. L’attention des passagers est maintenant tout entière dirigée vers l’incident ; on émet des commentaires divers, sans jamais s’adresser directement à la jeune Française. Anne attend. Elle est seule. Les Russes se sont éclipsées derrière une porte.
Attendre. Anne est restée des heures debout dans le vent et sous la pluie devant l’ambassade de Russie à Paris avant d’obtenir ce visa dont les gardes-frontières font à présent grand cas. À trois reprises, elle a piétiné dehors avec d’autres touristes. Elle était les deux premières fois accompagnée de sa mère. « Les Russes sont des malotrus de père en fils depuis que leur aristocratie s’est exilée en 17. Quelle idée, ce voyage ! » fulminait celle-ci tout en grelottant dans son étole de cachemire. Pour leur premier essai, les deux heures matinales dévolues à la délivrance des visas s’étaient écoulées le temps qu’elles fassent la queue ; on avait rabattu le rideau de fer du guichet sous leur nez. Lorsqu’elles se présentèrent aux grilles du bâtiment diplomatique pour la deuxième fois, ce fut donc dès l’aube. Elles parvinrent au guichet à temps mais essuyèrent un refus. Il manquait une police d’assurance. Anne pour finir revint sans sa mère, elle s’arma de patience et obtint son visa, sans savoir qu’en Russie attendre et faire la queue constituait le lot de tout un chacun, non pour voyager mais simplement pour se nourrir.
Elle est en Russie. Elle touche au but. Il faut juste attendre le retour des deux Russes. Les voici justement, assurées sur leurs chaussures de mauvaise confection, fortes de tenir en main le destin d’une passagère parisienne. Elles aimeraient sans doute pouvoir s’y rendre, à Paris, arpenter les Champs-Élysées dans de meilleurs souliers. À défaut de pouvoir s’évader, elles usent et abusent du pouvoir de tamponner ; en Russie, il suffit parfois d’avoir de l’encre et un bon coup de main pour régner et posséder.
— Le visa n’est pas conforme.
La Russe fixe Anne de son regard terne, avec dans l’expression ce rien qui signifie la négation totale de l’autre. Anne demande des explications, la date sur le visa est conforme, le motif du voyage aussi : elle est à Moscou pour étudier le russe. Anne est inscrite au département de langues du RGGU, l’université d’État des Sciences Humaines ; c’est indiqué sur l’invitation qu’elle leur tend. Les deux Russes louchent sur ses oreilles puis s’arrêtent sur son poignet. Anne effectue un geste de recul, tournant légèrement la tête de biais pour s’en remettre aux autres passagers qui derrière elle suivent la scène mais sans intervenir ; elle interroge du regard les deux femmes qui aimeraient vérifier si c’est bien son prénom, Anne, qu’on lit sur le bijou qui orne son poignet droit. Elle défait sa gourmette en argent massif et la leur tend. Maintenant le tampon cogne sur l’encre, puis quatre fois de suite sur différents documents, un bruit sourd qui s’abat sur les épaules d’Anne, sa nuque, son crâne, des coups qui la rapetissent, tandis que le cliquetis de la gourmette reçue pour ses vingt ans disparaît, étouffé, dans la poche d’une des deux jupes vert kaki.
Anne franchit le tourniquet. Officiellement elle y est parvenue, elle est à Moscou. La jeune femme affiche néanmoins sur le visage cet air perdu que donnent aux enfants les premières défaites. Elle se dirige lentement vers les tapis autour desquels s’agglutinent ceux qui attendent désormais leurs valises. Tous n’ont pas été délestés comme elle de leurs biens personnels. Le groupe de collégiens par exemple : ils chahutent, ivres de se trouver loin de chez eux. Deux femmes les accompagnent, deux figures d’âge mûr près desquelles Anne se campe le temps d’attendre son bagage. »

Extraits
« Anne passe ses soirées en compagnie de Tamara et Goharik à écouter sur de vieux radiocassettes des chansons de groupes de rock russes. Si Anne ne saisit pas encore les ressorts qui animent les Russes et leurs voisins proches, elle réduit la distance qui les sépare. Anne ne téléphone plus qu’épisodiquement à ses parents et s’éloigne petit à petit de la France. » p. 61

