Aryennes d’honneur

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En deux mots
À partir d’une photographie dérobée alors qu’il était enfant et représentant deux femmes, le narrateur va reconstituer leur vie et découvrir qu’elles étaient Aryennes d’honneur, c’est-à-dire de confession juive, mais protégée par le régime de Vichy. Un statut particulier qui n’empêchera pas les souffrances durant et après la guerre.

Ma note
★★★ (bien aimé)

Ma chronique

Juives et protégées par Pétain

En explorant cette page oubliée de l’Histoire de la seconde Guerre mondiale – celles des personnalités juives bénéficiant d’un statut particulier – Damien Roger nous offre un roman bouleversant et pose des questions éthiques vertigineuses.

La clé de ce roman est un courrier adressé par le maréchal Pétain aux autorités allemandes leur demandant d’octroyer un statut particulier à deux personnes:
«1) Mme de Chasseloup-Laubat, née Marie-Louise, Fanny, Clémentine Thérèse Stern, née à Paris, le 4 février 1870. Mlle Stern a épousé le 21 juillet 1900 à la mairie du 8° le marquis Louis de Chasseloup-Laubat, aryen, ingénieur civil. La marquise de Chasseloup-Laubat s’est convertie au catholicisme Le 21 août 1900, a eu trois enfants, tous mariés : la Princesse Achille Murat, le Comte François de Chasseloup-Laubat, la Baronne Fernand de Seroux
2) Mme de Langlade, née Lucie Ernesta Stern (20 octobre 1882), sœur de la Marquise de Chasseloup-Laubat. Lucie Stern a épousé le 11 avril 1904 Pierre Girot de Langlade, aryen. Elle s’est convertie au catholicisme le 17 juin 1911. De ce mariage est issu un fils, Louis de Langlade, agriculteur.» Ce sont ces personnes dispensées du port de l’étoile jaune et bénéficiant d’un statut particulier qu’on appela les Aryennes d’honneur et dont le narrateur va reconstituer l’histoire.
Un sujet qui s’est quasiment imposé à lui, car il a croisé enfant la Marquise de Chasseloup-Laubat. Durant ses vacances, qu’il passait dans la loge de concierge de sa tante rue de Constantine dans le VIIe arrondissement, il avait été chargé par cette dernière, lui qui n’avait habituellement pas accès aux étages, de porter une panière de linge à la vieille dame. Impressionné par le faste de cet appartement, il avait profité de la courte absence de la marquise pour empocher une photo posée sur un guéridon. Un souvenir qu’il a déposé dans sa boîte à secrets, mais qui l’a longtemps tourmenté, rongé par un fort sentiment de culpabilité.
C’est bien des années plus tard, au moment de vider l’appartement, qu’il a retrouvé cette photo. Et encore plus tard qu’il a entendu parler des Aryennes d’honneur que l’on voyait sur le cliché.

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Il s’est alors senti investi de la mission de reconstituer la vie de la marquise et de sa sœur.
Le travail de généalogiste n’aura pas été trop compliqué, la famille Stern faisant partie des 200 familles, ces dynasties qui régnaient alors sur le monde des affaires. Venue d’Europe de l’Est au XIXe siècle, les Stern ont construit un empire de la finance florissant dont Lucie et sa sœur Marie-Louise sont les héritières.
À l’issue de la Première Guerre mondiale, elles font la connaissance du héros national, le vainqueur de Verdun, le Maréchal Pétain. Elles se lient aussi d’amitié avec Annie, son épouse. Une amitié qui ne se délitera pas au fil des années.
Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, elles choisissent de ne pas quitter Paris, pourtant conscientes des dangers qui menacent les juifs. Elles ont notamment été édifiées par un voyage à Berlin à la veille du conflit. Mais fortes de la fameuse recommandation de Pétain, elles n’ont pas estimé être en danger.
Damien Roger fait alors d’abord un travail d’historien et, fort bien documenté, raconte la drôle de guerre, l’arrivée des Allemands et le repli du gouvernement à Vichy, la collaboration et le durcissement des politiques anti-juives avec le soutien des autorités françaises. Il montre aussi que malgré leur sauf-conduit la nasse va se refermer sur les deux femmes. Mais le drame subi durant l’Occupation ne va pas s’arrêter à la libération. Alors il va falloir se justifier, expliquer cette collusion avec l’ennemi.
La plume du romancier fait ici merveille pour nous plonger dans les tourments de Marie-Louise face aux quolibets et aux injures, alors qu’elle espère retrouver sa sœur envoyée dans les camps de la mort. Dans ce Paris qui se défoule avec l’épuration la justice prend souvent la figure d’une vengeance aveugle.
En tournant cette page méconnue de l’Histoire Damien Roger se garde bien de prendre parti. Il s’en tient aux faits, laissant au lecteur le soin de se faire une opinion. Après Le bureau d’éclaircissement des destins de Gaëlle Nohant, voici le second ouvrage qui nous replonge dans cette période ô combien trouble de notre histoire. Et démontre avec éclat, au moment où nos regards se tournent vers l’Ukraine, toute l’absurdité de la guerre.

