À la recherche d’Alfred Hayes

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En deux mots
C’est dans Los Angeles entouré par les flammes des incendies qui ont ravagé la Californie que prend fin le périple d’Apolline, arrivée de Belgique pour tenter d’en savoir plus sur Alfred Hayes, écrivain et scénariste hollywoodien. Une enquête peu fructueuse. À moins que l’on ne regarde ce périple d’un œil différent.

Ma note
★★★ (bien aimé)

Ma chronique

Le rêve américain de la fille belge

Daphné Tamage a choisi pour son premier roman de raconter l’histoire d’une jeune fille qui se rêve romancière et qui, malgré bien des échecs, parviendra à ses fins. Sur les pas d’un obscur auteur et scénariste hollywoodien, elle va tracer sa propre route.

Apolline Avenarius se rêve romancière. Avec son petit ami Phil elle part à Rome où elle pourra rédiger son chef d’œuvre. Mais son manuscrit qui raconte «l’histoire d’une nana partie à Rome avec son professeur de lettres et qui tombait folle amoureuse de son thérapeute haïtien, père d’un enfant handicapé.» n’a pas intéressé les éditeurs. Elle ne rejoindra pas le club des 27, ceux qui comme Alain Fournier et son Grand Meaulnes avaient livré leur chef d’œuvre à cet âge. Du coup, il lui a fallu dire adieu à Rome et retourner en Belgique la tête basse.
Pour rebondir, elle a l’idée de s’inscrire à l’université pour une thèse. Ayant déniché un livre d’Alfred Hayes et constaté que cet auteur et scénariste américain était tombé dans l’oubli, elle s’est dit qu’elle pourrait trouver l’homme derrière l’œuvre. Las, une fois encore elle doit déchanter devant un jury impitoyable. Car qui s’intéresserait à un artiste oublié, américain de surcroît?
Les hasards de l’édition font qu’en cette rentrée deux livres nous parlent d’Alfred Hayes, puisque – dans un registre bien différent – Philippe Raymond-Thimonga a lui aussi retrouvé le scénariste dans Adrian Æ.
Pour Apolline, il reste cependant un petit espoir sous forme de bourse décernées à quinze projets et financés par des mécènes. Et cette fois, Hank, l’émissaire qui a pris connaissance de sa candidature, entend mettre toutes les chances du côté de la jeune femme et prépare avec elle un dossier en béton. Mais c’est une amie qui se verra finalement attribuer la bourse pour un tout autre projet. Voilà l’histoire d’un beau rêve avorté. Voilà comment on se retrouve dans une baraque à frites, avec l’aide de la famille, à sentir le gras et à désespérer de faire quelque chose de sa vie.
Sauf que l’histoire ne s’arrête pas là. Car depuis le chapitre initial on sait qu’Apolline a bien fini par arriver à Los Angeles. Mais aussi que le projet de retrouver Alfred Hayes a été notamment contrarié par les feux de forêt qui cernent la ville.
Daphné Tamage, qui a étudié le cinéma, séjourné à Rome et en Californie, a trouvé une subtile manière de rassembler ces morceaux de vie dans ce premier roman qui joue sur les illusions et les désillusions pour graver en creux le portrait d’une jeune femme d’aujourd’hui. Car, d’échec en échec, c’est bien un parcours vers la réussite que la bruxelloise nous propose. Une famille qui reste un ancrage solide quand tout part à vau-l’eau, quelques rencontres déterminantes – même si elles finissent tragiquement -, un petit ami qui partage ses rêves – même si elle ne lui est pas fidèle – et une volonté farouche – même si elle est mise à très rude épreuve – auront finalement gagné la partie. On n’en saura guère plus sur Alfred Hayes, mais on aura lu un beau roman d’apprentissage. De ceux qui forgent un destin.

À la Recherche d’Alfred Hayes
Daphné Tamage
Éditions Maurice Nadeau
Premier roman
208 p., 19 €
EAN 9782862313191
Paru le 6/01/2022

Où?
Le roman est situé d’abord en Italie, à Rome, mais principalement en Belgique, à Bruxelles et Knokke-le-Zoute, puis à Los Angeles.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Apolline Avenarius sort d’études de cinéma avec un but précis, devenir un auteur célèbre. Pour cela, elle mise tout sur une seule idée : partir à la recherche d’Alfred Hayes, poète, romancier et scénariste de l’âge d’or Hollywoodien qu’elle estime injustement oublié. Pour mettre son plan à exécution, elle embarque Pierrot, un prof de fac qui rêve de la mettre dans son lit, et Hank, un écrivain flamand qui vit ses dernières heures. Mais on ne déterre pas les morts si facilement… D’un quartier chic de Rome aux collines en flammes de Los Angeles, À la Recherche d’Alfred Hayes entraîne le lecteur dans la course démesurée de la narratrice vers l’objet de son obsession. Qui est vraiment Alfred Hayes ? Un personnage de chair, ou une projection fantasmée ? Qui espère-t-elle trouver, alors que tout brûle autour d’elle ? Un sauveur, ou elle-même ?

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
goodbook.fr
Podcast Radio évasion (des polars et des notes)
Le carnet et les instants (David Dusart)

Les premières pages du livre
« LOS ANGELES
Je m’étais installée contre la balustrade grillagée de l’Angels Flight en attendant qu’un gros trolley rouge se pointe. On faisait se retrancher la population riche de Bel-Air et de Mandelville Canyon vers le Pacifique à cause des feux de forêt. Les riches d’abord : Schwarzy avait dû quitter sa villa emmitouflé dans ses nippes de luxe pour se réfugier dans un hôtel de Pacific Palisades parce que les flammes attaquaient maintenant sa véranda. Les pompiers allaient et venaient, les hélicoptères sifflaient pendant que j’attendais le trolley au Terminal Building sur Hill Street.
Quelques minutes avant j’avais, juste comme ça, voulu en brûler une entre la troisième et Hope Street pour m’imaginer ce que c’était d’être John Fante à l’Alta Loma Hotel de Bunker Hill. Mais l’hôtel avait été démoli dans les années soixante, laissant place à un gratte-ciel brunâtre. J’ai tout craché à cause de la pollution, de la chaleur, et parce que je n’avais jamais fumé avant. C’était si dense, ce que je respirais, cet air saturé, que j’ai écrasé ma clope dans la benne et me suis dirigée vers le funiculaire, histoire d’assister de là-haut à la mise à mort de mes deux dernières années de travail.

Partie I
ROME
Rome devenait cher. Les économies de Phil fondaient comme les cierges à l’église San Gioacchino in Prati qui se situait juste en face de chez nous. Mes romans avaient été refusés partout. La ville n’était plus aussi charmante qu’à notre arrivée : nous comprenions que les riches étaient très riches, les pauvres très pauvres, et qu’à tout moment nous pouvions basculer dans la seconde catégorie si nous ne renoncions pas sur-le-champ aux piccoli polpi arrosés de vin blanc et à l’agnello con aglio. J’ai dit adieu à mon cappuccino quotidien au café qui faisait l’angle de la Via dei Gracchi et de la via Attilio Regolo. Philéas n’a plus touché une seule sfogliatelle. Nous évitions de nous regarder. S’arrêter pour parler, c’était se rendre à l’évidence : il fallait rentrer au pays. Ce sale pays tueur de rêves. Oh, il avait bien donné naissance à deux trois trucs sérieux, comme Georges Simenon ou René Magritte. Mais l’Italie avait vu défiler Auguste, César, les deux Pline, Da Vinci, Raphaël, Le Caravage, Le Bernin, Vivaldi, Casanova, Rossini, Puccini, Italo Svevo, Federico Fellini et Toto Cutugno, le chanteur. Bruxelles était insignifiante. J’avais vu le jour en des terres insipides et en moi, c’était le même chagrin, le même manque de réjouissance qu’il fallait à tout prix rehausser d’une lumière étrangère. Nos grands artistes avaient abandonné le pays pour des régions ensoleillées, et puisque j’en étais presque une, d’artiste, c’était hors de question d’y retourner. Plutôt mourir.
Mais quand Philéas est revenu les mains vides du Mercato Trionfale, j’ai compris que quelque chose n’allait pas.
— Ma carte bleue n’a pas fonctionné, il a dit en fermant la porte.
Nous sommes restés comme deux abrutis étincelants : moi parce que j’avais déjà dressé la table, allumé les bougies et enfilé une robe du soir, Phil parce qu’il était l’homme du couple et s’en voulait de ne plus pouvoir assurer le loyer. Nous avons fait nos valises. Je pensais à ce qui allait me manquer. Les goélands qui gueulaient comme des vélociraptors dans la cour en se disputant des peaux de bananes et qui parfois se grignotaient la chair les uns des autres. Quand ils se posaient sur l’appui de fenêtre, à l’abri de leurs frères cannibales, on pouvait voir de longues traînées rouges zébrer leurs plumes. Je pensais aussi aux types qui essayaient de nous vendre des perches à selfie près du Castel San Angelo. Je pensais à la Via Margutta où j’avais placé l’intrigue de mon dernier roman. C’était un roman vraiment chouette. J’attendais qu’un éditeur en prenne toute la mesure et qu’enfin, à vingt-sept ans, puisque c’est l’âge que j’avais, je puisse m’éteindre sereinement parmi les vedettes du Club des 27. Comme Alain Fournier, j’avais écrit mon Grand Meaulnes et pouvais mourir dignement au combat. Même Phil l’avait trouvé sympa, mon roman. L’histoire d’une nana partie à Rome avec son professeur de lettres et qui tombait folle amoureuse de son thérapeute haïtien, père d’un enfant handicapé. J’avais livré mon chef-d’œuvre.
Dire adieu à Rome, c’était comme saluer une très vieille dame, sachant que nous mourrions avant elle et qu’elle en verrait d’autres mourir après nous.
— Tu penses que ton père pourrait nous avancer les billets d’avion ? a demandé Phil.
Installée sur ma valise, j’ai réfléchi un instant à mon père. Il pensait que j’étais une traînée, mais aussi une fille à qui il avait payé des études, incapable de se montrer à la hauteur de son investissement. Dès que j’aurais mis les pieds au pays, papa m’enverrait chercher des aides financières, un travail, genre un vrai, répétant qu’à mon âge il était chef de famille, chercheur à l’université et guitariste semi-pro. Et que moi, après me l’être coulée douce, offert mon vagin à une palette de queues à géométrie variable et parcouru le monde cahin-caha, je ferais bien de regarder la réalité en face : j’étais née nulle part et je n’irai nulle part. Je n’étais qu’une petite prétentieuse qui pensait devenir le plus grand écrivain de son pays. Heureusement, c’était un petit pays. Si l’on soustrayait la partie néerlandophone, je n’avais plus qu’à devenir le plus grand écrivain wallon.
Mais j’avais rencontré Phil et Phil était un homme formidable. Non seulement il était beau, mais il avait le cœur tendre. Ses grands-parents étaient pieds-noirs algériens venus d’Andalousie : sa peau tannée contrastait avec mon teint spectral de fille du nord.
J’ai soupiré.
— Je n’aime pas demander d’argent à papa.
— C’est exceptionnel, Apo. Un jour tu seras célèbre et tu inviteras ton père aux plus belles réceptions. Il s’emmerdera comme un rat mort, mais tu pourras lui prouver qu’il avait bien fait d’investir en toi.
— C’est gentil ce que tu me dis.
Phil avait de très grandes mains. J’ai fini par appeler mon père. Nous avons fourré nos valises dans le taxi et regardé la ville s’éloigner.

