Elise ou la vraie vie

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Sélectionné par les « 68 premières fois »

En deux mots:
Son frère ayant quitté Bordeaux pour Paris, Élise Letellier se décide à le suivre et va travailler avec lui en usine. C’est là qu’elle rencontre Arezki et tombe amoureuse de lui. Mais de nombreux obstacles parsèment leur route vers le bonheur, à commencer par le conflit algérien.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_d%27Alg%C3%A9rie
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-Jos%C3%A9_Nat
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lise_ou_la_Vraie_Vie_(film)

Ma chronique:

L’amour impossible de la Bordelaise et de l’Algérien

Prix Femina 1967, Élise ou la vraie vie n’a pas pris une ride. Ce beau et fort roman de Claire Etcherelli est certes ancré dans le conflit algérien, mais cette histoire d’amour contrarié est aussi universelle que celle de Roméo et Juliette.

Comme c’est le cas de nombreux grands livres, Élise ou la vraie vie peut se lire à différents niveaux qui viennent se compléter et donner à l’œuvre sa force et sa densité. Commençons par l’arrière-fond historique. Nous sommes au moment de la Guerre d’Algérie qui, entre 1954 et 1962, a embrasé les deux côtés de la Méditerranée. Car si les autorités françaises de l’époque ont longtemps ne pas voulu parler de Guerre, les tensions croissantes et surtout l’exportation du conflit dans la métropole ont installé un climat de peur et poussé à des exactions et à des rafles dans les milieux nationalistes algériens. Entre le Front de libération nationale (FLN) et l’Organisation armée secrète (OAS), il n’y aura très vite aucune possibilité de dialogue, mais une liste de morts que ne va cesser de s’allonger et laisser, comme avec les cadavres retirés du Métro Charonne, une trainée sanglante et peu glorieuse.
C’est donc dans ce contexte qu’Élise Letellier décide de quitter Bordeaux pour «monter à Paris». Dans la capitale, elle rejoint son frère Lucien et accepte de travailler chez Citroën avec lui. Ici foin de misérabilisme, la dure condition du travail à la chaîne est décrite simplement, sans faire dans l’emphase, mais en soulignant aussi les difficultés de la cohabitation avec les immigrés appelés en renfort pour compléter une main d’œuvre alors difficile à trouver. Parmi ces derniers Élise croise le regard d’Arezki l’Algérien. Leur histoire d’amour aura ce côté tragique et universel des grandes passions contrariées et, pour ceux qui comme moi ont vu l’adaptation au cinéma de Michel Drach avant de lire le livre, les yeux de Marie-Josée Nat. Si le contexte les pousse à garder leur liaison secrète, ils ne peuvent fermer les yeux devant le racisme qui gangrène la France d’alors. Et la xénophobie qui continue à faire des ravages de nos jours, y compris dans les rangs de la police qui fait alors la chasse aux «Nordaf» sans discernement, persuadés que leur couleur de peau est déjà la preuve de leur crime.
Comme le souligne la romancière Anaïs Llobet, qui garde ce roman comme un talisman, c’est «avec une écriture toute dans la retenue, une économie des mots» que Claire Etcherelli parvient à donner une puissance inégalée à son roman. Sur les pas d’Élise et d’Arezki, on ne peut qu’être saisi par l’émotion et partagé ces sentiments d’injustice, d’impuissance et de révolte qu’ils vivent alors dans leur chair. Jusqu’à cet épilogue qui ne peut qu’être tragique.

Élise ou la vraie vie
Claire Etcherelli
Éditions Folio Gallimard (n° 939)
Roman
288 p., 7,50 €
EAN 9782070369393
Paru le 5/01/1973

Où?
Le roman se déroule en France, à Bordeaux, puis Paris et banlieue. On y évoque aussi l’Algérie.

Quand?
L’action se situe entre 1954 et 1962.

Ce qu’en dit l’éditeur
«Un concert fracassant envahit la rue. « Les pompiers », pensai-je. Arezki n’avait pas bougé. Les voitures devaient se suivre, le hurlement s’amplifia, se prolongea sinistrement et s’arrêta sous la fenêtre. Arezki me lâcha. Je venais de comprendre. La police. Je commençai à trembler. Je n’avais pas peur mais je tremblais tout de même. Je n’arrêtais plus de trembler : les sirènes, les freins, le bruit sec des portières et le froid, – je le sentais maintenant – le froid de la chambre.»

68 premières fois
Sélection anniversaire: le choix d’Anaïs Llobet

LLOBET_Anais_©DR
Anaïs Llobet est journaliste. En poste à Moscou pendant cinq ans, elle a suivi l’actualité russe et effectué plusieurs séjours en Tchétchénie, où elle a couvert notamment la persécution d’homosexuels par le pouvoir local. Elle est l’auteure de deux romans: Les Mains lâchées (2016) et Des hommes couleur de ciel (2019).

«Un premier roman qui date de 1967, avec une écriture toute dans la retenue, une économie des mots, de grands dénouements cachés dans des phrases toutes simples. Claire Etcherelli fait confiance à son lecteur pour saisir les non-dits, lire les silences, retenir sa respiration lorsqu’il le faut. En tant que jeune écrivaine, je garde ce roman au plus proche de moi, et je relis souvent ce talisman lorsque je doute, notamment lorsque notre époque de grands bavards me déroute.»

Les critiques
Babelio 
Lecteurs.com
Page Wikipédia du roman
Blog Lecture écriture (Jean Prévost)
Blog Calliope Pétrichor 


Archives de l’INA et interview de Marie-José Nat lors du tournage de Élise ou la vraie vie © Production INA