Aryennes d’honneur
Damien Roger
Éditions Privat
Premier roman
368 p., 22,90 €
EAN 9782708902596
Paru le 16/02/2023

Où?
Le roman est situé principalement à Paris. On y évoque aussi Cuts dans l’Oise, Vichy, Espalion dans l’Aveyron et les sinistres étapes vers les camps d’extermination, de Drancy à Auschwitz.

Quand?
L’action se déroule du début du XXe siècle aux années 1950.

Ce qu’en dit l’éditeur
Juives, mariées à des aristocrates et converties au catholicisme, Marie-Louise, Lucie et Suzanne Stern appartiennent à un monde de privilégiés. Entre les bals, les tea times et les essayages chez les grands couturiers, leur vie n’est qu’insouciance et légèreté. En juin 1940, tout cet univers s’effondre. Les troupes de Hitler déferlent sur la France qui vit bientôt à l’heure allemande. Désormais, la marquise, la baronne et la comtesse sont considérées comme juives au regard de la loi. Que faire de cette identité israélite qu’on leur jette à la figure et dans laquelle elles ne se reconnaissent plus depuis longtemps ? Lorsqu’on est intime avec le maréchal Pétain, l’espoir d’obtenir un traitement de faveur est permis… Mais pour cela, il va falloir choisir un camp. Des routes de l’Exode de 1940 aux antichambres du pouvoir à Vichy, en passant par le camp de Drancy, un combat s’engage. Et dans cette lutte pour la vie, l’adversaire n’est peut-être pas celui qu’on croit…

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Times of Israël
Blog étoilejaune-anniversaire (Thierry Noël-Guitelman)


Bande-annonce du roman Aryennes d’honneur © Production éditions Privat

Les premières pages du livre
« Première partie
Les secrets de la rue de Constantine
J’ai de mes premières années le souvenir indistinct d’un long dimanche couleur d’ardoise, si bien que je me demande parfois à quel âge je me suis véritablement éveillé à la vie. Je m’appelle Lucien Baranger. Ma carte d’identité indique que je suis né dans une ville de la région parisienne il y a soixante-dix ans. Mon père, un homme dévoué aux siens et extrêmement effacé, travaillait dans une petite quincaillerie d’où il rentrait le soir épuisé et le crâne lourd des conversations et bruits du magasin. Ma mère avait un don pour la couture. Pour une raison que j’ignore, elle avait dû renoncer assez tôt à son rêve de devenir modiste et se contentait d’effectuer des travaux d’aiguille pour une grande enseigne parisienne qui louait ses services. Ma jeunesse n’a connu aucun drame, aucun malheur et je suppose n’avoir jamais manqué de rien. Pourtant, si j’interroge aujourd’hui mon cœur et ma mémoire, j’ai le sentiment d’avoir toujours été un enfant mal adapté et différent. D’abord, j’étais fils unique. Dans la France d’après-guerre, c’était assurément une singularité. Est-ce pour avoir été privé de la compagnie d’un frère ou d’une sœur que les jeux avec les autres enfants m’ont toujours paru curieux, pour ne pas dire énigmatiques ? «Ne se mêle pas à ses congénères et préfère rester seul lors de la récréation», voilà ce qui est écrit dans mon carnet scolaire retrouvé récemment.

