Le pays aux longs nuages

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En deux mots
Les hasards de l’existence vont se faire croiser Acia et Kamar. La première a perdu son emploi à Naples, la seconde fuit la Syrie en guerre. Elles vont se retrouver dans un petit village et apprendre à se connaître autour d’un patrimoine commun, leurs talents culinaires.

Ma note
★★★ (bien aimé)

Ma chronique

Les recettes de plusieurs vies

Dans son nouveau roman plein de saveurs, Christine Féret-Fleury imagine la rencontre entre deux femmes qui espèrent conjurer un sort qui leur est défavorable et se construire un avenir plus serein avec l’aide de leur patrimoine culinaire.

Acia erre dans les rues de Naples sans vraiment savoir de quoi sera fait son lendemain. Elle a perdu son emploi dans le restaurant qui l’hébergeait également et ne dispose que d’un petit pécule pour voir venir des jours meilleurs, d’une vieille Fiat et un chat trouvé qui va devenir son compagnon d’infortune. Et si la misère est moins pénible au soleil, elle n’en demeure pas moins un lourd boulet à traîner.
À des milliers de kilomètres de là, Kamar fuit sa Syrie natale. Après avoir perdu Assâad, son mari, tué par la guerre fratricide qui a embrasé le pays, elle s’est résignée à prendre la route avec sa fille Hana, sans toutefois pouvoir préjuger des difficultés rencontrées le long de ce chemin vers l’exil. Après avoir laissé une grande partie de sa fortune aux passeurs et avoir été entassée dans une embarcation de fortune, elle va voir son périple stoppé net par une patrouille qui intercepte les migrants et les mène dans un camp de rétention avant de décider de leur sort.
Pour tenir, elle s’attache à l’espoir d’offrir un avenir à Hana et s’accroche à cette cuillère en bois sculptée par son grand-père, symbole de l’héritage familial également fait de valeurs et de…saveurs qui ont accompagné l’enfance de Kamal et des recettes de cuisine de sa grand-mère qu’elle récite comme une incantation : «Dans un grand bol, tu mélangeras l’oignon, le bourghol et le sel, l’eau et la viande, et tu travailleras le tout jusqu’à ce que tu obtiennes une pâte souple, n’oublie pas de mouiller tes mains, ma fille.»
Un patrimoine culinaire qui va constituer le lien entre Acia et Kamar qui, vous l’aurez compris, vont finir par se retrouver après leur errance respective dans un petit village près d’Assise joliment baptisé Palazzo. C’est là que vit Nebbe, dans une Osteria qui tombe en ruine.
En vous laissant découvrir par quel subtil jeu de piste elles ont atterri dans la campagne de l’Ombrie, j’aimerais souligner combien l’écriture de Christine Féret-Fleury est riche d’odeurs, de couleurs, de saveurs, en communion avec le savoir-faire de ces trois femmes qui n’auraient, à priori, jamais dû se rencontrer. Sensible et sensuelle, cette écriture accompagne trois destins que la vie n’a pas épargnés. Les amateurs de cuisine italienne et orientale y trouveront aussi quelques délicieuses recettes, même si la plus importante d’entre elle est bien la recette pour conduire son existence, comme un doux soleil au bout du tunnel.

Le pays aux longs nuages
Christine Féret-Fleury
Éditions Marabout – La Belle Étoile
Roman
384 p., 19,90 €
EAN 9782501157643
Paru le 30/03/2022

Où?
Le roman est situé en Italie, d’abord à Naples puis dans le petit village de Palazzo près d’Assise en Ombrie. On y évoque aussi la Syrie et la Turquie, notamment Izmir.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
«Les petites joies ne font pas de bruit, elles ne s’annoncent pas à grand fracas de cuivres comme les réussites éclatantes, mais elles sont là, blotties dans les interstices, entre deux échecs […]. Si discrètes qu’il faut les débusquer, les prendre contre soi, les protéger du vent. Si fugaces qu’elles ne laissent dans la mémoire qu’une ombre de douceur. Mais c’est avec ces douceurs-là qu’on réussit à survivre.»
En Italie, Acia se retrouve sans projet ni attache lorsque le patron de l’osteria où elle travaille disparaît avec l’argent de la caisse. Le hasard, et la compagnie despotique mais amicale d’un chat des rues napolitaines, la mènent jusqu’à un banc sur lequel elle découvre un livre de cuisine.
À l’intérieur, le nom d’un village: Palazzo. Acia y voit un signe et décide de se laisser guider une fois encore par le destin capricieux qui semble gouverner sa vie. Peut-être doit-elle rapporter ce livre à sa propriétaire ?
À quelques milliers de kilomètres de là, à Izmir, Kamar est sur le point d’embarquer avec sa fille sur un canot de fortune. Pour fuir les bombardements, la mort, la guerre qui ravage la Syrie… Elle n’emporte avec elle qu’un peu d’argent, le souvenir de son mari et, avec une cuillère en bois sculpté léguée par sa grand-mère, les effluves épicés des mets de son pays.

Les critiques
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Les premières pages du livre
« 1
Kamar
En premier, c’était le bruit – ce bruit. Nous étions partis depuis des heures, la nuit était tombée, impossible de compter. Et ils m’avaient pris mon téléphone dès le début, parce que le prix du passage avait augmenté, une femme seule avec une gamine, c’est dangereux, plus cher, ils insistaient. J’ai protesté, vous étiez d’accord, mon oncle vous a payés… Ils ont simplement ri, une main s’est tendue vers les cheveux de ma fille, une autre vers moi, je les ai repoussées et je leur ai donné ce qu’ils exigeaient. Je n’avais pas le choix.
Depuis que les fourgonnettes s’étaient arrêtées devant nous en projetant sur nos chevilles une giclée de poussière, j’avais peur. Les chauffeurs ne sont même pas descendus, une main a donné une claque sèche sur la portière ; mon oncle s’est avancé pour ouvrir la porte du véhicule le plus proche. Il m’a fait signe de monter. Je l’ai regardé. Le blanc de ses yeux était strié de veinules rouges, le bord de ses paupières tout fripé, comme desséché de l’intérieur. Un morceau de tissu brûlé autour de son regard triste. Je me suis détestée de m’accrocher à ça ; il y a tant de façons de dire adieu, celle-là était la pire, rester muette, mon enfant serrée contre moi, ne pas trouver une seule larme à lui offrir, pas un mot, même pas un semblant de sourire.
Il s’est baissé, a soulevé Hana – les toutes dernières secondes, je n’ai pas pu les retenir, elles se sont dissoutes dans le rugissement des moteurs. J’ai peut-être posé le front sur la toile rêche de sa veste, respiré une dernière fois son odeur de vinaigre et de cumin, l’odeur de ma cuisine et de celle de ma tante ; j’ai peut-être trouvé là, dans ce souvenir des jours heureux, de quoi mouiller mes yeux.
Ça n’a pas duré. Pour pleurer, il faut en avoir le temps, il faut être seul et laisser le chagrin venir. Et du temps, je n’en avais pas. Pour Hana, je devais me durcir, comme la lame d’un couteau, capable de percer et trancher, de nous ouvrir une voie. Vers quoi ? Je n’arrivais même pas à l’imaginer. Un abri où respirer, écarter la peur.
Et pleurer, oui, comme ce serait bon, alors, de pleurer.