Extraits
« La pendule de la porte de Choisy marquait la demie. Arezki était déjà dans la file, mais un peu à l’écart. J’allai vers lui. Il me fit un signe. Je compris et me plaçai derrière lui sans mot dire. Lucien arriva. Il ne me vit pas et je fis semblant de ne pas le voir. Il alluma une cigarette, et comme il tenait l’allumette près de son visage, j’en saisis le profil desséché, noir de barbe, osseux.
Nous montâmes dans la même fournée. Impossible de reculer, il m’aurait vue. J’allai vers l’avant, prenant soin de ne pas me retourner. Arezki m’ignora. À la Porte de Vincennes où beaucoup de gens descendirent, je me rapprochai de lui. Il me demanda où je désirais descendre afin que nous puissions marcher un peu. Je dis : « A la Porte de Montreuil. » J’avais repéré les soirs précédents une rue grouillante où, me semblait-il, nous nous perdrions aisément.
Il descendit et je le suivis. Lucien m’avait-il vue ? Cette supposition me gêna. Nous traversâmes, et, contemplant deux cafés mitoyens, Arezki demanda :
— On boit un thé chaud ?
— Si vous voulez.
Il y avait beaucoup de monde et beaucoup de bruit. Les banquettes semblaient toutes occupées. Arezki s’avança dans la deuxième salle. Je l’attendis près du comptoir. Quelques consommateurs me dévisagèrent, je sentais leurs yeux et je devinais leurs pensées. Arezki réapparut. En le regardant s’avancer, j’eus un choc. Mon Dieu, qu’il avait l’air arabe !… Certains, à la chaîne, pouvaient prêter à confusion avec leur peau claire et leurs cheveux châtains. Ce soir-là, Arezki ne portait pas de chemise mais un tricot noir ou marron qui l’assombrissait davantage. Une panique me saisit. J’aurais voulu être dehors, dans la foule de la rue.
— Pas de place. Ça ne fait rien, nous allons boire au comptoir. Venez là.
Il me poussa dans l’angle.
— Un thé ?
— Oui.
— Moi aussi.
Un garçon nous servit prestement. Je soufflai sur ma tasse pour avaler plus vite. Dans la glace, derrière le percolateur, je vis un homme coiffé de la casquette des employés du métro qui me dévisageait. Il se tourna vers son voisin qui repliait un journal.
— Moi, dit-il, très fort, j’y foutrais une bombe atomique sur l’Algérie.
Il me regarda de nouveau, l’air satisfait. Son voisin n’était pas d’accord. Il préconisait :
— …foutre tous les ratons qui sont en France dans des camps.
J’eus peur qu’Arezki réagît. Je le regardai à la dérobée, il restait calme, apparemment.
— Il paraît qu’on va nous mettre en équipes, me dit-il.
Sa voix était assurée. Il tenait l’information de Gilles et m’en détailla les avantages et les inconvénients. Je me détendis. Je lui posai beaucoup de questions, et, pendant qu’il y répondait, j’écoutais ce que les gens disaient autour de nous. Et j’eus l’impression qu’en me répondant, il suivait la conversation des autres.
Quand je passai devant lui pour sortir, l’homme qui voulait lancer une bombe atomique fit un pas vers moi. Par chance, Arezki me précédait. Il ne vit rien. Je m’écartai sans protester et le retrouvai dehors avec la sensation d’avoir échappé à un péril.
La rue d’Avron s’étendait, scintillante à l’infini. Pendant quelques minutes, les étalages nous absorbèrent.
— Alors, me demanda-t-il ironiquement, comment allez-vous ?
— Mais je vais bien.
— Vous aviez l’air malheureuse ces derniers jours. Vous n’avez pas été malade ? »
Tu peux badiner, Arezki. Tu es là. Ce soir, je n’évoque pas ton visage. C’est bien toi, présent. […] C’est un moment privilégié, suspendu irréellement au-dessus de nos vies comme le sont les guirlandes accrochées dans cette rue. Ne parler que pour dire des phrases légères qui nous feront sourire.
— Il faut m’excuser pour ces derniers jours, j’étais occupé. Des parents sont arrivés chez moi.
— J’ai cru que vous étiez fâché. Vous ne me disiez ni bonjour ni bonsoir.
Il proteste. Il m’adressait un signe de tête chaque matin. Et puis, est-ce si important ? Il faudrait, dit-il, choisir un jour, un endroit fixes pour nous rencontrer.
J’approuve. Les boutiques s’espacent, la rue d’Avron scintille moins, et là-bas, devant nous, elle est sombre, à peine éclairée. Nous traversons. Arezki tient mon bras, puis passe le sien derrière moi et pose sa main sur mon épaule.
— Je suis assez occupé ces jours-ci. Mais le lundi, par exemple… Votre frère est monté derrière nous. Vous l’avez vu ?
— Je l’ai vu.
— Élise, dit-il, si on se disait tu ?
Je lui répondis que je vais essayer, mais que je crains de ne pas savoir.
— Le seul homme que je peux tutoyer est Lucien.
— C’est ça, dit-il moqueusement, elle va encore me parler de son frère…
Pendant notre première promenade, je ne lui ai, remarque-t-il, parlé que de Lucien.
— Je me suis demandé si tu étais vraiment sa sœur. Où pourrions-nous nous retrouver lundi prochain ?
— Mais je ne connais pas Paris.
— Ce quartier n’est pas bon, déclare-t-il.
Et il me fait faire demi-tour. Nous remontons vers les lumières.
— Choisissez vous-même et vous me le direz lundi matin.
— Où ? à la chaîne devant les autres ?
— Pourquoi pas ? Les autres se parlent. Gilles me parle, Daubat.…
— Tu oublies que je suis un Algérien.
— Oui, je l’oublie.
Arezki me serre, me secoue.
— Répète. C’est vrai ? Tu l’oublies ?
Ses yeux me fouillent.
—Oui, mais vous le savez bien. Je ne peux pas être raciste.
— Ça, je le sais. Je pensais plutôt, au contraire, à cause de Lucien et des gens comme ça, que c’était un peu l’exotisme, le mystère. Il y a un an…
Nous reprenons notre marche et il me tient à nouveau par l’épaule.
— … j’ai connu une femme. Je l’ai… oui, aimée. Elle lisait tous les jours dans son journal un feuilleton en images, ça s’appelait « La passion du Maure ». Et ça lui était monté à la tête. Elle mêlait ça avec les souvenirs de son père qui avait été clandestin pendant la guerre contre les Allemands. » p. 155-159
« On s’occupait beaucoup de moi. J’avais quarante-cinq minutes à attendre. Je pris une rue transversale, au hasard. Elle aboutissait à un grand terrain vague au fond duquel s’élevaient plusieurs immeubles neufs.
À huit heures moins le quart, je revins au bureau d’embauche. Quelques hommes, des étrangers pour la plupart, attendaient déjà. Ils me regardèrent curieusement. À huit heures, un gardien à casquette ouvrit la porte et la referma vivement derrière lui.
– Qu’est-ce que tu veux ? demanda-t-il à l’un des hommes qui s’appuyaient contre le mur.
– Pour l’embauche.
– II n’y a pas d’embauche, dit-il en secouant la tête. Rien.
– Ah oui ?
Sceptique, l’homme ne bougea pas.
– On n’embauche pas, répéta le gardien.
Les hommes remuèrent un peu les jambes, mais restèrent devant la porte.
– C’est marqué sur le journal, dit quelqu’un.
Le gardien s’approcha et lui cria dans la figure :
– Tu sais lire, écrire, compter ?
Ils commencèrent à s’écarter de la porte, lentement, comme à regret. L’un d’eux parlait, en arabe sans doute, et le nom Citroën revenait souvent. Alors, ils se dispersèrent et franchirent le portail.
– C’est pour quoi ? questionna le gardien en se tournant vers moi.
Il me regarda des cheveux aux chaussures.
– Je dois m’inscrire. Monsieur Gilles…
– C’est pour l’embauche ?
– Oui, dis-je intimidée.
– Allez-y.
Et il m’ouvrit la porte vitrée.
Dans le bureau, quatre femmes écrivaient. Je fus interrogée : j’expliquai. Une des femmes téléphona, me fit asseoir et je commençai à remplir les papiers qu’elle me tendit.
– Vous savez que ce n’est pas pour les bureaux, dit-elle, quand elle lut ma fiche.
– Oui, oui.
– Bien. Vous sortez, vous traversez la rue, c’est la porte en face marquée  » Service social « , deuxième étage, contrôle médical pour la visite.
Dans la salle d’attente, nous étions cinq, quatre hommes et moi. Une grande pancarte disait « Défense de fumer » et c’était imprimé, en dessous, en lettres arabes. L’attente dura deux heures. À la fin, l’un des hommes assis près de moi alluma une cigarette. Le docteur arriva, suivi d’une secrétaire qui tenait nos fiches. La visite était rapide. Le docteur interrogeait, la secrétaire notait les réponses. Il me posa des questions gênantes, n’insista pas quand il vit ma rougeur et me dit de lui montrer mes jambes, car j’allais travailler debout. « La radio », annonça la secrétaire. En retirant mon tricot je défis ma coiffure, mais il n’y avait pas de glace pour la rajuster. L’Algérien qui me précédait se fit rappeler à l’ordre par le docteur. Il bougeait devant l’appareil.
– Tu t’appelles comment ? Répète ? C’est bien compliqué à dire. Tu t’appelles Mohammed ? et il se mit à rire. Tous les Arabes s’appellent Mohammed. Ça va, bon pour le service. Au suivant. Ah, c’est une suivante…
Quand il eut terminé, il me prit à part.
– Pourquoi n’avez-vous pas demandé un emploi dans les bureaux ? Vous savez où vous allez ? Vous allez à la chaîne, avec tout un tas d’étranger, beaucoup d’Algériens. Vous ne pourrez pas y rester. Vous êtes trop bien pour ça. Voyez l’assistante et ce qu’elle peut faire pour vous.
Le gardien nous attendait. Il lut nos fiches. La mienne portait: atelier 76. Nous montâmes par un énorme ascenseur jusqu’au deuxième étage. Là, une femme, qui triait de petites pièces, interpella le gardien.
– Il y en a beaucoup aujourd’hui ?
– Cinq, dit-il.
Je la fixai et j’aurais aimé qu’elle me sourît. Mais elle regardait à travers moi.
– Ici, c’est vous, me dit le gardien.
Gilles venait vers nous. Il portait une blouse blanche et me fit signe de la suivre. Un ronflement me parvenait et je commençai à trembler. Gilles ouvrit le battant d’une lourde porte et me laissa le passage. Je m’arrêtai et le regardai. Il dit quelque chose, mais je ne pouvais plus l’entendre, j’étais dans l’atelier 76. Les machines, les marteaux, les outils, les moteurs de la chaîne, les scies mêlaient leurs bruits infernaux et ce vacarme insupportable, fait de grondements, de sifflements, de sons aigus, déchirants pour l’oreille, me sembla tellement inhumain que je crus qu’il s’agissait d’un accident, que ces bruits ne s’accordant pas ensemble, certains allaient cesser. Gilles vit mon étonnement.
– C’est le bruit ! cria-t-il dans mon oreille.
Il n’en paraissait pas gêné. L’atelier 76 était immense. Nous avançâmes, enjambant des chariots et des caisses, et quand nous arrivâmes devant les rangées des machines où travaillaient un grand nombre d’hommes, un hurlement s’éleva, se prolongea, repris, me sembla-t-il, par tous les ouvriers de l’atelier.
Gilles sourit et se pencha vers moi.
– N’ayez pas peur. C’est pour vous. Chaque fois qu’une femme rentre ici, c’est comme ça.
Je baissai la tête et marchai, accompagnée par cette espèce de « ah » rugissant qui s’élevait maintenant de partout.
À ma droite, un serpent de voitures avançait lentement, mais je n’osais regarder.
– Attendez, cria Gilles.
Il pénétra dans une cage vitrée construite au milieu de l’atelier et ressortit très vite, accompagné d’un homme jeune et impeccablement propre.
– Monsieur Bernier, votre chef d’équipe.
– C’est la sœur de Letellier ! hurla-t-il.
L’homme me fit un signe de tête.
– Avez-vous une blouse ?
Je fis non.
– Allez quand même au vestiaire. Bernier vous y conduira, vous déposerez votre manteau. Seulement, vous allez vous salir. Vous n’avez pas non plus de sandales ?
Il parut contrarié.
Pendant que nous parlions, les cris avaient cessé. Ils reprirent quand je passai en compagnie de Bernier. Je m’appliquai à regarder devant moi.
– ils en ont pour trois jours, me souffla Bernier. Le gardien avait sur lui la clé du vestiaire. C’était toujours fermé, à cause des vols, m’expliqua Bernier. J’y posai à la hâte mon manteau et mon sac. Le vestiaire était noir, éclairé seulement par deux lucarnes grillagées. Il baignait dans une odeur d’urine et d’artichaut.
Nous rentrâmes. Bernier me conduisit tout au fond de l’atelier, dans la partie qui donnait sur le boulevard, éclairée par de larges carreaux peints en blancs et grattés à certains endroits, par les ouvriers sans doute.
– C’est la chaîne, dit Bernier avec fierté.
Il me fit grimper sur une sorte de banc fait de lattes de bois. Des voitures passaient lentement et des hommes s’affairaient à l’intérieur. Je compris que Bernier me parlait. Je n’entendais pas et je m’excusai.
– Ce n’est rien, dit-il, vous vous habituerez. Seulement, vous allez vous salir.
II appela un homme qui vint près de nous.
Voilà, c’est mademoiselle Letellier, la sœur du grand qui est là-bas. Tu la prends avec toi au contrôle pendant deux ou trois jours.
– Ah bon ? C’est les femmes, maintenant, qui vont contrôler ?
De mauvais gré, il me fit signe de le suivre et nous traversâmes la chaîne entre deux voitures. II y avait peu d’espace. Déséquilibrée par le mouvement, je trébuchai et me retins à lui. Il grogna. Il n’était plus très jeune et portait des lunettes.
– On va remonter un peu la chaîne, dit-il.
Elle descendait sinueusement, en pente douce, portant sur son ventre des voitures bien amarrées dans lesquelles entraient et sortaient des hommes pressés. Le bruit, le mouvement, la trépidation des lattes de bois, les allées et venues des hommes, l’odeur d’essence, m’étourdirent et me suffoquèrent.
– Je m’appelle Daubat. Et vous c’est comment déjà ? Ah oui, Letellier.
– Vous connaissez mon frère ?
– Évidemment je le connais. C’est le grand là-bas. Regardez.
Il me tira vers la gauche et tendit son doigt en direction des machines.

« À six heures, il reste encore un peu de jour, mais les lampadaires des boulevards brûlent déjà. J’avance lentement, respirant à fond l’air de la rue comme pour y retrouver une vague odeur de mer. Je vais rentrer, m’étendre, glisser le traversin sous mes chevilles. Me coucher… J’achèterai n’importe quoi, des fruits, du pain, et le journal. Il y a déjà trente personnes devant moi qui attendent le même autobus. Certains ne s’arrêtent pas, d’autres prennent deux voyageurs et repartent. Quand je serai dans le refuge, je pourrai m’adosser, ce sera moins fatigant. Sur la plate-forme de l’autobus, coincée entre des hommes, je ne vois que des vestes, des épaules, et je me laisse un peu aller contre les dos moelleux. Les secousses de l’autobus me font penser à la chaîne. On avance à son rythme. J’ai mal aux jambes, au dos, à la tête. Mon corps est devenu immense, ma tête énorme, mes jambes démesurées et mon cerveau minuscule. Deux étages encore et voici le lit. Je me délivre de mes vêtements. C’est bon. Se laver, ai-je toujours dit à Lucien, ça délasse, ça tonifie, ça débarbouille l’âme. Pourtant, ce soir, je cède au premier désir, me coucher. Je me laverai tout à l’heure. Allongée, je souffre moins des jambes. Je les regarde, et je vois sous la peau de petits tressaillements nerveux. Je laisse tomber le journal et je vois mes bas, leur talon noir qui me rappelle le roulement de la chaîne. Demain, je les laverai. Ce soir, j’ai trop mal. Et sommeil. Et puis je me réveille, la lumière brûle, je suis sur le lit ; à côté de moi sont restées deux peaux de bananes. Je ne dormirai plus. En somnolant, je rêverai que je suis sur la chaîne; j’entendrai le bruit des moteurs, je sentirai dans mes jambes le tremblement de la fatigue, j’imaginerai que je trébuche, que je dérape et je m’éveillerai en sursaut. »

« J’avais cinquante minutes d’irréalité. Je m’enfermais pour cinquante minutes avec des phrases, des mots, des images. Un lambeau de brume, une déchirure du ciel les exhumaient de ma mémoire. Pendant cinquante minutes, je me dérobais. La vraie vie, mon frère, je te retiens ! Cinquante minutes de douceur qui n’est que rêve. Mortel réveil, porte de Choisy. Une odeur d’usine avant même d’y pénétrer. Trois minutes de vestiaire et des heures de chaîne. La chaîne, ô le mot juste… Attachés à nos places. Sans comprendre et sans voir. Et dépendant les uns des autres. Mais la fraternité, ce sera pour tout à l’heure. Je rêve à l’automne, à la chasse, aux chiens fous. Lucien appelle cet état : la romanesquerie. Seulement, lui, il a Anna ; entre la graisse et le cambouis, la peinture au goudron et la sueur fétide, se glisse l’espérance faite amour, faite chair… Autrefois, il y a quelques mois, était Dieu. Ici, je le cherche, c’est donc que je l’ai perdu. L’approche des êtres m’a éloignée de lui. Un grand feu invisible. Tant d’êtres nouveaux sont entrés dans mon champ et si vite ; le feu a éclaté en mille langues et je me suis mise à aimer les êtres.»