Aux premiers jours de juillet, à rebours de mes camarades qui quittaient l’Île-de-France pour gagner la montagne la campagne ou la mer, je prenais le chemin de la capitale sans me poser de questions, et sans qu’on me demande non plus mon avis. Je prenais mes quartiers d’été chez ma tante Concierge, elle occupait avec son mari une loge exiguë de la rue de Constantine, dans le 7e arrondissement. Je dis «exiguë, Car c’est ainsi que mes parents la qualifiaient. Pour moi, c’était avant tout un espace-temps marqué par une forte odeur de bouillon, dont l’existence n’était avérée qu’avec mon arrivée et qui s’évanouissait comme par magie avec la rentrée de septembre. Simone, sœur aînée de ma mère, et Marcel, son mari, n’avaient jamais pu avoir d’enfants. Mais il est évident qu’ils les adoraient. Contrairement à mon père, Marcel ne travaillait pas. Il avait eu la jambe broyée par un obus en juin 1940 alors que son régiment prenait la fuite devant l’avancée des forces allemandes. Malgré le dégoût que m’inspirait le mot «moignon», j’aimais beaucoup passer du temps avec lui. Moins sombre que mes parents et que ma tante, il me révélait que la vie pouvait être légère, voire facétieuse. Pendant que Simone s’affairait dans l’immeuble, nous avions l’habitude lui et moi de traverser l’esplanade des Invalides pour aller nous asseoir en bordure de Seine, où nous regardions passer les péniches débordant de grain ou de ciment. Marcel me racontait sa jeunesse dans le bassin minier du Pas-de-Calais. Loin de se plaindre des difficultés et des privations qu’il y avait connues, il semblait avoir le goût de la vie, comme d’autres ont le goût des sucreries. Nous payions souvent nos promenades de vives remontrances à notre retour rue de Constantine. Fallait-il que ma tante ait de l’imagination pour songer qu’il puisse nous arriver quoi que ce soit sur le chemin qui séparait la loge des quais de Seine. Mais un rituel est un rituel, et j’acceptais en bloc les habitudes de la maisonnée.
L’implication et le dévouement de ma tante Simone étaient très appréciés des occupants de l’immeuble. Intendante, femme de compagnie, figure maternelle, confidente, elle avait su se rendre indispensable auprès de tous. Son énergie, elle la puisait dans la très grande fierté qu’elle ressentait à tenir les clefs de cet ancien hôtel particulier situé dans les plus beaux quartiers. Tous les jours, même lorsqu’elle était fatiguée ou souffrante, elle prenait un soin infini à briquer les moindres recoins de la maison. Je me souviens de l’odeur de propre qui emplissait mes narines sitôt que, venant de la rue, on avait poussé la double porte. Nulle trace de doigts ne venait ternir l’éclat des immenses miroirs disposés de part et d’autre du hall. Dans la lumière discrète, les poignées de cuivre semblaient briller de mille feux, se réfléchissant à l’infini dans le jeu des glaces. Dans ce décor digne d’un palais royal, fouler l’épais tapis qui menait jusqu’à l’escalier monumental et au petit ascenseur métallique était pour tout visiteur l’assurance ultime qu’il avait pénétré dans un lieu d’exception, habité tout aussi indéniablement par des personnes de qualité. Du haut de mes sept ans, il me semblait qu’un peu de cette grandeur rejaillissait sur la personne de ma tante. Et à la façon qu’elle avait de refouler vertement les représentants de commerce et autres démarcheurs, il n’y a pas de doute qu’elle en pensait tout autant.
Lorsque Marcel était occupé à quelque tâche où ma présence était jugée inopportune par ma tante, je restais de longs moments dans l’office à faire semblant d’être absorbé par la lecture d’un magazine ou d’un livre illustré. En vérité, mon attention était tout entière tournée vers ce qui se passait à l’extérieur de la loge. Comme il m’était formellement défendu de circuler seul dans les parties communes, mon esprit gravissait en silence les escaliers, se faufilait dans les corridors, explorait jusqu’aux greniers. Parfois, des enfants passaient devant mon poste d’observation, accompagnés de leur gouvernante ou de leurs parents. Je ne manquais jamais d’interroger ma tante sur leur identité et leurs goûts en matière de jeux et de lecture. Mais ma curiosité était mal récompensée car ma tante se contentait la plupart du temps de les présenter comme «le fils du comte de…» ou «la fille cadette de M. et Mme…». Pour elle cette parenté répondait à toutes les questions. Elle disait à la fois la qualité de celui ou de celle qui avait attiré mon regard et la distance infranchissable qui nous séparait de ces gens-là. À quoi bon savoir s’ils aimaient jouer à la balle aux prisonniers? Je comprenais dans la déférence que manifestait ma tante que nous appartenions à des mondes que rien n’appelait à se rencontrer.
Au fil du temps et des étés, la géographie de l’immeuble m’était devenue tout à fait familière. Au deuxième étage vivait un couple d’Américains dont l’homme était correspondant pour un journal au nom imprononçable. Une somme fabuleuse de magazines et de courriers leur arrivait chaque matin, que ma tante entassait d’un air désabusé. Au dernier étage, une petite chambre abritait un peintre qui cherchait «à se faire un nom», ce qui, selon Simone et Marcel, paraissait absolument sans espoir étant donné le temps passé par le jeune homme dans les caves de Saint-Germain-des-Prés. Sous les toits se trouvait une série de chambres de bonne occupées principalement par des Espagnoles. Mais la personne qui m’intriguait le plus habitait l’étage noble. Il s’agissait d’une vieille dame, veuve, à laquelle mon oncle et ma tante s’adressaient avec un respect qui confinait à la religiosité. Si elle portait le titre de marquise, elle avait plutôt pour moi l’aura d’une reine ou d’un personnage biblique. Je la revois encore traversant le vestibule, déroulant son pas lent et auguste, appuyée sur une canne au pommeau d’ivoire. Arrivant à la hauteur de notre loge, elle marquait une halte pour donner ses instructions du jour. J’en profitais pour l’observer à travers l’entrebâillement de la porte. Sa peau était parcheminée et si ridée que cette dame me semblait d’un autre âge, d’une autre époque. Ses petits yeux vifs, surtout, me fascinaient. Ils semblaient par leur vélocité démentir son âge, concentrer ses forces et tenir en respect quiconque aurait eu l’impudence de la reléguer hâtivement du côté des ombres. Un jour, il me fut donné de l’approcher. La femme de charge de la marquise avait dû quitter précipitamment Paris pour soigner un parent malade. En son absence, ma tante veillait à ce que la doyenne de l’immeuble ne manquât de rien. Sans doute trop occupée pour s’en charger elle-même, tante Simone, après m’avoir fait répéter mes formules de politesse et de salutation, me confia une panière à monter chez la marquise. Le linge repassé qu’elle contenait pesait bien peu en comparaison de la responsabilité énorme qui reposait sur mes épaules. Tel un enfant de chœur portant le ciboire, je gravis un à un les degrés qui menaient à l’étage. Je me délectais de découvrir ce monde jusque-là dérobé à mes yeux. Sur le seuil de l’imposante porte d’entrée, je pressai le bouton-poussoir de la sonnette. Un bruit strident déchira subitement le silence de la cage d’escalier. Je fus littéralement saisi d’effroi. Je n’avais plus qu’une envie, redescendre en courant retrouver l’espace confiné de ma tanière. Mais des pas déjà se faisaient entendre de l’autre côté de la porte, qui approchaient lentement. Le vantail s’ouvrit sur la vieille dame au regard perçant. La marquise était en cheveux et je remarquai pour la première fois le haut chignon compliqué d’épingles que cachait habituellement son chapeau. Après que je l’eus poliment saluée, elle posa ses yeux sur mon paquet et m’invita sans délai à la suivre. Nous traversâmes le vaste hall puis une antichambre où je pus déposer ma panière. Ainsi de telles beautés existaient, les frères Grimm n’avaient rien inventé. L’appartement — mais à mes yeux il s’agissait plutôt d’un palais — portait en chaque point la marque du grandiose et du monumental. Je fus d’abord surpris par la hauteur des plafonds. Comment un immeuble, fût-il de belle taille, pouvait-il abriter ces volumes dignes d’une chapelle? Je n’entendais rien au mobilier ancien, ni aux tableaux ou objets rares autour de moi, mais tout me semblait anormalement grand, élégant et raffiné. Ce lieu était à n’en pas douter l’antre d’une fée, ou bien d’une sorcière. Alors que je restais la bouche ouverte et les yeux inexorablement fixés sur les lustres d’où jaillissaient des fontaines de lumière, la marquise me demanda de l’attendre un instant et s’effaça à pas lents derrière une petite porte. Je ne sais combien de temps dura son absence. Je balayais la pièce de mon regard incrédule ne souhaitant rien perdre du spectacle fascinant qui s’offrait à moi. À hauteur de mon visage, sur une console en marbre rose, étaient disposés de petits bibelots étincelants qui m’apparurent être les pièces d’un trésor égaré. À côté d’eux, des cadres de toutes tailles préservaient des outrages du temps de vieilles photographies semblant dialoguer entre elles dans l’éternité d’un passé révolu. Sans doute conservaient-elles l’empreinte de héros lointains ayant défendu la France dont mes livres d’école contaient les exploits. Mon attention s’arrêta sur une petite photographie fichée dans le coin d’un cadre. Au moment où je la saisis pour l’observer de plus près, j’entendis les pas de la vieille dame se rapprocher. Paniqué à l’idée d’être surpris à fouiller dans ce qui ne m’appartenait pas, je glissai sans réfléchir le cliché dans ma poche. Pour ajouter à ma honte, mon larcin fut récompensé d’un morceau de chocolat. Rougissant, je remerciai la vieille dame et quittai l’appartement en prenant soin de ne surtout pas regarder du côté de la console où la photo volée brillait par son absence.
Les jours suivants, je demeurai étrangement calme, si bien qu’on me pensa malade. C’est que j’avais immédiatement pris la mesure de mon crime. Non seulement j’avais trahi la confiance de la marquise, mais j’avais en plus failli dans la mission que m’avait confiée ma tante. J’étais indéniablement digne de brûler en enfer. II me sembla que, pour expier ma faute, le silence était la meilleure des solutions, et je priai le ciel pour que l’oubli efface très vite l’outrage que j’avais commis. De retour chez mes parents à la fin de l’été, je résolus de placer la photographie dans une boîte en métal qui renfermait ce qui avait à mes yeux le plus de valeur: mes soldats de plomb. Ce manque d’imagination fut très tôt sanctionné. Un jour qu’elle pestait contre mon désordre, ma mère trouva cette photographie et me questionna sur sa provenance. Je me justifiai en disant qu’elle m’avait été donnée par un camarade qui lui-même l’avait trouvée par hasard dans la rue. Ma mère me crut-elle? En tout cas, mon inquisitrice se contenta de cette réponse.
Plus de soixante années se sont écoulées depuis ce que j’appelais enfant «le vol de la rue de Constantine». Pourtant, la même émotion m’étreint lorsque je pense à cette photographie que je connais par cœur. Combien de fois ai-je passé mes doigts sur son rebord dentelé? Je ferme les yeux et je revois très nettement le portrait en pied de ces deux femmes portant Chapeau à liseré, lavallière et gants blancs, tenues que j’ai plus tard identifiées comme des costumes de chasse. Le front haut, elles regardent fièrement devant elles. Un demi-sourire se dessine sur leur visage. À l’arrière-plan, on aperçoit un corps de logis flanqué d’une tour de ce qui pourrait être un pavillon de chasse ou quelque château de campagne. Je n’ai pas oublié, au revers de la photographie, la petite écriture serrée à l’encre violette :
Octobre 1933
À ma chère Marie-Louise,
En souvenir d’une merveilleuse journée.
Annie
Longtemps je me suis, demandé qui étaient ces deux femmes. »