« « Le portrait de sa mère », répond Safia qui n’a pas compris. Mes yeux sont couleur noisette tandis que ceux de Maman sont verts, ma mâchoire joufflue contraste avec l’ovale de son visage, mes rondeurs avec sa minceur, et je tourne davantage vers le roux, mais je lui ressemble. C’est un fait. Safia a raison. Sur la photo d’avril 93, après avoir reconnu Papa, c’est bien moi que j’ai cru voir au premier rang. La couleur des yeux de Maman, on ne la voit pas, la forme de sa mâchoire, non plus, elle n’est qu’un éclat de rire qui pourrait être le mien. Voilà pourquoi il ne faut jamais inviter des gens chez soi. Ils vous découvrent et vous disent ce que vous ne vouliez pas savoir. Je suis un souvenir avant d’avoir vécu. Je ressemble à l’absente. Et Papa comprend le russe. » p. 85

« Les Russes veulent pouvoir acheter ce dont ils ont besoin et, pour les plus aisés, voyager. Et surtout, ne plus avoir peur du futur; savoir à quoi s’en tenir, faire des projets. Tu sais, moi aussi j’ai manifesté en 2012; nombre d’entre nous espéraient encore pouvoir vivre dans un pays «libre», moderne et moins corrompu; moins aléatoire en tout cas. Mais Poutine a répondu par des mesures répressives et un plus grand conservatisme…
– Il assoit son pouvoir sur la peur .
– Sur l’orgueil; sur la honte que nous avons ressentie après la chute de l’URSS. Poutine a compris qu’il y avait là un consensus. Nous voulons que l’Occident nous traite avec plus de considération. Poutine, Rambo comme tu l’appelles, promet au peuple russe de restaurer sa puissance, d’être à nouveau fier de sa patrie. Il y a encore cette idée que la Russie puisse suivre une voie de développement unique. » p. 220

« Il en est de nos vies personnelles comme de la mémoire collective : nous avons besoin pour grandir du passé et de ses traces. » p. 221

À propos de l’auteur
Née en 1979, Julie Moulin est passionnée par la Russie depuis l’adolescence. Après plusieurs années d’engagement dans la finance solidaire elle a choisi de se consacrer à l’écriture, publiant en 2016, chez Alma, Jupe et pantalon, son premier roman. En 2019 paraît Domovoï. Elle vit dans le pays de Gex (Ain). (Source: Alma Éditeur)

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La promesse de l’autre

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Vilnius rend hommage à Romain Gary 

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En deux mots:
À la fête de la littérature, François-Henri Désérable convoque Romain Gary, sa mère, un certain M. Piekielny, mais nous offre surtout une ébouriffante enquête pleine de chausse-trapes et de vrai-faux souvenirs. Irrésistible!

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

La promesse de l’autre

Devant la maison natale de Romain Gary à Vilnius, un jeune écrivain va tenter de retrouver la trace d’un certain M. Piekielny, voisin mystérieux de l’auteur de La promesse de l’aube.