À propos de l’auteur
Claire Etcherelli est née à Bordeaux en 1934. Son père mort à la guerre, elle est élevée par sa mère et son grand-père paternel. Elle a surtout vécu à Bordeaux, au pays Basque et à Paris. Issue d’un milieu très modeste, elle obtient une bourse afin de poursuivre ses études. Elle vient s’installer à Paris, mais le manque d’argent la contraint à travailler en usine à la chaîne, pendant deux ans. De cette expérience Claire Etcherelli retient l’image d’un environnement éprouvant et obsédant, qu’elle décrit dans son premier roman Élise ou la vraie vie (1967). Le roman, qui obtient le prix Femina en 1967, conte l’amour tragique d’une Française et d’un travailleur immigré, mais élabore aussi une réflexion sur la guerre d’Algérie et ses conséquences sociales. Le roman a été traduit en anglais et plusieurs autres langues. Élise ou la vraie vie a été portée à l’écran par Michel Drach en 1970. (Source: berlol.net)

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Le guetteur

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En deux mots:
À la mort de sa mère, le narrateur vient mettre de l’ordre dans ses affaires et découvre qu’elle écrivait des romans policiers. Désireux d’en savoir davantage sur cette passion secrète, il va enquêter et découvrir un tout autre visage de cette femme… y compris le secret de sa naissance.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

Christophe joue à cache-cache

Le nouveau roman de Christophe Boltanski est un fascinant kaléidoscope qui va permettre, au fil des chapitres, de découvrir toute les facette d’une inconnue : sa mère.

Christophe Boltanski passe d’une cache à l’autre avec le même bonheur. De La cache de la rue de Grenelle où sa famille trouvait refuge pour échapper aux rafles durant la Seconde guerre mondiale jusqu’à celle de la rue Philibert-Lucot où, au début des années 60, papiers et documents des combattants clandestins pour la libération de l’Algérie étaient planqués. Cette fois, l’auteur a décidé de se pencher sur la biographie de sa mère, un personnage qu’il va découvrir, aussi extraordinaire que cela puisse paraître, au fil de cette enquête passionnante.
Après son décès, il se rend au domicile de cette dernière pour le vider. Si son nettoyage avait été un peu plus expéditif, il n’aurait jamais su qu’elle aimait le roman noir. « J’aurais pu ne jamais savoir que ma mère écrivait. Ou plus exactement qu’elle avait tenté d’écrire. La chemise plastifiée bleu iris, retenue par deux élastiques, reposait dans le tiroir de sa table de chevet. Je faillis la jeter, comme le reste. Elle attira mon attention à cause de son étiquette collée sur la tranche : «Dossier Polar». Une mention plutôt ludique, vu les circonstances, propre à éveiller la curiosité. Je l’ouvris sans craindre de violer un secret. Elle contenait des notes sur le Prozac « un nouvel antidépresseur avec très peu d’effets secondaires » -, le virus du sida et ses premiers traitements, une étude de nature scientifique consacrée aux agresseurs sexuels, de nombreuses coupures de presse datant de la fin du XXe siècle et des textes rédigés à l’encre violette, sa couleur fétiche, d’une calligraphie ample, régulière… »
À partir de ce matériau la curiosité du romancier – à moins que ce ne soit celle du journaliste qui sait comment rassembler des informations, les recouper et les vérifier – va être piquée au point de devenir quasi obsessionnelle, n’hésitant pas à harceler les voisins ou témoins supposés, à solliciter les administrations et à multiplier les recours. Un acharnement qui va finir par payer…
Mais n’anticipons pas. Le Guetteur qui donne son titre au roman est un personnage imaginé par sa mère dans une ébauche de texte influencé par les «maîtres du genre, des auteurs américains qu’elle adulait comme Dashiell Hammett, David Goodis, James Cain ou Raymond Chandler.» En le découvrant, il a l’intuition qu’il a vraiment existé ou au moins qu’il a été inspiré par l’une de ses connaissances. C’est pourquoi il épluche les carnets d’adresse, recherche d’autres documents. « Ma mère était ce que je ne savais pas d’elle et que je chercherais indéfiniment toute ma vie. Elle se barricadait, elle élevait des remparts et guettait un ennemi invisible. Pour pouvoir l’appréhender, je devais la transformer en un roman policier, la réduire à des informations consignées dans mon carnet, méthode familière que je pratiquais depuis des décennies, et la tenir ainsi à distance, parce que cette histoire me faisait peur. Par ce biais, les moindres bribes que je recueillais acquéraient une profondeur, une grandeur imprévues. »
Il va finir par découvrir qu’au tournant des années 60 sa mère avait joué un rôle actif en faveur du mouvement pour l’indépendance de l’Algérie, son appartement servant notamment de base arrière aux militants recherchés par la police. Et si elle avait effectivement été espionnée?
Au fil des 33 courts chapitres, la partie de cache-cache va se transformer en un jeu de la vérité qui, à travers le détail de l’opération Flore, dont je ne dévoilerai rien ici, va conduire le narrateur à découvrir dans quelles circonstances il est né. Remercions donc la DST et le docteur Ogino, sans lesquels nous n’aurions pas pu nous régaler de ce délicieux roman.

Le Guetteur
Christophe Boltanski
Éditions Stock
Roman
288 p., 19 €
EAN : 9782234081710
Paru le 22 août 2018

Où?
Le roman se déroule en France, principalement à Paris. On y évoque aussi Verneuil-sur-Seine.

Quand?
L’action se situe de la fin des années cinquante à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Mais qui guette qui ? Lorsque le narrateur découvre dans l’appartement de sa mère le manuscrit d’un polar qu’elle avait entamé, « Le Guetteur », il est intrigué. Des recensements de cigarettes fumées, les pneus des voitures voisines crevés – comment vivait cette femme fantasque et insaisissable ? Elle qui aimait le frisson, pourquoi s’est-elle coupée du monde ?
Elle a vécu à Paris avec pour seul compagnon son chien Chips. Maintenant qu’elle est morte, le mystère autour d’elle s’épaissit. Alors il décide de la prendre en filature. Et de remonter le temps. Est-ce dans ses années d’études à la Sorbonne, en pleine guerre d’Algérie, où l’on tracte et l’on se planque, que la jeune femme militante bascule ?
Le Guetteur est le roman bouleversant d’une femme qui s’est perdue. La quête d’un fils qui cherche à retrouver sa mère. La confirmation d’un grand écrivain.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com 
Culturebox (Laurence Houot)
Télérama (Nathalie Crom)
Le JDD (Marie-Laure Delorme)


Christophe Boltanski présente «Le Guetteur» © Production Hachette

Les premières pages du livre
« Suis-je le seul à l’espionner ? Je l’aperçois à travers la vitre embuée du café. Posée sur la banquette en skaï jaune, droite comme une ballerine, elle écoute deux garçons qui se font face. Fidèle à son habitude, elle fume une cigarette. Les volutes bleuâtres de sa Gauloise nimbent les contours de son visage et l’amènent à plisser ses yeux bruns. Elle correspond aux photos que j’ai conservées d’elle. Avec son attitude réservée, discrète, presque boudeuse, son pantalon pied-de-poule, sa marinière à rayures, ses souliers plats et sa frange longue, lissée à droite, qui lui barre la vue et qu’elle s’évertue à repousser d’un bref battement de tête, elle paraît vouloir imiter une chanteuse yé-yé à la mode, plus jeune de quelques années, dont elle partage le prénom.
Ses compagnons, jambes étendues, épaules voûtées, affectent une allure plus décontractée, presque avachie. Le premier tient le rôle du boute-en-train. Le second, celui du beau ténébreux. Elle trône entre les deux. Avec son port haut, elle les domine d’une mèche malgré sa petite taille. Le cendrier plein et les tasses vides accumulés devant eux témoignent qu’ils sont assis là depuis longtemps. Ils occupent la table du fond, celle qui jouxte la cabine de téléphone couverte de dessins phalliques et de graffiti à la gloire du lettrisme. Manteaux en boule, piles de livres et de journaux, ils s’étalent, ils prennent racine, comme si ce recoin plaqué de plastique stratifié leur appartenait. Le plus enjoué des trois passe commande, fouille dans sa poche, compte ses sous, lève à nouveau la main, bredouille ce qui ressemble à des excuses. Après plusieurs allers-retours, le serveur à gilet revient avec une demi-portion de frites.
Part réduite de moitié et petits soins. L’attitude du garçon à leur égard confirme leur statut d’habitués. De toute évidence, La Fourchette, snack-bar franchouillard de la rue de l’École-de-Médecine, constitue leur quartier général. Difficile, à cet instant, de définir la nature des liens qui les unissent. En revanche, leur occupation se devine aisément. Ce sont des étudiants en lettres, comme le dénotent leur âge, leur mise affranchie des codes vestimentaires de l’époque, leur condition économique précaire sans être miséreuse, le quartier où ils évoluent, à mi-chemin entre le boulevard Saint-Michel et la place de l’Odéon, leur apparente oisiveté, le simple fait qu’ils soient là, dans un café, un après-midi de semaine, et non pas dans un bureau ou, pis, de l’autre côté de la Méditerranée, un uniforme sur le dos et la trouille au ventre.
Afin de saisir des bribes de leur conversation, je pousse la porte de mon imaginaire et m’accoude au comptoir. Qu’est-ce que vous prenez ? me demande une femme-tronc, chef d’un orchestre de percolateurs et de tireuses à bière. Je ne me formalise pas de son ton revêche que j’attribue autant à sa pratique professionnelle, celle de tenancière d’un troquet parisien, qu’à une trop longue fréquentation d’une clientèle estudiantine et désargentée. Contrairement à son employé, elle paraît ne plus supporter tous ces parasites qui confondent son mobilier en similicuir avec des bancs publics. Je l’entends bougonner en briquant une soucoupe avec son chiffon: « Ce ne sont pas des consommateurs, ils ne boivent rien ! »
La salle sent le tabac gris et l’eau de Javel. Quelqu’un entre, on quête son salut, on l’interpelle, on lui lance un sourire de connivence, on lui serre la dextre, on le congratule. Ce n’est plus un débit de boissons, mais un club privé, un aréopage de membres cooptés. Carabins d’un côté, sorbonnards de l’autre. Fraternités réunies par amphis, convictions ou goûts musicaux. Presque autant de filles que de garçons. Plus de couples que de polycopiés. La Fourchette, c’est un café où l’on vient draguer.
Un nouveau venu, vite repéré à son air halluciné, fait son apparition. Après avoir balayé la salle du regard, un regard de myope, perdu dans le vague et filtré par de grosses lunettes rectangulaires, il s’approche du trio d’un pas mal assuré, comme s’il marchait dans l’obscurité. Un visage rond, encore enfantin, des cheveux noirs et crépus, il porte une chemise à carreaux fermée jusqu’au col, un pull épais, des mocassins fatigués, nécessitant un bon coup de cirage, et une veste en daim au revers molletonné d’où dépasse de la poche une revue de poésie reconnaissable à sa minceur et à la sobriété de sa couverture. Il tend l’oreille en ouvrant la bouche car il souffre aussi de surdité. Il ne semble connaître personne à part l’éternel railleur de la bande qui lui désigne une chaise et le présente au reste de la tablée.
Pendant un instant, chacun se jauge, se renifle, relève les babines, montre les dents, émet des signes discrets relatifs à son origine sociale et son orientation sexuelle, capte des molécules suspendues dans l’air, filtre des fréquences sonores, guette chez l’autre un geste, un mouvement de tête, une inflexion de voix susceptible de le trahir. Quelques échanges de salutations et de phéromones plus tard, les voilà tous assis. Pour se donner une contenance, l’inconnu sort une pipe et la coince entre ses lèvres sans l’allumer.
Le groupe qu’ils forment à présent suit un schéma assez classique: les deux premiers garçons, le nouvel arrivant et son ami jovial, témoignent de leur empressement pour la fille qui ne cache pas son attirance pour le troisième, en dépit du fait ou peut-être, précisément, parce que celui-ci affecte à son égard une indifférence dont il est malaisé de dire si elle est feinte ou sincère. Impossible à ce stade de deviner que c’est l’outsider qui va remporter la course.
En attendant, ils ont des choses plus austères à discuter. Pour pouvoir s’entretenir en toute tranquillité, ils alimentent le juke-box en pièces de monnaie. Leur conversation se mêle à la voix stridente de Marvin Gaye, puis à celle plus grave de Sarah Vaughan. Des pieds bibopent sur le carrelage. Entre deux disques et avant que le saphir planté au bout du bras en bakélite ne touche le fond du sillon, j’entends parler de peuples frères, de gouvernement impérialiste, de vérité révolutionnaire. « Notre sort est lié au leur, s’écrie le ténébreux qui, visiblement, exerce sur la meute un pouvoir sans partage. Leur violence qui au quotidien nous est étrangère est objectivement la nôtre. Il faut sortir de la passivité et reprendre l’initiative. »

