Nuit polaire

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En deux mots
À la suite de la disparition mystérieuse du manager de la base Concordia en Antarctique, Apollon Maubrey est chargé de lui succéder pour poursuivre les recherches scientifiques, mais aussi pour enquêter sur ce qui pourrait s’avérer être le premier homicide du pôle sud. De nombreuse surprises l’attendent tout au long de cette périlleuse mission.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Enquête en Antarctique

Un scientifique a disparu sur une base scientifique en Antarctique. En suivant l’enquêteur chargé de cette affaire peu banale, Balthazar Kaplan nous offre non seulement un thriller habilement ficelé, mais nous fait aussi découvrir une région du globe au statut très particulier et très menacé.

Apollon Maubrey s’est vu confier une double mission, manager une équipe scientifique en place sur la base antarctique Concordia et enquêter sur la disparition de Henning, son prédécesseur, qui six mois a subitement quitté la base et dont le corps n’a pas été retrouvé. En arrivant sur place, il lui faut d’abord s’adapter à cet univers particulièrement hostile, car la station de recherche est installée à plus de 3000 m d’altitude et la température la plus clémente est de l’ordre de -25°C. Mais il doit aussi se faire accepter par une équipe toujours secouée par la perte d’un collègue unanimement apprécié.
En acceptant de relancer le projet de forage interrompu par cette dramatique circonstance, il va réussir à restaurer un peu de sérénité au sein de l’équipe et à redonner au directeur un peu de son autorité perdue. Car les questions restent nombreuses après le drame.
Comment Henning a-t-il pu déjouer les systèmes de sécurité? Comment a-t-il fait pour parcourir des kilomètres et réussir à se déshabiller au pied de la crevasse où on a retrouvé sa combinaison et où l’on suppose qu’il s’est jeté? Avec une température de -80°C, il ne faut que quelques secondes pour que le corps ne gèle complètement.
Très vite Apollon doute de cette version «officielle» et tente d’élaborer d’autres scénarios.
Qui tous ne peuvent tenir qu’en mettant en cause l’un ou l’autre des habitants de la base, à commencer par les cinq personnes constituant le board et qui se sont affrontées autour de la question dudit forage qui devait atteindre un lac souterrain, c’est-à-dire un environnement totalement préservé depuis des milliers d’années. Entre Henning et Patrice, le directeur de la base et Giancarlo, le technicien «magicien de la réparation», le consensus a été difficile à trouver. Le tout sous l’œil observateur de Cécile, l’une des seules femmes présentes, par ailleurs médecin de l’équipe. Dans ce continent où tout le monde est contraint de vivre confiné, la période que nous venons de passer permet de comprendre les tensions qui peuvent naître lorsque la promiscuité est imposée.
Mais il reste aussi l’option Chamcepoix. Cet entrepreneur ravitaille les différentes bases scientifiques avec son avion et connaît bien tout ce petit monde. Il aurait aussi pu jouer un rôle dans la disparition du manager. A moins Apollon ne fasse fausse piste. Car Henning venait de faire une inspection de la base chinoise, entretenait des liens avec les Russes et les Américains. Et au bout du bout du monde, la géopolitique joue un rôle qui est loin d’être anodin. La gouverneure, en charge du respect de la convention internationale qui gère ce «bien commun de l’humanité», doit déployer des trésors de diplomatie pour assurer le fragile équilibre de cette zone.
Très bien documenté, Balthazar Kaplan nous permet de découvrir et de comprendre les enjeux dans cette partie du globe que le réchauffement climatique fragilise. Le tout sous couvert d’un thriller diablement efficace, rebondissements compris et épilogue surprenant à la clé. Et si quelques coquilles viennent un peu gâcher le texte, elles ne remettent pas en question le plaisir que l’on prend à la lecture de ce roman qui pourrait être un compagnon idéal de vos vacances !

Nuit polaire
Balthazar Kaplan
Éditions Ab irato
Roman
290 p., 23 €
EAN 9782911917776
Paru le 04/06/2021

Où?
Le roman est situé sur la base antarctique Concordia et dans les autres bases du continent.

Quand?
L’action se déroule en 2040.

Ce qu’en dit l’éditeur
Nuit polaire est un thriller qui se passe en Antarctique dans un futur proche, aux alentours de 2040. L’enquête d’Apollon Maubrey sur la disparition mystérieuse d’un homme emmène les lectrices et les lecteurs au croisement d’enjeux scientifiques, géopolitiques et écologiques. Le récit évolue tantôt dans l’espace dangereux et confiné des bases polaires et celui sauvage de l’immense, du continent antarctique..

