Le temps des grêlons

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En deux mots
Tout a commencé par une sortie scolaire et ces images qui ne montraient plus les gens pris en photo. Pour le narrateur et ses amis, il va désormais falloir apprendre à vivre avec cette nouvelle donne, mais aussi s’occuper de ceux qui tombent du nuage, retrouvant une vie après le temps saisi par le cliché.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Au-delà du cliché

Dans un second roman étonnant et détonnant, Olivier Mak-Bouchard imagine un monde dans lequel le numérique a des ratés, qu’il ne peut plus enregistrer les personnes sur les photos et au-delà de cette panne qu’il recrache des données, faisant revivre ceux qui ont été photographiés. Un conte tout à la fois drôle, tendre et profond.

L’événement aurait pu passer inaperçu, d’autant que Mme Philibert, leur prof de français avait prévenu ses élèves que les indiens ne devaient pas être pris en photo, parce qu’ils avaient peur de perdre leur âme. Et même si ces indiens ne sont que des employés d’Ok Corral, le parc d’attraction provençal où le narrateur passe la journée avec sa classe, ils n’apparaissent pas sur les photos. Si la première hypothèse est un souci technique sur les smartphones, il va bien falloir se rendre à l’évidence. Le problème est bien plus grave, d’autant qu’il va vite s’étendre à la planète toute entière. Tous les humains ne figurent plus sur les clichés que l’on prend d’eux. Les premières analyses montrent que le traitement des données par le cloud est défaillant. «Là, ce que le Nuage relâche, ce n’est pas des 0 et des 1, du binaire. C’est autre chose, un langage qui n’a ni queue ni tête, de la data d’un nouveau type, qui s’échappe du Nuage au milieu du reste en petits paquets. Des micro-averses qui tombent, comme çà, alors qu’on n’a rien demandé. Il ne s’agit pas de flux, qui sont vectorisés; non, le Nuage nous crache dessus des micro-averses de data sauvage.» Ces averses de grêlons effacent les personnes. Du coup le cinéma, la télévision et la photo elle-même perdent de leur intérêt. À contrario le dessin connaît une nouvelle jeunesse.
Mais dans ce fantastique roman, nous sommes loin d’être au bout de nos surprises. Quand la gare de la Ciotat est envahie par un groupe de personnes habillées comme au début du siècle dernier, on pense à une flash-mob, avant de se rendre compte qu’il s’agit des personnages tombés de l’un des premiers films des Frères Lumière. Du coup un policier a l’idée de remonter aux origines de la photographie et va dénicher l’homme qui figurait sur la première photo de Daguerre! Les grêlons sont alors le seul sujet de conversation. Même le Président de la République s’en empare, bien qu’il n’ait pas d’explication plausible à livrer. En revanche, il doit mettre en place un système permettant d’identifier ces personnes et leur éviter de causer de gros dommages en descendant de leur nuage. Car si la résurgence des photographiés est chronologique, elle va très vite devenir ingérable, la production de photo étant exponentielle au fil du temps.
Jean-Jean et Gwen, les deux copains de classe du narrateur, vont du reste jouer un rôle dans les gestion des grêlons. Lui-même se voyant confier le rôle de leur rafraîchir la mémoire, de les illuminer, surtout s’ils s’agit de célébrités telles qu’Arthur Rimbaud. Une tâche qui va s’avérer très délicate, voire risquée.
Pour son second roman Olivier Mak-Bouchard, qui nous avait épaté avec Le Dit du Mistral, fait preuve de la même imagination débridée, mais creuse davantage le côté fantastique. Autour de l’histoire de la photographie, qui est habilement retracée au fil du livre, le romancier explore cette manie du selfie, ce besoin d’avoir des images, de remplir sa vie. Avec humour et un sens affûté de l’autodérision, il va nous prouver qu’Arthur Rimbaud a encore de beaux restes, que l’amour peut s’immiscer où on ne l’attend pas et qu’une mère a eu une vie avant d’enfanter. Derrière la joyeuse comédie peuvent se cacher quelques profondes réflexions et la belle confirmation du talent d’Olivier Mak-Bouchard.

Le temps des grêlons
Olivier Mak-Bouchard
Éditions Le Tripode
Roman
352 p., 19 €
EAN 9782370553188
Paru le 3/03/2022

Où?
Le roman est situé en France, principalement en Provence, dans la région d’Apt et Avignon.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Du jour au lendemain, partout sur la planète, c’est la stupéfaction : les appareils photographiques ont cessé de fonctionner, ils refusent d’enregistrer la présence des personnes ! C’est à croire que l’univers, saturé de nos présences, a décidé de se révolter contre l’espèce humaine. En Provence, trois enfants doivent grandir avec ce phénomène inexplicable, et voient leur monde basculer dans une direction que personne n’aurait imaginée…
Olivier Mak-Bouchard est l’auteur du Dit du Mistral (Le Tripode, 2020). Avec Le Temps des Grêlons, il nous offre un second roman tout aussi étonnant, une fable envoûtante, douce et âpre, qui questionne une nouvelle fois les menaces qui pèsent sur notre temps.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
goodbook.fr
Diversions magazine
Ernestmag (Entretien avec l’auteur)
Actualitté

Extrait
« Lorsque les appareils photo se sont arrêtés c’est de ce côté-là qu’on avait creusé pour trouver une explication. On a regardé à nouveau, on a renvoyé de la data pour voir.
Le Nuage est toujours là, et il joue toujours avec la data. Impossible de lui faire avaler ou cracher ce qu’on veut, ça n’a pas changé. En revanche, ce qui est nouveau, c’est qu’il a en plus commencé à lâcher de l’information sans qu’on le lui demande. On s’en est même pas aperçu, au début, il a vraiment fallu regarder deux fois avant d’arriver à voir quelque chose. C’est infinitésimal, presque rien par rapport aux flux qui opèrent encore normalement. Mais le plus curieux, c’est que ce n’est même pas de la data, ou moins pas la même structure que celle avec laquelle on a l’habitude de traiter.
Là, ce que le Nuage relâche, ce n’est pas des 0 et des 1, du binaire. C’est autre chose, un langage qui n’a ni queue ni tête, de la data d’un nouveau type, qui s’échappe du Nuage au milieu du reste en petits paquets. Des micro-averses qui tombent, comme çà, alors qu’on n’a rien demandé. Il ne s’agit pas de flux, qui sont vectorisés; non, le Nuage nous crache dessus des micro-averses de data sauvage.»
L’Homme le Plus Riche du Monde a fait une pause. On s’entait qu’il voulait nous laisser le temps de digérer. » p. 100

À propos de l’auteur
MAK-BOUCGARD_OLIVIER_DROlivier Mak-Bouchard © Photo DR

Olivier Mak-Bouchard a grandi dans le Luberon. Il vit désormais à San Francisco. Il est l’auteur au Tripode du Dit du Mistral (prix Première Plume, 2020) et du Temps des Grêlons (2022). (Source: Éditions Le Tripode)

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Seyvoz

KERANGAL_SORMAN_seyvoz  RL_Hiver_2022

En deux mots
Tomi Motz est appelé pour une mission de maintenance au barrage de Seyvoz. Mais arrivé sur place, rien ne va se passer comme prévu pour l’ingénieur. En parallèle à son séjour on lira l’histoire du village avant le barrage.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Un barrage contre l’oubli

Maylis de Kerangal et Joy Sorman ont uni leurs plumes pour raconter l’histoire du village englouti par l’édification du barrage de Tignes. Sur les pas d’un ingénieur arrivé pour la maintenance, on va découvrir l’esprit du lieu.

Quand Tomi Motz, après une longue route depuis Paris, arrive au barrage de Seyvoz, il a la désagréable surprise d’apprendre que Brissogne, qui l’a convoqué, ne viendra finalement pas. Résigné, l’ingénieur gagne l’hôtel d’Abondance où une chambre lui a été réservée. Après avoir regardé quelques épisodes d’une série, il s’endort du sommeil des justes.
C’est à ce moment que Maylis de Kerangal et Joy Sorman ont choisi d’insérer dans leur roman, avec une couleur d’encre différente, la chronique du temps passé, lorsque Seyvoz était encore un village de montagne. On pourra ainsi, au fil du récit découvrir l’histoire de Seyvoz, au moment où les habitants apprennent qu’ils n’ont plus que quelques jours à passer dans le village avant que ce dernier ne soit englouti sous les eaux de retenue du barrage. Le temps de célébrer un dernier mariage et les trois cloches de l’église de Notre-Dame-des-Neiges seront déposées. On ira même, suite à des débats enflammés, déterrer les morts du cimetière et leur offrir une nouvelle sépulture à quelques kilomètres de là. «Comme le garde champêtre refusait de le faire, c’est Beaumichel qui a donné lecture de l’ordre du préfet: abandon du cimetière de Seyvoz, exhumation, transfert et inhumation des corps dans le cimetière nouvellement ouvert du hameau du Ruz, autour de l’église que l’on finissait de bâtir, un fac-similé de Notre-Dame-des-Neiges dont les habitants de Seyvoz haïssaient l’idée, jurant qu’ils n’y foutraient pas les pieds.»

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Tout aussi fort en émotions, on suivra l’un des immigrés venu prêter main forte à l’édification de cet édifice monstrueux. Joaquim ne rentrera jamais dans son Portugal natal ou encore le vain combat de la dernière poignée de résistants opposés à la destruction de leur village.
À son réveil, Tomi entend retrouver Brissogne, lui dire son fait, assurer sa mission de contrôle des installations et rentrer à Paris. Mais son programme va à nouveau être perturbé. D’abord parce que Brissogne reste introuvable, ensuite parce qu’un grésillement bizarre émane d’une partie du barrage, enfin parce que Tomi a quelques problèmes de santé. Il n’a alors d’autre choix que de passer une nouvelle nuit dans hôtel qui affiche complet, bien qu’il ne croise personne dans l’établissement.
Le troisième jour va encore lui réserver quelques surprises que je vous laisse le plaisir de découvrir, à la frontière du voyage initiatique et du fantastique.
Les deux autrices ont habilement su mêler leurs plumes – elles ont parfois rédigé ensemble et se sont aussi répartis certains chapitres sans que l’on puisse attribuer le texte à l’une ou à l’autre – pour nous offrir différentes entrées, manières d’appréhender ce mur de béton qui depuis plus d’un demi-siècle barre la vallée de ses 180 m de haut et ses 300 m de long. En faisant revivre les habitants du village qui, au début des années cinquante, ont dû tout abandonner devant l’inexorable montée des eaux, en nous entrainant dans la vallée et même dans le lac à l’occasion d’une plongée mémorable dans les 240 millions de mètres cubes d’eau, on découvre combien ce lieu est chargé d’un esprit très particulier. Et nous donne l’envie d’une escapade dans les Alpes.

Signalons que Maylis de Kerangal et Joy Sorman seront à Paris à la Maison de la poésie le lundi 7 mars à 19h pour y présenter leur livre.

Seyvoz
Maylis de Kerangal
Joy Sorman
Éditions Inculte
Roman
110 p., 12,90 €
EAN 9782360841394
Paru le 23/02/2022

Où?
Le roman est situé en France, principalement à Tignes et dans les environs. On y évoque aussi Paris.

