Presque ensemble

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Presque ensemble
Marjorie Philibert
Éditions JC Lattès
Roman
376 p., 19 €
EAN : 9782709658584
Paru en janvier 2017

Où?
Le roman se déroule principalement à Paris et banlieue, mais nous fait également voyager dans les sous-préfectures de l’hexagone avec l’un de sprotagonistes chargé de former des fonctionnaires et dans le monde entier avec l’autre des protagonistes, rédactrice pour un magazine de voyages. À la fin du récit, on retrouve les deux à Bagançay sur l’île de Bohol aux Philippines.

Quand?
L’action se situe de 1998 à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Tout commence le 12 juillet 1998. En pleine finale France-Brésil, Victoire et Nicolas se rencontrent dans un bar à Paris. Ces deux révoltés placides deviennent inséparables et se lancent dans la vie de couple. Mais loin de la passion rêvée, nos héros se retrouvent embarqués dans une odyssée domestique désespérément tranquille…
L’arrivée de Ptolémée, le chat, leur procure un temps le paradis tant souhaité. Mais rien ne dure !
Drôle et mordant, Presque ensemble explore avec brio le sentiment amoureux à l’épreuve du quotidien, ou simplement peut-être de la vie.

Ce que j’en pense
***
Si vous êtes amateur de belles histoires d’amour romantiques, passez votre chemin. Si vous préférez les sombres histoires de vengeance après une séparation douloureuse, passez également votre chemin : Marjorie Philibert a choisi d’ancrer son roman dans le réel, sans y ajouter d’effets spéciaux ou de spectaculaires retournements de situation. Bref, une histoire ordinaire. Celle d’un couple qui naît et se défait. Une histoire tellement ordinaire qu’il valait vraiment la peine d’aller voir ce qui fait qu’aujourd’hui le sexe remplace l’amour et la liaison éphémère prend la place de l’union durable.
Le couple en question est constitué de deux provinciaux venus à Paris pour leurs études. Nicolas est originaire du pays Nantais et s’intéresse à la sociologie, mais sans grand enthousiasme. Il n’a du reste pas de signe particulier, ni même un physique très avantageux. Il végète. Victoire n’est guère mieux lotie, mais dispose tout de même d’un physique agréable. Après une enfance en Corrèze et une adolescence prendra fin avec des vacances à Belle-Île et une première relation sexuelle très décevante derrière un bar, on la retrouve dans un établissement parisien qui diffuse la finale de la Coupe du monde de football sur grand écran.
Vous l’avez compris, nous sommes en 1998 et ce 12 juillet sera à marquer d’une pierre blanche pour des milliers, voire des millions de personnes.
Victoire, cela ne s’invente pas ( !), tombe dans les bras de Nicolas, emportée par la foule plus que par son désir. Mais qu’importe, le jeune homme pourra être éternellement reconnaissant à l’équipe de France qui a changé le cours de sa vie.
Car les deux jeunes amants peuvent profiter de l’été. Ils n’ont guère de moyens, mais peuvent passer des journées entières au lit, faire l’amour et se promener. Un peu comme ces autres jeunes qu’ils suivent fascinés sur petit écran. Avec Le Loft où ne vivaient que des êtres qui dormaient, mangeaient et baisaient, Nicolas et Victoire découvrent la télé-réalité et s’imaginent qu’un tel mode de vie a de l’avenir. Avant de se rendre compte qu’il faut tout de même songer à gagner un peu d’argent pour survivre dans cette société de consommation.
Après leurs dernières grandes vacances d’étudiants qu’ils passent dans le Lot, près de Cajarc avec leurs amis Stéphane et Claire, ils vont trouver des petits boulots, elle comme rédactrice dans un magazine de voyage, lui comme assistant dans un site consacré à la sociologie et plus exactement à la publication d’études basées sur la corrélation de statistiques.
Presque sans s’en rendre compte, ils poursuivent leur petit bonhomme de chemin ensemble. Le 21 avril 2002, en voyant Jean-Marie Le Pen apparaître sur leur écran en tant que candidat au second tour de la présidentielle, « ils crurent que leur vie prenait un tournant. » Mais il n’en fut rien. Pas plus d’ailleurs que durant l’été de la canicule, où « ils se jurèrent de faire des enfants, pour avoir quelqu’un puisse faire le numéro des pompiers avant qu’il ne soit trop tard. » Projet avorté, si je puis dire.
C’est que chacun semble poursuivre sa propre route : « On s’épuisait à se parler sans s’écouter, à expliquer sans se comprendre, à souffrir comme si on avait tout le temps devant soi pour finir par passer sa vie côte à côte comme deux vaches dans un pré. »
Tandis que Nicolas démontre que les hommes célibataires qui achètent des surgelés sont beaucoup plus susceptibles que les autres d’adopter des comportements violents, Victoire teste le matelas d’un hôtel de luxe à Majorque.
Si leur sexualité s’étiole, la tendresse reste. L’achat d’un chat vient apporter un peu de fantaisie et un peu de douceur dans une vie trop ordinaire.
Pour l’épicer un peu, chacun va s’essayer à la relation extra-conjugale. Nicolas avec Soo-Yun, une étudiante coréenne en sciences de l’information à Séoul, qui a étö engagée comme stagiaire par son patron. « Hélas, son aventure était sporadique et intense, exactement à l’opposé de sa vie de couple : un adultère tout ce qu’il y a de plus classique. Soo-Yun, il le savait, ne pourrait jamais constituer qu’une aimable excursion éphémère. »
Du fait de ses voyages jusqu’au bout du monde, Victoire opte pour des rencontres de passage, avec Simon le Belge très vite oublié, avec Sten, le Suédois d’Uppsala qui aime lui raconter sa vie de famille et son enfance ou encore avec Rodolfo l’Argentin qui va devenir très intrusif et entend tout savoir de ses ébats avec Nicolas et va finir par l’exaspérer.
« À l’automne, leurs amants disparus, ils revinrent l’un vers l’autre, comme d’autres font leur rentrée. Leur couple était là ; il les attendait. »
Marjorie Philibert, après Aurélien Gougaud et son Lithium, brosse le portrait d’une génération qui se cherche sans jamais se trouver, qui s’imagine pouvoir s’inscrire dans un schéma classique sans pour autant disposer des armes qui leur permettrait de résister aux difficultés, aux conflits inhérents à leur manque de moyens ou encore à leur démotivation face à cette crise qui n’en finit pas.
C’est joyeux puis triste, c’est encourageant puis désespéré. L’idéalisme fait soudain place à un réalisme froid. Les quelques notes d’humour qui parsèment le récit ne parvenant pas à nous faire éviter le spleen qui nous gagne au fil des pages.