LE TERRAIN VAGUE
Maman évitait de m’adresser la parole. Phil et moi étions un couple sexy et digne d’intérêt tant que nous vivions sur la Piazza dei Quiriti, que je prenais des cours de yoga sur l’Aventin, que nous passions nos week-ends à Castel Gandolfo et pique-niquions dans les jardins de la Villa Borghese. Revenus à la maison, nous n’avions plus le même prestige. Ma mère avait allumé le radiateur électrique dans la roulotte qui nous était attribuée pour la nuit. L’humidité était incrustée jusque dans nos draps, nous avions froid, nos ventres émettaient des gargouillements synchrones et, dans la maison, les placards étaient vides.
Par ma simple présence, les échecs passés de ma mère lui revenaient en pleine face : elle aurait voulu poursuivre ses leçons de violoncelle et n’avait pas pu ? Ma faute. Elle aurait voulu devenir un grand poète, mais avait décidé, à la place, de pondre quatre gosses ? Ma faute. Elle aurait voulu épouser un homme riche et était tombée amoureuse de mon magouilleur de beau-père qui vivait à sa charge ? Ma faute. Elle aurait voulu être jeune et fonçait tout droit sur ses soixante ans ? Ma faute. Si seulement je n’avais pas échoué, tout cela aurait eu un sens. Ses sacrifices auraient servi la bonne cause. Elle aurait été une mère comblée : sa fille, en plus d’avoir rencontré un jeune homme de bonne famille dans un rallye ou une conférence sur l’avenir de la pasteurisation, serait devenue l’auteur qu’elle avait renoncé à être et lui aurait ramené le prestige tant attendu. Mais sa pauvre Apolline avait rencontré un gosse issu de l’immigration, n’avait même pas été fichue d’être éditée, et maintenant ils revenaient au bercail comme des crétins de hippies, incapables de payer leur loyer.
— J’ai essayé, a murmuré Phil en fixant le plafond craquelé de la roulotte.
Je me suis blottie contre lui. Dehors, les créatures de la nuit venaient gratter le bois vermoulu de la roulotte. Ma mère avait refusé de rassembler mes petits frères dans une même chambre pour nous laisser un matelas et un vrai toit. Elle se vengeait de m’avoir fait naître pour rien. D’avoir souffert et de s’être consacrée à moi pour rien. D’avoir renoncé à tant de choses pour rien.
Oursin, le chat de ma sœur, miaulait derrière la porte. Je me suis levée pour le faire entrer. J’ai marché sur quelque chose de gluant, une limace ou une merde d’oiseau, mais j’étais trop épuisée pour rallumer la lumière. J’ai essuyé mon pied sur le vieux tapis. Je me suis couchée. Oursin a grimpé sur le lit. Il s’est mis en boule entre Phil et moi. Nous nous sommes endormis comme des naufragés sur un radeau grignoté par les vers.

Ma petite sœur Rosa peignait ses ongles de pied en noir quand nous sommes arrivés pour le petit-déjeuner. Phil tenait Oursin dans ses bras. J’ai jeté un coup d’œil au salon : des bains d’huile chauffaient la pièce, branchés à la même multiprise, elle-même reliée au compteur traficoté par mon beau-père. Ma mère est arrivée sur ses talons aiguilles, dans la combinaison ultra-moulante qui lui servait de pyjama. Elle a salué Phil à sa manière, murmurant un « Philéas » sensuel, accompagné d’un bref coup de menton. Zéphir et Auguste s’envoyaient des cartes Pokémon à la figure.
— Salut les garçons, j’ai dit en tirant une chaise pour m’asseoir.
J’ai attrapé le pot de choco et j’ai tartiné un cul de baguette rassie. Je me sentais comme la pièce d’un puzzle qui refuse de faire entrer ses membres dans une découpe qui n’est pas la sienne. Phil a accepté le café que proposait ma mère. Il s’est installé, le chat toujours dans ses bras, derrière une peinture sur bois qui représentait un voilier surmonté d’un bandeau où l’on pouvait lire Vaisseau Spirituel.
— Qu’est-ce qui te fait sourire ? m’a demandé Rosa en déposant ses coudes et ses deux gros seins d’adolescente sur la table.
— La scène, Rosie. »

Extraits
« C’était un roman vraiment chouette, j’attendais qu’un éditeur en prenne toute la mesure et qu’enfin, à vingt-sept ans, puisque c’est l’âge que j’avais, je puisse m’éteindre sereinement parmi les vedettes du Club des 27. Comme Alain Fournier, j’avais écrit mon Grand Meaulnes et pouvais mourir dignement au combat. Même Phil l’avait trouvé sympa, mon roman. L’histoire d’une nana partie à Rome avec son professeur de lettres et qui tombait folle amoureuse de son thérapeute haïtien, père d’un enfant handicapé. J’avais livré mon chef-d’œuvre.
Dire adieu à Rome, c’était comme saluer une très vieille dame, sachant que nous mourrions avant elle et qu’elle en verrait d’autres mourir après nous. »

« J’avais trouvé le livre de Hayes sur la pile fourre-tout de la librairie dont personne ne veut. Personne sauf moi. Les auteurs au rebut, les difficiles, les morts sans mémoires, ceux qu’on n’offre pas, qu’on ne partage pas, ceux dont on se fout, ceux de la pile-à-remettre-en-rayon. C’était un pressentiment rare, mais limpide. Hayes était fait pour moi. J’ai payé le livre sans l’ouvrir. Assise face au lac de la ville monstre, je l’ai lu d’une traite comme ma mère buvait son mezcal : rapide, efficace, bientôt ivre. J’étais tombée amoureuse. »

«  – Je crois que si Hayes était encore en vie, je coucherais avec lui, j’ai dit en versant une troisième bière dans mon verre. Je m’enivrerais de son talent.
– Il ne faut pas toujours recourir au sexe.
– Si vous le dites.
Pierrot était perdu dans ses pensées.
– Vous me dites que l’on ne se sait rien de lui, c’est ça ?
J’ai hoché la tête.
– Rien de rien. J’ai désherbé Google. Rien trouvé à part quelques bricoles : âge, lieux, dates de naissance et de mort, parcours professionnel dans les grandes lignes.
Il réfléchissait.
– Vous êtes éparpillée, Avenarius, mais maligne.
J’aurais préféré qu’il dise « belle, mais maligne ». Il a soupiré, vissé son chapeau sur sa tête, enlevé son chapeau, frotté ses lèvres et recommandé une bière.
– Je vous propose quelque chose.
Pierrot avait l’âge de mon père. Je savais qu’il se tapait une fille de la Fac, parce que je l’avais vu dîner avec la blonde très maigre de la section théâtre dans un restaurant à côté de la gare. Il savait que je savais et cela nous unissait d’une étrange façon.
– Avez-vous jamais pensé à une thèse? »

À propos de l’auteur
TAMAGE_Daphne_©DRDaphné Tamage © Photo DR

Daphné Tamage est née à Bruxelles en 1992. Après avoir étudié la réalisation et le scénario à l’Institut des Arts de Diffusion (IAD), elle entre à l’Atelier des Écritures contemporaines de La Cambre. Passionnée de jazz et de littérature américaine, elle a posé ses valises à Big Sur, Veracruz, Rome et dans le Bairro Alto de Lisbonne, où elle vit actuellement. À la recherche d’Alfred Hayes est son premier roman. (Source: Éditions Maurice Nadeau)

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Adrian Æ

RAYMOND-THIMONGA_Adrian_Æ

  RL_Hiver_2022

En deux mots
Dans la villa hollywoodienne de Lore H.B. le scénariste Adrian Experinger retrouve Ava Gardner pour lui présenter le projet du film qu’il prépare avec Fritz Lang. Pendant ce temps, deux ingénieurs épient tous ses faits et gestes depuis un laboratoire dans le Désert des Mojaves.

Ma note
★★★ (bien aimé)

Ma chronique

Chacun cherche son Ava

Dans un vertigineux roman, Philippe Raymond-Thimonga nous entraîne dans le Hollywood des années 50 avant de plonger dans un laboratoire de recherche. Et entraîner le lecteur à jouer un rôle inédit.