Nous étions nombreux dans la fourgonnette, plusieurs familles, un bébé criait, la femme qui le tenait lui donnait à téter un coin de tissu mouillé. Trempé dans de l’eau sucrée, peut-être. Elle n’était pas sa mère, cela se voyait. Je n’ai pas osé demander ce que celle-ci était devenue, tant de choses avaient pu se produire, tant de drames, chacun gardait le sien bien plié sous ses vêtements et se taisait. L’enfant, lui aussi, a fini par se taire, hoquetant à petits sanglots épuisés. Il apprenait. À rester silencieux, à se faire petit. Un peu de jour filtrait encore par les trous de la bâche, je voyais les têtes, en face de moi, osciller en cadence, oui, signifiaient-elles, oui, je suis d’accord. Faites de moi ce que vous voulez, vous aurez tout, mon argent, mes prières, ma reconnaissance. Je ne sentirai rien, ni la soif, ni la faim, ni la saleté lentement cristallisée sur ma peau, accumulée entre mes orteils et sous mes ongles. Je ne crierai pas. Mon corps évidé ne demandera plus à se soulager. Mes yeux se fixeront sur le néant, ouverts et aveugles.
J’obéirai.

À mesure que les kilomètres défilaient, ma langue gonflait dans ma bouche, couverte de cette poussière salée jaillie du sol piétiné. Je ne voulais pas boire, pas encore, je gardais l’eau de la petite gourde donnée par ma tante pour Hana, quand elle se réveillerait. De l’eau du puits dans laquelle elle avait plongé une de ses dernières feuilles de menthe séchée, conservée dans un sachet de gaze à l’abri des insectes. « La menthe, m’avait-elle chuchoté bien des fois, est l’amie de la cuisinière. Quand je prépare un repas spécial, je frotte la table avec de la menthe. Son parfum éveille l’appétit, elle fait le ventre léger et la conversation agréable. Garde toujours de la menthe sur toi, kbida. »
Une seule feuille. Je ferais boire ma fille, et ensuite je m’accorderais une gorgée, une merveilleuse gorgée. La maison que je venais de quitter y serait contenue tout entière, la maison d’avant, avec son jardin et sa cour ombragée, ses chambres fraîches, son dallage poli, doux aux pieds comme la caresse d’une paume enduite d’huile de nigelle. La maison délivrée de ses gravats et des bâches qui remplaçaient une partie du toit, celui qui avait été touché par une bombe quelques semaines plus tôt.
La maison.
Il ne fallait peut-être pas boire cette eau. La moindre goutte suffirait à faire vaciller ma résolution. Je me voyais serrer Hana contre moi, me lever, enjamber les corps affaissés et sauter de la camionnette, je me voyais courir sur la route poudreuse, mon voile flottant derrière moi. Je nous voyais aussi couchées derrière un talus, mortes. Tant d’autres n’étaient pas allés jusqu’au bout du voyage. Les passeurs n’attendaient personne, et ils n’avaient aucune pitié. Nous le savions tous, même si nous faisions semblant de l’ignorer. Même si les rares phrases qui circulaient exprimaient un optimisme forcé : tout irait bien. La traversée serait courte. Nous serions bien accueillis. Ceux qui ont envie de travailler trouvent toujours un emploi, un toit, un coin de terre. Mon père le disait souvent, et il savait de quoi il parlait, mon père, il n’avait pas pris un jour de repos de toute sa vie. La mort l’avait saisi au coin de son champ, une pierre dans chaque main. En tombant, il ne les avait pas lâchées. Il ne voulait pas, probablement, qu’elles s’enfouissent à nouveau, gâchant une minute de dur labeur.
Les mères ne cessent de prier pour leurs enfants, et qu’importe le dieu auquel elles s’adressent, qu’importe même si elles implorent un ciel vide. Pendant des mois, j’ai prié, le cœur dévasté, pour que ma fille me soit enlevée, qu’elle vive en paix loin de moi, de ce pays ravagé. J’ai prié aussi pour ne jamais la quitter du regard, pour mourir avec elle s’il le fallait, avant elle, pour ne jamais voir couler son sang. Aujourd’hui, je veux seulement qu’elle ne sente pas le froid de la nuit. Quand les véhicules ont stoppé, je l’ai enveloppée dans une chemise de son cousin, trop grande, j’ai noué les manches autour de sa taille, soufflé dans le col qui bâillait, elle serait réchauffée, habillée de mon haleine. Je ne pouvais pas lui donner plus.

Mes pieds ont repris contact avec le sol. J’ai cru qu’il pleuvait, mais la bruine qui humectait mon visage avait un goût salé. Machinalement, j’ai léché mes lèvres. Pas de quoi apaiser ma soif, surtout avec le sel, juste de quoi imaginer que le renflement de ma chair était comestible, tendre et saisi à point, que je pouvais y mordre pour me réconforter. Depuis combien de temps n’avais-je pas préparé et savouré un vrai repas ?
Quelqu’un a crié un ordre, et nous avons commencé à marcher dans l’obscurité, vers cette rumeur grandissante, rythmée. Je savais que c’était la mer mais aucune image ne me venait, je ne l’avais vue qu’une fois, elle était bleue, luisante et docile, et venait lécher mes pieds nus comme un chat familier. Nous avions pique-niqué sur la plage, les enfants couraient, tête levée vers un cerf-volant dont les rubans frissonnaient et claquaient. Cette nuit, c’était un monstre qui bramait sa faim, il nous attendait, la gueule ouverte, prêt à nous avaler. Les genoux d’Hana pressaient ma taille, elle respirait dans mon cou, je sentais son souffle. Elle se faisait légère, et pourtant j’avais l’impression de porter sur mon dos tout ce que je venais de quitter et tout ce qui avait déjà disparu, les visages aimés, les voix, les pièces pleines des objets accumulés au cours des années, le coussin sur lequel je couchais ma fille quand je l’allaitais, le collier hérité de ma mère et son cahier de recettes, les tasses dont il ne restait plus que des tessons, le vase en verre qui avait volé en éclats au premier souffle des bombardements, j’en avais ramassé un éclat, j’aimais tellement ce bleu, et je l’avais gardé, rangé au fond de mon sac à dos, sans savoir pourquoi.
Peut-être serais-je obligée de le jeter dans les vagues pour que le monstre accepte de nous laisser vivre. Mais c’était une idée d’enfant, une idée d’avant, quand le fil des légendes brillait encore dans la trame de notre vie.
Qui s’était déchirée. Et qui ne pourrait jamais être réparée.