Quand?
L’action se déroule des années cinquante à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Tomi Motz, ingénieur solitaire, est mandaté par son entreprise pour contrôler les installations du barrage de Seyvoz, dont l’édification, dans les années cinquante, a entraîné la création d’un lac artificiel et englouti le village de montagne qui se trouvait là. Pendant quatre jours, Tomi arpente la zone. Sous l’effet d’un étrange magnétisme, sa mission se voit bientôt perturbée par une série de troubles sensoriels et psychiques. Autour de lui, le réel se dérobe ; tout vacille, les lieux et les comportements, les jours comme les nuits, et peut-être jusqu’à sa propre raison.
S’aventurant aux lisières du fantastique, ce roman sonde les traces d’une catastrophe. Maylis de Kerangal et Joy Sorman y font résonner une mémoire immergée mais insistante, et affleurer les strates de temps qui se tiennent dans les plis du paysage.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
goodbook.fr
Franceinfo Culture (Camille Bigot)
France Inter (Boomerang – Augustin Trapenard)
France Culture (Par les temps qui courent – Marie Richeux)
La Vie (Marie Chaudey)
Générations nouvelles (René Jeoffro)
Blog Un dernier livre avant la fin du monde
Blog Mumu dans le bocage

Les premières pages du livre
« Jour I
Il pense au lac de soufre du Kawah Ijen. Il se souvient de la jeep devant l’hôtel à deux heures du matin, l’air glacé de la nuit asiate, le trajet chaotique jusqu’au pied du volcan, le café dans les timbales en fer-blanc autour du brasero, les voix fines des guides javanais, puis l’ascension, la température qui se réchauffe à mesure que le soleil se lève, les premières silhouettes qui descendent de la montagne sur les sentiers étroits, ployant sous le poids des blocs de soufre maintenus dans des sacs à dos de fortune, l’odeur piquante et âcre des émanations de gaz, et enfin, donc, apparu au terme d’une nuit de marche, ce lac brûlant, toxique, dans lequel il ne fallait surtout pas tomber sous peine d’être dissous comme dans un bain d’acide.
Devant lui, le lac de Seyvoz est bien de ce même bleu opaque, d’une même luisance mate, et propageant cette même impression de liquide épais, stable. En surface, il remarque des auréoles plus sombres qui, c’est bizarre, ne correspondent pas au relief autour du lac mais semblent projetées depuis les profondeurs. Il plisse les yeux, tente de faire coïncider ces ombres, leurs emplacements, leurs contours, aux lignes du paysage, mais rien ne s’ajuste.

Tomi Motz a roulé depuis Paris, sept heures à vitesse constante au volant d’une Passat grise floquée Voltang sur les portières, il est seize heures et il est bien au rendez-vous. D’une main machinale, il éclate l’opercule d’une Nicorette au fond de la poche de son jean, la gobe et commence à mâcher tête renversée vers les crêtes montagneuses qui encerclent la retenue de Seyvoz. Les cimes sont blanches encore, éblouissantes, mais les flancs cérusés, austères, la roche brute, couleur d’acier frotté, maculée de plaques herbeuses à mesure que l’on descend les pentes et que s’efface le monde minéral. Tomi s’étire puis inspire à fond, cambré, les paumes plaquées sur les reins, le ventre écrasé contre le parapet de béton, il gonfle les poumons, siphonne les moindres particules atmosphériques, se frotte les mains, subitement content d’être là quand depuis Paris cette mission à Seyvoz, mordant sur le week-end, ressemblait à une punition – Million l’avait appelé la veille d’une voix assise, une voix qui avait les pieds sur un bureau et pivotait distraitement dans son fauteuil, une voix si basse que Tomi s’était concentré pour suivre le cours de sa phrase, prenant appui sur les rares mots audibles comme on traverse le gué d’une rivière en posant le pied sur des cailloux : « Seyvoz », « maintenance des installations », « contacter Brissogne ».

Seize heures onze. L’espace est silencieux, la route qui couronne le barrage est vide, seul un épervier de grande envergure plane au-dessus du lac, décrivant des cercles dans le ciel pur. Tomi ne connaît rien aux oiseaux de montagne, ne saurait distinguer un tétras-lyre d’un aigle royal mais commence lui aussi à tourner en rond entre le parapet du barrage et la Passat qui refroidit, troublé de ne pas voir apparaître Brissogne, lequel lui a pourtant envoyé dans la nuit un message outrant l’aridité professionnelle : rv barrage 15h, cldt CB.
Nouveau coup d’œil à sa montre, où la grande aiguille ne bouge plus. Tomi tapote le cadran, le presse contre son oreille, écoute, rien, sort son portable, seize heures seize, il espère un message de Brissogne lui signalant un problème, un retard, et par là même s’excusant, mais son téléphone ne capte rien. Tomi pivote, oriente l’appareil dans toutes les directions, agacé : la centrale électrique de Seyvoz, soit le plus important site producteur d’électricité de la nation, serait donc une poche de territoire sans couverture réseau, une zone blanche. »

Extrait
« Comme le garde champêtre refusait de le faire, c’est Beaumichel qui a donné lecture de l’ordre du préfet: abandon du cimetière de Seyvoz, exhumation, transfert et inhumation des corps dans le cimetière nouvellement ouvert du hameau du Ruz, autour de l’église que l’on finissait de bâtir, un fac-similé de Notre-Dame-des-Neiges dont les habitants de Seyvoz haïssaient l’idée, jurant qu’ils n’y foutraient pas les pieds. Une voix a percé de nouveau, aiguë, touchez pas à nos morts, salauds, alors le prêtre a entonné sa psalmodie et les villageois lui ont emboîté le pas vers le cimetière, où ils ont regardé les croques morts faire leur travail, hostiles et résignés. » p. 77

À propos des autrices
KERANGAL_SORMAN_©Renaud-MonfournyMaylis de Kerangal et Joy Sorman © Photo Renaud Monfourny

Maylis de Kerangal est l’auteure, entre autres, de Corniche Kennedy (2008), Naissance d’un pont (2010, prix Médicis, prix Franz Hessel), Réparer les vivants (2014, Prix des étudiants France Culture-Télérama, Grand Prix du Livre RTL-Lire), Un monde à portée de main (2018) et Canoës (2021), tous parus aux éditions Verticales.
Joy Sorman publie son premier roman en 2005, Boys, boys, boys, lauréat du prix de Flore. Suivent notamment, chez Gallimard, Gros œuvre (2009), Paris Gare du Nord (2011), Comme une bête (2012), La Peau de l’ours (2014), puis Sciences de la vie (Seuil, 2017) et À la folie (Flammarion, 2021).
Elles sont toutes les deux membres du collectif Inculte. (Source: Éditions Inculte)

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Attends-moi le monde

PINGAULT-attends_moi_le_monde  RL-automne-2021

En deux mots
Camille gagne un drôle de prix à la loterie de la Fête du lac: une année sans mois de novembre, précisément ce mois qu’elle déteste le plus. Désormais son quotidien va lui réserver bien des surprises. Après l’incrédulité, elle va apprendre à tirer le meilleur de cette expérience.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Camille a gagné à la loterie

Le troisième roman de Gaëlle Pingault nous entraine sur de nouveaux chemins, dans les pas de Camille qui vient de gagner à la loterie le droit de passer une année sans mois de novembre. Le fantastique au service du développement personnel.

On ne peut pas dire que la vie de Camille soit au beau fixe. C’est un peu déboussolée qu’elle choisit de s’installer dans un petit village pour y exercer son métier de graphiste indépendante, avec peut être le secret espoir de trouver là de quoi redonner un nouvel élan à son existence. Le hasard et la chance lui permettent de décrocher le gros lot de la tombola organisée à l’occasion de la Fête du lac. Un prix qui, si on en croit l’horrible flyer conçu pour la circonstance, lui fera oublier le mois de novembre. Ce mois qui l’accable. «Il fait gris, il pleut, les nuits sont sans fin, on n’a envie de rien et aucune énergie. (…) Et en plus, chaque année est pire que celle d’avant. Sachant que j’aurais trente ans l’année prochaine, je te raconte pas comment ils vont être sympas, mes mois de novembre à quatre-vingts balais.»
Il faudra attendre le 31 octobre et la visite surprise de son ami Maxime pour que Camille ne se décide à ouvrir l’enveloppe contenant son Prix et découvre un petit papillon de papier avec cette simple inscription «bon pour une année sans mois de novembre». Ce qui au premier abord ressemble à un canular va bien vite prendre une tournure fantastique. Car le papillon va prendre une teinte bleutée et offrir une sorte de cocon protecteur à Camille qui ne sent plus le froid et trouve une nouvelle énergie avec son bout de papier qui, jour après jour, lui délivre de petits messages sibyllins : «Cool Raoul», «Il n’est pas nécessaire de partir à La Bourboule» ou encore
«Vivent les crêpes à la banane avec du caramel (Et surtout pas de Nutella)».
Parallèlement, la mention d’une date sur tous les objets ou produits semble avoir été effacée. Même la note du restaurant est vierge de cette mention, pourtant obligatoire. Ajoutons à ce tableau la visite inopinée du bel homme qui lui a vendu son billet de tombola et qui lui affirme être un messager l’appelant à être attentive à son inconscient et on aura un bel aperçu de l’incursion du fantastique dans la vie de Camille.
Paradoxalement, c’est en choisissant de s’émanciper d’une réalité pesante pour rejoindre des rives plus oniriques que Gaëlle Pingault trouve le moyen de construire une sorte de manuel du mieux-vivre, de parsemer son récit de conseils qui aident à dépasser telle contrariété, tel problème qui peut conduire à la dépression.
Après II n’y a pas internet au paradis et Les Cœurs imparfaits, sa plume prend un chemin à la fois plus léger et plus grave, à l’image d’une Camille qui se prend petit à petit au jeu qui lui est proposé tout en allant chercher les causes de son mal dans sa vie passée, dans les étapes qu’elle a franchi sans vraiment prendre la peine de les analyser. Désormais, elle se sent prête à affronter la nouvelle vie qui s’offre à elle. Et le lecteur, en la suivant, s’arme lui aussi pour affronter la mauvaise saison, prêt pour une année sans mois de novembre.

Bonus


Le titre du livre est tiré de la chanson J’arrive de Ben Mazué.