Tout ce qu’Hollywood compte de vedettes semble s’être donné rendez-vous chez Lore H. B. en ce jour de 1953. Celle qui se fait encore un peu désirer est la grande Ava. Mais quand elle débarque dans son splendide fourreau vert, tous les regards convergent vers elle, à commencer par celui d’Adrian ou Adan Experinger, scénariste pour la Metro et qui essaie depuis des mois d’écrire le film que lui réclame la major. Et qu’attend le réalisateur de Metropolis, M le Maudit et Mabuse, le grand Fritz Lang. Pour l’heure cette œuvre sublime, forcément sublime, s’intitule Adrian ou encore Adrian et les visiteurs.
Pressé d’en dire plus par Ava, Adan lui lâche qu’elle aura le rôle de la femme aimée, comme aucune femme n’a jamais été aimée. Que pour le rôle masculin, ils pensent à Cary Grant, Montgomery Clift ou Dana Andrews, que pour le scénario il pourrait être rejoint par Alfred Hayes et l’écrivain australien Alec Coppel. Quant à la photo, elle pourrait être confié à Jack Cardiff, celui de Pandora ou encore des Amants du Capricorne. (Ouvrons ici une petite parenthèse pour indiquer qu’Alfred Hayes est aussi au centre d’un autre roman qui paraît en cette rentrée et dont je vous parlerai bientôt. Il s’agit de À la recherche d’Alfred Hayes de Daphné Tamage.)
Pendant tout ce temps, dans le Désert des Mojaves au Sud du Nevada, un laboratoire analyse tous les faits et gestes d’Adrian, passé de Maître de recherches à objet d’études. Toute observation, toute idée émise, tout mouvement passe est passé au crible par deux ingénieurs soucieux de comprendre. Le roman, dans lequel le lecteur est alors appelé à jouer aux côtés de l’auteur son rôle de démiurge, va alors basculer vers la science-fiction, passant de la Cité des anges à la Silicon Valley dans une étourdissante réflexion sur les rapports entre réalité et fiction, entre création et interprétation, entre découverte et réappropriation. Si Adrian et les visiteurs n’a jamais été tourné, de nombreux films ont en été directement inspirés. Et aujourd’hui chacun cherche son Ava. Vertigineux!

Adrian Æ
Philippe Raymond-Thimonga
Serge Safran éditeur
Roman
192 p., 17,90 €
ISBN 9791090175877
Paru le 14/01/2022

Où?
Le roman est situé aux États-Unis, principalement à Los Angeles ainsi que dans le Désert des Mojaves au Nevada.

Quand?
L’action se déroule de 1953 à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
En 1953, dans une célèbre maison close de Los Angeles, Ad, un jeune scénariste disciple de Fritz Lang, rend visite à la plus belle femme de son temps : Ava Gardner. Plus tard, dans un futur proche, au sein d’un laboratoire, une voix nous interpelle pour nous faire de troublantes confidences… sous la surveillance de deux observateurs impliqués dans ce qu’ils nomment le « projet Adrian ».
Roman d’une passion autant que d’une expérience, enlaçant les vies d’Ava Gardner et d’Adrian Experi, Adrian Æ propose de croiser, non sans mystères ni humour, la société de l’image hier fabriquée par Hollywood… et l’homme aujourd’hui réinventé par ses nouvelles technologies.

Les critiques
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Les premières pages du livre
« Æ
Principaux acteurs du projet Adrian
Adrian : Monsieur Experi, Adrian Experinger, Adan, Adi Ava Gardner : Moonee Moon / Ava Lore Helen Backerwood : L. H, B.

Centre de recherche
Larry : Ingénieur 1
Nerio : Ingénieur 2
Sanjira : Directrice de projet Visiteur : 1
Visiteur : 2
Visiteur : 3
Visiteur : 4

Liste des visiteurs ouverte : Entrée libre

Adrian Experi, dit Ad, Adan, Adi ou simplement monsieur Experi n’eut pas une vie facile. Ni simple, ni désirable, ni même non désirable sa vie ne fréquenta aucune frontière connue et c’est pourquoi elle continue à nous surprendre, d’habiter nos mémoires, longtemps, très longtemps avant qu’elle n’ait vraiment commencé. Avant qu’elle n’ait légalement et dûment commencé. Voilà qui peut sembler curieux. Surtout à une époque comme la nôtre, je veux dire pleine d’une épaisseur de temps vénérable et cependant restreinte à son présent, aplatie entre les bornes de l’actualité. La spectaculaire époque du présent-actualité: sans fenêtres ni couloirs ouvrant sur le passé, sur un hier ou un demain habitables et vivants. À cette période ambiguë les hommes ont donné le beau nom d’Aujourd’hui.
Improbable aventure que celle d’Adrian Experi, mais dont je peux te parler à mon aise, car Adrian Experi c’est moi. Et si je le fais ainsi — semblant lever le masque sitôt posé, ce qui ne sera pas sans conséquences —, c’est parce que j’ai choisi d’en témoigner auprès de toi. Oui, d’en parler de préférence à toi.
Pourquoi?
Je m’adresse à toi car je sais que tu vas me comprendre. Chaque jour du fond dévasté de nos pratiques une lueur s’obstine à briller, brille, brillerait malade ou dérisoire même si pour toi désormais rien n’est sûr. Cependant, prenant courage, je m’adosse au vide et te parle: du coup tous les mots qui vont suivre s’enchaîneront sans garantie. Et si tu veux continuer à me lire, quoi qu’il advienne, protège-toi. Surtout protège-toi. Car en ce qui me concerne je préviens mais n’épargne pas.
Maintenant, si tu penses avoir préservé dans ta vie le fil naturel d’une respiration, écoute:

L.A. 1953
Dans le rétroviseur elle voit basculer vers la ville les lacets qui grimpent sur Roscomere Road, qui lentement traversent les pins dans les dernières lueurs du jour, Moonce, non pas vautrée, affalée ni même abandonnée juste assise à l’arrière de la berline, bien droite, tête penchée tout de même le regard fixé vers l’ailleurs ou simplement le vide qu’aspire à l’avant le rétroviseur de la Packard marine, se murmurant avec un reste de tendresse: encore un tour… un dernier tour et puis j’irai dormir…, voyant cependant de plus en plus s’éloigner le quartier des studios où elle doit tourner le lendemain à l’aube, et, à mesure que s’épaissit la végétation, se rapprocher la blanche et enfouie maison de Lore H. B.
Enveloppée d’une capeline laissant deviner le chic plus spectaculaire de sa tenue, la jeune femme se penche vers le chauffeur: «Allez, rien qu’un tour, Roy, je t’en prie, un dernier… et puis j’irai dormir.» Dans le rétroviseur du plafond le chauffeur lui décoche un sourire. Aussitôt la passagère se détourne pour masquer sa reconnaissance et, une dernière fois, les yeux baissés, révise la conformité de sa tenue: n’avoir rien trahi cette fois, pas de gaffe, la hauteur des talons, le fourreau de satin vert… noir?… vert ce soir de ce vert appelé Pandora, le moindre clip, bijoux (forcément authentiques) jusqu’à l’aura de la coiffure, bien sûr, d’une ressemblance que certains sur son passage dans la villa qualifient «d’hallucinante».
Ouvrant les yeux, d’un geste brusque Moonce Moon rabat son manteau sur le vert de sa robe, et, digne, lève la tête (peu visible sous la capuche), son regard laissant filer sur le côté un panneau où l’on peut lire en lettres à demi absorbées par la nuit (malgré le scintillement qui vient juste de s’allumer), où l’on pourrait deviner si l’on avait la curiosité des derniers arrivants sur la ville (comme un humour noir propre à cette région du monde), où l’on aurait pu déchiffrer au passage :
Bienvenue
à la Cité des anges

puis quelques minutes plus tard si on n’avait pas été trop distrait sur un panneau identique on aurait aperçu

Bienvenue à Hollywood

et enfin, sur un troisième et dernier panneau en lettres encore plus fuyantes, mal éclairées et aussi imprévisibles qu’invraisemblables,

Mais
attention
aux pseudo-mirages
du Monde des images »

À propos de l’auteur
RAYMOND-THIMONGA_©DR

Philippe Raymond-Thimonga © Photo DR

Philippe Raymond-Thimonga est né à Paris où il vit et enseigne la psychologie. Après L’Éternité, de temps en temps (Mercure de France), ses derniers romans comme Ressemblances (Desclée de Brouwer) ou Domino (L’Esprit des péninsules) sont axés sur le devenir humain dans la société contemporaine. Il a également écrit le livret d’un drame lyrique pour les Percussions de Strasbourg, La Célébration des invisibles (Mercure de France) qui fut repris à Paris à la Cité de la Musique (Source: Serge Safran Éditeur)

Site internet de l’auteur
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Sur la route

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Sélectionné par les « 68 premières fois »

En deux mots:
Sal, le narrateur, décide un jour de quitter New York et de rejoindre la Côte Ouest. Autour du récit de ses voyages avec son ami Dean, il nous offre une galerie de portraits impressionnants et raconte les États-Unis dans les années 1950, la musique et la drogue, les filles et l’alcool et… une certaine idée de la liberté.

Ma note:
★★★ (bien aimé)

Ma chronique:

«L’histoire c’est toi et moi et la route»

On a beaucoup écrit et commenté Sur la route de Jack Kerouac, parlé de la Beat generation, des légendes autour du manuscrit et de son auteur. Ne serait-il pas mieux de le (re)lire?