2
Acia
Depuis longtemps – des années –, je parle et je pense en italien. Parfois, je rêve encore en français. Ces rêves ressemblent à des citernes ouvertes au ras du sol que je pourrais franchir d’un bond, mais le vide m’attire et je chute, inéluctablement. Tout au fond, un visage à peine formé affleure à la surface de l’eau noire. Je ne l’ai jamais vu, je ne lui ai pas donné de nom, et pourtant je le reconnais. Il émerge peu à peu et se presse contre le mien jusqu’à ce que je hurle de terreur.
Il sait où me trouver. Nuit après nuit.
Ce soir-là, je n’étais pas la proie d’un cauchemar. Bien trop occupée par une pensée étouffante comme la menace d’un orage d’été et aussi impossible à ignorer qu’un bâillon de tissu humide : Je ne sais pas où aller.
Assise sur les marches du perron de ce qui avait été, durant trop peu de temps, mon restaurant, je pleurais en regardant la pancarte qu’un agent immobilier avait fixée l’après-midi même au rideau de fer baissé sur la porte d’entrée : Chiuso. Vendesi. Tout était à vendre, sauf moi. J’étais trempée, mais incapable de bouger. Les larmes et les violentes averses qui s’étaient abattues sur Naples depuis midi avaient lavé mon visage de toute trace de maquillage, de ce mascara que j’appliquais chaque jour juste avant le premier service, depuis que le patron m’avait balancé que je n’étais pas assez féminine et que la clientèle regardait parfois autre chose que son assiette, à défaut de bonne humeur il faut de la présentation, tu vois ce que je veux dire, Acia ? J’avais failli lui jeter l’assiette à la figure – assiette que je tenais en équilibre sur ma paume gauche, des linguine alle vongole avec quelques pousses de roquette (une hérésie) et une ridicule tomate cerise pour décorer le tout.
J’aurais dû le faire. Si j’avais osé, le moment aurait été bien choisi pour revivre la scène, apprécier l’ondulation des longues lanières enveloppées d’huile et de persil sur le crâne chauve du tyran, revoir les palourdes glisser jusqu’à ses oreilles et s’y suspendre une seconde, comme des joyaux ou des excréments, et un tout petit morceau de piment oiseau s’immobiliser sur l’arête de son nez. Pas de safran dans cette version du plat, ni d’arselle, il détestait les Sardes, ce connard.
Mais c’était quand même un bon cuisinier.
Il était parti trois semaines plus tôt avec la caisse et un joli tableau représentant une rue de Pompéi, un lavis aux couleurs passées dont il était persuadé qu’il datait du début du XIXe siècle. Je l’entendais encore fanfaronner devant les clients, une bouteille de limoncino dans une main, avec de grands gestes en direction de l’œuvre d’art, qui trônait au-dessus du comptoir des desserts. Ruines et couronnes de chantilly, douce pierre ocrée et cassata glacée au sucre.
— Mon pauvre ami, s’était agacé, un soir, un Français en tenue faussement décontractée – du polo aux bottines Giuseppe Zanotti usées juste ce qu’il fallait –, vous n’avez aucune idée du marché de l’art. Le XIXe ne vaut plus rien. Plus rien, je vous dis. Un Delbeke, un Massé, vous vendez ça quoi ? Trois mille euros, une misère. Je ne vous parle même pas des grands tableaux, personne n’en veut. Alors votre pochade…
Il avait haussé les épaules et étalé de la purée d’anchois sur son crostino. Ses lèvres brillaient, une traînée brunâtre maculait son menton. J’avais détourné la tête, écœurée. Et j’avais filé à la cuisine, où je me sentais toujours mieux que dans la salle. Servir, je n’ai rien contre, mais j’ai toujours préféré découper un carré d’agneau ou préparer une brunoise.
Au Pulcinella, je n’avais pas le droit d’approcher le piano flambant neuf, ni même les plans de travail récurés trois fois par jour. J’avais été embauchée pour porter les plats, point, et Fabrizio, mon patron, ne ratait pas une occasion de me le rappeler. Alors je profitais de chaque moment où il était occupé à parader entre les tables pour passer la porte battante et me remplir les oreilles et le nez des cris, des chants, des odeurs du coup de feu. Je fermais les yeux pour savourer le staccato du tranchoir, les grésillements des encornets qui valsaient dans la poêle avec les oignons à peine blondis, le chant adouci de la pulpe de tomates fraîches mijotant avec du vin blanc et de l’ail ; je humais, reconnaissant ici l’odeur acidulée d’un zeste d’orange, là le bouquet plus fade d’un tronçon d’anguille juste sorti du four, ailleurs le parfum puissant, maritime, des couteaux qui s’ouvraient sur un feu vif et livraient leur suc iodé.
Et puis la porte battait, Fabrizio surgissait, me bousculait… Une table était à refaire, pane e coperto ! La huit attendait son dessert, le couple de Belges sa bouteille de barolo, et qu’est-ce que je fichais là, à sourire aux anges ?
— Tanto va la gatta al lardo che ci lascia lo zampino !
Je m’en moquais. J’avais grappillé quelques secondes de délices, quelques précieuses secondes qui me donnaient le courage de supporter tout le reste : ma chambre aménagée dans une ancienne remise à vélos et donnant sur l’arrière-cour (sur les poubelles, en fait), les remarques machistes du patron, les exigences des clients, les maladresses de Dragomir, le garçon de salle, la chaleur oppressante de la petite salle et de sa terrasse couverte, en tôle ondulée, sur laquelle on avait entassé des canisses pour cacher la misère, comme disait autrefois ma grand-mère, passée experte dans l’art du camouflage en tout genre. Robes retournées, chaussettes raccommodées, pulls détricotés et transformés en moufles et bonnets. Chemises, chiffons, torchons, bandes pour rallonger une jupe ou élargir un corsage. Toute mon enfance gaspillée à découper, retailler, rafistoler. Et pour les sentiments, c’était la même chose. On les estimait à leur juste degré d’usure, on les rognait pour en ôter la partie pourrie, avec ce fatalisme propre aux démunis qui ne pensent pas mériter plus qu’ils n’ont réussi à arracher au destin, à force de patience et d’endurance, à force de ruse et de cette habileté tendre qui redonne du lustre aux objets de rebut, à tout ce que les autres, les nantis, les heureux, laissent au bord de la route.
On m’a appris ça. Très tôt. J’ai toujours fait avec. Il fallait garder le sourire aux lèvres et l’œil aux aguets, car les petites joies ne font pas de bruit, elles ne s’annoncent pas à grand fracas de cuivres comme les réussites éclatantes, mais elles sont là, blotties dans les interstices, entre deux échecs, une rupture et un licenciement, une humiliation et une gifle, au revers de la vie, en quelque sorte. Si discrètes qu’il faut les débusquer, les prendre contre soi, les protéger du vent. Si fugaces qu’elles ne laissent dans la mémoire qu’une ombre de douceur. Mais c’est avec ces douceurs-là qu’on réussit à survivre.