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com

Les premières pages du livre
« Prologue
McEnzie avait un nom qui pouvait faire penser à un explorateur des pôles, pourtant il n’avait jamais mis les pieds là-bas. À dire vrai, il ne s’était jamais senti d’un grand courage physique. La dernière expédition sur les glaciers qu’il avait menée avait été en Alaska, et cette expédition, pourtant limitée à deux semaines, lui avait suffi à ramener des engelures dont il avait longtemps souffert. Sans parler des mauvaises nuits sous la tente, des ronflements de ses collègues, de la mauvaise nourriture dans des gamelles douteuses. Jadis, dans sa jeunesse, 1l avait parcouru de nombreux glaciers (certains d’entre eux avaient d’ailleurs quasiment disparu depuis), en Europe, en Amérique du Nord et du Sud. Mais avec l’âge, le goût de l’aventure et même celui du contact physique avec la glace s’étaient estompés. C’était désormais les autres qui allaient se les geler tandis que lui se contentait de collecter les données qu’ils lui envoyaient et qu’il analysait en profitant de tout le confort de son université californienne, avec son campus parsemé d’arbres centenaires, les fauteuils club de son bureau, les cocktails et soirées chez les collègues, et les sourires de ses étudiantes. Sa réputation internationale de glaciologue – car il était devenu l’un des meilleurs analystes de la cryosphère l’accompagnait comme une auréole, relative toutefois car certains de ses collègues du campus ne savaient rien de lui et n’avaient aucune idée de ce en quoi consistait la glaciologie, mais il avait le respect du conseil d’administration de son université, comme celui de son doyen, il disposait d’un remarquable laboratoire qui recueillait de très nombreuses données envoyées aussi bien par les relevés sur place que par des photos satellites. Les outils informatiques dont il bénéficiait étaient parmi les meilleurs du monde. C’est du moins ainsi que le vendait la brochure de l’université mais c’était en grande partie vrai. Et même si la glace s’était pour lui métamorphosée en graphiques, courbes et séries de chiffres, il considérait qu’il n’avait jamais aussi bien compris et maîtrisé son évolution et plus exactement les formes diverses de sa diminution voire de sa disparition. Il se souvenait que, dans sa jeunesse, au début du XXe siècle, des gens osaient encore douter du réchauffement climatique. Il le gardait en tête pour se rappeler que la bêtise n’avait pas de limite. Depuis ce temps, la banquise au pôle Nord avait disparu et il y avait même eu un début de conflit armé entre pays riverains de l’océan arctique pour asseoir leur autorité sur le contrôle du nouveau trafic maritime et sur l’exploitation des fonds marins. Un accord international fragile avait permis d’éviter le pire.
Il n’avait donc pas été surpris qu’on fasse appel à lui pour interpréter de nouveaux relevés, effectués deux semaines plus tôt sur la banquise de Ross, en Antarctique. L’évolution de ce continent était plus complexe, du point de vue du réchauffement. Les températures y restaient très en deçà de zéro et certains endroits continuaient à frôler les records de froid. L’étude de la glace y était donc plus intéressante car plus complexe et encore en partie incomprise dans ses mouvements de masse. Ce continent était lui aussi touché par le réchauffement mais ses métamorphoses échappaient encore aux scenarii des scientifiques. C’est pourquoi analyser ces nouvelles données l’intéressait particulièrement. Il avait travaillé à plusieurs reprises sur cette banquise qui, d’ailleurs, n’en était pas une: ce n’était pas de la mer gelée mais la continuation sur la mer d’un glacier, la plus étonnante langue de glace flottante, que des milliards de m2 de glace poussaient venant du continent vers le large, sur des centaines et centaines de kilomètres jusqu’à ce qu’elle finisse par se fracturer en icebergs qui partaient alors dériver vers des eaux plus chaudes. Les relevés avaient été effectués très en amont, à plus de cinq cents kilomètres à l’intérieur de la baie. Et ces relevés étaient a priori incompréhensibles. Plus exactement, ils renvoyaient à l’évolution d’une fissure souterraine, qu’il ne comprenait pas. Pourtant il connaissait bien cette fissure. Il en avait été un des premiers informés. C’est une expédition américaine qui l’avait détectée quatre ans plus tôt et l’article qu’il avait écrit à son sujet avait fait un certain bruit car il avait prouvé qu’elle était causée par le réchauffement climatique. Il faut dire que c’était un peu sa spécialité, les fissures dans la glace provoquées par le réchauffement. Il avait travaillé sur celles du Groenland, celles de