Attends-moi le monde
Gaëlle Pingault
Éditions Eyrolles
Roman
210 p., 16 €
EAN 139782416001321
Paru le 02/09/2021

Où?
Le roman est situé en France, principalement dans un petit village qui n’est pas précisément situé.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Vous détestez la grisaille et la nuit qui tombe à 16 h 30? Vivez une année sans mois de novembre ! Lorsqu’elle tombe sur un petit flyer vantant les mérites d’une tombola locale en ces termes, Camille comprend d’emblée qu’elle va jouer, et gagner. Durant ce mois de non-novembre, un étrange temps suspendu l’invite à emprunter quelques chemins inexplorés, tandis qu’alentour, le monde continue son petit manège habituel. En acceptant de perdre ses repères, d’abord un peu hésitante, puis entièrement chamboulée, Camille se laissera porter par l’étrangeté dont jaillira peu à peu la compréhension de sa propre histoire.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Goodbook.fr
Blog motspourmots.fr (Nicole Grundlinger)
Blog Mumu dans le bocage

Les premières pages du livre
« C’EST encore l’été.
Il faut dire cette phrase avec fermeté et détermination. La conviction doit être palpable. Rien de compliqué, dans l’immédiat, puisque l’affirmation est encore vraie. Je m’entraîne pour dans quelques semaines. Je sens venir la déchéance. Par les temps qui courent, je serais capable d’énoncer cette formule chaque matin, ou même toutes les heures, pour repousser le moment où elle deviendra fausse. Comme pour contrer le mauvais sort, conjurer le défilement inéluctable des saisons. Phrase doudou, phrase talisman. Si je la répète encore et encore, si j’y mets toute ma volonté, et pas mal de poudre de perlimpinpin mentale, si je rajoute abracadabra, une danse rituelle et quelques incantations chamaniques, pourrais-je contrer l’arrivée de l’automne ?
L’homme, lui aussi, semble apprécier le soleil qui brille et la température clémente. Il est grand, longiligne, et malgré ses cheveux grisonnants, plutôt jeune. Il pourrait être une incarnation du charme parfait. Sa dégaine mi-décontractée mi-élégante semble innée, comme s’il était né pour les jeans qui font un beau cul et les chemisettes en lin un peu flottantes. Avec des atouts pareils, il parvient sans difficulté à distribuer les petits flyers dont il tient un tas épais : aux femmes, sans vouloir paraître caricaturale, il n’est pas besoin d’expliquer pourquoi, et aux hommes, sans doute parce qu’ils espèrent, en s’approchant de lui, capturer un peu de son magnétisme afin d’en disposer à leur guise à l’avenir. À moins qu’ils n’aspirent, eux aussi, à lui mettre la main au panier.
Ou alors, le charisme du type n’y est pour rien, c’est juste qu’il fait beau, que tout le monde est de bonne humeur en cette fin août à la température encore estivale, et que même une vieille sorcière aurait réussi à écouler son stock de potions frelatées, parce qu’il y a un rien de léger dans l’air du temps. Et qu’il n’était pas nécessaire d’aligner autant de poncifs dans l’analyse de la situation. C’est possible.
C’est jour de marché au village. J’aime le marché, mais pas que ce soit le lieu privilégié des distributeurs de prospectus sans intérêt. Ce gaspillage n’est pas joli-joli, et puis il est souvent intrusif, on vous colle ça sous le nez sans vous demander votre avis, merci bien. En période électorale, cet inconvénient est poussé à son paroxysme. C’est plus calme en ce moment. Mais il se trouve toujours un ou deux importuns pour refourguer de la paperasse en petit format. Je les évite comme la peste. Parfois même, je leur décoche une réplique bien sentie, je les blâme d’encourager de la sorte le gâchis à grande échelle. La remarque est aussi inutile qu’injuste – les gens qui distribuent se débattent juste avec ce qui m’agite, moi aussi, cinq jours, voire six ou sept, par semaine. Ils tentent de gagner leur vie, option « moyens du bord », pas le choix, il y a le loyer à payer et les courses à faire. Il faudrait taper plus haut, peut-être aller jusqu’à réformer la société de consommation et de publicité tout entière. Inutile de dire que la tâche est vaste. Trop pour toi, ma Camille, me dirait ma mère. Alors je me contente, à mon petit niveau, de ne pas prendre les prospectus tendus, en espérant sans trop y croire que cela participe à freiner le phénomène.
Il me faut des tomates, un fromage de chèvre bien affiné, et puis j’aimerais acheter des framboises, mais ça dépendra du prix. Si on me prend pour une bille, si on me réclame trente euros pour un kilo, ce sera sans moi.
L’homme qui distribue les prospectus est juste à l’entrée de la première allée. Je n’ai plus le temps de le contourner sans être vue. Choisir cette option malgré tout relèverait de la plus parfaite impolitesse, et devant un homme doté d’un tel charisme, c’est inconcevable.
Soixante-douze plus quarante-deux, égale cent quatorze. Moins vingt-huit, égale quatre-vingt-six. Fois trois, égale deux cent cinquante-huit. Tiens, ça faisait longtemps, dis donc. Salut, l’ami calcul mental.
Au moment où nos regards se croisent, j’ai l’impression qu’il a des aimants à la place des pupilles. Impossible de m’en détourner.
— Bonjour, mademoiselle. J’ai quelque chose pour vous.
La voix est claire, le pouvoir de persuasion total. Je n’ai pas l’impression d’avoir vraiment le choix. J’attrape le prospectus, avec un sourire que j’essaie de rendre aussi neutre que possible, mais que je crains benêt.
— Peut-être à bientôt, dans mon bateau oh oh oh.
Il prononce la fin de cette phrase sur l’air de cette chanson stupide des années quatre-vingt-dix. C’est plutôt… surprenant. Je m’attends à ce qu’il continue, tu es le plus beau des bateaux oh oh, mais il n’en fait rien. Il recouvre aussi sec son air mystérieux. Et moi, j’ai son foutu flyer en main. Bien joué. Je me sens stupide et affreusement complaisante. Il suffit donc d’être beau gosse et d’en imposer pour que je passe à côté de mes propres principes. Je me serais crue plus idéaliste.
Commencer par les tomates est le plus simple, mon petit maraîcher bio tient son stand un peu plus loin dans cette allée, juste après ce peintre local qui vend ses croûtes – pardon, ses toiles –, du moins qui s’y attelle, avec une constance héroïque. En avançant, je jette un œil distrait sur le prospectus. Une façon de lui rendre un dernier hommage avant de le jeter à la poubelle.
En grand, et en rouge sur fond jaune, il est écrit : Jeu concours – tirage au sort. Le graphisme est criard et, n’ayons pas peur des mots, bas de gamme. Vraiment très bas, au fond du seau, peut-être même que le seau est troué. Je suis bien placée pour en juger, puisque je suis graphiste. Une indépendante qui regarde à deux fois le prix des framboises et doit souvent renoncer à les acheter, et à qui, pourtant, on suggère régulièrement de travailler de manière bénévole pour se faire de la publicité. Bien aimable, mais non, sans façon. C’est aussi pour cette raison que les prospectus et moi, il n’y a pas moyen. La plupart du temps, ils sont une honte pour le métier. Et même si je ne le pratique que depuis peu de temps, et que j’ai bien conscience de ne pas être une pointure – pas encore assez roulé ma bosse dans ce domaine –, je tente au moins de ne pas déshonorer ma deuxième profession. Petite déontologie personnelle.
Le début de la liste des lots me cloue sur place.
Premier prix : Vous détestez la grisaille et la nuit qui tombe à 16 h 30 ? Vivez une année sans mois de novembre !
Voilà qui n’est pas banal, au contraire des autres prix qui, de la cafetière à l’écran plasma, en passant par la séance de massage dans l’institut de beauté du coin, sont pour le coup d’une platitude désolante.
Une année sans mois de novembre ? Mais quelle bonne idée ! Je suis un pur produit de la team printemps, moi. J’aime la nature qui se réveille, le vert qui redevient la couleur dominante, les premiers bourgeons, les jours qui rallongent encore à tâtons. L’odeur des premiers gazons tondus. Relever le nez de mon ordi parce que la journée de travail est finie, et constater que la nuit n’est pas encore tombée. Devoir mettre un manteau le matin, pour finir en tee-shirt l’après-midi, avant de renfiler une petite laine le soir, ne me pose aucun souci. J’adore retrouver les terrasses des cafés, même s’il faut conserver un bon pull pour ne pas y geler sur place lorsque les premiers soleils s’y réverbèrent sur les tables. Je trouve charmant de ne pas savoir sur quel pied danser, météo changeante, renouveau hésitant, mais de sentir qu’on est sur la bonne pente. Que bientôt, l’été arrivera. Je n’ai aucune velléité d’être originale en énonçant tout ça, d’autres que moi détestent l’automne. Cela reste un mystère à mes yeux qu’on puisse louer cette saison pour ses couleurs uniques, ses brouillards oniriques, ses paysages apaisés qui s’étirent avec langueur avant de s’endormir. Je ne comprends pas ce point de vue, mais il faut de tout pour faire un monde, paraît-il. Dont acte. À moi, novembre est insupportable. C’est l’antithèse de ce que j’aime. De ce qui me porte. De ce qui m’anime. Et chaque année, c’est pire. Je voterais pour n’importe quel candidat politique, financerais n’importe quel crowdfunding, qui aurait pour slogan : L’hibernation pour tous ! J’ai dû être marmotte, ou grizzly, dans une vie antérieure. Et puis j’ai dû y commettre un truc affreusement moche, et un grand tribunal m’aura condamnée sans recours à me réincarner en humaine, cette sous-race infoutue de roupiller quand le temps est moche et froid, quand rien d’aussi intéressant qu’une fraise gorgée de sucre ou une tomate juteuse ne pousse dans les jardins. Pire, une espèce qui se réjouit en se répétant – oui, mais il y a la raclette ! – comme si c’était une consolation. Non mais franchement ! Je ne mange que du fromage de chèvre. Et quand bien même j’apprécierais la raclette, je ne vois pas ce qui interdit d’en manger en décembre ou en janvier. Novembre est inexcusable, son existence n’a aucun sens.
Je n’aurais pas dû prendre ce flyer qui, en plus de s’être imposé, me fait l’affront d’être moche. Tant pis pour moi. Je n’aurais pas dû le lire non plus. Je bouillonne intérieurement de cette somme d’approximations insupportables, cent dix-huit divisé par deux égale cinquante-neuf. Mais je devine déjà que contre tous mes principes, je vais tenter ma chance à cette tombola surréaliste. Et de manière purement intuitive, mais incontestable, quitte à accepter encore une sortie de route de mon côté cartésien plutôt bien ancré d’habitude – aujourd’hui, je ne suis plus à ce détail près –, j’ai la certitude que ce prix impossible existe réellement, et que je le gagnerai.
En revanche, je suis dans l’incapacité, pour le moment, de discerner si c’est une bonne, ou une mauvaise nouvelle.
ALLEZ viens, Camille, on fait la ploum, comme quand tu étais petite, tu te souviens ? Il est temps que je te raconte.
Ploum, ploum. Ce se-ra toi qui vi-vo-te-ras.
Mais oui, Camille, tu vivotes. Ne me regarde pas de cette manière, je n’y suis pour rien. Ne tire pas sur le messager. Et cesse de nier cette évidence, de te la dissimuler à toi-même comme une enfant apeurée qui mettrait ses mains devant ses yeux. Tu n’iras pas bien loin en procédant de la sorte. Tu vivotes. C’est un fait.
Comment tu dis, déjà ? Rappelle-moi la formule-couvercle que tu emploies ?
J’ai trouvé un équilibre.
La mignonne phrase bien appliquée, bien propre sur elle, que voilà. Tu l’as copiée cent fois, avec un stylo orange à paillettes, que ce soit suffisamment répété et joli pour t’en convaincre ? C’est amusant, Camille, que tu ne dises pas plutôt : j’ai trouvé MON équilibre. Amusant, et troublant, aussi, tu ne crois pas ? Comme si tu donnais la clé sans t’en rendre compte. Comme si cette stabilité que tu prétends avoir rencontrée ne t’appartenait pas.
Est-ce que tu arpentes une autre vie que la tienne ? Est-ce que tu es en train de passer à côté de toi-même ? Il n’y a que toi qui puisses répondre à ces questions.
Les mots sont taquins, je ne t’apprends rien, d’autant que tu les apprécies. Tu les manies, plutôt bien d’ailleurs, quand tu cherches un slogan. Alors sois honnête. Ne contourne pas leur réalité. Ne les utilise pas pour déformer la vérité. Ne balaie pas l’évidence d’un revers de main, ce serait trop facile. Tu as trouvé UN équilibre, certes, mais tu n’as pas trouvé TON équilibre. Il n’y a rien de grave, tu sais. Ce n’est pas un secret honteux à dissimuler sous un tapis. Tu es jeune, je te souhaite une vie longue, et rien ne me pousse à craindre qu’elle ne le soit pas. Tu as du temps. Je voudrais juste que tu ne t’arrêtes pas à cette étape du chemin, Camille, parce que et toi, et le chemin, valez mieux que cette demi-mesure.
Tu as eu besoin de cette pause pour souffler. De te raccrocher au sentiment qu’enfin, ça allait, après ce départ douloureux de l’hôpital, cette cassure si blessante que tu as dû encaisser. C’était ton droit. Et tu as eu raison de le faire valoir. Ton entourage a même été rassuré que tu te poses un peu. Quand tu as annoncé ta décision de venir t’installer au calme, dans ce petit village, et de travailler en tant que graphiste indépendante, ton projet a fait l’unanimité. Tu tentais une autre aventure qui ressemblait à un renouveau. Et tu es vite allée mieux. Tu as tout de suite trouvé quelques repères. Ce n’était pas très dur, tu étais tellement perdue… Le soulagement a été palpable. Pour toi, pour tes parents aussi. Ça leur devenait douloureux de te voir souffrir. Un genre de contamination par amour interposé. Vous y avez cru ensemble, à ton équilibre, quitte à vous forcer par moments. C’était salvateur de retrouver du calme.
Mais il ne faut pas t’endormir, Camille. Comme en montagne, quand le froid te prend, que tu voudrais céder et t’y abandonner. Comme dans les récits de l’extrême, tu dois lutter, tenir, avancer. Pour survivre.
Ne te contente pas de si peu, même si la situation actuelle a le mérite d’un certain confort. Tu ne dois pas accepter de t’ennuyer. »