Après le départ de Fabrizio, j’ai connu trois semaines de douceur. Trois semaines à mener ma barque comme je l’entendais. Je me suis mise aux fourneaux, j’ai changé la carte, acheté un tablier flambant neuf à Dragomir, qui ne s’est pas trop fait prier pour m’offrir en échange la moitié de son lit. Il bégayait parfois, mais il n’avait pas le menton trop râpeux le matin, il buvait modérément et ne ronflait pas. Et j’aimais bien son dos.
J’ai espéré, vraiment espéré, que ça durerait. J’aurais pu prendre la gérance du restaurant, j’en étais capable et j’en mourais d’envie. Mais mon désir ne pesait pas lourd face aux propositions des promoteurs qui guignaient l’établissement, un emplacement en or, pas loin du port mais à l’écart de la foule, pour y construire un immeuble de cinq étages avec toit-terrasse.

J’avais tellement pleuré que je ne voyais plus rien. Rien que les pavés noircis par la pluie, les affiches déchirées sur le mur de l’autre côté de la rue, la terrasse vide avec ses chaises pointant leurs pieds en l’air, et les tables sans nappe, et l’ardoise du dernier soir où s’effaçait l’ultime menu élaboré par mes soins – on ne pouvait déjà plus lire qu’une partie du choix de desserts, sfogliatella riccia, torta caprese, gelati.
Sous mon coude gauche, le gros sac de sport qui m’accompagnait depuis quelques années déjà et contenait tout ce que je possédais, ou presque. Le bilan était plutôt désolant : trente-sept ans, seule et au chômage, sans même la clé d’une chambre dont j’aurais pu dire « c’est chez moi ». Même Dragomir était parti. Ciao, bella. Il n’avait jamais été très doué pour les discours, mais là, il avait battu son record.
Où étaient-elles, les grandes et même les petites joies, ce soir ?
C’est alors qu’une fourrure mouillée a frôlé mes mollets nus et qu’un miaulement a couvert le tambourin obstiné de la pluie.
— Salut, toi.
J’avais une voix de vieille fumeuse. Une nouvelle larme a coulé sur mon nez. Ou une nouvelle goutte de pluie. Il y a des moments où la météo et la détresse se confondent si bien qu’on ne sait plus sur quoi on flotte, au sens propre – ou presque.
Le chat s’est installé sur la marche supérieure pour faire sa toilette. Son poil roux, hérissé, et une oreille mutilée lui donnaient un air bagarreur. Un chat des bas quartiers, expert dans l’art de fouiller les poubelles et de défendre son territoire contre les autres matous. Un chat qui en avait vu des vertes et des pas mûres, qui avait sorti ses griffes quand il le fallait et encaissé les coups. Et pourtant il trônait sur la pierre lézardée comme si celle-ci avait été le socle d’une statue antique. Les yeux mi-clos, il léchait sa patte, puis la promenait avec soin sur son museau, sur sa tête et même sur son oreille fendue. Je me souvenais vaguement d’un conte où la pluie avait cessé de tomber sur la campagne parce qu’un chat vexé avait décidé de ne plus jamais passer sa patte par-dessus son oreille. Jusqu’à ce que les fermiers, affolés par la sécheresse persistante et la perte de leurs récoltes, lui fassent les excuses appropriées, il s’était obstiné.
Il n’y a pas plus obstiné qu’un chat.
— Tu pourrais t’arrêter, maintenant, lui ai-je fait remarquer. Il a plu toute la journée.
Qui m’avait raconté cette histoire ? Je ne savais plus. Ma mère, avant qu’elle prenne le large pour de bon, dans une bulle irisée et lointaine ? Entre moi et cette lumière, des couches et des couches de mois interminables semblables à des épaisseurs de feutre jetées l’une sur l’autre, où le gris dominait même si quelques fils brillants s’y trouvaient pris. Bien sûr, il y avait eu des couleurs dans tout ça, des flambées, des matins de soleil, une ou deux siestes amoureuses… mais peu à peu le gris avait pris le dessus. Je sentais que cette crasse pelucheuse était montée à l’assaut de mon corps, l’avait recouvert et terni, et que plus personne ne voyait qui se cachait derrière. Fabrizio et d’autres s’étaient chargés de me le faire comprendre : j’étais un thon, une grande gueule, une mal baisée, pour faire court et brutal, deux adjectifs qui caractérisaient assez bien les hommes du genre de Fabrizio.
Le chat avait fini sa toilette. Dans la rue, tout était tranquille. Quelques heures encore et la ville s’animerait à nouveau, les véhicules reprenant leur circulation anarchique dans un concert d’avertisseurs et d’injures, les fumées des pots d’échappement montant devant les façades jaune d’œuf ou vert olive. Les enfants se remettraient à courir et à crier, ils respireraient à pleins poumons la brise de mer et les effluves nauséabonds des moteurs avec le même délice ou la même indifférence. À l’horizon passeraient les paquebots blancs, les goélands empliraient le ciel de leurs cris rauques avant de s’abattre sur les décharges pour y festoyer.
Et je devrais me lever et partir. Il n’y avait rien à attendre ici, ni personne. Je n’avais pas touché mon dernier salaire et mon compte était dans le rouge. Faire le tour de mes possessions terrestres ne me prendrait qu’une minute : une Fiat 500 de 1979 achetée dans une casse dont le patron était un copain de mon avant-dernier employeur, le contenu de mon gros sac, un tabouret de rotin et une plante en pot qui n’avait pas bien supporté l’air fétide de l’arrière-cour du restaurant ni l’ombre continuelle qui régnait sur les lieux. Je l’avais quand même calée entre les sièges, à l’arrière, avec la cocotte en fonte qui me venait de ma grand-mère et dont j’avais toujours refusé de me séparer, même quand j’avais dû la porter en équilibre sur ma tête dans des trains bondés – et elle était lourde, sacrément lourde. Mais c’était le seul objet qui me reliait à certaines chaleurs, et aussi aux premiers plats que j’avais cuisinés. Si je l’avais abandonnée, je me serais abandonnée moi-même.
Je me suis remise sur mes pieds et j’ai chargé mon sac sur mon épaule. Puis j’ai tendu vers le chat une main hésitante. Indulgent, il m’a laissée gratter le sommet de son crâne encore humide.
— Bonne chance, mon vieux.
J’ai renversé la tête pour scruter le ciel, où s’amoncelaient de gros nuages. Une autre averse se préparait.
— Il faut que j’y aille.
À nouveau ce miaulement rauque et péremptoire. J’ai baissé les yeux : le chat s’était levé et, posément, descendait les marches pour me rejoindre. »

À propos de l’auteur
FERET-FLEURY_Christine_DRChristine Féret-Fleury © Photo DR

Christine Féret-Fleury est éditrice et autrice. Elle anime également des ateliers d’écriture. Elle a publié plus d’une centaine de romans pour la jeunesse et pour adultes (La Fille qui lisait dans le métro, 2017, Denoël, La Femme sans ombre, 2019, Denoël). Son premier roman Les vagues sont douces comme des tigres (Arléa, 1999) a été récompensé par le prix Antigone.