Quelques mots sur la forme avant d’en venir sur le fond, car cette dernière fait partie intégrante du mythe. L’histoire, ou la légende colportée par Jack Kerouac lui-même, veut que ce livre ait été écrit en trois semaines sur un rouleau d’une longueur de quelque 40 mètres, comme une très longue lettre adressée à son ami Neal Cassady, à San Francisco. «Je l’ai fait passer dans la machine à écrire et donc pas de paragraphes… l’ai déroulé sur le plancher et il ressemble à la route.» écrira-t-il.
Howard Cunnell, dans sa préface, explique qu’il «s’était mis au clavier, avec du bop à la radio, et il avait craché son texte, plein d’anecdotes prises sur le vif, au mot près; leur sujet: la route avec Dean, son cinglé de pote, le jazz, l’alcool, les filles, la drogue, la liberté.»
Si la vérité est sans doute plus proche d’une retranscription de notes prises en route, le rouleau original n’en existe pas moins et donne une idée des problèmes rencontrés par l’éditeur au moment de le publier. Il n’est donc guère étonnant que les refus aient été nombreux. Fort heureusement, Viking Press a donné son accord après sept années de tergiversations et après que Kerouac ait retravaillé son manuscrit. Depuis on ne compte plus les rééditions et traductions dans le monde entier.
L’histoire raconte plusieurs voyages et donne une bonne idée de ce qu’était l’Amérique au tournant des années 1940-1950. Le narrateur, Sal Paradise, vient de divorcer. À New York, en errant dans les rues, il rencontre Dean Moriarty. Ensemble, ils décident de partir vers la côte ouest, de rejoindre la Californie. Mais comme c’est bien plus le voyage que la destination qui leur plaît, ils vont reprendre la route vers l’Est puis le Sud, faisant à chaque fois de nouvelles rencontres, de nouvelles expériences. Ils démontrent aussi – au moins à cette époque – que pratiquement sans un sou, il est assez facile de s’en sortir et même de faire la fête. Car l’alcool et la drogue sont omniprésents durant toute leur épopée. Quelques petits boulots ici ou là, les cadeaux d’amis plus chanceux rencontrés en chemin, le partage et une certaine insouciance président à leur destinée.
Car si un thème majeur se cristallise au fil des pages, c’est bien celui d’une recherche permanente du plaisir – artificiel ou réel – et de la liberté. Et comme ce but est partagé par de nombreux ami(e)s, il va faire émerger ce qu’on appellera plus tard la Beat generation qu’incarneront aussi Allen Ginsberg et William Burroughs, et que l’on retrouve dans le livre sous les traits de Carlo Max et Old Bull Lee. Le groupe de «Ceux qui ont la fureur de vivre, de parler, qui veulent jouir de tout. Qui jamais ne baillent, ni ne disent une banalité. Mais qui brûlent, brûlent, brûlent, comme une chandelle dans la nuit» va souvent dépasser les limites, chercher jusqu’où aller trop loin. Cela vaut en particulier pour Dean, attiré par le côté obscur.
Et si les amateurs de voyages trouveront ici un itinéraire et des descriptions de lieux (voir à ce propos la carte Détaillée réalisée par un étudiant allemand), j’aimerais souligner un autre aspect tout aussi intéressant à mes yeux: la bande-son.
Si Kerouac affirmait avoir écrit sur un rythme de jazz et de Be Bop, il a truffé son récit de références et fait de Miles Davis, Charlie Parker ou encore Lionel Hampton, pour n’en citer que trois, ses compagnons de route aussi indispensables que les filles. Car bien entendu, s’il est question d’amour de la musique, il est aussi question d’amour et de relations qui ne sont du reste pas aussi éphémères qu’on peut le penser à première vue. Marylou, le première épouse de Dean, sera de plusieurs voyages. Sal vivra avec La Môme, une mexicaine avec laquelle il travaillera dans les champs de coton, une vraie passion.
Et si cette histoire, comme l’expérience contée dans le livre, finira mal, on retiendra d’abord ce souffle, cette envie, ce désir fou de vivre intensément. Jusqu’à se brûler. Et s’agissant de Jack Kerouac, l’ambition de retranscrire cette intensité à travers un style, une écriture. Comme l’écrit William Burroughs, «il passait sa vie à écrire, il ne pensait qu’à écrire, il ne voulait rien faire d’autre.»

Sur la route. Le rouleau original
[On The Road : The Original Scroll]
Jack Kerouac
Éditions Folio Gallimard (n° 5388)
Roman
Trad. de l’anglais (États-Unis) par Josée Kamoun
Édition et préface d’Howard Cunnell. Préface de Joshua Kupetz, George Mouratidis et Penny Vlagopoulos
624 p., 9,70 €
EAN 9782070444694
Paru le 7/05/2012

Où?
Le roman se déroule aux États-Unis, le Guide du routard a eu la bonne idée de détailler tout l’itinéraire. En voici le détail.
Signalons aussi le travail d’un étudiant allemand qui a retracé tout l’itinéraire sur Google Maps

Quand?
L’action se situe dans les années 1949-1950.

Ce qu’en dit l’éditeur
« »Avec l’arrivée de Neal a commencé cette partie de ma vie qu’on pourrait appeler ma vie sur la route. […] Neal, c’est le type idéal, pour la route, parce que lui, il y est né, sur la route… »
Neal Cassady, chauffard génial, prophète gigolo à la bisexualité triomphale, pique-assiette inspiré et vagabond mystique, est assurément la plus grande rencontre de Jack Kerouac, avec Allen Ginsberg et William Burroughs, autres compagnons d’équipées qui apparaissent ici sous leurs vrais noms.
La virée, dans sa bande originale : un long ruban de papier, analogue à celui de la route, sur lequel l’auteur a crépité son texte sans s’arrêter, page unique, paragraphe unique.
Aujourd’hui, voici qu’on peut lire ces chants de l’innocence et de l’expérience à la fois, dans leurs accents libertaires et leur lyrisme vibrant ; aujourd’hui on peut entendre dans ses pulsations d’origine, le verbe de Kerouac, avec ses syncopes et ses envolées, long comme une phrase de sax ténor dans le noir.
Telle est la route, fête mobile, traversées incessantes de la nuit américaine, célébration de l’éphémère.
« Quand tout le monde sera mort », a écrit Ginsberg, « le roman sera publié dans toute sa folie. »
Dont acte.» Josée Kamoun

68 premières fois
Sélection anniversaire : le choix de Pascal Manoukian

MANOUKIAN_Pascal_©Hermance_triay

Photographe, journaliste, réalisateur, Pascal Manoukian a couvert un grand nombre de conflits. Ancien directeur de l’agence CAPA, il se consacre désormais à l’écriture. Il a publié notamment, aux éditions Don Quichotte, Le Diable au creux de la main (2013), Les Échoués (2015) et Ce que tient ta main droite t’appartient (2017) et Le Paradoxe d’Anderson et Le cercle des hommes en 2020. (Source: Éditions du Seuil)

«J’ai lu Sur la route à 16 ans, comme Kerouac l’a écrit, sur la route, le pouce levé entre Minneapolis et San Francisco, de maisons bleues en maisons bleues. C’était l’année 1971. Le monde était encore délicieusement déconnecté et nous rêvions pour lui du meilleur. Je suis tombé à l’intérieur des pages, confondant ma vie avec la sienne. Jamais depuis je n’ai retrouvé un tel sentiment de liberté. Rarement, mais parfois, en traversant un paysage ou en rentrant chez-moi, il m’arrive une fraction de seconde, comme un ancien fumeur, croisant un invétéré tirer sur une taffe, de vouloir recommencer. Kerouac, ce sont toutes nos contradictions mises en pages ou plutôt en rouleau.»

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Page Wikipédia du livre
Madmoizelle.com
France Culture (Cinq lectures pour votre été)
Voyageurs du monde (Stéphane Guibourgé)
Blog Calliope Pétrichor 


Bande-annonce du film tiré du roman Sur la route de Jack Kerouac © Production FilmsActu

Extraits
« Et je les ai suivis en traînant les pieds comme je l’ai toujours fait quand les gens qui m’intéresse. Parce que les seuls qui m’intéresse sont les fous furieux, ceux qui ont la fureur de vivre, la fureur de dire, ceux qui veulent tout en même temps, ceux qui ne baillent jamais et ne préfèrent jamais de banalité, qui brûlent, brûlent, brûlent comme des chandelles rebelles dans la nuit.»

« Puis vient le jour des révélations de l’Apocalypse, où l’on comprend qu’on est maudit, et misérable, et aveugle, et nu et alors, fantôme funeste et dolent, il ne reste qu’à traverser les cauchemars de cette vie en claquant des dents. »

« J’ai rencontré Neal pas très longtemps après la mort de mon père… Je venais de me remettre d’une grave maladie que je ne raconterai pas en détail, sauf à dire qu’elle était liée à la mort de mon père, justement, et à ce sentiment affreux que tout était mort. Avec l’arrivée de Neal a commencé cette partie de ma vie qu’on pourrait appeler ma vie sur la route. Avant, j’avais toujours rêvé d’aller vers l’Ouest, de voir le pays, j’avais toujours fait de vagues projets, mais sans jamais démarrer, quoi, ce qui s’appelle démarrer. Neal, c’est le type idéal, pour la route, parce que lui, il y est né, sur la route, en 1926, pendant que ses parents traversaient Salt Lake City en bagnole pour aller à Los Angeles. La première fois que j’ai entendu parler de lui, c’était par Hal Chase, qui m’avait montré quelques lettres écrites par lui depuis une maison de correction, dans le Colorado. Ces lettres m’avaient passionné, parce qu’elles demandaient à Hal avec une naïveté attendrissante de tout lui apprendre sur Nietzsche et tous ces trucs intellectuels fabuleux, pour lesquels il était si justement célèbre. À un moment, Allen Ginsberg et moi, on avait parlé de ces lettres, en se demandant si on finirait par faire la connaissance de l’étrange Neal Cassady. Ça remonte loin, à l’époque où Neal n’était pas l’homme qu’il est aujourd’hui, mais un jeune taulard, auréolé de mystère. On a appris qu’il était sorti de sa maison de correction, qu’il débarquait à New York pour la première fois de sa vie ; le bruit courait aussi qu’il avait épousé une fille de seize ans, nommée Louanne. Un jour que je traînais sur le campus de Columbia, Hal et Ed White me disent que Neal vient d’arriver, et qu’il s’est installé chez un gars nommé Bob Malkin, dans une piaule sans eau chaude, à East Harlem, le Harlem hispano. Il était arrivé la veille au soir, et découvrait New York avec Louanne, sa nana, une chouette fille ; ils étaient descendus du Greyhound dans la 50e Rue, et ils avaient cherché un endroit où manger ; c’est comme ça qu’ils s’étaient retrouvés chez Hector, à la cafétéria que Neal considère depuis comme un haut lieu new-yorkais. Ils s’étaient payé un festin de gâteaux et de choux à la crème. »