Extrait
« — Ce mois m’accable du début à la fin, voilà, c’est tout, c’est comme ça. Il fait gris, il pleut, les nuits sont sans fin, on n’a envie de rien et aucune énergie. Que veux-tu que je trouve comme charme à une période pareille? Ça manque de lumière, d’animation, de… Bref, ça manque de tout, quoi. Et en plus, chaque année est pire que celle d’avant. Sachant que j’aurais trente ans l’année prochaine, je te raconte pas comment ils vont être sympas, mes mois de novembre à quatre-vingts balais.» p. 40

À propos de l’auteur

Gaelle Pingault
Gaëlle Pingault © Photo DR

Gaëlle Pingault est nouvelliste, romancière, animatrice d’ateliers d’écriture, orthophoniste, bretonne. Tout dépend du sens du vent ! Celui qu’elle préfère, c’est le noroît qui claque. Elle a été lauréate du festival du premier roman de Chambéry et du prix Lions club de littérature grand ouest pour son premier roman II n’y a pas internet au paradis. Elle a publié chez Eyrolles Les Cœurs imparfaits, prix Merlieux des bibliothèques 2020. (Source: Éditions Eyrolles)

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La vie extraordinaire de mon auto

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En deux mots
Après avoir acheté un modèle rare de voiture, un étudiant va vivre avec son nouveau véhicule quelques expériences bizarres et faire la rencontre de personnages tout aussi déjantés. Ou comment au volant d’une Viktorie Type A de 1939, on voit la vie d’un autre œil.

Ma note:
★★★ (bien aimé)

Ma chronique

Comment sa voiture a changé sa vie

Alain Fleischer nous propose un conte pétaradant. Au volant d’un modèle rare de voiture, une Viktorie Type A de 1939, un étudiant va voir sa vie bouleversée et rencontrer quelques personnages hauts en couleur.

« VIKTORIE Type A, 1939. Modèle rare. Mécanique parfaite. Peinture et intérieur d’origine. Première main. Historique connu. État concours. Contrôle technique OK. Aucun frais à prévoir. Part toutes distances. Prix à débattre…» Comme souvent en matière de voiture, tout commence par une petite annonce. Dans ce roman, c’est un étudiant qui la découvre dans la revue automobile qu’il consulte assidument, et décide de l’acheter. Car il imagine que ce modèle produit à quelques centaines d’exemplaires seulement en Moravie à l’orée de la Seconde guerre mondiale est un bon placement, surtout au prix proposé.
En fait, il vient d’acquérir bien plus qu’une voiture de collection. Comme le lui explique son ex-propriétaire, son auto a déjà connu une histoire peu ordinaire et il ne doute pas que l’aventure se poursuive. Il ne va pas tarder à voir sa prédiction se confirmer.
Après avoir remarqué une rayure sur le flanc de la voiture garée en bas de chez lui, il va devoir constater qu’apparemment cette dernière a disparu mystérieusement. Puis il va trouver un PV pour stationnement illicite sur son pare-brise, et se rendre compte que le véhicule avait bougé d’un bon mètre, bien qu’il ne s’en soit pas servi. Mais c’est quelques semaines plus tard, à la faveur d’une première sortie sur les bords de Marne, que le mystère va s’épaissir. Justine, au volant de sa fiat 500, va emboutir la Viktorie avant de finir dans le lit de notre narrateur, pour un pont du premier mai torride. Là encore, il ne faut voir qu’une coïncidence que l’accrochage se déroule à quelques mètres de Charenton où le Marquis de Sade fut emprisonné après avoir publié Justine ou les Malheurs de la vertu. En reprenant le volant, il doit admettre qu’une nouvelle autoréparation a eu lieu. Il recontacte alors Samuel Stubbs, le premier propriétaire du véhicule, pour tenter de comprendre. Le nonagénaire, horloger et vendeur de sex-toys à Montmartre va alors lui raconter ses trois vies et celles de sa voiture, affectueusement baptisée Vikie. Son premier fait de gloire est d’avoir servi à la libération de Paris par les FFI, sans une égratignure.
Son nouveau propriétaire est-il particulièrement maladroit ou bien joue-t-il de malchance? Toujours est-il qu’en quelques jours déjà trois accidents se produisent. Dans la pente montmartroise où il s’était garé, une nouvelle voiture l’accroche. Cette fois ce sont quatre sœurs noires, aussi belles que joyeuses, qui sortent constater les dégâts et proposent de confier Vikie à leur oncle, «sorcier de la mécanique», tout en proposant de l’emmener faire la fête avec elles. Au réveil, dans son lit, il lui semble «que les lois de la réalité avaient changé, comme faussées par une sorte de magnétisme inconnu qu’aurait dégagé ma Viktorie Type A de 1939, depuis qu’elle était entrée dans ma vie, ou que j’étais entré dans la sienne.»
Et effectivement, la multiplication des coïncidences aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. Comme sa boulangère-pâtissière, chargée de surveiller la voiture, il va croiser de fort nombreuses personnes s’appelant Pessoa, y compris le détective qu’il engage pour tenter d’éclaircir les mystères autour de son auto. Mais ce dernier tient davantage du psy que du fin limier. Alors notre étudiant décide de partir pour Bratislava où fut construite son auto.
Si vous aimez les histoires qui mêlent le fantastique à un brin d’érotisme, avec un solide fond historique et un style joyeux, alors n’hésitez pas à suivre Alain Fleischer. Car l’épilogue vous réservera encore de belles surprises, du cité du transhumanisme et du Corps augmenté!

La vie extraordinaire de mon auto
Alain Fleischer
Éditions Verdier
Roman
256 p., 16,50 €
EAN 9782378560904256
Paru le 7/01/2021

Où?
Le roman est situé en France, principalement à Paris et en région parisienne, notamment à Saint-Maur, Nogent, Charenton, Joinville-le-Pont, Gennevilliers. On y évoque aussi la Moravie et Bratislava.

Quand?
L’action se déroule de nos jours, avec des retours en arrière jusqu’en 1939.

Ce qu’en dit l’éditeur
Comme certains romans d’humeur libertine, ne s’interdisant ni l’érotisme, ni les fantaisies de l’imagination, ni l’humour, celui-ci prend parfois des allures spéculatives. Dans cette vie extraordinaire d’une auto, conte philosophique et de science-fiction, c’est surtout de l’humain qu’il s’agit, face à certaines interrogations de notre époque.

Les critiques
Babelio 
Lecteurs.com 
L’Humanité Dimanche (Vincent Roy) 
L’Opinion (Bernard Quiriny) 
Le Matricule des Anges (Jérôme Delclos) 

Alain Fleischer est l’invité de «Au pied de la lettre», l’émission littéraire de L’Humanité © Production Journal l’Humanité