«En mai 2014, des hasards me jetèrent rue Jono Basanavičiaus, à Vilnius, en Lituanie.» La première ligne de ce délicieux roman sert de fil rouge à l’histoire que François-henri Désérable va dérouler comme une pelote de laine dans laquelle on va adorer s’emmitoufler. Car l’auteur d’Évariste fait une fois de plus la démonstration de son talent à tricoter – et à détricoter – les histoires les fabuleuses.
Si je vous dis d’emblée que le narrateur n’en apprendra guère plus sur ce voisin de Romain Gary qui lui fait promettre de dire à toutes les célébrités qu’il rencontrera qu’«au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Vilno, habitait M. Piekielny» ne soyez pas déçu. Car l’enquête est en elle-même un passionnant chassé-croisé entre le vécu du narrateur, le fruit de ses lectures, les quelques rares documents et témoignages qu’il peut recueillir et une imagination fertile. Cette joyeuse exploration historico-littéraire est un petit bijou fantaisiste tout autant qu’un brillant hommage à la littérature et à l’un de ses représentants les plus doués dans l’art du camouflage : Romain Gary / Émile Ajar. En prenant le pas de son illustre aîné et en faisant rebondir les repères biographiques avec sa propre histoire, celle d’un hockeyeur pris par une soif de littérature sous le regard ébahi de sa mère, l’auteur fait exploser les codes de la biographie et de l’autofiction pour un feu d’artifice que n’aurait sans doute pas renié Roger Grenier, qui est aussi célébré ici (le hasard voudra que les belles lignes sur l’auteur et éditeur chez Gallimard parurent quelques jours avant sa mort).
En revisitant La promesse de l’aube dont, par parenthèse, l’adaptation cinématographique proposée par Eric Barbier vaut le détour, il se permet toutes les audaces et roule en permanence son lecteur dans la farine. Qui en redemande! Après tout, peu importe si ce monsieur Piekielny n’a existé que dans l’imagination de Romain Gary – à moins que ce ne soit dans celle de François-Henri Désérable : « Ce qui existe, ce qui commencera à exister peut-être un jour, si j’ai beaucoup de chance, ce sont mes livres, quelques romans, une œuvre, si j’ose employer ce mot. Tout le reste n’est que littérature. »
L’essentiel est ici, par la magie du roman, de faire revivre un épisode historique dramatique, celui qui a vu disparaître quelques millions de Juifs d’Europe, dont le voisin de Romain Gary et d’offrir la plus belle des tribunes à notre devoir de mémoire.
S’il est passé fort injustement à côté des Prix littéraires de l’automne, il serait regrettable que vous passiez à côté de cette petite merveille!

Un certain M. Piekielny
François-Henri Désérable
Éditions Gallimard
Roman
272 p., 19,50 €
EAN: 9782072741418
Paru en août 2017

Où?
Le roman se déroule en Lituanie, à Vilnius ainsi qu’en France, de Rouen à Nice en passant par Paris. On y évoque aussi des épisodes qui se seraient déroulés à Londres, à Washington, à La Paz…

Quand?
L’action se situe de nos jours avec des réminiscences au siècle dernier.

Ce qu’en dit l’éditeur
« »Quand tu rencontreras de grands personnages, des hommes importants, promets-moi de leur dire : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny… » Quand il fit la promesse à ce M. Piekielny, son voisin, qui ressemblait à « une souris triste », Roman Kacew était enfant. Devenu adulte, résistant, diplomate, écrivain sous le nom de Romain Gary, il s’en est toujours acquitté : « Des estrades de l’ONU à l’Ambassade de Londres, du Palais Fédéral de Berne à l’Élysée, devant Charles de Gaulle et Vichinsky, devant les hauts dignitaires et les bâtisseurs pour mille ans, je n’ai jamais manqué de mentionner l’existence du petit homme », raconte-t-il dans La promesse de l’aube, son autobiographie romancée.
Un jour de mai, des hasards m’ont jeté devant le n° 16 de la rue Grande-Pohulanka. J’ai décidé, ce jour-là, de partir à la recherche d’un certain M. Piekielny.»

Autres critiques
Babelio
La règle du jeu (Christine Bini)
Télérama (Fabienne Pascaud)
Culturebox (Anne Brigaudeau)
La Croix (Jean-Claude Raspiengeas)
Le litteraire.com (Jean-Paul Gavard-Perret)
Blog motspourmots.fr (Nicole Grundlinger)


François-Henri Désérable se lance sur les traces de Romain Gary dans son nouveau roman Un certain M. Piekielny. © Production La Grande Librairie

Les premières pages du livre
« En mai 2014, des hasards me jetèrent rue Jono Basanavičiaus, à Vilnius, en Lituanie. Un ami se mariait, il me prit pour témoin. J’aimerais, dit-il, que tu organises mon enterrement. J’objectai que c’était un peu tôt, qu’il avait encore de belles années devant lui, qu’en outre il semblait jouir d’une robuste constitution, mais que le cas échéant je saurais m’occuper de sa veuve. De vie de garçon, précisa-t-il. Ah, dis-je, tu veux dire promenade sur les Champs-Élysées, déguisé en cow-boy ? Il voulait dire strip-tease et hockey sur glace.
Nous prîmes donc des billets pour Minsk, où se tenait un tournoi de hockey qui devait nous servir d’alibi, parce que vois-tu, mon amour, qu’y pouvons-nous si le futur marié est amateur de patins et de crosses, s’il rêve d’assister aux championnats du monde, et s’ils ont lieu cette année en Biélorussie où les filles sont si belles et si
blondes et si promptes à se dévêtir ? »