Playlist (par ordre d’apparition dans le livre)
Source : Shut up and play the books

Jack parle du courant musical bebop qui « à cette époque, en 1947, […] faisait fureur dans toute l’Amérique. »
L’auteur parle de « la période ornithologique » du saxophoniste Charlie Parker (1920 – 1955) en référence à son titre Ornithology sur l’album Dial sorti en 1946.
Le compositeur et trompettiste Miles Davis (1926 – 1991) est évoqué.
Jack va à l’opéra de Central City et cite le nom de Lillian Russell (1860-1922), une actrice et chanteuse américaine. L’œuvre jouée est Fidelio, l’unique opéra de Ludwig van Beethoven, composé en 1804 et 1805.
Lors d’une soirée des choristes de l’opéra chantent Sweet Adeline, ce morceau publié en 1903 connut le succès en 1904 grâce à l’interprétation du groupe The Quaker City Four.
Je n’ai pas trouvé la référence du morceau dont les paroles « Le boogie, si tu sais pas le danser, moi je vais te montrer » sont censées provenir.
Le morceau Central Avenue Breakdown de Lionel Hampton (1908 – 2002) vibraphoniste, pianiste et batteur de jazz américain est évoqué.
La « chanson grandiose » Lover Man, parue en single en 1945,de la chanteuse Billie Holiday (1915 – 1959) est évoquée.
La chanson dont les paroles sont « La fenêtre elle est cassée, et la pluie, elle rentre dans la maison » est citée. Les paroles originales de ce morceau intitulé Mañana (Is Soon Enough for Me) sont « The window she is broken and the rain is comin’ in. » Ce titre a été interprété par Peggy Lee en 1947.
Jack s’isole dans un cimetière et y chante Blue Skies. Ce morceau composé en 1926 a été interprété en 1927 par Ben Selvin. On le retrouve la même année dans le film The Jazz Singer considéré comme le premier film parlant de l’histoire du cinéma.
Billie Holiday est de nouveau citée.
Dizzy Gillepsie (1917 – 1993) est évoqué. Ce compositeur, chef d’orchestre et trompettiste de jazz américain est considéré comme l’un des trois plus importants trompettistes de l’histoire du jazz avec Miles Davis et Louis Armstrong (1901 – 1971). Il a participé à la création du style Bebop et contribué à introduire les rythmes latino-américains dans le jazz.
Jack parle d’un « disque de bop endiablé » qu’il vient d’acheter, son titre : The Hunt. « Dexter Gordon et Wardell Gray y soufflent comme des malades, devant un public qui hurle ; ça donne un volume et une frénésies pas croyables. » Cet album est sorti en 1947.
Neal écoute le morceau A fine romance joué par une boite à musique. Ce titre a été écrit en 1936 pour le film musical Swing Time avec Fred Astaire et Ginger Rogers. Ce morceau été également interprété par Bille Holiday, Louis Armstrong et Ella Fitzgerald.
Les opéras de Verdi sont évoqués.
Le « grand pianiste de jazz » anglo-américain George Shearing (1919 – 2011) est cité, puis le batteur Denzel Best (1917 – 1965) « immobile à sa batterie ».
L’émission de radio Chicken Jazz’n Gumbo Disc-jockey Show, diffusée depuis La Nouvelle Orléans est citée.
Jack et Neal vont voir Slim Gaillard (1916 – 1991) dans un « petit night-club de Frisco ». Ce chanteur de jazz y interprète les morceaux Cement Mixer et C-Jam Blues.
Toujours dans un bar le morceau Close your eyes est chanté. Ce titre écrit en 1933 a été interprété par de nombreux artistes dont Harry Belafonte (1949), Ella Fitzgerald (1957), Peggy Lee (1963), Queen Latifah (2004)…
Évocation de Ed Saucier, un altiste (joueur de alto, instrument proche du violon) de San Francisco.
Le morceau suivant n’est pas cité explicitement dans le rouleau original mais il l’est dans la version de Sur la route publiée en 1957. Il s’agit du titre Congo Blues du Red Norvo Sextet enregistré en 1945. Red Norvo (1908 – 1999) était un vibraphoniste, xylophoniste et joueur de marimba américain. Jack Kerouac fait d’ailleurs une erreur en citant ce morceau, il l’annonce comme étant un des premiers morceaux de Dizzy Gillespie alors que si celui-ci joue bien sur ce titre il s’agit d’une œuvre collective du Red Norvo Sextet. De plus Max West qui est censé jouer de la batterie sur ce titre était en réalité un… joueur de baseball.
L’accident de voiture de Stan Hasselgård (1922 – 1948), « célèbre clarinettiste de bop » suédois, est évoqué.
Le timbre de voix de « Prez Lester » est évoqué. Prez (le prédisent) est le surnom de Lester Young (1909 – 1959) un saxophoniste, clarinettiste et compositeur de jazz américain.
Les noms de Charlie Parker, Miles Davis, Louis Armstrong et Roy Eldrige (1911 – 1989) avec « son style vigoureux et viril » sont cités. Puis viennent d’autres noms dans l’histoire du jazz racontée par Kerouac : Count Basie (1904 – 1984), Benny Moten (1894 – 1935), Hot Lips Page (1908 – 1954), Thelonious Monk (1917 – 1982) et de nouveau Gillespie et Lester Young.
Kerouac assiste à une prestation de George Shearing qui est accompagné des musiciens Denzel Best, John Levy (1912 – 2012) et Chuck Wayne (1923 -1997).
L’émission radiophonique de Symphony Sid alias Sid Torin (1909 – 1984) qui passe « les derniers morceaux de bop » est évoquée.
Un disque de Willis Jackson (1932 – 1987) est joué, autographié Willie dans le livre. Une nouvelle fois le morceau n’est pas cité dans le rouleau original alors qu’il l’est dans le livre publié, il s’agit de titre Gator tail sur lequel Willis Jackson est accompagné du Cootie Williams Orchestra.
Nouvelle évocation de Gillepsie « on mettra un disque de Gillespie vite fait, et d’autres de bop ».
Des titres de Lionel Hampton, ainsi que de Wynonie Blues Harris (1915 – 1969) et Lucky Millinder (1900 – 1966), tous deux musiciens de rhythm and blues, sont joués dans un juke-box « histoire que ça balance ». Un nouveau morceau non référencé dans le rouleau original est évoqué dans la version publié du livre, il s’agit du titre I like my baby’s pudding de Wynonie Blues Harris. Ce titre aux paroles à double sens parlant de femmes et d’alcool est sorti en 1950.
Au Mexique un « juke-box des années trente jouait de la musique de campesinos (paysans) ».
Des titres de Perez Prado sont joués. Jack et Neal dansent avec des filles sur More mambo jambo, Chattanooga de mambo, Mambo numero ocho et Mambo jambo.

À propos de l’auteur
Jack Kerouac est né en 1922 à Lowell, Massachusetts, dans une famille d’origine canadienne-française.
Étudiant à Columbia, marin durant la Seconde Guerre mondiale, il rencontre à New York, en 1944, William Burroughs et Allen Ginsberg, avec lesquels il mène une vie de bohème à Greenwich Village. Nuits sans sommeil, alcool et drogues, sexe et homosexualité, délires poétiques et jazz bop ou cool, vagabondages sans argent à travers les États-Unis, de New York à San Francisco, de Denver à La Nouvelle-Orléans, et jusqu’à Mexico, vie collective trépidante ou quête solitaire aux lisières de la folie ou de la sagesse, révolte mystique et recherche du satori sont quelques-unes des caractéristiques de ce mode de vie qui est un défi à l’Amérique conformiste et bien-pensante.
Après son premier livre, The Town and the City, qui paraît en 1950, il met au point une technique nouvelle, très spontanée, à laquelle on a donné le nom de « littérature de l’instant » et qui aboutira à la publication de Sur la route en 1957, centré sur le personnage obscur et fascinant de Dean Moriarty (Neal Cassady). Il est alors considéré comme le chef de file de la Beat Generation. Après un voyage à Tanger, Paris et Londres, il s’installe avec sa mère à Long Island puis en Floride, et publie, entre autres, Les Souterrains, Les clochards célestes, Le vagabond solitaire, Anges de la Désolation et Big Sur. Jack Kerouac est mort en 1969, à l’âge de quarante-sept ans. (Source: Éditions Gallimard)

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Deux mètres dix

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En deux mots:
Deux championnes de saut en hauteur et deux haltérophiles, l’un et l’autre américains et kirghizes s’affrontent pour prouver qu’ils sont les meilleurs au monde. Mais au-delà de leur histoire personnelle, on découvre un combat politique féroce où tous les coups sont permis.

Ma note:
★★★ (bien aimé)

Ma chronique:

Champion ou marionnette?

Jean Hatzfeld continue à explorer le monde du sport dans son nouveau roman qui confronte l’Amérique et l’Union soviétique entre 1980 et 1984 à travers les portraits de deux championnes de saut en hauteur et de deux haltérophiles. Cruel et beau.