nombreux grands glaciers du monde. Son article avait surpris. Car la partie orientale du continent antarctique avait toujours paru moins sensible à la hausse des températures. Mais McEnzie avait montré que l’ensemble du continent jouait comme un système global où la perturbation d’une partie pouvait avoir des effets sur une autre, même très éloignée il avait eu cette réplique lors d’un débat, qui avait remporté un certain succès: «ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de coléoptère en Antarctique qu’il ne peut pas y avoir d’effet papillon». De fait, ce n’était pas la hausse des températures de l’air qui importait pour cette partie du continent mais la combinaison de deux facteurs: la hausse des températures des océans qui la bordaient – en se réchauffant, l’eau accélérait la fragmentation de l’iceshelf qui descendait de la plaque continentale; et l’intensification des vents d’ouest qui tournaient autour de l’Antarctique et apportaient de la chaleur le long des côtes.
Mais les nouvelles données qu’il venait de recevoir lui posaient un problème: l’évolution de cette fracture non seulement avait de quoi inquiéter mais — et pour l’expert qu’il était, c’était presque pire — elle évoluait selon un modèle aberrant. Dans aucun glacier au monde, une fracture souterraine de glace n’aurait évolué ainsi. |
Il avait également un autre problème: les circonstances autour du relevé n’étaient pas des plus claires. Il ne l’avait pas reçu selon les protocoles d’échanges d’informations. Il l’avait reçu personnellement, scanné, avec un mot manuscrit d’un collègue chinois. Ce chercheur, il le connaissait, certes, il l’avait rencontré lors d’un colloque et celui-ci lui avait fait une bonne impression. Mais pas au point d’avoir une familiarité qui autorisait un tel échange informel, et dépourvu de toute explication. En soi, l’envoi du relevé était aussi aberrant que son contenu.
Il voulut en savoir plus. Il essaya d’entrer en contact avec lui. Rien dans le document n’indiquait d’où ça avait été envoyé. Il supposa que ce collègue travaillait à la station polaire de l’Ile Inexprimable, la station chinoise en bordure de la banquise de Ross. Intuition qui lui fut confirmée sauf que ledit collègue avait dû repartir en Chine pour des raisons personnelles. Et que depuis, à paraissait avoir disparu de toutes les institutions de recherche en glaciologie.
McEnzie ne pouvait donc se baser que sur ce qu’il avait reçu. La tentation était grande de considérer qu’il y avait eu une erreur dans le relevé, ce que les apparences de l’envoi renforçaient, par leur côté informel, voire brouillon. Ce fut même sa première réaction. Il mit le document au fond d’un tiroir, avec dédain. Mais voilà… Une petite voix en lui, celle du chercheur, lui susurrait qu’il avait tort, qu’au contraire, les grandes découvertes ne s’offraient pas sur un plateau d’argent mais prenaient toujours des chemins de traverse. Il dut alors accepter ce que cette petite voix lui disait: le relevé était exact et authentique, il ne devait pas le remettre en cause.
Il se remit alors au travail et passa plusieurs semaines à essayer différentes hypothèses, recourant à tous les algorithmes possibles de son labo. Mais aucun des graphiques obtenus ne correspondait aux relevés qu’il avait reçus. C’était un moment terrible pour un scientifique : devait-il douter du réel ou de la théorie qui était censée l’expliquer? Il savait que l’histoire de la science avait été faite par ceux qui avaient considéré que le réel ne se trompait jamais. Ce fut une période difficile. Il devenait dépressif, ces collègues étaient surpris de le croiser sur le campus vêtu de façon négligée, mal rasé, les cheveux sales. Ses étudiantes souriaient toujours mais pour se moquer de lui.
C’est un matin, en se réveillant, que l’idée lui vint. Une idée très simple, qui avait l’avantage d’expliquer à la fois l’évolution de la fissure et les circonstances de l’envoi. Simple, lumineuse, immédiate. Il fallait quand même vérifier son exactitude, ce qui nécessitait quelques compléments d’information. Cela lui prit encore un mois pour rassembler ce dont il avait besoin. Il tâtonna car cela n’avait aucun rapport avec son domaine de recherche et il dut l’adapter à la matière spécifique sur laquelle il travaillait depuis si longtemps: la glace. Et lorsqu’il rentra enfin toutes les données collectées et qu’il lança le processus, il lui fallut peu de temps pour voir que le graphique qui se dessinait sur son écran correspondait aux relevés constatés. Son hypothèse était donc la bonne. Il avait trouvé. Il avait compris. Mais au lieu d’en éprouver de la fierté, il en éprouva au Contraire une très grande inquiétude…