Extraits
« Les 16 et 17 juillet 1942, près de 13 000 Juifs parisiens, parmi lesquels 4000 enfants, étaient arrêtés à leur domicile et rassemblés au Vélodrome d’Hiver. Ils seraient tous transférés vers les camps de Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande avant d’être déportés à l’est. Le 18 juillet, après trois semaines d’internement administratif, Marie-Louise de Chasseloup-Laubat passait libre les grilles du camp des Tourelles pour rejoindre son domicile parisien. «Libérée sur ordre du commandant de la police secrète auprès du Militärbefehlshaber en France», c’est ce que rapporte une note d’enquête de la Direction des renseignements généraux de la préfecture de police datée de juin 1945. Aux côtés de l’ambassade d’Allemagne à Paris et de la Gestapo, le commandement militaire constituait l’une des pièces centrales du dispositif d’occupation. Qui avait transmis l’ordre de la faire libérer? Comment ne pas y voir l’ombre du maréchal Pétain? Ce dernier avait pris les devants. Le 12 juin 1942, soit treize jours après la publication de la huitième ordonnance allemande rendant le port de l’étoile jaune obligatoire pour les juifs le maréchal adressait un courrier à Fernand de Brinon, délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, donnant une interprétation toute personnelle des mesures contre les Juifs. » p. 247