Extraits
« Son personnage était une ombre. Un désir mal défini et menaçant. Deux faisceaux optiques. Deux chemins lumineux dans la nuit. L’homme épie des femmes. Ou plutôt des cibles. Il les tient en joue. Chacune dans son carré. Dans quel but ? À ce stade, ses motifs ne sont pas connus. Jusqu’où est-il prêt à aller ? Ses deux petits hublots lui permettent de gommer la distance qui le sépare de ses proies. Mais va-t-il se contenter d’être deux yeux morts ?
Le voyeur souhaitait-il être vu ? Trouvait-il son plaisir dans son absence, son effacement ou dans le croisement des focales ? Il ne se contentait pas de regarder ses voisines, il voulait exercer sur elles un pouvoir. « Au bout de ses jumelles, elles perdaient leur innocence et modifiaient insensiblement leur comportement ; tels des animaux pris dans le pinceau des phares, leurs gestes s’altéraient, se faisaient gauches, leur visage se crispait, comme si elles subissaient, de mauvais gré, sa volonté à distance. » Plus inquiétant encore, il les actionnait par des fils, pareilles à des marionnettes. Internet et la téléphonie cellulaire n’existant pas encore, il les pêchait à la ligne fixe. Il les harcelait au téléphone. Le texte s’arrêtait, comme les autres, six pages plus tard, au moment où le guetteur s’apprêtait à contacter l’une de ses victimes : « Il lui laissa le temps de sortir de la douche, compta jusqu’à dix, puis fit le numéro. »

« Tout la rattachait au roman noir, à un univers noir, à une littérature qui vise moins à résoudre une énigme qu’à montrer la noirceur de la société. Son rejet de l’ordre établi, son caractère atrabilaire, son pessimisme foncier la portaient naturellement vers des auteurs qui s‘appliquent à dépeindre des villes pourries, des mondes dominés par des salopards, où le héros ne peut compter sur personne et ne vaut en général pas mieux que les autres. Il n’est pas nécessaire d’être un grand spécialiste pour reconnaître dans ses ébauches de textes l’influence des maîtres du genre, des auteurs américains qu’elle adulait comme Dashiell Hammett, David Goodis, James Cain ou Raymond Chandler. »

À propos de l’auteur
Romancier et journaliste, Christophe Boltanski est l’auteur de Minerais de sang, et de La Cache, qui a reçu le prix Femina en 2015. (Source : Éditions Stock)

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Mon père, l’Algérie et un bain forcé

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En deux mots:
Une partie de pêche en compagnie de son père au large de Carqueiranne, l’occasion de dérouler l’histoire familiale, de revenir à l’installation de la famille en Algérie et sur les événements qui ont émaillé le siècle passé.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré) 

Ma chronique:

Mon père, l’Algérie et un bain forcé

En explorant l’histoire familiale, l’auteur revient sur plus d’un siècle d’occupation de l’Algérie par la France et cherche à dresser ainsi sa propre carte d’identité.

Dans un entretien avec Pascal Bourgeais dans le Quotidien La République du Centre, Jean-Marie Blas de Roblès donne une belle définition de son projet. Un retour aux sources, une interrogation sur ses propres racines « cette histoire de Français d’Algérie, de pied-noir, de rapatrié ; j’avais huit ans… Qui était vraiment colon, qui ne l’était pas? Qu’est ce qui s’est passé pendant la guerre d’Algérie, pourquoi ils s’en sont autant voulus? J’avais besoin de tirer ça au clair par rapport à ma propre identité, parce que ça a été compliqué, et ça l’est toujours… Je ne sais pas d’où je suis, en fait: c’est étrange de se vivre juste Méditerranéen… Je ne voulais pas écrire quelque chose de nostalgique; le personnage essaie de se réconcilier avec son père, mais il essaie aussi de réconcilier les Français avec les Algériens… Comme dans la tragédie grecque, il y a un moment où il faut passer par la réconciliation, quelles que soient les horreurs commises des deux côtés, et Dieu sait qu’il y en a eu. Sinon, c’est l’Iliade à jamais… »
Mais une fois explicité le propos, on sait qu’avec l’auteur de L’Île du Point Némo, il faut s’attendre à quelques surprises. Comme par exemple avec cette partie de pêche au large de Carqueiranne qui ouvre ce roman, dense, passionnant, parfois drôle et qui va nous permettre une recréation à la fois de l’histoire familiale et celle du XXe siècle. L’occasion pour nous d’en apprendre beaucoup sur les techniques utilisées, sur la faune marine, mais aussi sur le caractère de ce père que le narrateur tente de cerner.
« Cela fait un certain temps – depuis l’anniversaire de ses quatre-vingt-dix ans – que je tanne mon père pour qu’il se raconte. Une espèce d’urgence à récupérer le plus possible de sa vie, comme si la mienne et celle de mes enfants en dépendaient. Cette urgence même lui déplaît, il y perçoit l’imminence de sa mort, et j’imagine, comme sa précipitation. Par amour pour moi, il se fait violence… »
En fait, c’est depuis 1982 et La mémoire de riz, un recueil de 22 nouvelles qui mettait en scène tout autant de personnages que Jean-Marie Blas de Roblès s’était juré d’y revenir, d’enreichir cette galerie d’anecdotes et de souvenirs pour raconter la saga des Cortès.
On peut, pour cela revenir au mois de juillet 1882, le jour où le grand-père Juanico fête ses quatre ans et qui coïncide avec l’arrivée en Algérie. «Ses parents s’étaient longtemps agrippés à leur terre andalouse» avant de jeter l’éponge en s’imaginant un avenir meilleur de l’autre côté de la Méditerranée. Mais l’acclimatation est tout sauf facile, les affaires ne sont guère florissantes et le couple tangue. Après quelques trafics peu honnêtes, quelques infidélités et un gros coup de blues, voilà Juanico résolu à se suicider dans les toilettes. Ce qui donnera un fiasco de plus…
« Mon père, avait résumé son fils Manuel un soir d’été à Carqueiranne, c’était rien : un joueur de cartes, un gros travailleur et un gros baiseur. Il trompait ma mère avec tout ce qui passait. »
Voilà qui nous conduit début du XXe siècle sur les pas de Manuel, dont le fils tente de recueillir les confidences. Mêlant avec beaucoup d’originalité les épisodes familiaux et historiques, le narrateur va nous offrir un portrait sans doute plus vrai que bien des manuels d’Histoire sur les soubresauts qui ont alors secoué le pays et le monde. « En Algérie, comme ailleurs, le fascisme avait réussi à scinder la population en deux camps farouchement opposés. Les antijuifs d’autrefois adhéraient maintenant aux Croix-de-Feu du colonel de La Rocque, au Parti populaire français de Jacques Doriot, reprenant à leur compte les invectives de Maurras, de Henri Béraud, de Brasillach. »
Un contexte qui ne peut qu’exacerber les tensions, heurter les sensibilités et les opinions, monter les communautés les unes contre les autres. On passe d’une Guerre mondiale à l’autre et l’on découvre à chaque fois les mêmes exactions, les mêmes dérives, les mêmes scènes de viol, de meurtres, d’arbitraire. Comme les cadavres qui reposent sous le jardin public de Bel-Abbès où le narrateur va jouer sans se douter qu’il s’agit en fait un cimetière, il va tenter d’oublier les épisodes les plus noirs de sa campagne d’Italie et sera sauvé par un éclat d’obus à la fesse qui le contraindra à abandonner le front.
S’il a «pas mal morflé», il sera ensuite apte à reprendre le combat lors du débarquement en Provence et traversera la France jusqu’aux contreforts des Vosges. À son retour auprès des siens, le médecin militaire sera un autre homme. Lesté d’un poids douloureux, il sait ce que représente la comptabilité morbide qui, de jour en jour, pousse les deux camps à la surenchère. « Combien de morts en tout? Au 30 juin 1945, l’administration française avait compté avec certitude cent deux Européens tués, cent dix blessés et dix viols. Côté indigène, en revanche, ce fut et c’est toujours une estimation dont l’amplitude varie avec le temps et la volonté de minimiser ou de grossir le nombre des victimes. Entre le « moins de deux mille Arabes » du colonel Goutard et les quarante-cinq mille morts » de l’historiographie officielle algérienne, la réalité se dérobe dans le flou qui sépare ces deux excès de la dissimulation. Plusieurs milliers de victimes, à coup sûr, mais dont le nombre importe peu au regard de ce que son caractère flottant suppose de ratonnades, de mitraillages à vue, d’exécutions sommaires, de fosses communes camouflées, de désintérêt total pour la personne humaine. Un chasseur ne se préoccupe pas, lui non plus, d’identifier chacun des merles qu’il a tués, mais il connaît au moins le chiffre exact de son tableau de chasse. »
Est-ce pour cette raison que Manuel livrera bien des années plus tard cette sentence à son fils jusque là épargné par un conflit qui se rapproche pourtant jour après jour
«– Toi, de toute façon, tu n’as jamais été un vrai pied-noir! »
Mais c’est dans doute l’élément déclencheur de ce beau roman. À l’image de Brigitte Giraud dans Un loup pour l’homme et d’Alice Zéniter avec L’Art de perdre, l’auteur va revenir sur le début des années soixante et sur la fin de la colonisation. Lorsqu’en janvier 1961, peu avant le naissance de sa seconde fille, Manuel décide d’emménager dans une belle villa, il ne se rend pas compte que les événements vont se précipiter. En quelques semaines, tout va basculer. Il faut partir. « La France s’est dédouanée de l’Algérie française en fustigeant ceux-là même qui ont essayé tant bien que mal de faire exister cette chimère. Les pieds-noirs sont les boucs émissaires du forfait colonialiste. Manuel ne voit pas, si profonde est la blessure, que ce poison terrasse à la fois ceux qui l’absorbent et ceux qui l’administrent. La meule a tourné d’un cran, l’écrasant au passage, sans même s’apercevoir de sa présence. Il y aura un dernier pied-noir, comme il y a eu un dernier des Mohicans. »
Avec cette scène poignante du père restant pour liquider les affaires courantes et déléguant la responsabilité à son fils: « C’est toi, dorénavant, l’homme de la maison. Je te confie ta mère et tes sœurs, veille sur elles. Fais honneur à ta famille, fais honneur à notre nom! Un dernier signe de la main, et je me suis retourné pour entrer dans l’avion. Les mots seuls ne parviennent pas à dire les choses, mais il y a des combinaisons possibles, je le sais, qui permettent au moins d’en effleurer le cœur. Comment trouver la bonne pour dire cette pleine conscience, alors, d’avoir vieilli d’un coup, d’être devenu – à huit ans et à jamais – ce que je suis ?»
Je n’en dirais pas davantage afin de vous laisser découvrir les années «françaises» et sonder dans l’épaisseur de la chair ce sensible hommage d’un fils à son père. Je me peremttrai toutefois un souvenir personnel en guise de conclusion. Mon père, qui tenait sans doute ce conseil du sien, nous livrait régulièrement ce conseil: «mets toujours dans la poche de ton pantalon un mouchoir, un couteau et un bout de ficelle. Cela peut te sauver la vie». En refermant ce livre, vous comprendrez combien il ne faut pas prendre les conseils de son père à la légère.