Concordia – été
Apollon Maubrey se tenait droit sur le pont couvert de givre. L’air froid, malgré sa combinaison relevée, lui mordait son visage, durcissait ses cils et ses sourcils. Avec sa masse de cent kilos, il avait un peu de la bête et comme la bête, il était doté d’un sens intuitif aigu, primitif. Il se cramponnait au bastingage comme s’il était en alerte. La mer, d’un indigo sombre, ne lui offrait que des creux profonds et des crêtes d’écume. Et le vide du ciel lui faisait écho, en l’amplifiant. Ce n’était pourtant qu’un apéritif d’infini et de folie. Une petite musique d’air glacial pour le préparer au grand show polaire. Mais il savait qu’il ne pouvait rien anticiper, rien imaginer, il avançait droit vers un inconnu – il espérait juste qu’avec sa maturité d’homme qui venait de passer les cinquante ans, il pourrait mieux aborder la virginité sidérale qui s’annonçait.
Soudain, il vit l’iceberg. Son premier iceberg. Il ne l’avait pas vu surgir. Celui-ci semblait brusquement tombé du ciel ou surgi de la masse noire de l’océan.
Alors ce surgissement impromptu de l’iceberg, il le ressentit comme une annonce. Mais une annonce de quoi?
Un iceberg… Quelle chose bizarre, pensa Apollon. Ce n’est que de l’eau et pourtant ça se dresse comme une montagne. C’est immense et lourd et ça flotte comme un bouchon. C’est régulier, presque géométrique, un morceau de plateau blanc, légèrement ébréché et ça impressionne comme un monstre difforme. C’est silencieux et on n’entend que lui, comme si, de même que le blanc est la fusion de toutes les couleurs, son silence était la fusion de tous les bruits.
L’iceberg avait quelque chose de mélancolique dans son impassibilité. Mélancolie du monstre qui se sentait à l’écart? Mélancolie de la perte, de l’esseulement, loin de son glacier qui l’avait engendré? Qu’est-ce qu’il essayait de dire à travers son silence? Bien sûr, se raisonna Apollon, ce n’est qu’un cube de glace détaché d’un glacier antarctique, dérivant au fil d’un courant marin. Seulement, il ne pouvait s’empêcher de le percevoir, ce bloc blanc où l’on aurait pu bâtir un village, comme un éclaireur dépêché pour lui porter un message. »

Extraits
« Il n’y avait personne à cette heure avancée, même s’il faisait clair. Apollon prit une tasse et se servit un café à une machine en libre-service. Il aperçut au fond, déjà devant ses fourneaux, le cuistot en chef, Charles, avec sa bonne bouille ronde et ses favoris. Ils se saluèrent de loin.
Voilà l’homme le plus important de la base, se dit Apollon. Puis, sirotant doucement le breuvage onctueux et chaud, il se posta devant un des grands hublots qui éclairaient la salle. Le spectacle extérieur n’avait rien d’extraordinaire: une étendue blanche à perte de vue, même pas un monticule ou un dôme de neige pour créer une impression de relief, c’était le plat pays en version esquimau. Plus singulière était cette lueur au-dessus de l’horizon, une lueur diffuse et déclinante, un halo rouge qui cherchait à convaincre le ciel de devenir mauve mais ça manquait de conviction, ça ne marchait même pas du tout: le ciel restait d’un bleu-jaune délavé. Aucun bruit sinon un léger ronronnement, celui des grilles d’aération et de chauffage, et un vague roucoulement de tuyauterie. Pas d’odeurs non plus, sinon les relents d’une odeur humaine, plutôt masculine, mêlée à celle d’un détergent.
Il emprunta la galerie suspendue qui reliait le module vie au module administration.
L’aménagement intérieur, récent, rompait avec le décor foutraque du temps des pionniers. Il donnait plutôt l’impression d’évoluer dans une station spatiale avec un environnement fonctionnel aux angles arrondis, comme pour rassurer le regard, la lumière douce, artificielle qui se mêlait à la clarté venant des hublots. Trouant cette ambiance de cocon artificiel: la signalétique d’urgence et les écrans affichant les températures extérieures qui rappelaient la nécessité de rester vigilant et discipliné. Par le hublot, le soleil toujours au-dessus de l’horizon comme s’il frimait un peu avant de disparaître.
Son bureau se trouvait au premier niveau, à l’opposé de celui du directeur. Même escalier central, en colimaçon, puis on s’engageait sur la droite. La porte était légèrement entrouverte. Et de la lumière blanche, venant du plafonnier, passait par l’entrebâillement pour creuser dans la pénombre du couloir un entrefilet de
couleur pâle. Quelqu’un était dans son bureau. » p. 32-33