Autres critiques
Babelio
Blog Cultur’Elle (Caroline Doudet)
Blog Publik’Art (Bénédicte de Loriol)
Blog Les petits livres 

Le début du roman 

Extrait
« Certains jours, il se sentait tellement seul qu’il avait envie de serrer n’importe qui contre lui. Il se disait que d’autres en avaient sûrement envie aussi, mais que tout le monde s’interdisait de craquer. Ou alors, il faudrait payer. Il regardait souvent les prostituées qu’il croisait sur les grands boulevards ; mais probablement, elles ne voudraient pas. Ça ne se faisait tout simplement pas.
Au stade, c’était tout le contraire. On n’était jamais seul, parce qu’on était dans un camp. Si la France marquait, on avait le droit de se jeter dans les bras du voisin, comme on ne pouvait plus le faire avec sa famille depuis bien longtemps ; ou on pouvait serrer fort des mains inconnues, parce qu’on avait le ventre noué pendant les prolongations. Tout était permis : le monde extérieur était aboli. »

À propos de l’auteur
Marjorie Philibert est née en 1981 et est journaliste à Paris. Presque ensemble est son premier roman. (Source : Éditions JC Lattès)

Portrait de Marjorie par Philippe Besson (Le Point)

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Les mains lâchées

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Les mains lâchées
Anaïs Llobet
Plon
Roman
152 p., 16 €
ISBN: 9782259249683
Paru en août 2016

Où?
Le roman se déroule principalement aux Philippines, à Manille et sur l’île de Tacloban.

Quand?
L’action se situe en 2013 et durant les mois qui ont suivi.

Ce qu’en dit l’éditeur
Une vague monstrueuse, soulevée par un typhon meurtrier, dévaste les Philippines en quelques minutes et ravage sa myriade d’îles.
Sur l’une d’elles, Madel reprend connaissance, seule au milieu du chaos. Jan, l’homme qu’elle aime, a disparu. Et elle a lâché la main de l’enfant qu’il lui avait confié.
Au prix d’une difficile anesthésie des sentiments, la jeune journaliste se plonge dans son travail, en équilibre entre information et voyeurisme, quand tous les médias du monde se tournent vers les Philippines.
Recueillir la parole survivante, nouer des liens avec les rescapés, c’est conjurer la mort. Mais un typhon de cette violence ne laisse jamais en paix ceux qu’il a épargnés.