Le nouveau roman de Jean Hatzfeld a réveillé en moi des souvenirs et des émotions liées à mon adolescence et à ma famille, même si le sujet peut sembler à priori bien éloigné de cet univers. Dès 1972 et les Jeux olympiques de Munich, mon père a décidé de participer à la grande fête du sport. Il a été retenu comme bénévole et nous avons été retenus à la maison, condamnés à suivre les épreuves devant notre téléviseur. À son retour, le récit de son expérience nous a enthousiasmé, en particulier les tournois de boxe et d’haltérophilie qu’il a pu suivre sur scène et en coulisses. Pratiquant l’athlétisme, j’ai alors décidé que j’irais mois aussi partager cette expérience. Mon rêve s’est réalisé en 1976 à Montréal.
Et si le roman se base sur les jeux suivants, en 1980 à Moscou (boycotté par les États-Unis) et en 1984 à Los Angeles (boycotté par l’Union soviétique), j’ai bien retrouvé l’ambiance très particulière qui règne alors et cette tension dans la course aux records et aux médailles.
Jean Hatzfeld choisit de dresser le portrait de quatre athlètes désormais retraités pour raconter ce combat entre l’est et l’ouest, entre les deux systèmes politiques qui entendent chacun démontrer leur supériorité.
Il y a d’abord Sue Baxter, la championne de saut en hauteur américaine et Tatyana Izvitkaya, sa rivale du Kirghizistan devenue Tatyana Alymkul. C’est leur rivalité pour un record du monde mythique qui donne son titre au roman.
En complément, et sans doute pour montrer le contraste entre la grâce et la fluidité de la discipline féminine, l’auteur nous raconte la rivalité dans une discipline où la puissance et la force physique dominent: l’haltérophilie incarnée ici par Randy Wayne et Chabdan Orozbakov.
Avant de dire un mot du contexte de l’époque, soulignons que ces quatre athlètes sont nés de l’imagination du romancier, mais résument parfaitement ce que le journaliste a vu et rapporté dans ses articles (l’auteur était alors envoyé spécial aux J.O. pour Libération).
Emboîtant le pas à Vincent Duluc qui a retracé les parcours de Kornelia Ender et Shirley Babashoff et leur combat lors des Jeux Olympiques de Montréal (j’y étais!), Jean Hatzfeld fait du corps des athlètes le symbole de la guerre froide, des gymnases le champ d’une bataille politique épique et des entraîneurs les émissaires d’un système qui n’hésite pas à recourir aux substances dopantes et au chantage pour assouvir le besoin de gloire des dirigeants. Ou quand le reporter sportif se souvient qu’il a aussi été reporter de guerre.
Il y a du reste de la mélancolie de l’ancien combattant dans cette rencontre, des années après, entre des athlètes qui ont été plus manipulés qu’acteurs de leur destin, plus marionnettes du pouvoir que héros. Leur corps est abîmé et leurs illusions se sont envolées. L’alcool et la drogue ont remplacé les amphétamines et les anabolisants. Dur constat, triste réalité.

Deux mètres dix
Jean Hatzfeld
Éditions Gallimard
Roman
208 p., 18,50 €
EAN : 9782072799914
Paru le 23 août 2018

Où?
Le roman se déroule aux États-Unis et dans l’ancienne Union soviétique, plus précisément au Missouri et en Arizona ainsi qu’au Kirghizistan. On y évoque aussi les lieux de compétition tels que Helsinki, Moscou et Los Angeles.

Quand?
L’action se situe de 1980 à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
« — 2,10 mètres, dit Sue.
— Oui, 2,10 mètres, alors?
— Depuis le temps, des filles l’ont passé?
— Non, j’ai entendu qu’elles se cognent toujours le nez dessus.
— Tu en dis quoi?
— Je ne sais pas. La barre nous attend.»
Histoire de quatre sportifs de très haut niveau, entre les Jeux olympiques de 1980 et aujourd’hui: deux champions haltérophiles, un Américain du Missouri et un Kirghize ; deux sauteuses en hauteur exceptionnelles, une jeune Américaine et une Kirghize d’origine koryo-saram. Leurs rivalités sont mêlées d’admiration et d’incompréhension réciproques, parfois extrêmes, qui, des années plus tard, donneront lieu à des retrouvailles inattendues dans les montagnes kirghizes.
Jean Hatzfeld raconte l’univers sportif dans le contexte tendu de l’époque (guerre froide, déportations dans le bloc soviétique…) qui cabossera ses héros. Il porte aussi un regard très aigu sur les gestes des champions jusqu’à rendre poétiques les sauts en hauteur de Sue et Tatyana et leurs corps délivrés de la pesanteur. Les haltérophiles sont peints dans la puissance héroïque de leur musculature et de leurs rituels, telles des créatures fabuleuses.
Quatre destins qui se croisent, quatre portraits inoubliables.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
L’Express (entretien croisé avec Vincent Duluc)
France Inter ¬– Le 80’ de Nicolas Demorand
L’Humanité (Muriel Steinmetz)
Les Échos (Philippe Chevilley)
La Grande Parade (Serge Bressan)


Jean Hatzfeld présente son roman Deux mètres dix © Production Librairie Mollat

Les premières pages du livre
« Un mobile home
Depuis un moment les merles ne chantaient plus, ils babillaient à peine et Sue le percevait. La chaleur dans le mobile home confirmait une matinée bien avancée.
Le drap dont elle avait recouvert sa tête ne pouvait plus duper son esprit embrumé. Elle finit par céder à une fatalité qu’elle savait impitoyable et ne repoussa pas
davantage l’attaque de la migraine que provoquerait son premier geste.
Sue se redressa d’un coup pour s’asseoir au bord du lit. Remarquant l’absence de culotte, elle fit la moue, tâtonna du bout des doigts entre ses jambes afin de vérifier si en plus elle n’avait pas couché. Elle tendit ses longues jambes bronzées, s’amusa à faire saillir ses muscles en rapides contractions. Sans fierté, seulement ravie, elle les contempla une nouvelle fois. Mes îlots de beauté qui résisteront à tout, pensa-t‑elle. Du bout du pied, elle ramena une jupe et un tee-shirt qui traînaient par terre. Les merles savouraient les derniers recoins d’ombre dans les branches des séquoias, avant qu’elle ne soit absorbée par le soleil qui frappait d’en haut. Ils s’avancèrent sur une branche, les mâles en plastron noir, les dames en chemisier roux, foulard blanc, et saluèrent d’un trille flûté. Merci, merci, les amis. Éblouie par la lumière, les mains serrant une tasse de café, Sue se posa en haut du marchepied et observa dans l’herbe les bouteilles et les mégots éparpillés. Encore une lame de fond d’ivresse qui l’avait échouée en vrac, sans nausée. Ça la paniqua presque. Elle fut tentée de se glisser deux doigts dans la gorge. Elle eût souhaité vomir son dégoût contre un arbre, même sous le regard des passants, comme ça lui était déjà arrivé, ou hoqueter sa bile, vider la saleté au bord de sa cuvette, pleurnicher de fureur.
Au loin, en bordure d’une prairie, une file de silhouettes se dirigeait vers l’entrée de l’Old Coyote Park. Un chien vint par-derrière fourailler de son museau les mains de Sue jusqu’à les ouvrir.
— Hi, young fellow!
Il tenta en trois bonds de l’entraîner vers les arbres, mais comprit que ce n’était pas le jour, revint la dévisager, s’abstint de frétiller de la queue ou de pencher sa tête avec de grands yeux affectueux et toutes sortes de minauderies qui ne marchaient pas avec elle. Elle lui souffla sur la truffe. Sue aimait sa gaieté, lui aimait la gentillesse de Sue, sa gaieté aussi et ses sautes d’humeur.
C’était le chien du mobile home d’à côté, dont le maître passait ses jours et ses nuits à démonter des carburateurs dans une casse de Sunny Slope.
Deux coups de klaxon, la voiture du facteur arriva, qui lui tendit une lettre :
— Hello, Sue, si jolie. Tiens.
Sue fit tourner l’enveloppe verte dans ses doigts :
— Regarde ces caractères, ces timbres, on dirait des russes.
— Tes fans se cachent jusqu’au bout du monde, et fidèles ! À plus, Sue.
Le papier rugueux intriguait Sue qui retrouva sa marche d’escalier, fit tourner une nouvelle fois le pli avant de l’ouvrir. Écrite au stylo à plume, la lettre débutait ainsi :
« Chère Susan,
Je m’appelle Tatyana Alymkul, mais tu m’as connue sous mon nom russe, Tatyana Izvitkaya. Peut-être te souviens-tu, nous nous sommes rencontrées à Helsinki en 1982. Un journaliste français est venu la semaine dernière pour me poser un tas de questions. Il voulait tout savoir sur cette époque. C’est lui qui m’a rappelé ce concours d’Helsinki. Il y avait assisté, et m’a demandé une foule insensée de détails, il s’imaginait que j’y pensais chaque matin. J’espère que tu n’en gardes pas un mauvais souvenir et que cette lettre ne réveille pas des sentiments désagréables. Nous avons donc parlé de la dernière barre, de l’orage et de toi, beaucoup de toi, bien sûr. Ce journaliste m’a parlé des soucis et des difficultés que tu affrontes depuis quelques années. J’ai abandonné le monde de l’athlétisme depuis longtemps, je suis retournée chez moi, au Kirghizistan. C’est un petit pays inconnu. Je vis dans une maison en bois peinte en bleu. Dans la rue, d’autres maisons sont rouges ou vertes.
Elle se trouve dans un village en montagne. Il fait très froid l’hiver, le blanc s’accorde au paysage. L’été, les journées sont chaudes, et en cette saison les arbres se parent de belles couleurs. Une rivière coule dans le village. Nous aimons cette rivière. Il y a un lac plus haut, on s’y baigne en été. Partout autour, des dizaines de milliers de chevaux et de moutons. Les chevaux sont de bonne compagnie en période chahutée, nos moutons aussi, crois-moi. La montagne te voudrait du bien. Une chambre t’attend. Elle est meublée de tapis de chez nous et de jolies étoffes. Elle donne sur un jardin. Il est en fouillis car je jardine mal. Les fleurs se disputent tant elles s’y plaisent. Ça me ferait plaisir que tu viennes, le temps que tu veux. On se promènera, on parlera seulement de ce que tu veux… »

Extrait
« C’est dans ce parc, un matin à l’aube, qu’Earl l’avait découverte alors qu’il traitait les arbres avant l’arrivée de la foule. Elle gisait inerte sous un taillis. La grande taille de ce corps féminin d’abord l’étonna. Puis le survêtement tricolore l’intrigua ; de plus près, il reconnut l’écusson des équipes américaines. Un pied avait perdu sa chaussure, aucun sac ne traînait alentour. Elle se tenait recroquevillée sur le côté, ses longs cheveux emmêlés recouvraient son visage, l’immobilité laissait penser à un sommeil profond. Lorsqu’il lui tapota l’épaule, elle tourna vers lui des yeux grands ouverts, un visage boursouflé par l’alcool, marqué de taches violacées, probablement des coups, s’inquiéta Earl. (…) Soudain, une intuition. Ça ne peut pas être elle! Elle l’entendit, il fallut qu’elle bredouille son nom pour qu’il admette qu’elle était Sue Baxter, il n’y a encore pas si longtemps le visage le plus célèbre de la ville. »