« Ils commencèrent à marcher droit devant eux. Il n’y avait rien devant qui pouvait constituer un objectif à atteindre, pas la moindre dune, le moindre relief, une platitude infinie. Apollon sentait le froid vif lui attaquer la peau, les yeux, les lèvres. La moindre parcelle de chair exposée était aussitôt assiégée. L’air respiré transformait sa trachée en tube de glace, les poumons semblaient se rétracter et le froid se glissait jusqu’aux sinus. Et ce n’était pas seulement le froid qui l’attaquait. L’air était incroyablement sec. Sous ses pas, la neige, dure, faisait un bruit de carton.
On se rapproche de la fin du «in», dit Cécile. » p. 36

À propos de l’auteur
KAPLAN_Balthazar_©DRBalthazar Kaplan © Photo DR

Balthazar Kaplan est né en 1965, à Charenton. Il a publié sous son vrai nom, Guillaume Marbot, deux romans, La Ville aux éditions Michalon en 1998 et Le Chimiste chez Flammarion en 2004. Il a publié de nombreux articles dans la revue l’Atelier du Roman. Sous le nom de Balthazar Kaplan, il est l’auteur chez Ab irato de Little Nemo, Le Rêveur absolu (2014). Il voyage également beaucoup, séjourne plusieurs années aux États-Unis puis au Japon et finit par poser ses valises en Bretagne où il enseigne à l’université de Rennes. (Source: Éditions Ab irato)

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Doggerland

FILHOL_doggerland

En deux mots:
Il y a quelques milliers d’années, le Doggerland a disparu de la surface du globe, englouti par la mer du Nord. C’est son histoire qui nous est contée ici avec tous les aspects scientifiques et économiques, de sa création à son possible avenir. Avis de tempête!

Ma note:
★★★ (bien aimé)

Ma chronique:

Avis de tempête en mer du Nord

Après l’industrie nucléaire, Élisabeth Filhol s’intéresse aux hydrocarbures. Elle nous entraîne en mer du Nord, sur les pas de Marc et Margaret, où des milliers d’années ont façonné un univers aujourd’hui exploité et menacé.

C’est une histoire qui court sur des milliers d’années, celles qui ont formé et déformé la terre. Celles qui ont créé le Doggerland et celles qui l’ont fait disparaître. Doggerland, le titre choisi par Élisabeth Filhol pour ce roman, est le nom donné à l’étendue émergée qui se situait jusqu’aux environs de 6200 av. J.-C. dans la moitié sud de l’actuelle mer du Nord et qui reliait la Grande-Bretagne au reste de l’Europe. Au fil des pages, nous allons tout savoir de sa genèse, des mouvements tectoniques qui l’ont bousculé, des couches de sédiments qui se sont amassés, des vagues qui l’ont submergé et des hommes qui l’étudient.
C’est une autre histoire qui commence alors. L’histoire de Margaret et de Marc. Ils se croisent en 1987 sur les bancs de l’université de St Andrews. Elle est écossaise, il est français. Tous deux se passionnent pour la recherche scientifique, même si leurs parcours vont finalement leur faire embrasser des carrières très différentes et les éloigner l’un de l’autre. Elle n’en a pas fini avec la recherche pure, avec tous les secrets que les quantités d’informations rassemblées permettent de mettre à jour. Elle mène une vie rangée avec son mari et son fils. Lui met son savoir au service des sociétés pétrolières, passant d’une plate-forme de forage à l’autre. Il est célibataire, ambitieux et ne tient pas en place.
Près de vingt ans après leur liaison, ils s’apprêtent à se retrouver à l’occasion d’un congrès. Mais la tempête Xaver, qui balaie le continent, menace de contrarier ces retrouvailles.
On l’aura compris, Élisabeth Filhol va s’ingénier à mettre les deux récits en parallèle. Ou plutôt de faire de l’un une métaphore de l’autre. Les sédiments et les sentiments, la tempête et le tempérament. Le rythme du récit s’adapte aussi, avec de longues phrases qui, comme le mouvement des vagues, déroulent leurs rouleaux avant d’atteindre la rive. Il suffit de se laisser emporter… à condition de s’intéresser à la géologie, à l’environnement, à l’industrie pétrolière.
Les caprices du cœur vont-ils se mettre au diapason des caprices de la météo? L’eau et le feu ne se marient pas, à moins de provoquer une réaction en chaîne très déstabilisante. À force d’être exploitée, la nature ne va-t-elle pas se venger? Autant de questions en filigrane d’un roman qui fouille autant cette terre enfouie que le trouble amoureux.