Les premières pages du livre
« « VIKTORIE Type A, 1939. Modèle rare. Mécanique parfaite. Peinture et intérieur d’origine. Première main. Historique connu. État concours. Contrôle technique OK. Aucun frais à prévoir. Part toutes distances. Prix à débattre… », tels avaient été les termes – à peu près, si je me souviens bien, car c’était il y a quelque temps – de la petite annonce parue dans les pages de vente de voitures d’occasion de l’hebdomadaire La Vie de l’auto que j’allais chercher chaque jeudi au kiosque à journaux. Je ne me doutais pas alors que, par la suite, et continuant d’aller chercher chaque jeudi l’hebdomadaire La Vie de l’auto au kiosque à journaux, par habitude comme on achète chaque jour le journal pour y lire les dernières nouvelles du monde, je penserais si souvent au titre à première vue anodin de ce canard pour passionnés d’automobiles, qui rêvent à l’acquisition d’une de ces voitures anciennes dont on peut dire en effet qu’elles ont eu une vie. C’était quelque vingt ans après la voiture à pédales en tôle rouge, le bolide de marque Euréka Super Junior, avec lequel, dans mon enfance, j’avais fait Paris-Nice (bien avant que soit complétée l’autoroute A7), à fond la caisse en simples allers-retours dans le couloir de l’appartement familial, long d’une trentaine de mètres avec, pour les demi-tours, la salle de bains à un bout, la cuisine à l’autre. À l’époque, je savais conduire avant de savoir lire, et je ne pouvais connaître le beau texte de Paul Morand Route de Paris à la Méditerranée, de 1931. Une vingtaine d’années plus tard, j’étais à la recherche de ma première automobile pour grandes personnes, sans être devenu pour autant un adulte raisonnable. À vingt-quatre ans, je terminais mes études en architecture à l’École des beaux-arts, je venais de gagner mon premier salaire en faisant des traductions techniques – aéronautique : conception d’un hydravion quadriréacteur ; travaux publics : chantier de construction d’un barrage hydroélectrique dans la vallée du Nil en Égypte ; brevets d’invention : fourchette tournante pour spaghettis, détecteur d’escargots pour cueillette après la pluie d’automne… – mieux rémunérées que les travaux sur les textes administratifs, politiques ou littéraires. Je m’étais jeté sur les annonces de voitures d’occasion, à la rubrique « petits prix » : modèles communs, déjà anciens et démodés, avec un gros kilométrage au compteur, et des pneus usés à soixante-dix pour cent. La voiture que j’avais repérée, proposée dans les termes que j’ai dits, avait été fabriquée quarante ans avant ma naissance par un petit constructeur d’Europe centrale, réquisitionné par l’occupant nazi pendant les années quarante pour produire des véhicules militaires, et qui n’avait pas survécu à la guerre. Si le modèle était qualifié de « rare », ce n’était pas du fait de son caractère exceptionnel ni de son histoire : il ne s’agissait pas d’une de ces automobiles prestigieuses, berlines fabriquées à la main pour mariages de princesses britanniques, ou décapotables de sport pour une fin tragique au cinéma, recherchées par les amateurs, et dont la cote ne cesse de grimper jusqu’à concurrencer celle d’œuvres d’art célèbres. La rareté venait du fait que la marque Viktorie n’avait pas existé longtemps, et que le modèle Type A n’ayant eu aucun succès, sa production avait été abandonnée après que seulement quelques centaines d’exemplaires furent sortis de l’usine, quelque part dans la banlieue d’Ostrava, en Bohême. L’histoire éphémère de cette marque oubliée était plutôt dissuasive pour tout acheteur sensé, mais elle n’avait pas dissuadé un être aussi peu sensé que moi dans ses passions d’enfance. C’était donc un modèle ordinaire, une « entrée de gamme », comme disent les vendeurs d’aujourd’hui, avec leur diplomatie à gros sabots, pour éviter le « bas de gamme » désobligeant à l’égard d’un client potentiel, le type de véhicules qui ne prend jamais de valeur et qui, le plus souvent, finit à la casse, y rejoignant la multitude rouillée et cabossée de ses semblables, sans que nul verse une larme. Dans un autre domaine, je suis aussi du genre à préférer un bâtard sans collier, qui ne ressemble à rien – œil au beurre noir et pelage aux couleurs de camouflage –, offert sans garantie par la SPA, à un chien de race sorti tout toiletté d’un élégant chenil, avec son pedigree aristocratique et ses certificats de vaccination.
L’annonce avait été passée par un garage de la grande banlieue parisienne – départements malfamés : 93 ou 94 ? –, pour le compte de celui qui avait mis la voiture en dépôt, le premier propriétaire et le seul, désormais trop âgé pour conduire, à qui le permis avait été retiré après qu’il eut pris cinq jours de suite le même sens interdit dont il refusait l’établissement dans sa rue à Montmartre, et qui avait dû faire emporter le véhicule par une dépanneuse, comme j’allais l’apprendre par la suite. Malgré son âge, cette Viktorie était donc une « première main », comme on dit, ce que les acquéreurs de voitures d’occasion apprécient avec la petite satisfaction de devenir le premier après celui de la première fois, une sorte de numéro 1 bis. Certains hommes, avec une vulgarité propre à notre époque et à notre société, éprouvent ce même sentiment dans le domaine des relations amoureuses – faute d’avoir été le premier, être le premier après celui de la première fois –, mais je récuse avec dégoût tout rapprochement entre le rapport d’un homme à une femme et son rapport à une automobile. L’amour des femmes ne se compare à aucun autre sentiment pour tout homme qui ne peut concevoir la vie sans elles, telle est mon intime conviction. Dans la rédaction de l’annonce, l’indication « Historique connu », qui faisait suite à « Première main », était d’ailleurs incongrue car, en général, ce qu’on entend par l’historique d’une voiture est la suite de ses propriétaires successifs, les mains entre lesquelles elle est passée, avec leurs identités anonymes ou parfois célèbres – la vulgarité masculine, propre à notre époque et à notre société, atteint son comble avec le genre de rouleur de mécaniques qui se complaît à évoquer l’historique de sa nouvelle conquête –, ainsi que le compte rendu des éventuels accidents, réparations, restaurations ou transformations qu’elle a pu subir (la voiture). Fallait-il comprendre qu’en ayant appartenu à un seul propriétaire, l’auto avait eu un destin limpide et sage ou, au contraire, une vie agitée, pleine de péripéties, mais tout cela ayant été fidèlement consigné dans un journal de bord, sorte de certificat de bonne conduite ? La mention « État concours » semblait indiquer que la voiture était susceptible de concourir. Mais à quoi ? Les concours d’élégance automobile, sortes de défilés de mode, exposent surtout l’élégance du conducteur, de sa passagère et du chien, avec une robe assortie à celle de madame, ou l’élégance de la conductrice, de son passager et du chien, avec un collier assorti aux chaussures de monsieur, tout un mode de vie dont certains font parade : très peu pour moi. Il n’y avait dans ma vie ni élégance, ni « madame », ni chien. « Contrôle technique OK » : je n’ai entendu cette expression que dans la bouche de mes camarades d’école, avec une connotation nettement grivoise, généralement associée à une allusion aux heures de vol : la vulgarité de certains hommes propre à notre époque et à notre société est déjà présente chez des jeunes gens dignes de leurs papas… « Part toutes distances » : cette indication semblait un encouragement à changer de crémerie, comme on dit, à s’élancer dans un road-movie pour aller chercher une nouvelle vie à l’autre bout du monde. Pourquoi pas, avais-je dû me dire, mais alors j’aurais plutôt pensé au fin fond de l’Amazonie et un aller simple sur une compagnie aérienne low cost eût été plus efficace. « Prix à débattre » : sur ce point, le débat serait bref et c’était simple, il fallait que le vendeur acceptât la somme dont je disposais, sans un centime de plus. Dans les termes de l’annonce, rien ne correspondait en fait à mes besoins réels, mais tout réveillait en moi un obscur désir. Mieux encore : maintenant, c’était cette auto que je voulais, celle-là et nulle autre, avec toutes les promesses de la petite annonce dont je ne savais que faire. Tels sont le mystère et la fantaisie déraisonnable d’une passion que l’on se découvre.
La voiture avait été reléguée par le garagiste au fond d’un terrain vague, livrée aux intempéries, là où elle servait de planque à des dealers du coin, à l’arrière du hall d’exposition et du hangar couvert où étaient présentés dans des conditions plus flatteuses, des véhicules plus récents, d’un meilleur rapport à la vente. D’ailleurs, alors que nous nous faufilions parmi les modèles rutilants, en évitant ne serait-ce que de les effleurer, le garagiste, récalcitrant à s’occuper de cette affaire, avait tenté de m’intéresser à une voiture « plus sérieuse », disait-il avec son accent portugais, dont le prix forcément plus élevé deviendrait abordable par obtention d’un crédit, sans compter, ajoutait-il avec son accent portugais, qu’une automobile bon marché à l’achat peut s’avérer coûteuse à l’usage.

Je ne voulais rien entendre à tous ces beaux arguments, même si l’accent portugais les rendait sympathiques. Mon idée était faite, mon désir s’était fixé. J’étais comme un gamin qui a repéré un jouet accessible avec l’argent de sa tirelire, qui ne veut que celui-là, et sur-le-champ. Quand nous sommes arrivés devant la voiture annoncée, je l’ai reconnue aussitôt, elle était déjà mienne en quelque sorte. Sa peinture bleu pâle – ce bleu layette qu’on attribue aux bambins de sexe mâle, pour les préparer au bleu marine, tandis que le rose est donné aux fillettes pour les préparer à rougir, et alors qu’il reste une couleur à trouver pour les autres : bouton d’or ? lilas ? –, l’absence de toute égratignure et du moindre point de rouille m’ont comblé au premier coup d’œil. La voiture ressemblait vaguement à une Ford Tudor Sedan des années quarante ou à une Peugeot 203 de l’immédiat après-guerre. À chaque époque correspond une esthétique automobile, qui illustre une idée de la beauté, une conception de l’aérodynamisme et des performances, comme je le savais pour avoir collectionné les Dinky Toys. La Viktorie paraissait aussi neuve que toutes les occasions datant à peine de quelques mois, parmi lesquelles nous étions passés. Seul le style désuet de sa carrosserie pouvait indiquer son âge. Le garagiste grincheux, avec son accent portugais jusque dans son ronchonnement, agacé que le seul client du jour se soit présenté pour cette voiture-là, était visiblement pressé de se débarrasser d’une affaire aussi peu juteuse. Il observait mes réactions à la dérobée, n’osant croire qu’il tenait le pigeon à qui refiler la vieille guimbarde dont il regrettait sans doute d’avoir accepté le dépôt. Elle semblait même un sujet de gêne et de honte à ses yeux, parmi le parc de voitures encore sous garantie qui faisait sa fierté d’honorable négociant portugais, avec pignon sur route départementale. Alors que je n’ai ni le goût ni le moindre talent pour le marchandage, il ne me fut pas difficile de négocier un prix coïncidant au centime près à la somme dont je disposais. Ce fut là le signe décisif que cette auto m’était prédestinée, que j’en étais l’acquéreur « sur mesure », la « seconde main » qu’elle attendait depuis toujours. Ou du moins depuis que, restée jeune, elle avait été abandonnée par un vieillard. Je n’ai même pas demandé à faire un essai, impatient que la voiture fût dégagée de l’endroit ingrat où elle croupissait, à l’écart des autres et comme en quarantaine, ce qui réveillait mon affection spontanée pour les mal-aimés de toute espèce. Sans chercher à vérifier que l’indication « Part toutes distances » de l’annonce était honnête, et sans projet immédiat de me lancer sur les traces de la Croisière jaune, je me considérerai déjà heureux, me disais-je, si la voiture me ramène chez moi, depuis cette banlieue située au diable, et sans que j’aie à prendre en sens inverse le RER puis l’autobus de mon trajet pour venir la trouver. Le garagiste, déçu que j’aie dédaigné ses propositions avec son accent portugais, m’a lancé avec sa gentille ironie portugaise : « En tout cas, cher monsieur, je peux vous garantir qu’elle ira au moins jusque chez vous ! », et ces mots suivis par un ricanement dissuasif pour tout acheteur lucide, me transportèrent même jusque sur les rives du rio Douro : cet homme s’appelait Fernando Pessoa, et j’imaginais qu’il avait eu d’autres vies avant d’être vendeur de voitures d’occasion en banlieue parisienne. Simple coïncidence, me suis-je dit. En tout cas, il semblait avoir lu dans mes pensées, et j’avais été assez confiant sur son honnêteté pour m’amuser de cette garantie dérisoire dont l’humour eût alerté un autre que moi. Si, des années après, j’en suis à raconter l’histoire de cette automobile, c’est qu’en effet le jour de l’achat elle me ramena à bon port et que j’avais eu raison de faire confiance à Pessoa. Dans le cas contraire, l’histoire se serait arrêtée là, sur une cuisante déconvenue. Cela m’aurait servi de leçon et je n’en aurais pas fait de littérature. Mais il a fallu bien d’autres événements après ce premier exploit qui était la moindre des choses, comme on dit, pour que la suite de l’histoire méritât d’être racontée. Quoi qu’il en soit, depuis cette première fois, je n’ai cessé d’éprouver une sensation voluptueuse en prenant place sur la banquette au tissu immaculé, introduisant en douceur la clé de contact dans le tableau de bord, sollicitant le démarreur pour entendre aussitôt, dès la pression du doigt, le ronronnement feutré et câlin du moteur, puis en posant les mains sur le volant avec la douceur d’une caresse, avant de relâcher le frein et d’aller en tâtonnant chercher le levier de vitesses de cette demoiselle d’un autre temps, là où je savais le trouver, comme parfois on tâtonne sur un corps inconnu, sous les vêtements ou dans le noir, connaissant par intuition ou par expérience la place de ce que l’on veut atteindre. Une sorte d’intimité et de connivence naturelles s’étaient installées entre elle et moi dès la première fois.
L’apparition de cette automobile dans ma vie suscita l’étonnement de mon entourage, parfois la désapprobation et l’inquiétude des proches qui, trop souvent, se mêlent de ce qui ne les regarde pas, surtout lorsqu’ils font de la morale. De l’avis général, plutôt que de dépenser mon premier salaire pour satisfaire un caprice d’enfant, il eût été plus sage d’attendre d’avoir mis de côté un peu plus d’argent afin d’acheter un véhicule plus récent, moins excentrique, mieux assorti au jeune homme moderne qu’on voyait en moi, évitant en outre le risque des mauvaises surprises, des ennuis mécaniques et du coût prohibitif des réparations, sans compter la désespérante recherche de pièces de rechange désormais introuvables. « On ne fait pas ses premiers tours de roue de conducteur avec un tacot de dessin animé digne de Donald », me disaient certaines bonnes âmes qui critiquaient mon affection pour les personnages de Walt Disney (not politically correct, reprochaient-ils avec leur bien-pensance made in USA). D’autres considéraient au contraire qu’une vieille voiture sans valeur était un bon choix, car elle n’aurait rien à craindre des bobos provoqués par la maladresse d’un pilote débutant. Les plus distinguées de mes connaissances qui, par esprit conservateur, avaient automatiquement applaudi à mon choix d’une voiture d’époque, comme on dit – l’époque important peu, pourvu qu’elle ne fût pas la nôtre –, affirmaient qu’un vieux cheval est la monture qui convient à un apprenti cavalier, en me rappelant le vieil adage : « À jeune cheval, vieux cavalier. À jeune cavalier, vieux cheval. » J’entendais ces diverses opinions sans leur accorder trop d’importance – à vrai dire aucune –, n’ayant obéi qu’à mon impatience de réaliser le rêve de posséder une automobile au plus vite, et sans désir qu’elle fût le dernier modèle à la mode, de la couleur choisie par tous, dans un conformisme moutonnier unanimement plébiscité comme le vrai chic.
Dès que la voiture avait été sortie de la boue du terrain vague pour rejoindre une chaussée carrossable, le garagiste, trop content de s’en débarrasser, et ne prenant pas le risque que je change d’avis, n’avait même pas voulu revenir à son bureau pour remplir les papiers de la transaction. Nous avions accompli ces formalités à la hâte, au comptoir du bistrot devant lequel l’auto avait été garée. Le patron était lui aussi un Portugais, et il s’appelait lui aussi Pessoa. « Abelardo Pessoa ! » s’était-il présenté en me tendant la main avant de nous servir deux verres de porto. Simple coïncidence, m’étais-je dit. Sur le trottoir, Pessoa Fernando m’avait poussé à prendre le volant et à m’éloigner au plus vite en m’encourageant par ces mots, prononcés avec son charmant accent portugais : « L’ancien propriétaire est un maniaque… il était allé la chercher à l’usine, Dieu sait où… Pendant quarante ans, il n’a rien fait d’autre que la bichonner… On peut dire qu’elle est neuve comme une jeune vierge… » Et le propos avait été ponctué par un bel éclat de rire portugais. Une telle attitude et de telles paroles auraient semblé suspectes à un autre que moi, car n’y a-t-il pas tant de vendeurs d’objets d’occasion qui prétendent (même avec un accent autre que portugais : tunisien, italien ou belge par exemple): « C’est comme neuf : ça n’a jamais servi », avant qu’apparaisse sous un maquillage sommaire l’évidence d’un usage prolongé et de l’usure consécutive. J’étais bien trop aveuglé par mon plaisir, pour me sentir coupable de naïveté ou de légèreté. Et mon contentement s’était encore accru quand j’avais rejoint l’autoroute pour regagner Paris : parmi le flot des voitures appartenant à des gens sérieux, dont la personnalité se révèle et s’exprime par leur comportement au volant, j’ai eu réellement l’impression que l’auto était neuve, et qu’avec moi elle roulait à nouveau pour la première fois. Mon trajet jusqu’au stationnement près de l’immeuble où je logeais s’est passé comme dans un rêve. »