« Dans cette lettre, le docteur Bernard Ménétrel, secrétaire particulier du maréchal, transmit à Brinon seulement deux demandes précises d’exemption, classées par ordre de priorité. Ces demandes «déjà formulées verbalement» concernaient :
1) Mme de Chasseloup-Laubat, née Marie-Louise, Fanny, Clémentine Thérèse Stern, née à Paris, le 4 février 1870. Mlle Stern a épousé le 21 juillet 1900 à la mairie du 8° le marquis Louis de Chasseloup-Laubat, aryen, ingénieur civil. La marquise de Chasseloup-Laubat s’est convertie au catholicisme Le 21 août 1900, a eu trois enfants, tous mariés : la Princesse Achille Murat, le Comte François de Chasseloup-Laubat, la Baronne Fernand de Seroux
2) Mme de Langlade, née Lucie Ernesta Stern (20 octobre 1882), sœur de la Marquise de Chasseloup-Laubat. Lucie Stern a épousé le 11 avril 1904 Pierre Girot de Langlade, aryen. Elle s’est convertie au catholicisme le 17 juin 1911. De ce mariage est issu un fils, Louis de Langlade, agriculteur. » p. 250

À propos de l’auteur
ROGER_Damien_©JP_CombaudDamien Roger © Photo JP Combaud

Né en 1987, Damien Roger est ancien élève de l’ENA (promotion Molière). Il est aujourd’hui haut fonctionnaire au ministère de la Culture à Paris. En parallèle, il effectue des recherches historiques et collabore régulièrement à des périodiques comme Le Journal des Arts. Aryennes d’honneur est son premier roman. (Source: Éditions Privat)

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Ces rêves qu’on piétine

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En deux mots :
Que peuvent avoir en commun Ava, une enfant née à Auschwitz et Magda, la femme de Goebbels? On va le découvrir en suivant leurs parcours respectifs au moment où le régime nazi s’effondre. Un premier roman solidement documenté et construit comme une tragédie grecque.

Ma note :
★★★★ (j’ai adoré)

Ces rêves qu’on piétine
Sébastien Spitzer
Éditions de l’Observatoire
Roman
304 p., 20 €
EAN : 9791032900710
Paru en août 2017
Lauréat du Prix Stanislas 2017

Où?
Le roman se déroule principalement en Allemagne, à Berlin, Auschwitz, Buchenwald, Stöcken et Mieste, mais également en Hongrie, à Komarom, en Belgique, à Bruxelles et Vilvoorde, en Moravie, entre Brno et Olomouc, en Russie, à Nemmersdorf

Quand?
L’action se situe en 1945.