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Le bonheur est au fond du couloir à gauche

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En deux mots:
La belle histoire d’amour entre Michel et Bérénice prend fin brutalement après trois semaines. Et l’opération reconquête s’avère bien délicate. Pas davantage les psys que les marabouts ne peuvent l’aider. Alors peut-être que le suicide… À moins que la solution ne se trouve dans les livres de développement personnel.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

La vie ne vaut d’être vécue que du bon côté

J.M. Erre nous revient avec un roman chargé d’humour qui raconte la tentative de reconquête d’un homme éconduit. Michel parviendra-t-il à faire revenir Bérénice? Sa liste de recettes mérite le détour!

On dira que Michel n’a pas eu de chance. Mais il est vrai qu’il n’a pas demandé à naître. Pendant 25 ans, jusqu’à ce moment où Bérénice décide de le quitter, il aura été «un enfant triste, un adolescent cafardeux avant de devenir un adulte neurasthénique». Il faut dire que la marche de l’Histoire ne l’a pas gâté. Il est né le jour du déclenchement du génocide rwandais et a été baptisé la veille du massacre de Srebrenica. Et ce n’est pas son déménagement rue de la Gaîté qui a arrangé les choses. Il a la mélancolie solidement ancrée en lui. Sa fréquentation assidue des psys ne va pas non plus lui être d’un très grand secours. Pour ces professionnels, il est un «obsessionnel compulsif bipolaire gravement dépressif, franchement hypocondriaque, volontiers paranoïaque et fortement inhibé à cause d’un rapport pathologique à la mère.»
La solution serait donc le suicide. Mais après consultation des statistiques en la matière et le visionnage d’un discours d’Emmanuel Macron, il doit bien se rendre à l’évidence: le suicide, c’est dangereux! L’objectif de reconquérir le cœur de Bérénice semble davantage à sa portée, d’autant que Google n’est pas avare en solutions, de la méthode du psy canadien à celle du marabout burkinabé. Sauf que ces dernières brillent par leur inefficacité. Heureusement, il reste les blogs, eux aussi très suivis et pas avares en bons conseils. Pourquoi ne pas suivre celui de Martine de Gaillac et «irradier de bonheur pour rendre les autres heureux»? Mais là encore, c’est plus vite dit que fait.
Restent les livres. Ceux que Bérénice lui a laissé, ces ouvrages consacrés au bonheur et aux moyens de l’atteindre, de le conserver, voire de l’accroître. Oui, Le bonheur est au fond du couloir à gauche!
J.M. Erre, avec son humour pince-sans-rire, fait une fois de plus la démonstration que la vie ne vaut d’être vécue que si on la prend du bon côté (encore faut-il savoir où est le bon côté). En s’amusant avec les recettes toutes faites et les manuels de développement personnel qui ne développent fort souvent que le tiroir-caisse de leurs auteurs, il fait œuvre salutaire. Et nous en fait voir de toutes les couleurs: sous couvert de fantaisie bien noire, il nous offre un moment de vie en rose. De quoi effacer quelques bleus à l’âme…

Le bonheur est au fond du couloir à gauche
J.M. Erre
Éditions Buchet-Chastel
Roman
192 p., 15 €
EAN 9782283033807
Paru le 7/01/2021

Où?
Le roman est situé en France, principalement à Paris.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Enfant morose, adolescent cafardeux et adulte neurasthénique, Michel H. aura toujours montré une fidélité remarquable à la mélancolie. Mais le jour où sa compagne le quitte, Michel décide de se révolter contre son destin chagrin. Il se donne douze heures pour atteindre le bien-être intérieur et récupérer sa bien-aimée dans la foulée. Pour cela, il va avoir recours aux pires extrémités: la lecture des traités de développement personnel qui fleurissent en librairie pour nous vendre les recettes du bonheur…
Quête échevelée de la félicité dans un 32m² cerné par des voisins intrusifs, portrait attendri des délices de la société contemporaine, plongée en apnée dans les abysses de la littérature feel-good, Le bonheur est au fond du couloir à gauche est un roman qui vous aidera à supporter le poids de l’existence plus efficacement qu’un anti-dépresseur.

Les critiques
Babelio 
Lecteurs.com
France Télévisions Rédaction Culture (Carine Azzopardi)
L’Espadon https://www.lespadon.info/2021/01/le-bonheur-est-au-fond-du-couloir.html
L’Essor 42 (Jacques Plaine)
Blog Sans connivence
Blog Cathulu


Présentation du nouveau de J.M. Erre, Le bonheur est au fond du couloir à gauche © Production France Info

Les premières pages du livre
« Au début de mon histoire, il y a une NDE.
NDE est l’acronyme de Near Death Experience. En français: une expérience de mort imminente. De nombreuses personnes rapportent le même épisode troublant. Elles parlent d’un long tunnel sombre avec une lumière blanche au bout. Elles mentionnent des voix célestes qui les appellent, des créatures angéliques qui les invitent à les rejoindre. Elles évoquent un passage vers un autre territoire, un autre monde, une autre vie.
Moi aussi, j’ai connu tout ça. Le tunnel obscur, la lumière blanche, les voix de l’au-delà, l’attraction irrésistible vers l’inconnu… À vrai dire, j’ai longtemps hésité avant de passer de l’autre côté. Ce n’est pas que je regrettais ma vie d’avant – avais-je seulement vécu ? –, mais je me méfiais. Un mauvais pressentiment. Je sentais que quelque chose clochait. Je flairais le piège. Je soupçonnais que c’était un aller sans retour et que j’allais le regretter.
Finalement, je n’ai pas eu à faire de choix, car on m’a poussé vers la lumière. Impossible de résister. J’ai longé le tunnel, j’ai franchi le seuil, j’ai fait le grand plongeon dans l’éblouissante clarté.
Et je suis né.
C’était il y a vingt-cinq ans. Je ne m’en suis jamais remis.