Extrait
« Il me semblait soudain que les lois de la réalité avaient changé, comme faussées par une sorte de magnétisme inconnu qu’aurait dégagé ma Viktorie Type A de 1939, depuis qu’elle était entrée dans ma vie, ou que j’étais entré dans la sienne. J’ai aussitôt appelé le sorcier de la mécanique qui m’a confirmé qu’en tant qu’assureur de ses quatre nièces, il assumait la responsabilité des dommages dont elles étaient coupables, et que ma voiture serait réparée le lendemain. » p. 72

À propos de l’auteur
FLEISCHER_alain_©jean-luc_BertiniAlain Fleischer © Photo Jean-Luc Bertini

Alain Fleischer est né en 1944 à Paris, il est cinéaste, écrivain, plasticien et photographe. Il dirige actuellement le Studio national des arts contemporains du Fresnoy. (Source: Éditions Verdier)

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La démence sera mon dernier slow

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  RL2020

En deux mots:
Comment s’en sortir dans une société qui part à vau-l’eau quand on est un jeune homme plein d’avenir? Les nouvelles d’Arnaud Modat racontent avec férocité et beaucoup d’humour les tribulations souvent désenchantées des millenials qui dansent sur un volcan.

Ma note:
★★★ (bien aimé)

Ma chronique:

Nouvelles d’un avenir sans avenir

Arnaud Modat aurait pu emprunter à Michel Audiard le titre de son nouveau recueil de nouvelles «Comment réussir quand on est con et pleurnichard», car lui aussi aime dézinguer en faisant rire.

Arnaud Modat récidive. Après nous avoir régalé en 2017 avec Arrêt non demandé, un premier recueil de nouvelles, le voici de retour avec La démence sera mon dernier slow. Mais avant d’en arriver à la nouvelle qui donne son titre au recueil, procédons par ordre chronologique.
La première nouvelle s’intitule Les limites de la philosophie chinoise et met aux prises un jeune homme qui se décide enfin à rendre ses ouvrages empruntés à la médiathèque et Sophie, une belle jeune fille qui s’effondre dans ses bras, victime d’une crise d’épilepsie. En voyant partir l’ambulance qui la conduit à l’hôpital, il voit aussi ses rêves s’envoler…
Un chef d’œuvre d’humour juif est l’histoire d’un lycéen acnéique qui aimerait baiser et imagine les stratagèmes – foireux – pour y parvenir.
C’est là qu’arrive La démence sera mon dernier slow qui, contrairement à ce que vous pourriez imaginer raconte le premier jour de classe de Masturbin. Oui, je sais, ce prénom peut faire sourire. Mais le but de son père est atteint: on n’oublie pas son fils. En revanche lui pourra oublier sa rentrée, car elle n’a pas vraiment eu lieu. À peine arrivé en classe, son père s’est embrouillé avant de repartir furieux avec son fils. Et alors qu’il se détend avec une pute décatie, Masturbin est aux bons soins de Mélanie à la médiathèque. Un endroit très prisé dans ce recueil, vous vous en rendez compte.
Vient ensuite un interlude dialogué qui nous propose un échange savoureux entre un organisateur d’enlèvements qui généralement obtient une rançon et un homme dont la découverte d’un orteil de son épouse dans son réfrigérateur laisse… froid. Disons encore un mot à propos de Death on two legs, l’histoire d’un paraplégique parti découvrir la mer et qui se retrouve assez loin du rivage, surpris par la marée. Suivront un match de rugby fatal, un second interlude dialogué, deux portraits de femmes bien différentes mais qui toutes deux vont se retrouver seules, sans mari et sans chien, avant de finir sur le récit bien déjanté d’une chute à vélo aux conséquences funestes puisque le cycliste en question finit par mourir sous le regard de Christine Angot, convoquée à Strasbourg pour apporter son commentaire éclairé.
On l’aura compris, l’imagination débridée d’Arnaud Modat continue à faire merveille, soutenue par un humour qui s’appuie sur des comparaisons farfelues et le télescopages d’images à priori sans rapport. Si on s’amuse beaucoup, on sent toutefois la politesse du désespoir poindre ici. Celle d’un avenir incertain, d’une société en proie au doute.
Déjà dans ma première chronique j’émettais le vœu que le nouvelliste se lance dans un roman, suivant par exemple les pas de Florent Oiseau. J’aimerais beaucoup l’entendre dire Je vais m’y mettre car je reste persuadé que sur la longueur, son dernier slow pourrait se transformer en valse!

La démence sera mon dernier slow
Arnaud Modat
Éditions Paul & Mike
Nouvelles
196 p., 15 €
EAN 9782366511253
Paru le 1/02/2020

Ce qu’en dit l’éditeur
À la fin de ce livre, Arnaud Modat meurt par balles sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, sous le regard insolent de Christine Angot. Il est vrai que cela avait plutôt mal commencé…

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Place au nouvelles 
Blog Alex mot-à-mots 
Blog Lilylit 

INCIPIT (Les premières pages du livre)
« Les limites de la philosophie chinoise
Je disais: «Regardez-moi, Mademoiselle.»
Je disais même: «S’il vous plaît, continuez à me regarder…»
Je me montrais direct parce que la fille était vulnérable et, à vrai dire, sur le point de tomber dans le coma mais c’était l’essentiel du message que je souhaitais transmettre, en réalité, à toutes les femmes que je rencontrais à cette époque. Sophie ouvrait les yeux de temps à autre mais cela ne durait jamais assez longtemps pour que je puisse ajuster mon sourire le plus touchant. «Mademoiselle, est-ce que vous entendez ma voix?» La trouvez-vous sensuelle? Potentiellement radiophonique? Ne vous transporte-t-elle pas déjà vers les états émotifs d’un siècle disparu? J’avais mille questions à lui poser mais elle préférait convulser, plutôt que de se livrer à moi.
Je pensais: «Ne dépouillez pas la femme de son mystère» (Friedrich Nietzsche).
Nous nous trouvions sur les marches de la médiathèque municipale. La fille, Sophie, ne m’était pas littéralement tombée dans les bras. Elle avait d’abord esquissé les pas d’une danse connue d’elle seule, puis elle avait perdu la vue. Son attitude générale avait certainement attiré l’attention de ceux qui, comme moi, fumaient là une cigarette. Encore une de ces nanas défoncées au crack, avais-je pensé, faisant montre comme toujours d’une belle ouverture d’esprit. J’étais pourtant loin d’être irréprochable.
La ville de Strasbourg m’avait en effet adressé une demi-douzaine de courriers de relance et menaçait à présent de me traquer jour et nuit jusqu’aux contrées les plus sauvages si je ne retournais pas dans les plus brefs délais un certain nombre de documents empruntés à la médiathèque deux années plus tôt (sur un coup de folie). Sachant le bâtiment climatisé et meublé d’intrigants fauteuils design, je profitai donc d’une journée caniculaire de juillet 2008 pour régulariser ma situation auprès de la culture et des arts. Il était intolérable, en effet, que je prive indéfiniment mes contemporains assoiffés de connaissance de 1064 exercices pour bien débuter aux échecs, par Stéphane Escafre, aux éditions Olibris, et de Destins Yaourt, bande dessinée signée Édika chez Fluide Glacial. Inquiet de l’accueil que l’on me ferait suite à la restitution outrageusement tardive de ces pièces, je fumais une dernière cigarette sur le parvis, dans une sorte de couloir de la mort mental, quand Sophie s’était subitement trouvée mal. La pauvre avait d’abord chancelé, puis son visage s’était contracté de manière étrange, ses épaules avaient été secouées de spasmes, enfin elle avait placé ses mains tremblantes devant elle, manifestement aveuglée, craignant de percuter un mur.
Habitants d’une ville moyenne, rompus à l’indifférence, nous ignorons quel comportement adopter lorsqu’un de nos concitoyens se trouve dans une situation de détresse absolue. Tandis que Sophie expérimentait les premières manifestations de son malaise, nous étions une dizaine de badauds à l’observer du coin de l’œil, sans oser prendre part d’une manière ou d’une autre aux tribulations déroutantes de cette jeune femme qui, à y regarder de plus près, n’avait rien d’une nana défoncée au crack (je peux au moins me vanter d’être un homme capable de réajuster son jugement). Chacun attendait, il me semble, que son voisin immédiat sorte du rang et s’écrie : « Écartez-vous. Il se trouve justement que je suis l’un des plus grands spécialistes européens des affections neurologiques ! » Mais personne ne leva le petit doigt pendant une longue minute au cours de laquelle il paraissait de plus en plus clair que Sophie courait un sérieux péril. Nous prenions le temps, sans doute, d’analyser la situation sous ses aspects les plus étranges, alors même que les mots crise d’épilepsie carabinée clignotaient un peu partout autour de la jeune femme. Nous étions des gens sans histoires, préférant assister à une suffocation publique plutôt que de nous illustrer aux yeux d’une foule critique. Mais alors que Sophie menaçait de s’écrouler purement et simplement sur les marches de la médiathèque Olympe de Gouges, il me revint à l’esprit que j’avais passé mon brevet de secouriste deux semaines plus tôt et que je m’exposais par conséquent à des poursuites judiciaires aggravées en cas de non-assistance à personne en danger. Il m’apparut alors que je savais exactement quoi faire. »