À propos de l’auteur
Jean Hatzfeld est né en 1949 à Madagascar. Petit-fils de l’archéologue et helléniste français du même nom (Jean Hatzfeld, mort en 1947), fils d’un professeur de philosophie et d’une infirmière, Jean Hatzfeld passe son enfance en Haute-Loire et en Corrèze. Il entre au journal Libération dans les années 1970 et y créée avec Serge Daney, Homeric et JP Delacroix, le premier service des sports, domaine jusque là négligé voire méprisé par la rédaction du journal. Jean Hatzfeld exerce alors sa plume au sein de cette rédaction, «car le sport c’est de la littérature, avec sa mythologie, ses codes, sa langue, ses personnages et ses histoires».
Jean Hatzfeld découvre la guerre « par hasard », à l’occasion du remplacement d’un confrère au Liban en 1979. Fasciné par cette expérience «métallique», il s’engage dans le grand reportage et le reportage de guerre. Il couvre pour son journal, le début du conflit en ex-Yougoslavie, «** je suis parti quand les premiers obus sont tombés sur Sarajevo»** et publie des articles «où l’horreur et le naturel donnent une étrange couleur» (Le Figaro). Grièvement blessé par un sniper près de l’aéroport de Sarajevo le 29 juin 1992, Jean Hatzfeld publie son premier livre en 1994 aux éditions de l’Olivier (L’air de la guerre), où il vide son carnet de notes et raconte le quotidien de la guerre sur les routes des Balkans. En 1994, la découverte du génocide Tutsi au Rwanda sera l’occasion pour le journaliste, de s’interroger sur le sens de cette terrible extermination. Nourrissant cette expérience par ses lectures de Primo Levi et Hannah Arendt, il passe dix ans «au bord des marais à regarder passer les fantômes», et délaisse sa plume de journaliste pour celle de l’écrivain. Il consacre une trilogie sur son expérience rwandaise, réalisée à partir de témoignages recueillis auprès de rescapés ou de bourreaux: Dans le nu de la vie , Seuil 2000, Une saison de machettes , Seuil 2003, La stratégie des antilopes , Seuil 2007. Ayant définitivement quitté la rédaction du journal Libération en 2006, Jean Hatzfeld publie un roman en 2011, Ou en est la nuit (Gallimard), une enquête menée par un jeune reporter français en Éthiopie, découvrant l’étrange histoire d’un athlète et marathonien nommé Ayanleh Makeda. (Source: France Inter)

Site Wikipédia de l’auteur 

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Max et la grande illusion

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Voici trois bonnes raisons de lire ce livre:
1. Parce que le premier roman d’Emanuel Bergmann a été un best-seller dans son pays, l’Allemagne et qu’il s’est déjà vendu dans dix pays. Coup de maître pour un coup d’essai, la magie de ce livre est de créer des illusions impressionnantes dans l’esprit des lecteurs et des émotions dans le cœur des gens.

2. Parce que la construction du roman, faisant des allers-retours entre le Prague des années trente et le Los Angeles d’aujourd’hui est aussi audacieuse que réussie et parce que le personnage du petit Max est très attachant. Avec lui, on a envie de croire au «Sortilège de l’amour éternel», le tour du Grand Zabbatini, qui pourrait empêcher le divorce de ses parents.

3. Parce que l’amour du cinéma transparaît à travers les scènes et les descriptions, à tel point que l’on se sent au cœur de l’action, que l’on «voit» les personnages se mouvoir, bref que l’on se fait son propre cinéma. Inutile d’ajouter que l’on comprend d’emblée le potentiel de ce roman sur grand écran.

Max et la grande illusion
Emanuel Bergmann
Éditions Belfond
Roman
traduit de l’allemand par Mathilde J. Sobottke
340 p., 22,50 €
EAN : 9782714474827
Paru en septembre 2017

Ce qu’en dit l’éditeur
Audacieux et original, un premier roman qui nous entraîne dans un voyage rocambolesque, du Prague des années trente au Los Angeles de nos jours. Histoire d’une amitié improbable entre un enfant aux rêves plein la tête et un vieil homme perdu, une œuvre lumineuse, pleine d’émotion, de drôlerie et d’une irrésistible tendresse.
Avant d’être un vieillard cynique et désabusé, Mosche, fils du rabbin Goldenhirsch, était le Grand Zabbatini, un illusionniste de génie. Ah, ça, il fallait le voir envoûter les foules sur les plus prestigieuses scènes européennes! Les grands de ce monde comme les petites gens, tous, même le chancelier Hitler, se pressaient à ses spectacles.
Et puis il y eut la guerre, les camps, la honte, la fuite, l’oubli. Et Mosche coule désormais des jours mornes dans une maison de retraite miteuse à Los Angeles.
Ce qu’il ignore, c’est que quelqu’un le cherche.
Depuis que ses parents lui ont annoncé leur intention de divorcer, Max, dix ans, a le cœur brisé. L’espoir renaît le jour où il tombe sur un vieux vinyle. Sur la pochette, un drôle de personnage et un titre intrigant, Le Sortilège de l’amour éternel. La voilà, la solution! S’il parvient à reproduire le tour, ses parents se réconcilieront. Max n’a bientôt plus qu’une idée en tête: retrouver ce magicien, le Grand Zabbatini…

Les critiques
Babelio 
Publik’Art (Bénédicte de Loriol)
MicMag (Marie Torres)
Blog Les mots de la fin
Blog Doc Bird

Les premières pages du livre

Extrait
« Ça marche, un portable? ». Zabbatini hocha la tête d’un air paternaliste; à vrai dire, il aurait aimé que ce soit un objet plus romantique. Lorsqu’il avait commencé à montrer ce tour, à Berlin, les objets qu’on lui présentait étaient bien plus jolis. À l’époque, les gens possédaient encore des montres à gousset sur lesquelles étaient gravées des mots affectueux que l’on pouvait lire à voix haute, ils avaient des boutons de manchette et des épingles de cravate à leurs initiales, ou encore des mouchoirs aux broderies sophistiquées. Le monde était moins impersonnel. Et aujourd’hui? Aujourd’hui, tout le monde avait le même téléphone, de la même marque, et pourtant ils se prenaient pour des individualistes. »

À propos de l’auteur
Emanuel Bergmann est né en 1972 à Sarrebruck, en Allemagne. Après son lycée, il s’installe à Los Angeles pour étudier le cinéma et le journalisme. Passionné par la magie du grand écran, il a travaillé pour différents studios de cinéma, compagnies de production et éditeurs indépendants. Il partage actuellement son temps entre enseignement, traduction et écriture. Son premier roman, Max et la grande illusion, a été un best-seller en Allemagne et s’est vendu dans une dizaine de pays.
Pour ce brillant coup d’essai, Bergmann a puisé son inspiration au cœur de son enfance, du divorce de ses parents et de l’amour inconditionnel qu’il porte au cinéma. Une expérience riche et intense dont il s’est nourri pour brosser le portrait du petit Max, jeune garçon aussi touchant que déterminé, et nous plonger dans un univers coloré, foisonnant et vibrant d’authenticité. (Source : Éditions Belfond)

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L’été en poche (51)

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Parce que je t’aime

En 2 mots
L’histoire de ce couple dont la fille a disparu est habilement menée. Le mari ne se remet pas de cette perte au point de quitter son existence aisée pour sombrer dans une sorte d’errance cathartique, l’épouse cherche à compenser le vide en se jetant à corps perdu dans la musique.

Ma note
etoileetoileetoile (beaucoup aimé)

Si vous voulez en savoir plus…
Ma chronique complète publiée lors de la parution du roman en grand format

Les premières lignes

L’avis du… Figaro Magazine
« La mécanique Musso est d’une implacable efficacité. (…) Les personnages sont dotés d’une fragilité extrêmement touchante et d’une humanité qui nous ficelle viscéralement à eux. Chez Musso, l’émotion a des accents majeurs. Et c’est là son plus bel atout. »

Vidéo


Guillaume Musso parle de «Parce que je t’aime». © Production minnyfee

California girls

liberati_california_girlsCalifornia Girls
Simon Liberati
Grasset
Roman
342 p., 20 €
EAN : 9782246798699
Paru en août 2016

Où?
Le roman se déroule En Californie, à Los Angeles, à Venice et Beverly Hills.

Quand?
L’action se situe en 1969, plus précisément durant 36 heures, du 8 au 10 août.

Ce qu’en dit l’éditeur
« En 1969, j’avais neuf ans. La famille Manson est entrée avec fracas dans mon imaginaire.  J’ai grandi avec l’image de trois filles de 20 ans  défiant les tribunaux américains, une croix sanglante gravée sur le front. Des droguées… voilà ce qu’on disait d’elles, des droguées qui avaient commis des crimes monstrueux sous l’emprise d’un gourou qu’elles prenaient pour Jésus-Christ. Plus tard, j’ai écrit cette histoire le plus simplement possible pour exorciser mes terreurs enfantines et j’ai revécu seconde par seconde le martyr de Sharon Tate. »
Los Angeles, 8 août 1969 : Charles Manson, dit Charlie, fanatise une bande de hippies, improbable « famille » que soudent drogue, sexe, rock’n roll et vénération fanatique envers le gourou. Téléguidés par Manson, trois filles et un garçon sont chargés d’une attaque, la première du grand chambardement qui sauvera le monde. La nuit même, sur les hauteurs de Los Angeles, les zombies défoncés tuent cinq fois. La sublime Sharon Tate, épouse de Roman Polanski enceinte de huit mois, est laissée pour morte après seize coups de baïonnette. Une des filles, Susan, dite Sadie, inscrit avec le sang de la star le mot PIG sur le mur de la villa avant de rejoindre le ranch qui abrite la Famille.
Au petit matin, le pays pétrifié découvre la scène sanglante sur ses écrans de télévision. Associées en un flash ultra violent, l’utopie hippie et l’opulence hollywoodienne s’anéantissent en un morbide reflet de l’Amérique. Crime crapuleux, vengeance d’un rocker raté, satanisme, combinaisons politiques, Black Panthers… Le crime garde une part de mystère.
En trois actes d’un hyper réalisme halluciné, Simon Liberati accompagne au plus près les California girls et peint en western psychédélique un des faits divers les plus fantasmés des cinquante dernières années. Ces 36 heures signent la fin de l’innocence.