Dans l’épaisseur de la chair
Jean-Marie Blas de Roblès
Éditions Zulma
Roman
384 p., 20 €
EAN : 9782843047992
Paru en août 2017

Où?
Le roman se déroule en Algérie, à Sidi-Bel-Abbès, Oran, Montagnac, Parmentier, Mercier-Lacombe ainsi qu’en France, au large de Carqueiranne, à Cassis, Toulon, Marseille, Grenoble, Luxeuil, Cornimont, Vagney, Bâmont, Saulxures, Mulhouse, Aix-en-Provence, Épinal, Brignoles. On y évoque aussi l’Andalousie et l’Italie, pays que le père du narrateur traverse durant le Seconde guerre mondiale.

Quand?
L’action se situe de 1882 à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
C’est l’histoire de ce qui se passe dans l’esprit d’un homme. Ou le roman vrai de Manuel Cortès, rêvé par son fils – avec le perroquet Heidegger en trublion narquois de sa conscience agitée. Manuel Cortès dont la vie pourrait se résumer ainsi : fils d’immigrés espagnols tenant bistrot dans la ville de garnison de Sidi-Bel-Abbès, en Algérie, devenu chirurgien, engagé volontaire aux côtés des Alliés en 1942, accessoirement sosie de l’acteur Tyrone Power – détail qui peut avoir son importance auprès des dames…
Et puis il y a tous ces petits faits vrais de la mythologie familiale, les rituels du pêcheur solitaire, les heures terribles du départ dans l’urgence, et celles, non moins douloureuses, de l’arrivée sur l’autre rive de la Méditerranée.
Dans l’épaisseur de la chair est un roman ambitieux, émouvant, admirable – et qui nous dévoile tout un pan de l’histoire de l’Algérie. Une histoire vue par le prisme de l’amour d’un fils pour son père.

Les critiques
Babelio 
La Cause littéraire (Sylvie Ferrando)
La République du Centre (Pascal Bourgeais – entretien avec l’auteur)
Salon littéraire (Bertrand du Chambon)
Blog Les petits livres by smallthings
Blog Encres vagabondes


À l’occasion du festival « Étonnants voyageurs » de Saint Malo, Jean-Marie Blas de Roblès présente Dans l’épaisseur de la chair © Production Librairie Mollat

Extrait
« Lui rendre justice demanderait plusieurs tomes d’une patrologie manuscrite – avec des ratures visibles, des reprises, des corrections notariales – comme elle s’est ébauchée dans mon esprit durant ces dernières heures. Non par souci de vérité – cette chose affreuse – mais pour faire mienne sa blessure, coïncider avec elle dans l’épaisseur de la chair ; parce qu’il s’agit d’abord d’entrailles et de terre rouge, d’ivresse de vivre, d’embrasement de l’âme sous la lumière du plein été. »

À propos de l’auteur
Né en 1954 à Sidi-Bel-Abbès, Jean-Marie Blas de Roblès est notamment l’auteur de Là où les tigres sont chez eux (Prix Médicis 2008) et, plus récemment, du très remarqué L’Île du Point Némo. (Source : Éditions Zulma)

Site Wikipédia de l’auteur 

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Dans l’épaisseur de la chair

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Voici cinq bonnes raisons de lire ce livre:
1. Parce que j’ai adoré son précédent roman L’île du Point Némo.

2. Parce que ce roman fait écho à tous ceux qui parlent de la guerre d’Algérie en cette rentrée littéraire 2017, avec cette fois un hommage appuyé d’un fils à son père: « Lui rendre justice demanderait plusieurs tomes d’une patrologie manuscrite – avec des ratures visibles, des reprises, des corrections notariales – comme elle s’est ébauchée dans mon esprit durant ces dernières heures. Non par souci de vérité – cette chose affreuse – mais pour faire mienne sa blessure, coïncider avec elle dans l’épaisseur de la chair ; parce qu’il s’agit d’abord d’entrailles et de terre rouge, d’ivresse de vivre, d’embrasement de l’âme sous la lumière du plein été. »

3. Parce que, comme le souligne Bertrand du Chambon sur L’Internaute, on apprend des tas de choses « en lisant ce roman derechef, puis une troisième fois, je continue d’être séduit par ses réflexions futées sur l’effet placebo en pharmacie, sur l’histoire de la colonisation, sur les Algériens subtilement comparés à des Comanches qui auraient réussi à se débarrasser des colons anglophones, et, comble de finesse, sur le jeu d’échecs.»

4. Parce que les libraires semblent unanimes derrière ce roman, à en juger par l’impressionnante liste de critiques élogieuses publiée par Zulma, son éditeur.

5. Pour le beau travail de construction que l’auteur a lui même expliqué à Pascal Bourgeais : «je passe beaucoup de temps à faire mon plan puis je suis mon plan ! Il peut y avoir des digressions, mais c’est très minime par rapport à la structure générale. Là, je savais exactement le nombre de mes chapitres, à peu près le nombre de pages ; les tableaux que je voulais raconter… Petit à petit, le travail se fait ; j’avance ; on arrive au dernier chapitre. Et la dernière phrase, comme par hasard, a déjà été écrite un an auparavant « Elle est sortie un jour, elle était belle ». »

Dans l’épaisseur de la chair
Jean-Marie Blas de Roblès
Éditions Zulma
Roman
traduit de l’anglais (États-Unis) par
384 p., 20 €
EAN : 9782843047992
Paru en août 2017

Ce qu’en dit l’éditeur
C’est l’histoire de ce qui se passe dans l’esprit d’un homme. Ou le roman vrai de Manuel Cortès, rêvé par son fils – avec le perroquet Heidegger en trublion narquois de sa conscience agitée. Manuel Cortès dont la vie pourrait se résumer ainsi : fils d’immigrés espagnols tenant bistrot dans la ville de garnison de Sidi-Bel-Abbès, en Algérie, devenu chirurgien, engagé volontaire aux côtés des Alliés en 1942, accessoirement sosie de l’acteur Tyrone Power – détail qui peut avoir son importance auprès des dames…
Et puis il y a tous ces petits faits vrais de la mythologie familiale, les rituels du pêcheur solitaire, les heures terribles du départ dans l’urgence, et celles, non moins douloureuses, de l’arrivée sur l’autre rive de la Méditerranée.
Dans l’épaisseur de la chair est un roman ambitieux, émouvant, admirable – et qui nous dévoile tout un pan de l’histoire de l’Algérie. Une histoire vue par le prisme de l’amour d’un fils pour son père.

Les critiques
Babelio 
La Cause littéraire (Sylvie Ferrando)
La République du Centre (Pascal Bourgeais – entretien avec l’auteur)
Salon littéraire (Bertrand du Chambon)
Blog Les petits livres by smallthings
Blog Encres vagabondes


À l’occasion du festival « Étonnants voyageurs » de Saint Malo, Jean-Marie Blas de Roblès présente Dans l’épaisseur de la chair © Production Librairie Mollat

Extrait
« Lui rendre justice demanderait plusieurs tomes d’une patrologie manuscrite – avec des ratures visibles, des reprises, des corrections notariales – comme elle s’est ébauchée dans mon esprit durant ces dernières heures. Non par souci de vérité – cette chose affreuse – mais pour faire mienne sa blessure, coïncider avec elle dans l’épaisseur de la chair ; parce qu’il s’agit d’abord d’entrailles et de terre rouge, d’ivresse de vivre, d’embrasement de l’âme sous la lumière du plein été. »

À propos de l’auteur
Né en 1954 à Sidi-Bel-Abbès, Jean-Marie Blas de Roblès est notamment l’auteur de Là où les tigres sont chez eux (Prix Médicis 2008) et, plus récemment, du très remarqué L’Île du Point Némo. (Source : Éditions Zulma)

Site Wikipédia de l’auteur 

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L’art de perdre

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Voici cinq bonnes raisons de lire ce livre:
1. Parce que j’avais déjà été conquis par Juste avant l’oubli, son précédent roman.

2. Parce que le cinquième roman de la romancière est non seulement en lice pour le Goncourt, le Renaudot et le Femina, mais parce qu’il a déjà été couronné par le Prix littéraire du journal Le Monde, le Prix des Libraires de Nancy et vient de recevoir a déjà reçu le prix Landerneau des lecteurs.

3. Parce que la guerre d’Algérie semble être l’un des thèmes majeurs de cette rentrée. Courrier international n’en a recensé pas moins de neuf!

4. Parce qu’elle aborde son sujet à travers le destin d’une famille française dont le grand-père fut harki (sa propre famille paternelle) et brise ainsi nombre de tabous, de non-dits sur cette guerre d’Algérie fratricide, sans pour autant raviver les conflits, bien au contraire. Comme elle l’explique elle-même: «la fiction peut réconcilier les mémoires sur la guerre d’Algérie beaucoup plus facilement qu’un discours politique ou les livres d’histoire».

5. Parce que Fabienne Pascaud, dans Télérama, nous explique le titre du livre et donne vraiment envie de s’y plonger: « Zeniter décrit en cinq cents pages, tout ensemble violentes et mélancoliques, la progressive réconciliation avec soi. Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître, écrivait joyeusement la poétesse américaine Elizabeth -Bishop (1911-1979). Elle a ¬offert son titre à ce beau livre en mouvement, qui ne s’achève pas vraiment. Conscience à l’affût, Alice Zeniter refuse pensées toutes faites et conclusions faciles. »

L’art de perdre
Alice Zeniter
Éditions Flammarion
Roman
510 p., 22 €
EAN: 9782081395534
Paru en août 2017

Ce qu’en dit l’éditeur
L’Algérie dont est originaire sa famille n’a longtemps été pour Naïma qu’une toile de fond sans grand intérêt. Pourtant, dans une société française traversée par les questions identitaires, tout semble vouloir la renvoyer à ses origines. Mais quel lien pourrait-elle avoir avec une histoire familiale qui jamais ne lui a été racontée ?
Son grand-père Ali, un montagnard kabyle, est mort avant qu’elle ait pu lui demander pourquoi l’Histoire avait fait de lui un « harki ». Yema, sa grand-mère, pourrait peut-être répondre mais pas dans une langue que Naïma comprenne. Quant à Hamid, son père, arrivé en France à l’été 1962 dans les camps de transit hâtivement mis en place, il ne parle plus de l’Algérie de son enfance. Comment faire ressurgir un pays du silence ?
Dans une fresque romanesque puissante et audacieuse, Alice Zeniter raconte le destin, entre la France et l’Algérie, des générations successives d’une famille prisonnière d’un passé tenace. Mais ce livre est aussi un grand roman sur la liberté d’être soi, au-delà des héritages et des injonctions intimes ou sociales.