Ce qu’en dit l’éditeur
Sous les bombardements, dans Berlin assiégé, la femme la plus puissante du IIIe Reich se terre avec ses six enfants dans le dernier refuge des dignitaires de l’Allemagne nazie. L’ambitieuse s’est hissée jusqu’aux plus hautes marches du pouvoir sans jamais se retourner sur ceux qu’elle a sacrifiés. Aux dernières heures du funeste régime, Magda s’enfonce dans l’abîme, avec ses secrets.
Au même moment, des centaines de femmes et d’hommes avancent sur un chemin poussiéreux, s’accrochant à ce qu’il leur reste de vie. Parmi ces survivants de l’enfer des camps, marche une enfant frêle et silencieuse. Ava est la dépositaire d’une tragique mémoire : dans un rouleau de cuir, elle tient cachées les lettres d’un père. Richard Friedländer, raflé parmi les premiers juifs, fut condamné par la folie d’un homme et le silence d’une femme : sa fille.
Elle aurait pu le sauver.
Elle s’appelle Magda Goebbels.

Ce que j’en pense
La Seconde guerre mondiale continue de hanter les écrivains, qu’il s’agisse d’en faire le thème central de leur livre où en y intégrant cette période dans une fresque plus large. Historien de formation, Sébastien Spitzer a choisi pour son premier roman un angle bien particulier, celui des derniers jours du régime nazi, va à la fois du côté des vainqueurs (mais dans quel état !) et des vaincus (mais dans quel état !).
Ava incarne la première catégorie. Cette toute jeune fille est née dans le bloc 24-A à Auschwitz d’une mère qui servait au divertissement de ses geôliers. Pour elle la vie dans le camp, mais aussi après avoir réussi à fuir, ne se limite qu’à une chose : survivre.
En un contraste saisissant, la seconde catégorie est incarnée par Magda, une icône du régime: « Magda rajuste son chignon du plat de la main. Elle plisse ses yeux gris d’orage. Elle est un peu cernée. Redresse et gonfle sa poitrine, teutonique. Elle n’a jamais été la plus belle femme du pays, mais elle a de l’allure. Une beauté hors d’âge, imperméable. Magda se plaît encore. Elle lisse son tailleur sur ses hanches. »
Très vite, le lecteur va comprendre que cette femme qui vient prendre ses quartiers dans le bunker berlinois d’Adolf Hitler au moment où la vie ville subit un bombardement en règle, n’est autre que l’épouse du ministre de la propagande nazie, Joseph Goebbels. Grâce à une construction astucieuse, le lecteur est invité à suivre successivement le destin de l’une et de l’autre. Le lien entre les deux récits, aussi inattendu qu’historiquement avéré s’appelle Richard Friedländer.
Issu d’une famille de commerçants juifs berlinois, il est le père adoptif de Magda et l’une des victimes du plan d’épuration des juifs. Sébastien Spitzer nous offre de lire les lettres qu’il envoie à sa fille depuis le camp de concentration où il a été interné et où la mort l’attend. « Richard Friedländer a été. Il a lié son destin à celui de votre famille. Je suis Markus Yehuda Katz, fils de Salman et d’Olga Sternell. Et cette chaîne de mots, de moi, de nous, de noms infalsifiables, vous rattrapera, où que vous soyez. Il n’y aura pas d’oubli. Nous sommes le peuple qui doit durer, celui qu’on ne peut pas éteindre… Un jour, on se souviendra de lui comme de tous ceux qu’on a voulu faire disparaître, en vain. »
Et même si ces lettres sont apocryphes, les faits qu’elles relatent sont tout autant documentés que les dernières heures du régime et qui prendre la dimension d’une tragédie grecque en faisant de Magda une Médée moderne, soucieuse de ne pas offrir à ses enfants les images de la capitulation. « Elle a porté beaucoup d’enfants. Sept en tout : Harald, Helga, Hildegarde, Helmut, Holdine, Hedwig, Heidrun. Les prénoms des six derniers commencent par un « H », à la gloire de ce régime qui a fait d’elle une grande dame. Celui aussi de Harald, son aîné, né quand rien n’était encore, avant le putsch de la Brasserie, avant les premiers faits divers qui feraient parler d’eux. Ses enfants servent la grande cause. La sienne, bien sûr, mais aussi celle de l’Allemagne tout entière. Ils seront sacrifiés. Ils tomberont avec elle. »
Pendant ce temps, Ava tente de se relever. Elle fuit avec Judah qui a été raflé, embarqué brutalement avec son père, ses deux oncles et ses cousins.
« Je n’ai même pas eu le temps de l’embrasser, dit-il.
— Qui ça ? demande-t-elle.
— Ma mère. Je n’ai pas pu l’embrasser! Les soldats nous ont tassés dans des trains pour la Pologne. Mon cousin est mort de froid, à côté de moi. C’était la première fois que je voyais un mort. Et il avait mon âge ! Sur le quai de l’arrivée, on a reçu d’autres coups. Olejak nous a sélectionnés, mon père et moi, pour son camp. Je suis devenu un homme au fond d’une mine. »
Là encore, l’ironie de l’histoire vient confronter les deux destins. Les matières premières extraites dans les monts du Hartz par Judah et ses compagnons d’infortune feront la fortune de Harald, le fils de Magda, et de ses descendants. Après avoir produit les piles Varta pour l’armée du Führer, cer derniers possèdent aujourd’hui la plupart des actions du groupe BMW. La notion de vainqueur et de vaincu est donc toute relative, comme le montre ce roman qui va creuser dans l’âme des personnages les raisons qui les font agir, dans le paroxysme des situations leurs motivations les plus intimes. Un premier roman qui est d’abord un grand roman!