Notre naissance est une expérience de mort imminente. Reste juste à connaître la durée de l’imminence.
J’ouvre les yeux et je vois Bérénice. Quoi de plus beau que le doux visage de l’Amour penché sur soi au réveil après une bonne nuit de treize heures sous Stilnox ? Elle est divine dans sa doudoune rouge, avec son bonnet sur la tête et son gros carton dans les bras. Elle me dit : « Michel, je te laisse mes bouquins. »
Bérénice m’offre un cadeau dès le réveil. J’ai une femme merveilleuse. Prévenante, cultivée, niveau 7 au sudoku, je ne la mérite pas. Si je pouvais, je lui mettrais cinq étoiles sur TripAdvisor. Elle ajoute : « C’est grâce à eux que j’ai trouvé la force de te quitter. Ils pourront t’être utiles, espèce de taré. »
Bérénice laisse tomber le carton de livres, m’écrase trois métatarsiens, empoigne sa valise et sort de la chambre. Je ne suis pas sûr qu’elle ait dit « taré ». C’était peut-être « connard » ou « salaud ». Qu’importe, c’est l’intention qui compte : Bérénice me fait un cadeau.
La porte claque. Quand l’Amour s’en va, on ne réfléchit pas, on agit. Pas une seconde d’hésitation : je prends un Lexomil.
La porte s’ouvre. L’Amour revient, c’est magique. Bérénice avait besoin d’une petite pause pour faire le point, ça arrive dans tous les couples. Nous allons nous réconcilier sous la couette dans un déchaînement sulfureux de nos sens et une extase de nos fluides qui…
« Par contre, je récupère mon Camus ! »
Bérénice s’accroupit dans un mouvement d’un érotisme échevelé, pousse un ahanement d’invitation au plaisir, puis se relève en brandissant L’Étranger, notre livre de chevet.
La porte claque. Bérénice disparaît. La table de chevet penche dangereusement sur la droite. Sans littérature pour caler l’existence, tout menace de s’écrouler. Je pleure.
Mes troubles de l’humeur sont apparus assez tôt, environ une demi-heure après ma naissance, lors de la première tétée. Il paraît que je refusais obstinément de prendre le sein, sans doute par volonté de boycotter l’hypocrite pot de bienvenue offert après mon expulsion sauvage.
Suite à neuf mois paradisiaques dans un bain d’Éden amniotique thermostat 2, j’ai été brutalement mis à la porte sans préavis. Expulsé dans le froid, nu et sans défense : on ne ferait même pas subir ça à des punks à chien squatteurs d’immeubles.
Ah, elle est belle, la patrie des droits de l’homme.
J’hésite à me lever, car Pascal a écrit : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. » Je l’ai appris à Bérénice qui m’a répondu que je n’avais qu’à m’installer en couple avec Pascal. J’ai bien conscience que la probabilité d’un arrière-plan ironique dans la répartie de ma bien-aimée n’est pas nulle, mais qui suis-je pour contredire un philosophe inscrit au programme de l’Éducation nationale ?
Je me souviens soudain que les accidents domestiques sont la troisième cause de décès en France. D’après les statistiques officielles, vingt mille personnes meurent chaque année chez elles, bien plus que les victimes d’accidents de la route ou d’homicides. Pascal n’avait pas accès aux chiffres de l’Insee. En réalité, il n’existe pas d’endroit plus dangereux que notre logement. Donc, je me lève.
On sonne. Bérénice est de retour. Regret d’une vie à deux pleine de moments complices devant Netflix ? Hantise de devoir trouver un nouvel appartement quand le prix du mètre carré parisien pulvérise l’indécence ? Perspective angoissante d’une vie en solo dans le désert sentimental des métropoles occidentales ? Prise de conscience que l’horloge biologique tourne inexorablement et qu’une rupture avant conception de progéniture est une folie ? Oubli d’un parapluie ?
J’ouvre. C’est mon voisin, M. Patusse. Il me demande de ne pas claquer les portes, surtout un dimanche matin quand chacun profite d’un repos bien mérité après une dure semaine de travail. Il ajoute : « Pour ceux qui travaillent, bien sûr », avec une grimace symptomatique de l’abcès dentaire.
Je saisis le pudique sous-entendu et remercie M. Patusse de son inquiétude toute paternelle vis-à-vis de ma situation professionnelle. Je lui confirme que je n’exerce pour l’heure nulle activité salariée destinée à m’épanouir socialement trente-cinq heures par semaine, à rentabiliser l’investissement locatif loi Pinel de mon propriétaire et à cotiser cent soixante-douze trimestres avant de mourir à taux plein, mais je tiens à rassurer mon voisin : cet état n’est que provisoire.
M. Patusse souhaite que je précise ma définition du provisoire avec un rictus confirmant la gravité de sa gingivite. Je réponds que selon Albert Einstein, le temps est une notion relative. J’ajoute qu’en se plaçant au niveau le plus fondamental de la réalité physique, on pourrait même poser l’hypothèse que le temps n’existe pas.
Un tremblement compulsif de la paupière gauche de M. Patusse laisse craindre l’imminence d’un AVC. Je rassure mon voisin : ma sortie du cercle vicieux de l’assistanat est proche. C’est promis, il sera le premier informé de ma réinsertion dans un secteur d’activité florissant qui me permettra d’assumer enfin mes devoirs citoyens, à savoir aider mon pays à maintenir les déficits publics en dessous de la barre des 3 % et rembourser mes années de RSA par une surconsommation à fort taux de TVA.
En attendant l’avènement de cette heureuse perspective, M. Patusse m’invite au silence afin de respecter le bien-être des résidents de l’immeuble comme cela est prescrit dans l’article 1 du règlement de copropriété. Il m’en a d’ailleurs apporté un exemplaire qu’il a imprimé spécialement pour moi sur un papier de qualité supérieure. C’est la journée des cadeaux.
Je tranquillise mon voisin : les portes ne claqueront plus, car ma femme m’a quitté. M. Patusse n’est pas homme à se payer de mots. Puis-je lui garantir que Bérénice ne reviendra pas ? Je suis désolé, mais je ne peux pas le lui certifier à 100 %. Cependant, si l’on se fie à la description que fait Michel Houellebecq dans ses œuvres de l’impossibilité ontologique d’une relation de couple satisfaisante et pérenne, on peut estimer les chances d’un retour de Bérénice entre le peu probable et le carrément foutu.

J’ouvre les yeux et je vois Bérénice. Quoi de plus beau que le doux visage de l’Amour penché sur soi au réveil après une bonne nuit de treize heures sous Stilnox ? Elle est divine dans sa doudoune rouge, avec son bonnet sur la tête et son gros carton dans les bras. Elle me dit : « Michel, je te laisse mes bouquins. »
Bérénice m’offre un cadeau dès le réveil. J’ai une femme merveilleuse. Prévenante, cultivée, niveau 7 au sudoku, je ne la mérite pas. Si je pouvais, je lui mettrais cinq étoiles sur TripAdvisor. Elle ajoute : « C’est grâce à eux que j’ai trouvé la force de te quitter. Ils pourront t’être utiles, espèce de taré. »
Bérénice laisse tomber le carton de livres, m’écrase trois métatarsiens, empoigne sa valise et sort de la chambre. Je ne suis pas sûr qu’elle ait dit « taré ». C’était peut-être « connard » ou « salaud ». Qu’importe, c’est l’intention qui compte : Bérénice me fait un cadeau.
La porte claque. Quand l’Amour s’en va, on ne réfléchit pas, on agit. Pas une seconde d’hésitation : je prends un Lexomil.
La porte s’ouvre. L’Amour revient, c’est magique. Bérénice avait besoin d’une petite pause pour faire le point, ça arrive dans tous les couples. Nous allons nous réconcilier sous la couette dans un déchaînement sulfureux de nos sens et une extase de nos fluides qui…
« Par contre, je récupère mon Camus ! »
Bérénice s’accroupit dans un mouvement d’un érotisme échevelé, pousse un ahanement d’invitation au plaisir, puis se relève en brandissant L’Étranger, notre livre de chevet.
La porte claque. Bérénice disparaît. La table de chevet penche dangereusement sur la droite. Sans littérature pour caler l’existence, tout menace de s’écrouler. Je pleure.