Extrait
« À la première intersection, je tournai à droite, sur une longue rue que je descendis trois cents mètres, laissant arbitrairement à ma gauche les bulbes verts d’une église orthodoxe (quand trois ans plus tard je devais retourner pour la quatrième fois à Vilnius, les bulbes ne seraient plus verts mais dorés, repeints tels qu’ils étaient à l’origine, tels, penserais-je alors, qu’il avait dû les voir tous les jours en sortant de chez lui) pour continuer encore à droite, rue Jono Basanavičiaus.
Au n°18, sur la façade d’un immeuble de stuc jaune dont le porche donnait sur une cour intérieure, se trouvait une plaque, en lituanien et en français: L’écrivain et diplomate français Romain Gary (vilnius, 1914 – paris, 1980) a vécu de 1917 à 1923 dans cette maison qu’il évoque dans son roman « la promesse de l’aube ». »

À propos de l’auteur
Né en 1987 à Amiens, François-Henri Désérable passe son enfance et son adolescence en Picardie. À quinze ans, il part dans le Minnesota, aux États-Unis, pour s’adonner à sa passion: le hockey sur glace, qu’il a commencé à pratiquer à l’âge de cinq ans. À dix-huit ans, il devient joueur de hockey professionnel, entre en fac de droit et commence à écrire. Tu montreras ma tête au peuple, récits des derniers instants de personnages guillotinés pendant la Révolution française, est publié en 2013 aux éditions Gallimard. Il remporte plusieurs prix dont celui de la Vocation. En 2015, paraît Évariste, biographie romancée sur Évariste Galois, prodige des mathématiques mort en duel à vingt ans. À la rentrée littéraire 2017, avec Un certain M. Piekielny, François-Henri Désérable part sur les traces d’un personnage de Romain Gary, « souris triste » évoquée dans La promesse de l’aube. (Source : fhdeserable.com)

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L’été en poche (44)

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Un hiver à Paris

En 2 mots
Jeune provincial lancé dans un milieu estudiantin et parisien dont il ne connaît pas les règles, le narrateur est vite mis sur la touche. Et ce n’est pas le corps enseignant qui va lui tendre la perche, bien au contraire. Indifférent quand il n’est pas méprisant, il va être à l’origine d’un suicide qui va hanter le narrateur.

Ma note
etoileetoileetoile (beaucoup aimé)

Si vous voulez en savoir plus…
Ma chronique complète publiée lors de la parution du roman en grand format

Les premières lignes

L’avis de… Francine de Martinoir (La Croix)
« L’art du romancier ici est de nous entrainer dans le labyrinthe des sentiments : les figures dessinées y sont de plus en plus attachantes […] Le roman de Jean-Philippe Blondel illustre de façon magistrale la définition qu’Albert Thibaudet donnait du vrai romancier : « Il écrit avec les mille directions de la vie possibles. » Et il ajoutait : « Le roman fait vivre le possible. Il ne fait pas revivre le réel ». »

Vidéo


Jean-Philippe Blondel présente «Un hiver à Paris» © Production librairie Mollat

Un hiver à Paris

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Un hiver à Paris

Jean-Philippe Blondel
Buchet-Chastel
Roman
272 p., 15 €
ISBN: 9782283026946
Paru en janvier 2015

Où?
Le roman se déroule principalement à Paris, mais Aussi à Nanterre, à Blois, à Troyes et dans le Sud-Ouest, plus particulièrement à Facture, Ychoux et Biscarosse-Plage

Quand?
L’action est située de nos jours dans les premières et les dernières pages du roman, avec un retour sur les années d’études universitaires pour le cœur du livre.