Sébastien Spitzer est lauréat du Prix Stanislas, doté de 3.000 euros, qui sera remis en public samedi 9 septembre à 10h30 à Nancy, à l’occasion de la manifestation Le livre sur la Place.

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Les premières pages du livre

Extrait
« Deux autres silhouettes attendent. Judah devine celle d’une enfant. À ses flancs, c’est la femme qui s’est tournée vers lui, et l’observe au milieu du chaos. Elle semble si calme. Elle murmure quelques mots à l’oreille de la petite. Elles attendent quelque chose… On dirait qu’elles ont un plan.
Judah entend les chiens rendus fous. Les soldats rôdent dehors. Ils traquent les fuyards. Combien de chiens? Un. Deux. Peut-être trois. Ils clabaudent, grognent, grattent, claquent leurs canines à vide et labourent de leurs griffes les parois extérieures. Puis les bêtes à fuyards se détendent et s’élancent à l’affût d’une nouvelle proie. C’est le moment. Judah a repéré une fracture entre deux planches. Il la palpe, éprouve sa résistance.
C’est jouable.
Le souvenir de sa mère lui redonne des forces. Elle est restée chez eux, à Komarom. Son visage. Ses mains. Ses paroles et ses caresses. »

À propos de l’auteur
Journaliste indépendant, l’auteur a publié des enquêtes sur l’Iran, les Etats-Unis et le terrorisme international : Raisons d’Etat, contre-enquête sur le juge Bruguière (éditions Privé, 2007) et Ennemis intimes, les Bush, le Brut et Téhéran (éditions Privé, 2006). (Source: http://www.livreshebdo.fr)

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L’ordre du jour

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En deux mots
Les prémices de la Seconde guerre mondiale vus à travers les sentiments et les émotions de quelques acteurs majeurs en Allemagne et en Autriche. Avec la plume inimitable d’Éric Vuillard.

Ma note
etoileetoileetoile (beaucoup aimé)

L’ordre du jour
Éric Vuillard
Éditions Actes Sud
Récit
160 p., 16 €
EAN : 9782330078973
Paru en mai 2017

Où?
Le roman se déroule en Allemagne et en Autriche, notamment à Berlin, Berchtesgaden, Munich, Vienne, Linz. On y évoque aussi des épisodes se déroulant à Paris et Londres ainsi que tous les lieux où sont construits les camps de concentration.

Quand?
L’action se situe de 1933 à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
L’Allemagne nazie a sa légende. On y voit une armée rapide, moderne, dont le triomphe parait inexorable. Mais si au fondement de ses premiers exploits se découvraient plutôt des marchandages, de vulgaires combinaisons d’intérêts ? Et si les glorieuses images de la Wehrmacht entrant triomphalement en Autriche dissimulaient un immense embouteillage de panzers ? Une simple panne ! Une démonstration magistrale et grinçante des coulisses de l’Anschluss par l’auteur de Tristesse de la terre et de 14 juillet.
« Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre pardessus noirs, marron ou cognac, vingt-quatre paires d’épaules rembourrées de laine, vingt-quatre costumes trois pièces, et le même nombre de pantalons à pinces avec un large ourlet. Les ombres pénétrèrent le grand vestibule du palais du président de l’Assemblée ; mais bientôt, il n’y aura plus d’Assemblée, il n’y aura plus de président, et, dans quelques années, il n’y aura même plus de Parlement, seulement un amas de décombres fumants. » Éric Vuillard