Mes troubles de l’humeur sont apparus assez tôt, environ une demi-heure après ma naissance, lors de la première tétée. Il paraît que je refusais obstinément de prendre le sein, sans doute par volonté de boycotter l’hypocrite pot de bienvenue offert après mon expulsion sauvage.
Suite à neuf mois paradisiaques dans un bain d’Éden amniotique thermostat 2, j’ai été brutalement mis à la porte sans préavis. Expulsé dans le froid, nu et sans défense : on ne ferait même pas subir ça à des punks à chien squatteurs d’immeubles.
Ah, elle est belle, la patrie des droits de l’homme.

J’hésite à me lever, car Pascal a écrit : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. » Je l’ai appris à Bérénice qui m’a répondu que je n’avais qu’à m’installer en couple avec Pascal. J’ai bien conscience que la probabilité d’un arrière-plan ironique dans la répartie de ma bien-aimée n’est pas nulle, mais qui suis-je pour contredire un philosophe inscrit au programme de l’Éducation nationale ?
Je me souviens soudain que les accidents domestiques sont la troisième cause de décès en France. D’après les statistiques officielles, vingt mille personnes meurent chaque année chez elles, bien plus que les victimes d’accidents de la route ou d’homicides. Pascal n’avait pas accès aux chiffres de l’Insee. En réalité, il n’existe pas d’endroit plus dangereux que notre logement. Donc, je me lève.
On sonne. Bérénice est de retour. Regret d’une vie à deux pleine de moments complices devant Netflix ? Hantise de devoir trouver un nouvel appartement quand le prix du mètre carré parisien pulvérise l’indécence ? Perspective angoissante d’une vie en solo dans le désert sentimental des métropoles occidentales ? Prise de conscience que l’horloge biologique tourne inexorablement et qu’une rupture avant conception de progéniture est une folie ? Oubli d’un parapluie ?
J’ouvre. C’est mon voisin, M. Patusse. Il me demande de ne pas claquer les portes, surtout un dimanche matin quand chacun profite d’un repos bien mérité après une dure semaine de travail. Il ajoute : « Pour ceux qui travaillent, bien sûr », avec une grimace symptomatique de l’abcès dentaire.
Je saisis le pudique sous-entendu et remercie M. Patusse de son inquiétude toute paternelle vis-à-vis de ma situation professionnelle. Je lui confirme que je n’exerce pour l’heure nulle activité salariée destinée à m’épanouir socialement trente-cinq heures par semaine, à rentabiliser l’investissement locatif loi Pinel de mon propriétaire et à cotiser cent soixante-douze trimestres avant de mourir à taux plein, mais je tiens à rassurer mon voisin : cet état n’est que provisoire.
M. Patusse souhaite que je précise ma définition du provisoire avec un rictus confirmant la gravité de sa gingivite. Je réponds que selon Albert Einstein, le temps est une notion relative. J’ajoute qu’en se plaçant au niveau le plus fondamental de la réalité physique, on pourrait même poser l’hypothèse que le temps n’existe pas.
Un tremblement compulsif de la paupière gauche de M. Patusse laisse craindre l’imminence d’un AVC. Je rassure mon voisin : ma sortie du cercle vicieux de l’assistanat est proche. C’est promis, il sera le premier informé de ma réinsertion dans un secteur d’activité florissant qui me permettra d’assumer enfin mes devoirs citoyens, à savoir aider mon pays à maintenir les déficits publics en dessous de la barre des 3 % et rembourser mes années de RSA par une surconsommation à fort taux de TVA.
En attendant l’avènement de cette heureuse perspective, M. Patusse m’invite au silence afin de respecter le bien-être des résidents de l’immeuble comme cela est prescrit dans l’article 1 du règlement de copropriété. Il m’en a d’ailleurs apporté un exemplaire qu’il a imprimé spécialement pour moi sur un papier de qualité supérieure. C’est la journée des cadeaux.
Je tranquillise mon voisin : les portes ne claqueront plus, car ma femme m’a quitté. M. Patusse n’est pas homme à se payer de mots. Puis-je lui garantir que Bérénice ne reviendra pas ? Je suis désolé, mais je ne peux pas le lui certifier à 100 %. Cependant, si l’on se fie à la description que fait Michel Houellebecq dans ses œuvres de l’impossibilité ontologique d’une relation de couple satisfaisante et pérenne, on peut estimer les chances d’un retour de Bérénice entre le peu probable et le carrément foutu.