Les critiques
Babelio 
Culturebox (Anne Brigaudeau)
La Croix (Stéphanie Janicot)
Télérama (Fabienne Pascaud)
Libération (Claire Devarrieux – avec un entretien avec l’auteur)
Le Temps (Eléonore Sulser)
Le Matin d’Algérie (Youcef Zirem)
Le Devoir (Danielle Laurin)
Blog motspourmots.fr (Nicole Grundlinger)
Blog Les livres de Joëlle 
Blog Un dernier livre avant la fin du monde

Les premières pages du livre
« Depuis quelques années, Naïma expérimente un nouveau type de détresse : celui qui vient désormais de façon systématique avec les gueules de bois. Il ne s’agit pas simplement d’un mal de crâne, d’une bouche pâteuse ou d’un ventre tordu et inopérant. Lorsqu’elle ouvre les yeux après une soirée trop arrosée (elle a dû les espacer davantage, elle ne pouvait pas supporter qu’il s’agisse d’une misère hebdomadaire, encore moins bihebdomadaire), la première phrase qui lui vient à l’esprit est: Je ne vais pas y arriver.
Pendant quelque temps, elle s’est demandé à quoi se rapportait cet échec certain. La phrase pouvait évoquer son incapacité à supporter la honte que lui procure chaque fois son comportement de la veille (tu parles trop fort, tu inventes des histoires, tu recherches systématiquement l’attention, tu es vulgaire), ou le regret d’avoir tant bu et de ne pas savoir s’arrêter (c’est toi qui as crié : « Allez, là, oh, on ne va pas rentrer se coucher
comme ça ! »). La phrase pouvait aussi se rattacher au mal-être physique qui la broie… Et puis elle a compris. »

Extrait
« Ils font monter à bord des animaux français, des poules, des moutons, des ânes et des chevaux français. Les chevaux sont absurdes au-dessus des flots, sanglés au ventre, pris aux jambes, entravés et levés comme des caisses, poussant des hennissements, montrant des yeux affolés qui tournoient sur eux-mêmes dans le crâne oblong, la capsule des os.
Ils font monter des chevaux sur le pont, la houle et le roulis les rendent fous. Certains se brisent net la jambe avant. D’autres tombent par-dessus bord. On dirait qu’ils se jettent.
Ils font monter des chevaux.
Ils prennent à bord des meubles français, des plantes en pot dont les fleurs se détachent, des buffets larges comme des automobiles. D’ailleurs, ils chargent aussi des automobiles. Françaises.
Un peu plus tard, ils rapatrieront même des statues, déboulonnées des places devenues algériennes pour gagner l’abri de petits villages de France, où les officiers de l’armée de 1830, figés pour toujours dans une pose de bronze, pourront continuer à saluer bravement, à tendre leur lunette ou à commander leurs soldats invisibles.
Ils font monter des statues.
Mais à des milliers d’hommes à la peau sombre, ils disent – en essayant peut-être de dissimuler dans leur dos les chevaux, les voitures, les buffets et les sculptures: « Ce n’est pas possible ». »

À propos de l’auteur
Alice Zeniter est née en 1986, en Basse-Normandie. Normalienne, elle a enseigné un an en Hongrie et collabore régulièrement à la mise en scène de pièces de théâtre avec la compagnie Pandora. Elle est l’auteur de quatre romans dont le premier, Deux moins un égale zéro, a été publié lorsqu’elle n’avait que 16 ans. Suivront Jusque dans nos bras, publié en 2010 (Albin Michel), est traduit en anglais sous le titre Take This Man, Juste avant l’oubli (2015, Flammarion) et de L’Art de perdre (2017, Flammarion). Elle écrit également pour le théâtre. (Source : Wikipédia)

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La serpe

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Voici cinq bonnes raisons de lire ce livre:
1. Parce que Philippe Jaenada semble se spécialiser dans l’exploration de faits divers aussi sinistres que mystérieux. Après l’affaire Dubuisson qu’il a recréée dans La petite femelle en 2015, voici le triple meurtre commis à la serpe dans un château du Périgord en 1941.

2. Parce que le personnage au centre de cette histoire n’est pas un inconnu pour les amateurs de littérature. Ce fonctionnaire du Quai d’Orsay qui répond au nom d’Henri Girard est l’auteur, sous le pseudonyme de Georges Arnaud, du roman Le salaire de la peur qui trouvera dans son adaptation cinématographique une très large audience.

3. Parce que, autour de la personnalité d’Henri Girard, c’est un pan de l’histoire de France qui est ici placée sous les feux de la rampe, celui l’Occupation puis de la guerre d’Algérie. Une période durant laquelle la justice était aussi rendue d’une manière particulière.

4. Parce que les 648 pages de cet ouvrage très dense et très détaillé s’appuient sur une très solide documentation, ne laissant aucun des aspects de ce triple homicide dans l’ombre. Une fois plongé dans l’histoire, le lecteur ne lâchera plus le récit, car il lui offre la possibilité de se faire son intime conviction. Parions que les tenants de l’innocence d’Henri Girard trouveront sur leur route une cohorte de lecteurs qui opteront pour sa culpabilité. La démonstration sera alors faite que la vérité n’est pas aisée à établir.

5. Parce que les mœurs du monde de l’édition parisienne de l’époque nous sont aussi révélés. Un aspect qui intéressera sans doute d’abord les grands lecteurs curieux de savoir comment se construisent les livres, mais que je trouve passionnant.

La serpe
Philippe Jaenada
Éditions Julliard
Roman
648 p., 23 €
EAN : 2260029396
Paru en août 2017

Ce qu’en dit l’éditeur
Un matin d’octobre 1941, dans un château sinistre au fin fond du Périgord, Henri Girard appelle au secours : dans la nuit, son père, sa tante et la bonne ont été massacrés à coups de serpe. Il est le seul survivant. Toutes les portes étaient fermées, aucune effraction n’est constatée. Dépensier, arrogant, violent, le jeune homme est l’unique héritier des victimes. Deux jours plus tôt, il a emprunté l’arme du crime aux voisins. Pourtant, au terme d’un procès retentissant (et trouble par certains aspects), il est acquitté et l’enquête abandonnée. Alors que l’opinion publique reste convaincue de sa culpabilité, Henri s’exile au Venezuela. Il rentre en France en 1950 avec le manuscrit du Salaire de la peur, écrit sous le pseudonyme de Georges Arnaud.
Jamais le mystère du triple assassinat du château d’Escoire ne sera élucidé, laissant planer autour d’Henri Girard, jusqu’à la fin de sa vie (qui fut complexe, bouillonnante, exemplaire à bien des égards), un halo noir et sulfureux. Jamais, jusqu’à ce qu’un écrivain têtu et minutieux s’en mêle…
Un fait divers aussi diabolique, un personnage aussi ambigu qu’Henri Girard ne pouvaient laisser Philippe Jaenada indifférent. Enfilant le costume de l’inspecteur amateur (complètement loufoque, mais plus sagace qu’il n’y paraît), il s’est plongé dans les archives, a reconstitué l’enquête et déniché les indices les plus ténus pour nous livrer ce récit haletant dont l’issue pourrait bien résoudre une énigme vieille de soixante-quinze ans.

Les critiques
Babelio
La Croix (Sabine Audrerie)
Libération (Claire Devarrieux)
Télérama (Christine Ferniot)
Blog Cultur’Elle (Caroline Doudet)
Blog La règle du jeu (Christine Bini)
Blog L’Albatros (Nicolas Houguet)


Philippe Jaenada vous présente «La serpe» © Production Librairie Mollat

Les premières pages du livre:
« Quelle malchance ! s’écria Claude. »
Je n’aurais pas mieux dit. J’ai quitté le périphérique depuis vingt secondes, léger, enthousiaste, excité comme un marmot à l’idée de ce que je vais chercher à cinq cents kilomètres de Paris, ce samedi 15 octobre, et je suis à peine entré sous le tunnel sale de l’embranchement vers l’autoroute, après la porte d’Italie, qu’un voyant rouge s’allume sur le tableau de bord de la Mériva que j’ai louée ce matin. Pour que le stress causé par l’imprévu soit légèrement accentué par l’inconnu, je ne comprends pas le sens du symbole qui s’affiche : j’opinerais du chef, OK, je vois le problème, face à une burette d’huile ou à un petit thermomètre, mais là, c’est un point d’exclamation entre parentèses : (!). Comme si on prenait des précautions pour me prévenir, discrètement, presque timidement : on ne veut pas vous affoler, mais faites très attention.
Ce point d’exclamation est souligné d’un trait cranté, crénelé, genre semelle de Pataugas ou, si je regarde bien, une sorte de ligne brisée (je pile à dix centimètres du pare-chocs arrière de la voiture jaune qui me précède, mon cœur est projeté vers l’avant – ça freine toujours, sous ce tunnel), ce qui donne l’impression avec les parenthèses sur les côtés, qu’il est à l’intérieur d’un chaudron sur le feu. Ce n’est pas plus rassurant. J’ai quitté Paris depuis trois cents mètres et une image m’apparaît en tête : j’ai été capturé par des cannibales qui me font cuire.
Hier soir, j’ai dîné avec ma femme et notre fils, Anne-Catherine et Ernest, dans un nouveau restaurant de notre quartier, genre bobo : dernier repas de famille avant mon départ seul, vers le Périgord, vers une vieille et mystérieuse histoire. Nous nous sommes demandé si ce n’était pas la première fois depuis la naissance d’Ernest, il y a seize ans, que je louais une voiture sans eux. Sans doute. Nous partons deux ou trois fois par an, en Alsace dans la famille d’Anne-Catherine ou dans la mienne du côté d’Aix en Provence, au ski en Haute-Savoie, en Italie l’été, toujours tous les trois, ensemble et insouciants.
Près de notre table en formica bleu, dans ce restaurant, une étagère présentait, en décoration je suppose, une trentaine de livre de la « Bibliothèque rose » et quelques-uns de la « verte ». J’ai tendu le bras pour en prendre un dans la rangée, rose : Le Club des cinq en roulotte d’Enid Blyton. Enide Bliton, ça remonte. Le hasard une aventure en roulotte, la veille de mon voyage dans le temps – en Meriva. (Quand Ernest avait huit ou neuf ans j’ai essayé de lui faire Le Club des cinq, il n’a pas aimé. A mi-lecture, il m’a dit, un peu embarrassé, craignant de me décevoir, que c’était bien, pas mal quoi, mais que ce qui l’ennuyait, c’est qu’il ne se passait rien. Etonné, j’ai feuilleté le livre, vite fait, et ça m’est revenu : c’est vrai, en général, dans Le Club des cinq, les trois premiers quarts du roman, il ne se passe rien. »

À propos de l’auteur
Philippe Jaenada est né en 1964. Il a publié chez Julliard Le Chameau sauvage (prix de Flore 1997 et prix Alexandre-Vialatte), adapté au cinéma par Luc Pagès sous le titre À + Pollux ; Néfertiti dans un champ de canne à sucre (1999) ; La Grande à bouche molle (2001); chez Grasset, Le Cosmonaute (2002), Vie et mort de la jeune fille blonde (2004), Plage de Manaccora, 16 h 30 (2009), et La Femme et l’Ours (2011). Son précédent roman, Sulak (Julliard, 2013), a reçu, entre autres, le Prix d’une vie 2013 (décerné par Le Parisien Magazine) et le Grand Prix des lycéennes de ELLE en 2014. (Source : Éditions Julliard)

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Un loup pour l’homme

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Voici cinq bonnes 5 raisons de lire ce livre:
1. Parce qu’il semble bien que la Guerre d’Algérie soit l’un des thèmes majeurs de cette rentrée avec également L’art de perdre d’Alice Zeniter (Flammarion) et Nos richesses de Kaouther Adimi (le Seuil).