Ce que j’en pense
Comment la Seconde guerre mondiale a-t-elle été rendue possible ? Quelles circonstances particulières ont présidé à l’avènement de cette tragédie ? Quels ont été les premiers acteurs de ce drame et qu’en savaient-ils ? Autant de questions auxquelles Éric Vuillard répond dans ce court mais passionnant récit, utilisant pour cela la même approche que dans 14 juillet, c’est-à-dire au niveau des personnes, des acteurs qui se voient soudain confrontés à une situation exceptionnelle, à des choix aux conséquences terribles.
Tout commence par la convocation à Berlin le 20 février 1933 de la fine fleur de l’industrie et de la finesse. À l’invitation de Göring, les grands patrons sont venus au Reichstag écouter Adolf Hitler leur présenter son programme en vue des élections du cinq mars. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ses propositions trouvent une oreille attentive chez ses messieurs «très respectables». L’État fort, l’éradication des syndicats et des marxistes obtiennent leur adhésion. Si bien que, séance tenante, ils rassemblent quelque 3 millions de Reichsmark qui vont assurer la victoire du chancelier à la petite moustache et à la mèche rebelle.
C’est le début d’un engrenage qui va petit à petit réussir à tout broyer sur son passage. Une fois l’économie allemande sous la botte, il fallait s’attaquer aux puissances étrangères. Après les visites de courtoisie et la «politique d’apaisement», les choses sérieuses peuvent commencer. Sans que les chancelleries européennes ne s’en émeuvent outre-mesure, les exactions se font plus violentes, les discours plus haineux et la menace plus précise. Lorsque le 12 février 1938 le chancelier autrichien arrive à Berchtesgaden, il n’est plus question que de lui faire rendre les armes. Face à l’ultimatum, les manœuvres de Kurt von Schuschnigg pour tenter d’adoucir les clauses les plus dures du traité qu’on lui soumet tournent vite au dérisoire. Beethoven ne viendra pas plus à son secours que le Droit international. C’est la tête basse qu’il reprend le chemin de Vienne. Après un timide «oui», il va soumettre la capitulation au Président de la République. Mais Hitler s’impatiente et n’attendra pas l’accord formel de son voisin pour envahit le pays et déclarer l’Anschluss.
Le voyage soi-disant triomphal de Hitler dans son pays natal est l’un des événements les plus cocasses et les plus éclairants de ce livre. Parce que la réalité est à mille lieues de la version officielle qui fait encore trop souvent autorité. « Car ce sont des films que l’on regarde, ce sont des films d’information ou de propagande qui nous présentent cette histoire, ce sont eux qui ont fabriqué notre connaissance intime ; et tout ce que nous pensons est soumis à ce fond de toile homogène. Nous ne pourrons jamais savoir. On ne sait plus qui parle. »
Éric Vuillard réussit par l’entremise de ce court récit une œuvre d’autant plus salutaire qu’elle est portée par une volonté de faire parler les faits plutôt que les idéologies, de scruter les photos et les expressions des visages plutôt que les discours – c’est particulièrement bien réussi avec la rencontre de Daladier et Chamberlain – de retrouver dans les écrits intimes les sentiments que l’on voulait cacher sur le moment. Mais aussi, et c’est là encore une vraie prouesse, de chercher la marque de l’infamie dans ce qui n’est pas dit, pas écrit. En cherchant par exemple dans la brochure de présentation de l’histoire du groupe Thyssen-Krupp quel rôle a pu, par exemple, jouer Gustav Krupp. Vous savez, l’un de ces 24 «messieurs respectables». Si respectable !

Autres critiques
Babelio
La Croix (Sabine Audrerie)
L’Express (Baptiste Liger)
Blog Sur la route de Jostein
Blog Charybde 27
Blog La bibliothèque de Delphine-Olympe

Les premières pages du livre 

Extrait
« La corruption est un poste incompressible du budget des grandes entreprises, cela porte plusieurs noms, lobbying, étrennes, financement des partis. La majorité des invités versa donc aussitôt quelques centaines de milliers de marks, Gustav Krupp fit don d’un million, Georg von Schnitzler de quatre cent mille, et l’on récolta ainsi une somme rondelette. Cette réunion du 20 février 1933, dans laquelle on pourrait voir un moment unique de l’histoire patronale, une compromission inouïe avec les nazis, n’est rien d’autre pour les Krupp, les Opel, les Siemens, qu’un épisode assez ordinaire de la vie des affaires, une banale levée de fonds. Tous survivront au régime et financeront à l’avenir bien des partis à proportion de leur performance. » (p. 23-24)

A propos de l’auteur
Éric Vuillard, né en 1968 à Lyon, est écrivain et cinéaste. Il a réalisé deux films, L’homme qui marche et Mateo Falcone. Il est l’auteur de Conquistadors (Léo Scheer, 2009, Babel n°1330), récompensé par le Grand prix littéraire du Web – mention spéciale du jury 2009 et le prix Ignatius J. Reilly 2010. Il a reçu le prix Franz-Hessel 2012 et le prix Valery-Larbaud 2013 pour deux récits publiés chez Actes Sud, La bataille d’Occident et Congo ainsi que le prix Joseph-Kessel 2015 pour Tristesse de la terre et le prix Alexandre Viallate pour 14 juillet. (Source : Éditions Actes Sud)

Site Wikipédia de l’auteur 

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