Ce qu’en dit l’éditeur
Jeune provincial, le narrateur débarque à la capitale pour faire ses années de classe préparatoire. Il va découvrir une solitude nouvelle et un univers où la compétition est impitoyable. Un jour, un élève moins résistant que lui craque en plein cours, sort en insultant le prof et enjambe la balustrade.
On retrouve dans Un hiver à Paris tout ce qui fait le charme des romans de Jean-Philippe Blondel : la complexité des relations ; un effondrement, suivi d’une remontée mais à quel prix ; l’attirance pour la mort et pour la vie ; la confusion des sentiments ; le succès gagné sur un malentendu ; le plaisir derrière la douleur ; l’amertume derrière la joie.
Sont présents les trois lieux qui guident la vie de l’auteur : Troyes, Paris, les Landes. Dans la lignée de Et rester vivant, il y a chez le personnage-auteur-narrateur la même rage pure, la même sauvagerie – pour rester toujours debout sous des allures presque dilettantes.

Ce que j’en pense
***

Un seul événement pour un livre, mais de ceux qui marquent à jamais quelqu’un. « Un hiver à Paris » aurait en fait pu s’appeler « Un suicide », car Jean-Philippe Blondel nous raconte certes ses années d’étudiant en classe préparatoire, mais surtout combien le suicide de son camarade de classe l’a marqué au point de changer sa vie.
Jeune provincial lancé dans un milieu estudiantin et parisien dont il ne connaît pas les règles, le narrateur est vite mis sur la touche. Et ce n’est pas le corps enseignant qui va lui tendre la perche, bien au contraire. Indifférent quand il n’est pas méprisant, il va être à l’origine du drame. Mathieu ne supportera pas une remarque outrancière et ira se jeter par la fenêtre pour atterrir aux pieds du narrateur, un filet de sang venant le marquer comme au fer rouge.
Il avait échangé seulement quelques mots avec celui qui gisait à ses pieds, mais le regard des autres avait subitement changé. « D’un seul coup, j’existais à leurs yeux. J’étais «le copain de Mathieu». La victime de la victime. Un beau rôle à tenir. Je n’étais même pas forcé de nier, ni de mentir. Il me suffisait d’omettre et de transformer mes projets d’avenir en existence passée. Oui, nous avions commencé à tisser un lien. Oui, j’étais, à Paris, la personne dont il était le plus proche. »
De manière très subtile, l’auteur déroule alors le fil de cette «seconde vie», celle où presque sans effort, il devient quelqu’un.
Pour le père de la victime, il va passer du rang de témoin privilégié à celui de confident, puis de fils de «remplacement».
Une lettre reçue après un passage à la télévision sera le déclencheur du souvenir. Une construction habile qui permettra de boucler la boucle dans les dernières pages. Et de constater que les personnages qu’il va croiser sont loin d’être aussi manichéens qu’il le supposait étant jeune. Comme cette enseignante, adepte des bonnes formules, qui lui suggérait d’essayer la littérature : «mieux vaut devenir le maître des illusions que le jouet de ceux qui vous entourent.»
Un conseil qu’il a bien fait de suivre.

Autres critiques
Babelio
La Croix
Paroles d’auteurs (Interview)
RTL (émission Les livres ont la parole de Bernard Lehut)

Extrait
« Mon souvenir de Mathieu commençait à s’effacer – graduellement, je le sentais. Cela faisait moins de six mois qu’il avait sauté mais le bouillonnement qu’était devenue mon existence, les jours peuplés comme les nuits, les mots, les phrases, les paragraphes, les lumières, les gestes, les frémissements, les frissons – tout venait le recouvrir. Je me rendais compte à quel point notre relation avait été inexistante. Un leurre. C’était à peine, désormais, si je revoyais ses mains quand il fumait ses JPS noires. Ses yeux, eux, me fuyaient. Ne restaient que le cri et le bruit mat du corps heurtant la pierre. » (p. 211)

A propos de l’auteur
Jean-Philippe Blondel est né en 1964. Marié, deux enfants, il enseigne l’anglais en lycée et vit près de Troyes, en Champagne-Ardennes. Il publie en littérature générale et en littérature jeunesse depuis 2003. (Source : Editions Buchet-Chastel)

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