À propos de l’auteur
Arnaud Modat est né à Douai il y a 40 ans. Au terme d’une enfance sans histoire, passée dans un container maritime en compagnie de six autres orphelins, il vit de petits boulots. Capitaine d’industrie, rapporteur à l’assemblée nationale, coach en homéopathie ou encore obstétricien itinérant, il récolte à travers ces expériences le matériel narratif dont il usera par la suite. Il a publié deux recueils de nouvelles humoristiques en 2012: La fée Amphète et Comic strip et un faux premier roman (que beaucoup considèrent comme un recueil de nouvelles grossièrement travesti), Arrêt non demandé (Alma éditeur). (Source : Livres Hebdo /Alma éditeur / Paul & Mike)

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Le cas singulier de Benjamin T.

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En deux mots:
Benjamin est ambulancier dans la région lyonnaise. Mais Benjamin est aussi un résistant luttant contre les nazis sur le plateau des Glières. Deux vies pour un même homme ? Un roman aussi addictif qu’insensé.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

Ben mène une double vie

Victime de crises d’épilepsie qui vont s’accompagner de visions, Benjamin se voit combattre l’armée allemande aux côtés de son frère Cyrille sur le plateau des Glières. Commence alors une double vie, en 1944 et en 2016.

Benjamin Teillac n’est pas vraiment gâté par la vie. Tout avait pourtant bien commencé pour lui. Un travail d’ambulancier qu’il avait toujours rêvé de faire, Sylvie, une belle épouse qui va mettre au monde un fils, des amis… Les choses ont commencé à déraper quand il s’est découvert cocu, sa femme couchant avec Haetsler, son patron. Du coup les relations professionnelles deviennent très tendues. Le divorce est difficile, tout comme ses relations avec son fils: « Lorsqu’il arrivait le vendredi soir, il s’y rendait directement, claquait la porte derrière lui et ne réémergeait brièvement qu’au moment des repas que nous partagions dans un silence presque complet. On dit que lors de la séparation de leurs parents, les gamins se sentent presque toujours obligés de prendre parti. Pierrick avait choisi son camp, et j’aurais probablement dû m’estimer heureux qu’il accepte encore de venir chez moi une semaine sur deux. » Et pour couronner le tout, ses crises d’épilepsie qui ont repris. Des ennuis de santé qui peuvent conduire à un licenciement. Heureusement, son copain David, qui est avec Sylvie le seul dans la confidence, reste à ses côtés.
Et ne va pas tarder à être le témoin de nouvelles crises. Déstabilisé, Benjamin décide d’accepter le nouveau traitement préconisé par sa neurologue, mais ne va pas être soulagé pour autant. Bien au contraire, des hallucinations, des visions commencent par le hanter. Il se voit soudain comme projeté dans un film, se retrouvant aux côtés de résistants retranchés sur le plateau des Glières. Il se voit artificier, chargé de faire sauter un pont au passage de l’armée allemande. L’épisode est d’un réalisme tel qu’il en est tout secoué: « Je n’avais jamais porté d’intérêt à l’histoire, pas plus à la Seconde Guerre mondiale qu’à aucune autre période du passé. Je faisais partie de ces hommes cartésiens pour qui seul le présent comptait (…) mais j’avais pourtant su citer sans hésitation, comme d’un fait connu de toujours, le nom de Tom Morel, héros d’une bataille dont il me semblait n’avoir jamais entendu parler. »
C’est à ce point du roman que Catherine Rolland réussit un premier grand tour de force. On «voit» Benjamin aux côtés de son frère Cyrille, un abbé avec lequel il a rejoint les maquisards. On ressent avec lui l’intensité de ce moment, la peur et l’exaltation. Et si on partage son trouble, on a – tout comme lui – envie d’en savoir davantage, de retrouver ses compagnons et cette femme qui allait s’engager sur le pont à quelques secondes de l’explosion, la belle Mélaine qu’il va sauver et dont il va presque instantanément tomber amoureux. Si, comme le disait le poète Calderon de la Barca, la vie est un songe, alors on a envie de continuer à rêver avec Benjamin: « L’immersion dans le passé, pour le moment, était ma seule façon de supporter assez mon présent pour m’empêcher d’ouvrir le gaz en plein avant de me coller la tête dans le four. Je n’avais plus de travail ni de ressources, ma femme m’avait quitté, mon fils me tournait le dos. (…) Contre toute attente, je me sentais bizarrement serein. Mon seul problème, dont je savais qu’il finirait par se résoudre, était d’éliminer Hitler et de rendre la patrie aux Français. »
Au fur et à mesure des crises, on va passer avec Benjamin d’une époque à l’autre, comprendre que toutes deux sont aussi réalistes l’une que l’autre et, comme les témoins aux côtés de Benjamin, nous dire que tout cela n’est pas possible, que l’on ne saurait se réincarner en héros de guerre – mais comment dans ce cas peut-on se souvenir des noms, des lieux, des personnes – pas plus qu’on ne saurait dans les années quarante connaître l’issue du conflit ou encore parler de produits qui n’ont pas encore été inventés, comme le DVD.
Et c’est là le second tour de force réussi avec brio par Catherine Rolland. Non seulement elle nous emporte par son écriture addictive, mais elle nous entraîne dans les pas de Benjamin à nous poser quelques questions existentielles essentielles: peut-on passer sans encombre d’une vie à l’autre?; Peut-on se perdre en route ou à l’inverse choisir une vie plutôt qu’une autre?; Peut-on ne pas revenir du passé? Et peut-on changer le passé? Car il faut bien que tout cela à quelque chose, à sauver son frère qui vient d’être arrêté et auquel on destine un peloton d’exécution ou à tenir la promesse faite à Mélaine de l’épouser et d’emménager avec elle dans la jolie maison à l’orée du village… Tout le reste est littérature. Un bel hommage à la littérature qui, par la grâce d’une romancière omnisciente, rend vraisemblable l’invraisemblable, rend le temps poreux, brise nos certitudes et nous rend totalement addicts à cette double-histoire, aussi étonnante que vertigineuse.
En refermant le livre, on se dit que notre bonheur de lecture pourrait se doubler du plaisir à découvrir une adaptation cinématographique de cette histoire époustouflante qui offre au cinéaste un formidable registre, de l’histoire d’amour impossible à la tranche de vie sociale, de la fresque historique dans les paysages enneigés du plateau des Glières aux avancées (?) de notre médecine. Sans oublier le tourbillon des émotions qui accompagnent toutes ces séquences.
Catherine Rolland a à la fois profité de son expérience de médecin et de son parcours – originaire de Lyon et vivant aujourd’hui en Suisse – pour construire ce formidable roman qui est, après Éparse de Lisa Balavoine, la seconde belle découverte de cette rentrée 2018. Après plusieurs romans publiés dans des maisons d’édition confidentielles, il me semble qu’elle a trouvé aux Escales l’éditeur qui va lui permettre de percer. C’est tout le mal qu’on lui souhaite!

Le cas singulier de Benjamin T.
Catherine Rolland
Éditions Les Escales
Roman
352 p., 18,90 €
EAN : 9782365693301
Paru le 8 février 2018

Où?
Le roman se déroule en France, à Lyon et région ainsi que sur le plateau des Glières dans les Alpes.

Quand?
L’action se situe de nos jours ainsi qu’en 1944.

Ce qu’en dit l’éditeur
L’histoire commence de nos jours. Benjamin, ambulancier de métier, est en pleine tempête sentimentale. Sa femme en aime un autre, elle a quitté le domicile, son fils le boude, bref, rien ne va plus. Heureusement que son meilleur ami, David, veille sur lui et l’accueille pour quelques jours dans sa maison. Survient alors chez Benjamin une crise d’épilepsie comme il n’en avait plus eue depuis l’adolescence. Au cours de cette crise, étrangement, le héros se retrouve propulsé dans une autre réalité. Le voilà sur un chemin de neige à faire le guet, en compagnie de jeunes hommes qu’il ne connaît pas et à qui, pourtant, il s’adresse comme à des familiers… en pleine Seconde Guerre mondiale ! Le Benjamin de 2016, qui est aussi le Benjamin de 1944, se retrouve à cheval entre deux époques, entre deux mondes – entre deux vies possibles. Pourra-t-il choisir celui qu’il veut être? De cet entrelacement de deux destins parallèles, Catherine Rolland tire une réflexion sur le temps, l’héroïsme ou la lâcheté, en un mot sur la condition des hommes lorsqu’ils doivent faire des choix qui engagent toute leur vie. Catherine Rolland, lyonnaise d’origine, vit en Suisse. Elle est médecin.