FILHOL_carte_doggerlandCarte du Doggerland réalisée par William E. McNulty et Jerome N. Cookson © National Geographic Magazine

Doggerland
Elisabeth Filhol
Éditions P.O.L
Roman
352 p., 19,50 €
EAN: 9782818046258
Paru le 3 janvier 2019

Où?
Le roman se déroule principalement dans les pays limitrophes de la mer du Nord. On y évoque aussi le Doggerland

Quand?
L’action se situe de nos jours. Le chapitre final nous emporte il y a quelques milliers d’années.

Ce qu’en dit l’auteur
Faut-il donner la clef d’un roman? En général la réponse est non, car une des forces du roman, contrairement à d’autres formes de récit, est précisément de laisser le champ libre à une variété d’interprétations. En tant que lectrice, j’aime entrer et circuler dans un texte de fiction sans que le chemin soit entièrement balisé. En tant qu’auteure, la question s’est posée à une étape cruciale de l’écriture de Doggerland, quand après avoir erré, j’ai pu enfin mettre un mot sur le fonctionnement (ou plutôt le dysfonctionnement) de chacun des deux personnages principaux. Quelque chose alors s’est cristallisé, en trouvant leur cohérence, j’ai trouvé la direction que je voulais donner au livre, et les différents thèmes sont arrivés, en lien direct avec eux, Marc et Margaret, en lien avec leurs faits et gestes, l’activité qu’ils exercent, mais pas seulement. Margaret a une manière d’être au monde qui lui est propre. A priori la voie toute tracée qui s’offrait à elle, enfant, était de ne jamais pouvoir s’y intégrer. Quand à la fin de ses études, le Doggerland passe à sa portée, elle s’en saisit; et ce pont terrestre jeté à la préhistoire entre l’Angleterre et le Danemark, elle va en faire son objet de recherche, un lieu de partage, qui la relie aux autres. Plus jeune, la relation qu’elle a construite avec l’un de ses frères, Ted, a eu la même fonction. On le repère souvent, au sein des fratries, dans un cas comme celui-là, d’un enfant différent, qu’un binôme se constitue sur lequel il s’appuie. Devenue jeune adulte, Margaret rencontre Marc. Qu’est-ce qui les unit, qu’est-ce qui les sépare, provisoirement, durablement, pris dans le filet d’un modèle néolibéral exigeant, qui ne laisse pas beaucoup de place aux profils atypiques, c’est le questionnement qui m’a guidée, le fil rouge, ce qui a été moteur et premier dans l’écriture. A partir de là, une à une, des portes se sont ouvertes. Le premier jet de Doggerland rend compte de ce cheminement. Un premier jet écrit au jour le jour, sans retour en arrière d’un jour sur l’autre, et qui n’a pas du tout la structure, l’organisation du livre fini. Quand il est question dans la version finale de géologie, de préhistoire, d’écologie, d’économie, différentes interprétations sont possibles, à commencer, bien sûr, par la plus littérale. Mais dans cette construction, cette vision du monde que véhicule le livre, les deux personnages principaux ne sont pas un prétexte, une concession faite aux canons du roman, ils ne sont ni secondaires ni au service d’un autre projet. Ils sont les piliers du texte, qui en leur absence, se serait développé autrement.