Ce que j’en pense
***
Certains livres retiennent votre attention tout simplement par le thème qu’ils abordent. C’est le cas de ce premier roman qui raconte le typhon Yolanda qui a frappé les Philippines en 2013 et ses conséquences. S’il m’a autant touché, c’est parce que la fameuse loi journalistique du nombre de morts en fonction de la distance de l’événement n’a pas cours pour moi. En effet, une amie était sur place pour un reportage touristique à ce moment et a partagé l’expérience d’Anaïs Llobet. Tout au long du livre, j’ai retrouvé beaucoup de son témoignage – oui, elle s’en est également sortie – mais surtout cette formidable tension que de tels événements engendrent et combien ils finissent par modifier la perception que l’on pouvait alors avoir de la vie, de la façon dont on gère son quotidien.
Car c’est bien là le vrai sujet de ce livre, au-delà de l’émotion, des images fortes et du bilan très lourd : sept mille personnes tuées, des milliers de blessés, des dizaines de milliers d’habitants ayant tout perdu et un avenir des plus incertains.
Anaïs Llobet a aujourd’hui la distance nécessaire pour éviter les pièges du sensationnalisme ou plus exactement pour nous plonger dans le dilemme de Madel, la journaliste de télévision touchée jusqu’au cœur par ce drame avec, entre autres, la perte de son mari et d’un enfant qu’on lui avait confié, et d’autre part les demandes de sa chaîne de filmer l’horreur, de faire pleurer dans les chaumières.
Car toutes les télévisions n’ont pas cette «chance» d’avoir un reporter d’images sur place et de pouvoir montrer Yolanda, «le typhon le plus puissant ayant jamais touché terre», d’offrir des témoignages de première main, de plonger au cœur du drame. «Pas d’eau, rien à manger, mais du wifi : bienvenue à l’ère moderne des catastrophes.»
À Tacloban, où les vagues successives ont quasiment tout rasé, Madel va se plonger dans le travail comme dans une thérapie. Elle essaie de faire passer sa douleur au second rang, elle tente de partager son malheur avec les autres victimes pour se persuader qu’elle n’est pas la plus malheureuse. Sans oublier l’enquête sur les mesures de prévention, sur la mauvaise évaluation, sur la désorganisation des secours, sur l’administration des morts, sur l’efficacité des secours et le travail de déblaiement et de reconstruction. Sur le temps qui passe et qui est censé refermer les plaies.
Voilà la grande force du roman : il dépasse le cadre du reportage pour décortiquer les états d’âme, pour nous expliquer combien il est difficile de ne pas sombrer dans le voyeurisme et, à l’opposé, combien les fantômes de Tacloban continuent de hanter les nuits de Madel.

68 premières fois
Blog motspourmots.fr (Nicole Grundlinger)
Blog A l’ombre du noyer 
Blog Les lectures du mouton (Virginie Vertigo)
Blog Bricabook

Autres critiques
Babelio 
Blog L’Albatros (Nicolas Houguet)

Extrait
«Yolanda joue avec la maison comme un chat avec une souris et, un instant, je pense que ça y est, nous nous sommes envolés, nous tournons dans l’oeil du typhon. Le toit craque de partout. D’un coup, les vitres explosent, une noix de coco roule au pied du lit. Lally hurle, pousse la tête de Rodjun sous la couette, pour le protéger des éclats de verre qui volent dans la pièce, comme des oiseaux devenus fous. Un bourdonnement inconnu secoue la maison.
— Madel ! L’eau ! hurle Lally en me montrant le sol. Le bourdonnement continue. Puis, comme si un immense géant assenait une claque à la maison, les murs vacillent. Une vague déferle dans la chambre. Le lit est projeté contre le mur, Lally chute, Rodjun attrape ma main, je sombre.. »

A propos de l’auteur
Anaïs LLobet, journaliste à l’AFP Moscou, était correspondante pour plusieurs médias aux Philippines lorsque le typhon Haiyan a ravagé le pays. Elle a été lauréate du concours organisé par le Haut-Commissariat aux Nations Unies pour les réfugiés.
Les Mains lâchées est son premier roman. (Source : Éditions Plon / Livres Hebdo)

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