2. Parce qu’Un loup pour l’homme aborde la Guerre d’Algérie d’une manière très originale. Comme le raconte la romancière à L’Express «J’ai voulu écrire à la hauteur d’Antoine, raconte l’auteure. Il sait uniquement ce que les militaires veulent bien lui dire (‘Vous êtes là pour le seul maintien de l’ordre’). Puis, petit à petit, il comprend que lui et ses camarades sont manipulés et qu’il s’agit d’un véritable conflit. » Il est là, le sel de ce roman: Brigitte Giraud réussit à se glisser dans la peau de ces jeunes Français, partagés entre leur conscience, la peur des bombes et l’excitation née de cette émancipation accélérée, loin de la France morne et endormie. »

3. Parce que Brigitte Giraud prend son temps pour peaufiner ses livres, publiant tous les deux ans des romans qui valent le détour tels que Une année étrangère en 2009 (Prix du jury Jean Giono), Pas d’inquiétude en 2011, Avoir un corps en 2013 et Nous serons des héros en 2015.

4. Parce qu’il figure dans la sélection du Prix Goncourt 2017 en compagnie d’autres poids lourds de cette rentrée.

5. Pour cette critique élogieuse de Norbert Czarny: « Ce roman entrelace les morts, les unit, montre ce qui les rassemble dans une même horreur, écrite avec toute la distance que peut donner un présent. Brigitte Giraud est une écrivaine des verbes. Il semble que rien ni personne ne s’arrête jamais. Les temps morts, les moments d’ennui, de réclusion dans le silence et l’attente, ne laissent pas en paix. Seule, peut-être, une virée à Oran et une baignade dans cette mer si apaisante semble arrêter le temps. Mais la trêve est brève. »

Un loup pour l’homme
Brigitte Giraud
Éditions Flammarion
Roman
250 p., 19 €
EAN : 9782081389168
Paru en août 2017

Ce qu’en dit l’éditeur
Printemps 1960.
Antoine est appelé pour l’Algérie au moment où Lila, sa toute jeune femme, est enceinte. Il demande à ne pas tenir une arme et se retrouve infirmier à l’hôpital militaire de Sidi-Bel-Abbès. Ce conflit, c’est à travers les récits que lui confient jour après jour les « soldats en pyjama » qu’il en mesure la férocité. Et puis il y a Oscar, amputé d’une jambe et enfermé dans un mutisme têtu, qui l’aimante étrangement. Avec lui, Antoine découvre la véritable raison d’être de sa présence ici : « prendre soin ». Rien ne saura le détourner de ce jeune caporal, qu’il va aider à tout réapprendre et dont il faudra entendre l’aveu. Pas même Lila, venue le rejoindre.
Dans ce roman tout à la fois épique et sensible, Brigitte Giraud raconte la guerre à hauteur d’un « appelé », Antoine, miroir intime d’une génération embarquée dans une histoire qui n’était pas la sienne. Ce faisant, c’est aussi la foi en la fraternité et le désir de sauver les hommes qu’elle met en scène.

Brigitte Giraud sera présente
– Au Livre sur la Place, à Nancy du 8 au 10 septembre
– À la deuxième édition du Forum Fnac Livres se déroulera du 15 au 17 septembre, dans la Halle des Blancs Manteaux à Paris
– Au Festival « Les Correspondances », du 22 au 24 septembre, à Manosque

Les critiques
Babelio
En attendant Nadeau (Norbert Czarny)
Blog Baz’Art 
Blog La page déchirée

Les premières pages du livre
« Mars 1960
Le médecin parcourt la lettre que lui tend Lila et considère les analyses de sang. Il reste distant, inaccessible derrière ses verres épais. Puis il demande pourquoi cette décision. C’est abrupt et tranchant. Lila fait un début de phrase bancal, celui qu’elle
a préparé durant tout le voyage. Le médecin ne voit aucune raison d’interrompre la grossesse. Elle est en parfaite santé, elle est jeune. Il fait celui qui ne veut pas comprendre. Lila répète que son mari est appelé pour l’Algérie. Mais le médecin ne regarde pas Antoine, cela est déconcertant. Il ne s’adresse qu’à la future mère comme si elle était la seule concernée, comme si Antoine n’était qu’un accompagnateur. Il n’est pas dans le tempérament d’Antoine de prendre une parole qui ne lui est pas donnée, alors il demeure silencieux, presque honteux. Il ne vient pas au secours de Lila et on peut parier qu’elle lui en voudra. »

Extrait
« Antoine espère que Sidi-Bel-Abbès n’est pas trop loin de la mer, il en est encore à avoir des désirs de vacancier, il n’a pas vraiment admis qu’il servirait l’armée, et que la mer il ne la verra plus de la même façon. On ne leur a pas dit, ils comprendront d’eux-mêmes, ce n’est pas compliqué d’interpréter les signes. Il aimerait juste envoyer des cartes postales à ses parents. Il ne se rappelle pas leur avoir jamais écrit, excepté pendant l’évacuation de l’année 1944 depuis ses montagnes à vaches. La paysanne chez qui il logeait lisait son courrier, alors il avait inventé une existence fictive, où tout allait bien. À huit ans, il avait déjà une double vie. Alors à vingt-trois, il
peut tout se permettre, il sait cela d’instinct. Antoine a dans la tête le visage de Lila et sa silhouette plantée sur le quai du départ. Il fait des débuts de lettre, il cherche le ton avec lequel il racontera son arrivée. Tout est allé trop vite. Il voudrait inventer une mesure entre l’accablement et l’excitation. Il aimerait trouver les mots pour dire la traversée, mais il aimerait du beau pour Lila, garder le beau ou l’idée qu’il s’en fait. Il ne sait pas encore qu’on peut écrire des lettres avec de la sidération et même de l’effroi. Il n’en est pas encore là. »

À propos de l’auteur
Brigitte Giraud est née à Sidi-Bel-Abbès. Elle est l’auteure de nombreux romans traduits dans une douzaine de langues et largement récompensés, tels que À présent (Stock, 2001, mention spéciale du prix Wepler), L’amour est très surestimé (Stock, 2007, Bourse Goncourt de la nouvelle 2007) et Une année étrangère (Stock, 2009, prix Jean Giono). Un loup pour l’homme, paru en août 2017, est son neuvième roman. (Source : Éditions Flammarion)

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Les sœurs Ferrandon

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En deux mots
De retour à Belle étoile, Gérard Glatt déroule les années cinquante et soixante marquées par la rivalité des deux sœurs Ferrandon, la Guerre d’Algérie et ses suites ainsi que les transformations qu’entrainent les Trente Glorieuses. Ce roman touche au corps et au cœur.

Ma note
etoileetoileetoile (beaucoup aimé)

Les Sœurs Ferrandon
Gérard Glatt
Presses de la Cité, coll. Terres de France
Roman
496 p., 21 €
EAN : 9782258143395
Paru en janvier 2017

Où?
Le roman se déroule principalement en Auvergne, près des monts du Forez, à Valliergue. Sont également évoquées les localités de Martres-de-Veyre, Saint-Pierre-la-Bourlhonne, Ambert, Thiers, Clermont-Ferrand. Le second point d’ancrage se situe en Algérie, après un Séjour à Cran-Gevrier, Annecy et une traversée Marseille-Alger, notamment en Kabylie, à Tabarourt, Bouzeguène, à Bab Orb, Bad Sulza, Tizi Ouzou. Enfin, une partie des protagonistes se retrouve à Paris.

Quand?
L’action se situe durant la décennie allant de 1955 à 1965.

Ce qu’en dit l’éditeur
Près de vingt ans de la vie de Marguerite et Renée Ferrandon. Le souvenir de la tragédie familiale a lié à jamais, dans le silence, la douleur et l’incompréhension, les deux sœurs que pourtant tout oppose. Une suite indépendante de Retour à Belle Etoile.
Elles ont grandi dans la beauté sereine du domaine Ferrandon, entre landes et prairies, non loin des monts du Forez. A dix ans déjà, Marguerite assurait les tâches ingrates de la ferme familiale quand Renée préférait rester dans le giron de sa grand-mère. Avec sa nature autoritaire, l’aînée reprend, de droit, l’exploitation du domaine ; la cadette suivra son mari et mènera une toute autre vie à Paris.
Elles n’ont rien en commun, les sœurs Ferrandon, si ce n’est le souvenir, depuis ce jour de 1953, du petit frère Paulin sur les berges de la Dore. Une cruelle absence. Un trop lourd secret?
Un secret gardé par Jean Chassaigne, l’homme qui vit dans le cœur des deux sœurs…

Ce que j’en pense
J’avais placé Retour à Belle étoile sous l’égide de Sénèque, «une des plus belles qualités d’une véritable amitié est de comprendre et d’être compris». Avec ce second volume qui peut à la fois se lire comme une suite, mais aussi indépendamment, c’est dans Sophocle que l’on peut trouver la dimension tragique de ce récit. Dans Philoctète, le dramaturge grec écrit «la guerre ne veut pas d’un vaurien; c’est toujours les braves qu’elle choisit!». Dans Œdipe-Roi, il poursuit «Or il n’est peines plus amères que celles que l’on a voulues.» Enfin dans Electre, il nous livre ce qui pourrait être la conclusion de ce fort volume : «Le temps est le dieu qui aplanit tout.»
Nous revoici donc dans cette région des monts du Forez, au moment où l’on panse encore les plaies de la Seconde Guerre mondiale. Car tous les comptes n’ont pas encore été apurés, tous les secrets et toutes les trahisons n’ont pas été dévoilés. L’inimitié entre Marguerite Ferrandon et son voisin Jean Chassaigne date aussi de cette époque, alors que tous deux étaient à l’école primaire, et reste tenace. Pourtant la jeune fille aurait fait un beau parti.
Du coup, c’est sa sœur Renée qui va se rapprocher de son beau voisin. La promesse d’un beau mariage permettra peut-être d’oublier quelques temps un autre drame resté très vif, celui de la perte de Paulin, le jeune frère de Renée et Marguerite qui s’est noyé à quelques encablures du domaine et dont la perte reste très douloureuse… pour Renée qui adulait son petit frère et pour Marguerite, l’aînée, qui trouvait pourtant que ce petit frère lui volait la vedette, n’hésitant jamais à faire une remarque insidieuse, à le brimer.
C’est dans ce contexte que le service des armées va se rappeler au bon souvenir de la famille Chassaigne. Jean est convoqué pour l’Algérie. Alors qu’à Paris les gouvernements se succèdent les uns aux autres, incapables de régler le problème Jean bénéficie d’une première permission. L’occasion de revoir sa famille et son aimée, avant de repartir au feu. Et tandis que René Coty fait appel à De Gaulle pour s’occuper de la question, la situation devient de plus en plus délicate sur le terrain.
À la veille de se seconde permission, Jean est pris dans une embuscade et va prendre une balle. « Une balle rageuse que Jean n’aurait pas plus mérité de recevoir que n’importe quel autre appelé du 27e BCA. Une balle gratuite, comme toutes les balles, assez précise, destinée à tuer, et il s’effondrerait de tout son long, le visage bientôt en sang, englué dans une boue épaisse. »
Un peu de chance dans son malheur viendra du chirurgien chargé d’opérer le jeune homme, qui voit dans les yeux de la victime le visage de son propre fils décédé et choisit de le prendre sous son aile protectrice.
Si Jean avait jusque là imaginé faire sa vie au Domaine, il lui faut réviser ses plans. Aux côtés de Renée, il part pour Clermont-Ferrand, obtient son bac tandis que sa femme obtient un certificat de licence en lettres modernes.
Gérard Glatt, en retraçant le quotidien des familles Chassaigne et Ferrandon, réussit le joli tout de force de nous faire comprendre quelles sont alors les failles qui secouent le pays. Entre une agriculture en mutation, le respect de valeurs ancestrales, le cercle de famille qui reste le creuset sur laquelle on forge son destin d’une part et l’aspiration à la modernité, une migration vers la ville, voire vers la capitale et l’envie de «faire carrière» d’autre part. Entre les manuels et les intellectuels, entre les campagnes et la ville, le fossé va se creuser. Entre incompréhension et jalousie, entre secrets de famille et volonté d’émancipation.
Les Sœurs Ferrandon avec leurs contradictions et leurs destins contraires sont du reste comme les frères Chassaigne les personnages qui incarnent, dans leur corps autant que dans leur cœur, ces courants contradictoires.
Avec beaucoup de sensibilité et un joli sens du romanesque, l’auteur démontre que nous avons tous quelque chose de Belle étoile en nous. C’est pourquoi ce roman nous touche. C’est pourquoi on imagine déjà une trilogie.