Ce qu’en dit l’éditeur
Ce roman sur la fracture des êtres, des cœurs et des continents, est né d’un haut-fond situé au milieu de la mer du Nord, le Dogger Bank. Il y a encore 8000 ans, avant d’être englouti, c’était une terre émergée, habitée, une île presque aussi grande que la Sicile. Les archéologues lui ont donné un nom : le Doggerland.
Ce territoire mystérieux, Margaret, géologue, l’a choisi à la fin des années quatre-vingt comme objet d’études, quand elle aurait pu suivre la voie des exploitations pétrolifères. Comme Marc Berthelot qui a brutalement quitté le département de géologie de St Andrews, et Margaret, pour une vie d’aventure comme ingénieur pétrolier sur les plateformes offshore. Calant son rythme de vie sur celui du baril de Brent, le pétrole extrait de la mer du Nord, dont les cours enchaînent les envolées et les effondrements.
Vingt ans après leur rencontre, Marc et Margaret sont invités à un congrès à Esbjerg, au Danemark. Ils pourraient décider de faire le choix de se revoir. Mais la veille au soir, le 5 décembre 2013, la Grande-Bretagne est placée en alerte rouge. La tempête Xaver, requalifiée en ouragan, déboule sur l’Europe du Nord. On suit avec fascination sa montée en puissance. En même temps qu’elle réveille les fantômes du Doggerland, elle ranime les souvenirs d’il y a vingt ans, ravive les choix des uns et des autres, et met en question les conditions extrêmes de développement des plates-formes pétrolifères, des parcs éoliens, de l’exploitation toujours plus intense des ressources naturelles…
On dit que l’histoire ne se répète pas. Mais les géologues le savent, sur des temps très longs, des forces agissent à distance, capables de rouvrir de vieilles failles, ou de les refermer.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
BibliObs (Élisabeth Philippe)
Libération (Frédérique Roussel)
La Croix (Sabine Audrerie)
Télérama (Fabienne Pascaud)
Le JDD (Laëtitia Favro)
Diacritik (Christine Marcandier)
Charybde27: le blog 
Avis du Jury Prix des lecteurs L’Express / BFMTV 


Élisabeth Filhol présente Doggerland © Production Jean-Paul Hirsch

INCIPIT (Les premières pages du livre)
« Il y a huit mille ans, une grande île s’étendait au milieu de la mer du Nord, le Doggerland. Margaret en a fait son objet d’étude. Marc aurait pu la suivre sur cette voie, mais c’est le pétrole qu’il a choisi. Il a quitté le département de géologie de St Andrews, pour une vie d’aventure sur les plateformes offshore. Vingt ans plus tard, une occasion se présente. Ils pourraient la saisir, faire le choix de se revoir. On dit que l’histoire ne se répète pas. Mais les géologues le savent, sur des temps très longs, des forces agissent à distance, capables de réveiller d’anciens volcans, de rouvrir de vieilles failles, ou de les refermer.