Ce que j’en pense

***
Prenant en quelque sorte la suite de The girls, le roman d’Emma Cline, California girls revient aussi sur le quintuple meurtre perpétré par trois filles et un jeune homme en août 1969 et qui coûtera notamment la vie à Sharon Tate, l’épouse de Roman Polanski. L’angle choisi par Simon Liberati est davantage journalistique. Plutôt que de s’attacher à l’âme d’une protagoniste et à nous raconter son parcours, l’auteur va nous faire vivre l’expédition mortelle dans le détail. Une sorte de reportage parfaitement documenté dans la villa des hauteurs de Los Angeles.
Cette description clinique, minute après minute, de la façon dont le groupe va trucider ses victimes, fait froid dans le dos. La plupart des critiques se limitent du reste à la relation de ces 36 heures.
Mais la suite est proprement hallucinante. Car une fois leur forfait accompli, les assassins retournent auprès de Charles Manson, et poursuivent leur vie comme si de rien n’était. Entre sexe à deux ou en groupe et la prise de drogues diverses qui leur brûlent le cerveau, il leur reste juste le temps de suivre les leçons de leur gourou. Lors d’une promenade au bord de mer, ce dernier va croiser des flics qui patrouillent sur la plage. Il sait que les hippies sont leurs souffre-douleurs favoris, mais malgré la vigilance générale décrétée après le quintuple assassinat, ils ne lui demanderont rien. Il peut même jubiler : « Comme disait Adolf Hitler : « On ne peut plus parler de hasard quand – en une seule nuit – le destin d’un pays est changé sous l’influence d’un homme. » La certitude d’avoir créé une effervescence sociale durable et d’avoir bouleversé les certitudes de ceux qui l’avaient écrasé si longtemps dans leur système répressif lui donnait une force extraordinaire. Il était venu le temps où la Famille allait réveiller le monde pour le confronter à ses peurs profondes et libérer l’homme blanc de ses illusions en le rendant à la vie animale… La guerre raciale souhaitée par Charlie, né en 1934 dans une région hantée par le Ku Klux Klan, était le préalable du retour à la nature. »
Tandis que l’enquête piétine, le groupe se prépare à un voyage dans le désert, avec insouciance, comme dirait Karine Tuil. Même si au bout du compte, ils finiront par être rattrapés : « C’est bien le problème, avec les dingues. Ils travaillent du ciboulot, mis comme ils prennent les caillasses pour des pépites, ils restent sur le pavé. »
Simon Liberati a trouvé la distance nécessaire pour faire de ce roman un récit clinique du fait divers. Sans porter de jugement, il nous replonge dans cette époque avec ses excès, mais aussi avec ses utopies. Sans atteindre la beauté formelle du roman d’Emma Cline, son livre mérite également le détour.

Autres critiques
Babelio
BibliObs (David Caviglioli)
Télérama (Nathalie Crom)
Marie France (Valérie Rodrigue)
ELLE (Marguerite Baux)
L’Express (Marianne Payot)
Tribune de Genève (Marianne Grosjean)
Le Temps (Lisbeth Koutchoumoff, avec interview de l’auteur)
Benzinemag.net (Hugues Demeusy)
20 minutes.fr (Laurent Bainier)
Le blog de Gilles Pudlowski

Les premières pages du livre

Extrait
« Elles rirent toutes les deux comme des gamines. Leslie était mineure, Sadie avait vingt et un ans depuis trois mois et un jour. Pour les flics et les commerçants de la vallée elles étaient les « sorcières de Manson », du nom de leur gourou. Du menu fretin hippie, des délinquantes primaires qu’il aurait fallu doucher, épouiller et placer en maison de correction. Elles étaient fières de leur mauvaise réputation comme des couronnes de fleurs perlées qu’elles volaient dans les cimetières ou de leurs patchworks frangés de cheveux humains.
Allongée sur la large banquette crevée de la vieille Ford, la tête posée sur les longues cuisses de Leslie qui lui tressait des nattes d’Indienne, Sadie jouait à monter et à descendre la manivelle de la vitre avec ses pieds nus. Quand la vitre se baissait on respirait l’air brûlant venu des poubelles du supermarché et on entendait les grognements de Katie qui continuait toute seule de fouiller un dernier container. Elle était complètement défoncée. »

A propos de l’auteur
Simon Liberati est l’auteur de six livres, Anthologie des apparitions (Flammarion, 2004), Nada exist (Flammarion, 2007), L’Hyper Justine (Flammarion, 2009, prix de Flore), Jayne Mansfield 1967, (Grasset, 2011, prix Femina), 113 études de littérature romantique (Flammarion, 2013), et Eva (Stock, 2015). (Source : Éditions Grasset)

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Parce que je t’aime

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Parce que je t’aime
Guillaume Musso
XO Editions
Roman
Littérature française
ISBN Papier: 978284563360
Paru le: 01.04.2007

Où?
L’action se déroule aux Etats-Unis, principalement à New York (Manhattan), à Las Vegas et à Los Angeles.
 
Quand?
Le roman est situé en 2006.
 
Ce qu’en dit l’éditeur
Layla, une petite fille de cinq ans, disparaît dans un centre commercial de Los Angeles. Ses parents, brisés, finissent par se séparer. Cinq ans plus tard, elle est retrouvée à l’endroit exact où on avait perdu sa trace. Elle est vivante, mais reste plongée dans un étrange mutisme.
À la joie des retrouvailles, succèdent alors les interrogations. Où était Layla pendant cette période ? Avec qui ?
Et surtout : pourquoi est-elle revenue ?
Une histoire d’amour envoûtante.
Un livre profondément humain qui nous plonge dans le mystère et le suspense.
Un dénouement que vous n’oublierez pas.
 
Ce que j’en pense
***

Pour tous ceux qui aiment chercher dans la littérature un moment pour s’évader du quotidien en se plongeant dans un ouvrage qui se lit facilement, alors il n’y a pas à hésiter. L’histoire de ce couple dont la fille a disparu est habilement menée. Le mari ne se remet pas de cette perte au point de quitter son existence aisée pour sombrer dans une sorte d’errance cathartique, l’épouse cherche à compenser le vide en se jetant à corps perdu dans la musique. Mais un fait divers banal, une tentative de vol à la tire, leur permet de se retrouver. Quelques jours plus tard, on leur annonce que leur fille a été retrouvée. Entre l’exploration de leur passé, des rencontres forcément déterminantes et le dévoilement progressif de l’intrigue ­– qu’il ne faut surtout pas dévoiler – on se laisse prendre au jeu. Même si quelquefois les ficelles sont un peu grosses, le plaisir de la lecture l’emporte.
 
Autres critiques
Babelio

Citations
« Décembre 2006. C’est le soir de Noël, au coeur de Manhattan…
La neige tombe sans relâche depuis le matin. Engourdie par le froid, la «ville qui ne dort jamais» semble tourner au ralenti, malgré une débauche d’illuminations.
Pour un soir de réveillon, la circulation est étonnamment fluide, la couche de poudreuse et les épaisses congères rendant difficile le moindre déplacement.
À l’angle de Madison Avenue et de la 36e Rue, les limousines se succèdent pourtant à un rythme soutenu. Elles déversent leurs occupants sur le parvis d’une belle demeure de style Renaissance, siège de la Morgan Library, l’une des plus prestigieuses fondations culturelles de New York, qui fête aujourd’hui son centenaire.
Sur le grand escalier, c’est un tourbillon de smokings, de robes somptueuses, de fourrures et de bijoux. La foule converge vers un pavillon de verre et d’acier qui prolonge le bâtiment pour l’ancrer de façon harmo­nieuse dans le XXIe siècle. Au dernier étage, un long corridor mène à une vaste pièce où, derrière des vitrines, sont exposés quelques-uns des trésors de l’institution : une bible de Gutenberg, des manuscrits enluminés du Moyen Âge, des dessins de Rembrandt, Léonard de Vinci et Van Gogh, des lettres de Voltaire et d’Einstein, et même un bout de nappe en papier sur lequel Bob Dylan a écrit les paroles de Blowin’ in the Wind.
Progressivement, le silence se fait, les retardataires gagnent leur siège. Ce soir, une partie de la salle de lecture a été spécialement aménagée pour permettre à quelques privilégiés d’entendre la violoniste Nicole Hathaway interpréter des sonates de Mozart et de Brahms.
La musicienne entre en scène sous les applaudissements. C’est une jeune femme d’une trentaine d’années, à l’allure chic et sage. Son chignon à la Grâce Kelly lui donne des airs d’héroïne hitchcockienne. Acclamée sur les scènes internationales, elle a joué avec les plus grands orchestres et, dès son premier disque enregistré lorsqu’elle avait seize ans, reçu d’innombrables récompenses. Cinq ans plus tôt, un drame a dévasté sa vie. La presse et la télévision s’en sont fait largement l’écho et, depuis, sa notoriété a dépassé le cercle des seuls mélomanes. »
 
A propos de l’auteur
Né en 1974, Guillaume Musso, passionné de littérature depuis l’enfance, commence à écrire alors qu’il est étudiant. Paru en 2004, son roman Et après… est vendu à plus de deux millions d’exemplaires. Cette incroyable rencontre avec les lecteurs fait de lui un des auteurs français favoris du grand public, traduit dans le monde entier, et plusieurs fois adapté au cinéma.
Fiche Wikipédia
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