Autres critiques
Babelio
Blog Encres vagabondes (Serge Cabrol)
Blog Les lectures de Martine

Les premières pages du livre

A propos de l’auteur
Gérard Glatt est né en 1944, à Montgeron, quelques semaines avant la Libération.
Pour étrange que ce soit, ses premiers bonheurs, c’est la maladie qui les lui offre, à l’âge de sept ans, quand une mauvaise pleurésie le cloue au lit des mois et des mois. Il découvre la lecture, et cette collection fameuse du Petit Livre d’Or.
Pendant ses études secondaires à Paris, Gérard Glatt a pour professeurs l’écrivain Jean Markale, spécialiste de la littérature celtique, puis René Khawam, orientaliste renommé et traducteur des Mille et Une Nuits. A la même époque, il rencontre Roger Vrigny – l’année où celui-ci reçoit le prix Femina – et Jacques Brenner, alors éditeur chez Julliard. L’un et l’autre, qui connaissent bien « le besoin d’écrire », l’encouragent à poursuivre ses débuts littéraires : il leur a déjà soumis plusieurs textes.
Quelques années plus tard, après de fastidieuses études de droit, il entre dans l’administration des Finances où il fait connaissance de Pierre Silvain, sans doute l’une des plus fines plumes contemporaines. Pierre Silvain le soutient à son tour. En 1977, son premier roman, Holçarté, est publié chez Calmann-Lévy où il retrouve Roger Vrigny, devenu directeur littéraire. En 1981, aux éditions Hachette, sortent les Contes du Pays Basque, puis il collabore à la revue Europe. Il quitte alors l’administration pour prendre la direction d’un cabinet de conseil en commerce extérieur. Aujourd’hui, Gérard Glatt s’est retiré pour ne plus se consacrer qu’à l’écriture. Il partage son temps entre la région parisienne et la Bretagne. Auteur d’une dizaine d’ouvrages, il publie aux Presses de la Cité Retour à Belle Etoile et Les Sœurs Ferrandon.

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De nos frères blessés

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De nos frères blessés
Joseph Andras
Actes Sud
Roman
144 p., 17 €
ISBN: 9782330063221
Paru en mai 2016

Où?
Le roman se déroule principalement en Algérie, à Alger, Cherchell, Tipaza et à Paris, avec l’évocation de quelques endroits où ont vécu Fernand et son épouse: Annet-sur-Marne, Lagny, Chartres ou encore Dolany, en Pologne et Lausanne, en Suisse.

Quand?
L’action se situe de 1956 à 1957, avec des évocations qui remontent jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Ce qu’en dit l’éditeur
Alger, 1956. Fernand Iveton a trente ans quand il pose une bombe dans son usine. Ouvrier indépendantiste, il a choisi un local à l’écart des ateliers pour cet acte symbolique : il s’agit de marquer les esprits, pas les corps. Il est arrêté avant que l’engin n’explose, n’a tué ni blessé personne, n’est coupable que d’une intention de sabotage, le voilà pourtant condamné à la peine capitale.
Si le roman relate l’interrogatoire, la détention, le procès d’Iveton, il évoque également l’enfance de Fernand dans son pays, l’Algérie, et s’attarde sur sa rencontre avec celle qu’il épousa. Car avant d’être le héros ou le terroriste que l’opinion publique verra en lui, Fernand fut simplement un homme, un idéaliste qui aima sa terre, sa femme, ses amis, la vie – et la liberté, qu’il espéra pour tous les frères humains.
Quand la Justice s’est montrée indigne, la littérature peut demander réparation. Lyrique et habité, Joseph Andras questionne les angles morts du récit national et signe un fulgurant exercice d’admiration.

Ce que j’en pense
***
Ceux qui suivent l’actualité littéraire n’ont guère pu manquer la vague médiatique déclenchée après l’attribution du Goncourt du premier roman à Joseph Andras, alors même que ce roman n’était pas encore publié. Les premiers commentaires sur cette «curieuse pratique» ont vite été oubliés par la publication de la lettre du lauréat qui refusait ce prix pourtant prestigieux.
L’occasion d’une nouvelle série de commentaires qui précédèrent la polémique initiée par Pierre Assouline qui voyait en Joseph Andras un nouveau Romain Gary / Émile Ajar, soupçonnant la discrétion et la retenue du romancier de camoufler une supercherie. L’écume de cette vague médiatique étant aujourd’hui retombée, on peut en revenir à l’essentiel, le roman lui-même.
Il s’ouvre à la fin de l’année 1956, au moment où Fernand Iveton s’apprête à déposer une bombe dans l’usine de gaz qui l’emploie. Ce militant communiste a trouvé là le moyen de participer à la lutte, de faire acte de résistance, sans toutefois chercher à tuer, ni même à user de violence : « Pas de morts, surtout pas de morts. Mieux vaut le petit local abandonné où personne ne va jamais. Matahar, le vieil ouvrier avec sa tête moutarde en papier froissé, lui a donné la clé sans le moindre doute – juste pour faire une petite sieste, Matahar, je te la rends demain, tu dis rien aux autres, promis? Le vieux n’avait qu’une parole, jamais je dirai rien à personne, Fernand, tu peux dormir sur tes deux oreilles. Il sort la clé de sa poche droite, la tourne dans la serrure, regarde furtivement derrière lui, personne, il entre, ouvre le placard, pose le sac de sport sur l’étagère du milieu, referme, un tour de clé. »
Cette bombe n’explosera pourtant jamais, car Fernand a été trahi. À peine son forfait commis, ils est arrêté par une escouade de policiers et militaires : « Ils sont quatre, peut-être cinq – l’idée ne lui vient pas de les compter. Plus loin, le contremaître Oriol faisant mine de, mais tout de même, sa petite bouche de salaud s’efforçant de ne pas sourire, de ne rien divulguer, sait-on jamais, les communistes ont l’art des représailles à ce que l’on rapporte ici et là. Trois soldats arrivent, des premières classes de l’armée de l’air sans doute appelés à la rescousse. On a bouclé l’usine et fouillé partout, on n’a trouvé qu’une seule bombe pour le moment, dans un sac vert à l’intérieur d’un placard, assure l’un d’eux. »
L’interrogatoire qui suit rappelle les heures sombres qui ont «normalisé» la torture, les arrestations arbitraires, voire les homicides «involontaires».
Seulement voilà, le colonisateur peut se targuer d’apporter avec lui les valeurs de la démocratie, au premier rang desquelles figure l’Etat de droit et le procès équitable. Comme il n’y a eu ni dégâts, ni décès, l’affaire semble entendue. La justice sera rendue.
Avec une plume alerte, mais loin de toutes fioritures, Joseph Andras raconte les jours qui suivent l’incarcération, l’inculpation, l’instruction qui a conduit à la condamnation à mort de Fernand Iveton, seul Européen à avoir subi ce sort funeste durant la guerre d’Algérie. François Mitterrand, alors Garde des Sceaux, Guy Mollet, alors Président du Conseil et René Coty, alors Président de la République n’interviendront pas dans cette décision rendue par un tribunal militaire. S’il semble que le premier nommé a par la suite regretté son attitude – peut-être même que son aversion future pour la peine de mort vient de là – les autres acteurs de ce drame sont restés droits dans leurs bottes.
J’entends déjà les voix qui rétorqueront qu’il faut se reporter à l’époque, qu’au moment où les attentats du FLN vont se multiplier, il fallait bien se défendre, voire faire un exemple. Il n’en reste pas moins que Joseph Andras n’a eu qu’un seul tort, celui d’avoir compris avant les autres la marche de l’histoire…
Pour lui, pour son épouse Hélène qui n’a pas ménagé sa peine pour le secourir, pour ses parents et amis, pour ses camarades de combat, ce roman sonne comme un premier acte de réhabilitation. Alors tant mieux, si on en parle autant, même si ce n’est pas toujours pour les meilleures raisons !

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Les quinze premières pages du livre

Extrait
« La bombe, enculé, parle ! Les électrodes ont été placées sur le cou, au niveau des muscles sternocléidomastoïdiens. Fernand hurle. Il ne reconnaît pas ses propres cris. Parle ! Le courant électrique brûle la chair. Le derme est atteint. On arrête dès que tu nous dis. Djilali et Jacqueline arrivent sur la place. Quelques bonnes sœurs passent près d’un vieil homme barbu en turban qu’un autre, plus jeune, arabe lui aussi mais en costume bistre, aide à traverser tant il avance lentement, tremblant de toutes ses années sur sa canne. Cacophonie des automobiles et des trolleybus, un conducteur peste et tape du plat de la main sur la portière de son véhicule, des gamins jouent au ballon sous un palmier, une femme en haïk porte un enfant en bas âge enfoui dans ses bras. Le couple ne dit rien mais tous deux le notent : on ne compte plus les cars de Compagnies républicaines de sécurité dans les rues. Les premiers attentats revendiqués par le FLN ont mis la ville à cran, c’est peu de le dire. Personne n’ose encore la nommer mais elle est bien là, la guerre, celle que l’on dissimule à l’opinion sous le doux nom d’événements. Fin septembre, les explosions du Milk-Bar et de La Cafétéria, rue Michelet, et puis, il y a deux jours, la gare d’Hussein-Dey, le Monoprix de Maison-Carrée, un autocar, un train sur la ligne Oujda-Oran et deux cafés à Mascara et à Bougie… Jean habite rue Burdeau. Djilali glisse à l’oreille de Jacqueline qu’il est préférable qu’elle entre seule, en premier, afin qu’il puisse surveiller ses arrières. Elle pousse la porte avec son sac de provisions. Il regarde autour de lui, rien de suspect, aucun policier. Ouvrez ! »

Page Wikipédia du roman

À propos de l’auteur
Né en 1984, Joseph Andras vit en Normandie. Il séjourne régulièrement à l’étranger. De nos frères blessés est son premier roman. (Source : Éditions Actes Sud)

Page Wikipédia de l’auteur

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