Margaret
Ils l’ont vue naître, émerger du néant en mer d’Islande. Ils ont assisté subjugués à son éclosion, nichée au creux de son lit dépressionnaire, engendrée par un air humide subtropical égaré aux frontières de l’océan Arctique. Et maintenant elle explose, une bombe. Comme dans un film en avance rapide, il n’y avait rien, et elle est là. Plus proche de Xavère que de Xavier dans sa prononciation, avant d’être une catastrophe, Xaver est un bel objet. Justifiant, à l’initiative des météorologues européens, cette distinction d’un nom de baptême. Suffisamment soudaine, imprévisible et spectaculaire pour ça.
Ils l’ont vue surgir au sud-est du Groenland, s’extraire de sa gangue en un temps record, au nez et à la barbe des modèles numériques de prévision dépassés par la rapidité et l’ampleur du phénomène. Ils l’ont vue se lover, s’enrouler dans un mouvement ascendant de convection et accroître son diamètre en accéléré dopée par une chute vertigineuse des pressions à cet endroit ; il n’y avait rien et brutalement elle est là, d’entrée pleinement elle-même et hors norme, à peine au monde et déjà active, en possession de tous ses moyens, la voilà qui s’anime au-dessus de l’Atlantique Nord et crève l’écran, qui s’observe de but en blanc dans une forme aboutie telle Athéna sortie casquée et bottée du crâne de son père ; elle grossit, croît et se développe à une vitesse exponentielle, entame sa course d’ouest en est, s’élargit au fil des heures, en lignes isobares toujours plus nombreuses et serrées, et eux assis derrière leurs écrans traitent, analysent, évaluant à sa juste mesure l’accumulation extraordinaire de paramètres favorables qu’il a fallu, et se préparent au pire.
À ce stade aucun avis officiel n’a été diffusé. Mais déjà les fonctionnaires des agences de météorologie, ceux du Met Office, du Deutscher Wetterdienst, de Météo-France ou du Meteorologisk Institutt, sont sur le pied de guerre. Car ce que les modèles des supercalculateurs alimentés en temps réel prédisent à présent qu’on n’a plus besoin d’eux pour l’anticiper, que l’ampleur de la situation s’évalue de visu, est sans équivalent pour beaucoup de prévisionnistes, on n’avait pas observé un tel phénomène depuis vingt ou trente ans. Les yeux rivés sur les images satellites, ils n’en reviennent pas de ce qui est en cours, de ce qui se déroule à l’écart des projections à trois jours, pour les plus jeunes d’entre eux, du jamais vu. Elle grandit et se déploie telle une puissance mythologique, mi-concrète mi-abstraite, par capteurs, balises, transmissions satellites et simulateurs interposés, ni tout à fait réelle dans ce temps intercalaire où elle souffle sur les eaux de l’Atlantique sans aucun témoin, ni tout à fait théorique. Ils l’admirent pour ce qu’elle est, exceptionnelle dans ses paramètres, par leur conjonction comme un alignement de planètes dont on n’est spectateur qu’une à deux fois dans sa vie, émerveillés par sa rapidité d’évolution et son potentiel de croissance, tandis que les données défilent, réactualisées en permanence, et ce n’est qu’un début. Ils anticipent la deuxième phase, à l’approche du jet-stream, un courant de haute altitude lancé à 320 km/h autour de la Terre en vitesse de croisière ; parmi tous les scénarios qui font consensus dans une gamme étroite de variantes d’un service à l’autre, c’est la version haute qui sortira au tirage dans moins d’une heure, la plus impressionnante par un transfert maximum d’énergie au passage du courant-jet au-dessus de Xaver, renforçant la convection, décuplant sa vitesse de rotation, transformant instantanément la dépression en bombe météorologique ; partout dans les agences à travers l’Europe du Nord et de l’Ouest, ingénieurs et techniciens sont mobilisés, en collaboration étroite entre eux, en contact direct avec les autorités et les centres de gestion de crise, car ce qui se prépare est énorme, ils le savent, donnera à la tempête sa vraie dimension et sa catégorie, à partir de quoi, seront lancés conjointement et dans toutes les langues, les bulletins d’alerte.
Au siège du Met Office à Exeter, Ted Hamilton circule dans les allées du vaste open space, commente, s’interrompt, reprend sa marche, observe les visages derrière leur poste de travail plus exaltés qu’inquiets, juge la réaction préférable. Lui-même vient de rejoindre ses équipes et s’apprête à y passer la nuit. Il tient cette mise sous tension pour nécessaire, quand elle n’est pas nervosité stérile, voire débordement par le stress dans le pire des cas, mais bien un état de veille et d’acuité, d’éveil durablement productif, aux dimensions du phénomène. Ses agents sont formés, calibrés pour ça. Comme le sont les officiers, les chirurgiens ou les pilotes de ligne, entraînés à gérer l’exceptionnel qui n’est pas à proprement parler leur cœur de métier, mais une barre d’exigence sur la question des compétences requises, c’est ainsi que Ted Hamilton voit les choses, en Écossais aguerri, exilé ici, dans le comté du Devon, depuis qu’un ultime coup de pouce à sa carrière l’a éloigné du centre de prévisions d’Aberdeen qu’il dirigeait depuis sept ans ; il considère que la routine des trois bulletins quotidiens qui rythment la journée de travail en temps ordinaire ne doit pas masquer l’essentiel, la mission qui est la leur, faire face aux situations d’urgence, savoir mobiliser ces fonctions que la routine endort et gérer l’imprévu. Ce soir-là, l’imprévu a le visage de Xaver, qui même aux yeux de Ted Hamilton est une redondance dans l’extraordinaire, la dérive vers le hors norme d’une situation qui l’est déjà, une anomalie climatique partie pour les occuper à temps plein pendant au moins cinq jours, de son arrivée sur la côte ouest du pays cette nuit, jusqu’à son comblement au-dessus de l’Europe centrale, dimanche ou lundi.
La ville d’Exeter a été choisie pour abriter le siège du Met Office en 2003. Quand on ouvre une carte du sud de l’Angleterre, on la repère au fond d’un estuaire, environ soixante kilomètres au nord-est de Plymouth. L’estuaire est celui de l’Exe qui se jette dans la baie de Lyme à Exmouth, une petite station balnéaire où Ted Hamilton loue une maison. On peut imaginer ce que représente pour lui une migration professionnelle d’Aberdeen à Exeter, qui est à peu près l’équivalent d’une mutation Lille Marseille. Conscient que son ancrage, toutes ses racines et ses attaches sont en Écosse, il n’a pas jugé bon qu’on le suive. »

À propos de l’auteur
Née le 1er mai 1965 à Mende en Lozère. Études de gestion à l’université Paris-Dauphine. Expérience professionnelle en milieu industriel : audit, gestion de trésorerie, analyse financière et conseil auprès des comités d’entreprise. Vit aujourd’hui à Angers. Après La Centrale (2010) et Bois II (2014), Doggerland est son troisième roman. (Source : Éditions P.O.L)

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