Les critiques
Babelio
Blog Des livres et des auteurs
Blog Les lectures d’Antigone

Les premières pages du livre
« Le petit village de montagne était écrasé de soleil.
Les rues tortueuses, étroites, rappelaient le temps pas si lointain où aucune voie n’était goudronnée, et où seules les charrettes à bras montaient jusque-là. Les maisons en torchis, plus rarement en pierres, étaient groupées en cercle autour de l’église et de son clocher à bulbe, typique des paysages de Haute-Savoie.
À cette heure du milieu de l’après-midi, il n’y avait pas un bruit, tous les habitants terrés chez eux pour laisser passer le gros de la chaleur. En fin de journée, ils ouvriraient leurs portes, ils sortiraient à pas lents, de ce pas qu’ont les vieux dont la vie est derrière, et qui semblent ne se déplacer qu’à contrecœur, avec la conscience aiguë que rien ne les attend plus. Certains installeraient un fauteuil sur leur seuil, les femmes sortiraient leur ouvrage, les hommes le journal, le tabac et un verre. Ils deviseraient, d’un bout de la rue à l’autre, du temps qu’il fait et de celui qui passe, inéluctablement.
Chaque jour, si semblable au précédent. David en avait des frissons.
Il s’était garé sur la place minuscule, ombragée par un marronnier, unique et gigantesque. Les arbres. David n’y connaissait rien. Il faudrait qu’il demande à Thibault si cette espèce-là poussait vite ou bien pas, s’il était possible que cet arbre, sentinelle solitaire, ait été là du temps de la guerre, qu’il ait vu passer les soldats de l’un et l’autre camp.
Maintenant, il ne pouvait plus regarder un arbre sans se poser la question.
Est-ce qu’il était déjà là? À combien d’êtres humains, morts depuis longtemps, avait-il fait de l’ombre, combien d’amants sur son tronc avaient-ils gravé leurs noms, sur lesquels l’écorce s’était peu à peu refermée pour en conserver le secret à tout jamais?
David gardait les mains crispées sur le volant, les articulations blanchies par la tension. Il finit par s’en apercevoir, coupa le contact, ouvrit la portière.
Descendit.
La chaleur l’engloutit immédiatement, contrastant avec l’habitacle climatisé de la berline. Lentement, il retira son blouson léger, le jeta négligemment sur le siège avant, puis s’éloigna de quelques pas, sans fermer à clé.
Il n’avait aucune crainte à avoir. Ni des voleurs, ni d’autre chose. Il fallait qu’il se calme.
Avec un soupir, il fouilla la poche de sa chemise, sortit ses cigarettes. Il en alluma une, à l’abri du vent chaud qui se levait timidement. L’orage allait venir. Une telle fournaise, aussi humide et lourde, elle finirait forcément par craquer.
Les mouvements toujours mesurés, David pivota sur lui-même, examinant les lieux. La petite place lui semblait déjà familière alors qu’il n’y était venu qu’une fois, un an plus tôt, et n’était même pas descendu de voiture. Deux heures et demie de route, pour se garer quelque vingt mètres plus bas que l’endroit où il se tenait maintenant, et moteur tournant, ouvrir la vitre pour lire les noms sur le monument aux morts.
Ce jour-là, les rideaux avaient bougé derrière la fenêtre d’une maison jaune, juste en face. D’instinct, il regarda et aperçut, encore, la même silhouette immobile. »

Extraits
« Ma première crise d’épilepsie remontait à mes huit ans. En pleine classe, j’étais tombé de ma chaise et je m’étais mis à convulser, provoquant un joli vent de panique dans l’école. Par la suite, les neurologues avaient mis le temps, mais ils avaient fini par trouver un médicament efficace, et ma dernière crise remontait à mes dix ou onze ans. Ensuite, j’avais été tranquille pendant des années, au point que les médecins m’avaient jugé guéri et avaient même parlé d’arrêter le traitement.
J’avais refusé. Depuis tout petit, je rêvais de devenir ambulancier, et je savais pertinemment que la moindre récidive de mon épilepsie m’empêcherait d’obtenir mon permis de conduire. Bien sûr, j’avais menti à la visite médicale, par prudence, et je n’avais jamais rien dit de ma maladie à mon entourage. En dehors de Sylvie, ma femme, et de David mon meilleur ami, personne n’était au courant. »

« Qu’est-ce qui m’arrivait, bon sang ? Non content d’avoir des crises quotidiennes, j’allais en plus me mettre à avoir des hallucinations ? Qu’est-ce que c’était que ce paysage d’hiver, et puis cet homme en soutane qui revenait sans cesse hanter mes pensées, comme la veille chez Thibault ? j’avais même, j’en aurais juré, rêvé de lui et de cette montagne inconnue. Se pouvait-il qu’une simple photo, dont je n’avais même pas un souvenir conscient, puisse m’obséder à ce point ?
L’image de son exécution était si réelle que mes mains en tremblaient encore. »

« L’immersion dans le passé, pour le moment, était ma seule façon de supporter assez mon présent pour m’empêcher d’ouvrir le gaz en plein avant de me coller la tête dans le four. Je n’avais plus de travail ni de ressources, ma femme m’avait quitté, mon fils me tournait le dos. Haetsler allait passer le mot à toutes les compagnies d’ambulances du coin pour qu’aucune ne m’embauche, et sans autre qualification en poche qu’un permis de conduire professionnel que la médecine m’interdisait d’utiliser, mes perspectives d’avenir me semblaient plutôt réduites. »

« Je bloquai le cheminement de ma pensée, avec effroi. Qu’est-ce que je racontais, bon sang? À l’époque? Quelle époque? Où est-ce que je pensais être, exactement, et surtout quand? Projeté en pleine Seconde Guerre mondiale, cheminant dans les galeries secrètes du maquis pour y suivre un curé résistant qui prétendait être mon frère? Je dus reculer, prendre appui contre le mur tandis que l’étroit couloir, brusquement, se mettait à tourner autour de moi. »

« – Tu sais ce que je pense ? fit David, avant d’enchaîner sans attendre : le pense que tu nous fais une belle dépression. Ce n’est pas plus compliqué que ça. Il y a la séparation, évidemment, et aussi le décès de ce bébé, ce petit Quentin, que tu n’as jamais digéré…
– Tu m’as dit cent fois que ce n’était pas ma faute.
– Cent fois. Et tu es toujours persuadé du contraire. Ne nie pas, nous le savons tous les deux.
– Je ne nie pas, soupirai-je, renonçant à le contredire.
– Peut-être que si tu avais accepté de voir un psy à l’époque, on n’en serait pas là…, poursuivit-il, songeur. Ajoute à ça ton fils qui te rejette, ton épilepsie qui s’emballe.
– Et encore, tu oublies de mentionner le fait que Haetsler m’a foutu à la porte. complétai-je sans réfléchir. Son silence me rappela, trop tard, qu’il ne le savait pas. »

À propos de l’auteur
Pendant plus de dix ans, Catherine Rolland a exercé la médecine dans un cabinet rural, puis dans un service d’urgences. Originaire de Lyon, elle vit depuis quelques années en Suisse. Passionnée de littérature, elle signe avec Le Cas singulier de Benjamin T. une réflexion sur le temps, l’héroïsme et la lâcheté, en un mot, sur la condition des hommes lorsqu’ils font des choix qui engagent toute leur vie. (Source : Éditions Les Escales)

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L’amour est une maladie ordinaire

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En deux mots:
Entre une chronique douce-amère teintée de fantastique sur la recherche de l’amour parfait et les errances d’un jeune homme à la recherche d’un avenir plus stable, voici un joli conte, souvent fort drôle et qui laissera pourtant des bleus à l’âme.

Ma note:
★★★ (bien aimé)

L’amour est une maladie ordinaire
François Szabowski
Éditions Le Tripode
Roman
280 p., 17 €
EAN : 9782370551238
Paru en août 2017

Où?
Le roman se déroule à Paris, on y déambule d’arrondissement en arrondissement.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Qui, dans sa vie, n’a pas rêvé de disparaître subitement pour laisser un souvenir impérissable ? Dans L’Amour est une maladie ordinaire, un homme succombe à ce dangereux fantasme. Parce qu’il refuse que l’amour ne soit pas éternel, parce qu’il ne supporte plus les ruptures et les histoires qui partent en déroute, il se voit régulièrement obligé, la mort dans l’âme, d’organiser son décès auprès des femmes qu’il aime. Pour le meilleur et pour le pire…

Ce que j’en pense
Quand François, le narrateur de ce joli roman, se rend compte que la relation qu’il entretient avec Marie est sublime, forcément sublime, il se rend par la même occasion compte que jamais plus il n’atteindra un tel degré de félicité. Qu’à partir de ce moment parfait, tout ne peut que se dégrader, conduire au mieux à une routine, à une vie de couple banale. Dès lors, il ne voit qu’une seule solution pour conserver cet amour parfait… mourir! Aussitôt dit, aussitôt fait. Il entraîne un sdf sur le pont neuf et simule une altercation avant de se jeter dans la Seine. S’il se réveille à l’hôpital Saint-Antoine, c’est qu’il est tombé sur un bateau-mouche qui passait par là et plus exactement sur une australienne obèse qui a amorti sa chute.
Si ce sauvetage le désespère, il lui offre aussi un répit propice à la réflexion. Au lieu de mourir, il n’a qu’à disparaître. Changer d’appartement et de quartier, modifier son look et faire croire à sa mort.
Une stratégie qui semble avoir davantage de succès. Sauf qu’il lui faut aussi abandonner ses piges au Parisien et renoncer à fréquenter certains quartiers, de peur de croiser Marie. Mais grâce à la complicité de son «demi-frère» Didier, des responsables d’une agence immobilière et d’un coup de chance – il se retrouve chroniqueur au Cotillon, journal chargé de la promotion des bars et lieux branchés de Paris – l’avenir s’éclaircit pour lui. Ses piges lui permettent non seulement de tenir le coup financièrement, elles lui offrent la possibilité de boire gratuitement et de faire de nouvelles rencontres. Il n’est bien entendu pas question de tomber à nouveau amoureux, car ce serait trahir Marie dont François essaie d’imaginer la vie sans lui et les souffrances qu’elle peut endurer.
Entre culpabilité et envie de s’émanciper de cette histoire, il va finir par s’engager dans une nouvelle relation. Avec une conclusion semblable, en finir avant qu’il ne soit trop tard! Sur le plan de Paris, il faut cocher de nouvelles zones à éviter (et à contrario le lecteur peut poursuivre son exploration de la capitale, arrondissement par arrondissement). Il faut à nouveau changer de look. Il faut encore une fois faire le mort.
C’est à ce moment que les choses vont commencer à se détraquer. À force de vouloir se rendre invisible, il ne va effectivement plus être reconnu et devenir littéralement transparent. Si la situation a quelques avantages – on peut se servir à la banque, s’habiller avec les vêtements les plus coûteux, elle aussi l’inconvénient majeur de restreindre la vie en société. Sans compter que, loin de s’améliorer, les choses vont empirer. C’est son corps qui petit à petit tend à s’effacer. Les mains puis le bras s’efface, sauf quand il touche les gens.
Si cette touche de fantastique peut sembler un peu trop fantaisiste aux lecteurs attachés au réalisme, elle ravira ceux qui n’ont rien oublié de leurs rêves d’enfant ou ceux pour lesquels la lecture du Passe-Muraille de Marcel Aymé était un pur plaisir. François Szabowski y trouve aussi le moyen de rapprocher ainsi François et Marie pour un épilogue riche en rebondissements. C’est drôle, alerte et non dénué de profondeur. De quoi passer un agréable moment de lecture.

Les critiques
Babelio 
Blog Zazymut
Blog La soupe de l’espace 

Les premières pages du livre

Extrait
« Il ne fallait pas que je tarde. Je me suis redressé péniblement pour m’assoir sur le parapet. Ma perception du monde extérieur était de plus en plus floue. Le soleil m’aveuglait. La rumeur des voitures enflait dans ma tête. Dans un dernier éclair de pensée, j’ai vu se dessiner sur le ciel le visage diaphane de Marie, qui me souriait, rayonnant. Le vertige me prenait. C’était le moment. J’ai attendu qu’un groupe de passants arrive à notre niveau, puis j’ai agrippé le punk en faisant mine de me détacher de lui. Je me suis mis à hurler comme un putois, en disant que je n’avais pas d’argent, qu’il fallait qu’il me laisse tranquille. Les passants horrifiés se sont tournés vers nous, et je me suis laissé tomber à la renverse. »

À propos de l’auteur
François Szabowski est un écrivain né en 1977. Il a notamment publié aux éditions Les Forges de Vulcain : Les femmes n’aiment pas les hommes qui boivent ; Il n’y a pas de sparadraps pour les blessures du cœur ; Les majorettes, elles, savent parler d’amour ; Il faut croire en ses chances ; La famille est une peine de prison à perpétuité et autres proverbes. (Source : Éditions Le Tripode)

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