J’ai mis cinq étoiles sur Amazon à tous les romans de Michel Houellebecq. Ce que j’aime, chez lui, c’est qu’il montre qu’il y a quelque chose au-delà du constat désespéré d’un monde sans amour et sans bonté, quelque chose au-delà de la tristesse infinie de l’homme seul face à sa misère, quelque chose au-delà de la déception inhérente à toute activité humaine : la possibilité de transformer cette noirceur en éclairs de drôlerie et d’intelligence par la magie de l’écriture.
J’aime Michel Houellebecq, car il me donne de l’espoir.
Moi aussi, un jour, quand j’aurais atteint le stade ultime de la dépression, je deviendrai un grand écrivain humoristique. Comme Michel.
À l’évocation de notre plus grand romancier (plus ou moins) vivant, je lis dans les yeux de M. Patusse qu’il frôle sa deuxième attaque cérébrale de la matinée. Dans un souci de rapprochement amical propice au bon voisinage, je lui demande si son mariage avec Mme Patusse résulte d’une passion amoureuse doublée d’une communion d’âmes, ou bien de la volonté pragmatique de combler une solitude existentielle trop douloureuse à porter au quotidien, ou encore d’un simple souci de conformisme social fiscalement avantageux.
M. Patusse laisse pendre une lippe rosâtre semée de quelques miettes de biscotte, puis tourne les talons afin d’aller échanger avec son épouse au sujet des motivations ayant conduit à leur union.
Je reste sur mon paillasson, car j’ai entendu du bruit dans la cage d’escalier.
Bérénice ?
Béré, c’est toi ?
Chaton ?
Je vais attendre un moment sur le palier. Mon amour étant très joueuse, peut-on raisonnablement écarter l’hypothèse qu’elle me fasse une blague ?
Mon portable sonne alors que j’attends Bérénice la blagueuse devant ma porte. Je décroche. C’est elle ! Ma bien-aimée me demande si je suis bien moi-même. Je ris de bon cœur et je la félicite pour son humour. Bérénice me répond qu’elle s’appelle Sarah. Mon amour est impayable. Belle, intelligente et facétieuse. Je ne la mérite pas.
Bérénice insiste. Elle s’appelle Sarah et travaille pour l’institut de sondage Ipsos. Je lui réponds que je l’aime et que je suis sûr qu’elle avait de bonnes raisons de me dissimuler son vrai nom et sa véritable activité professionnelle. Je comprends qu’elle soit partie parce qu’elle ne supportait plus de vivre dans le mensonge. Je suis heureux qu’elle m’ouvre enfin son cœur, je ne lui en veux pas du tout. Je l’attends pour le petit déjeuner. Croissant ou apfelstrudel ?
Au ton professionnel que garde Bérénice, je prends conscience qu’elle travaille dans un centre d’appels et doit être écoutée à cet instant par un superviseur soumis à l’idéologie néolibérale, adepte de la pression psychologique. Je ne veux pas nuire à ma bien-aimée, je décide de jouer le jeu. Bérénice veut que je participe à la grande enquête de l’institut Ipsos, je ne demande qu’à lui rendre service. Il s’agit d’un sondage sur le bonheur. Ça tombe bien, c’est ma spécialité.
Mes parents m’ont dit que je n’avais pas pleuré à la naissance, ce qui les avait beaucoup surpris. En revanche, j’ai pleuré tous les autres jours de mon existence, ce qui peut aussi étonner. J’ai été un enfant triste et un adolescent cafardeux avant de devenir un adulte neurasthénique. À l’heure de la civilisation zapping qui change d’avis, de conjoint ou de Smartphone comme de chaussettes, ma fidélité à la mélancolie est assez rare pour être signalée.
Je suis né le jour du déclenchement du génocide rwandais. J’ai été baptisé la veille du massacre de Srebrenica. Mon premier mot, prononcé alors qu’on annonçait la mort de François Mitterrand à la télévision, a été « Prozac ». J’ai eu mon premier chagrin d’amour le 11 septembre 2001. J’ai fait ma scolarité à l’école primaire Anne-Frank, au collège Guy-Môquet et au lycée Jean-Moulin.
Pour compenser, j’ai emménagé il y a quelques années rue de la Gaîté. Pour l’instant, ça ne marche pas trop.
L’institut Ipsos fait une grande enquête sur le bonheur des Français. C’est une excellente initiative : j’en informe Bérénice et j’en profite pour lui dire qu’elle est une formidable opératrice téléphonique afin qu’elle soit bien notée par son superviseur.
Première question : vous considérez-vous comme heureux ? Oui, non ? Je rappelle à Bérénice qu’elle peut me tutoyer. Elle reste professionnelle. Vous considérez-vous comme heureux ? Oui, non ? Je réponds : « Ça dépend. » Bérénice me dit qu’il n’y a pas de case « ça dépend ». Vous considérez-vous comme heureux ? Oui, non ? Je réponds : « Oui et non. » Bérénice me dit que c’est oui ou non. Je réponds : « Oui quand tu es près de moi, non quand tu es loin de moi, et entre les deux quand on est au téléphone. » J’ajoute qu’elle est la meilleure opératrice téléphonique que j’aie jamais rencontrée de ma vie et qu’elle mérite une promotion salariale et des avantages sociaux conséquents eu égard à ses remarquables compétences qui serviront sans nul doute un jour prochain à l’instruction des novices de l’école des opérateurs de centre d’appels.
Bérénice bredouille un « euh » d’émotion devant une déclaration d’amour aussi sincère et spontanée, puis elle se tait pendant plusieurs secondes. Que j’aime nos silences complices !
Bérénice se racle la gorge puis, soumise à la pression psychologique de son superviseur inféodé au grand capital, elle dissimule son émoi derrière une diction mécanique afin de m’adresser ses sincères remerciements au nom de l’institut Ipsos. Je l’embrasse tendrement et je lui rappelle qu’elle a des droits en tant que salariée obligée de travailler un dimanche, qu’elle reste un être humain qu’aucun superviseur au monde ne pourra empêcher d’exprimer ses sentiments, que la monstrueuse mécanique du travail ne saurait broyer la singularité émotionnelle qui fait de chacun de nous un… Bérénice ?
Béré ??
Chaton ???
Mon amour a dû raccrocher pour ne pas perdre pied dans la course féroce à la productivité, impitoyable machine à frustration qui engendre une déshumanisation du management. D’odieux individus rendent ma bien-aimée malheureuse en l’obligeant à faire des sondages sur le bonheur. La perversité à son comble. »

Extraits
« J’aime la publicité parce qu’elle a de formidables vertus pédagogiques. Grâce à elle, on apprend que l’alcool se consomme avec modération, qu’il faut ingérer cinq fruits et légumes par jour, ou encore qu’il est nécessaire de manger et bouger (ce qu’on ne nous dit jamais à l’école où, au contraire, on nous répète sans arrêt de ne pas bouger). Il est grand temps de remercier les annonceurs pour leur rôle primordial en termes de santé publique. En 1968, quand la télévision française diffuse ses premiers spots publicitaires, l’espérance de vie est de 75 ans pour les femmes et de 67,6 ans pour les hommes. En 2018, elle est de 85,3 ans pour les femmes et de 79,2 ans pour les hommes. Merci qui?
L’autre merveilleuse fonction de la publicité, c’est de vous faire toucher du doigt le bonheur. Exactement comme les discours des campagnes électorales. Un bonheur simple et accessible à tout le monde. Vous achetez un camembert et hop, vous avez plein de chouettes amis qui rigolent dans un pré en le partageant avec vous. » p. 37

« Pour reconquérir Bérénice, je dois d’abord comprendre pourquoi elle m’a quitté. Procédons avec méthode, car on sait depuis quatre cents ans, grâce à René Descartes, que rien de grand ne peut se faire sans méthode. Opérons donc étape par étape:
1) Je prends une bière pour m’aider à réfléchir.
2) Je prends une deuxième bière.
3) Je prends un Martini parce que je n’aime pas la monotonie.
4) Je prends une troisième bière parce que je n’aime pas le Martini.
5) Je ne comprends toujours pas pourquoi Bérénice m’a quitté.
6) Il faut que je trouve une autre méthode.
7) Y a-t-il une méthode pour trouver une bonne méthode ?
8) René ?
Je mets en œuvre la procédure d’urgence en situation de crise : je regarde une vidéo du président-prophète. Quand il me parle de sa voix douce et pédagogique en articulant lentement chaque syllabe, ça m’apaise. Bérénice l’aime beaucoup parce qu’il est jeune, moderne et disruptif.
Je liste mes atouts. Moi aussi, je suis jeune (j’ai seize ans de moins que le président. En fait, il est vieux!). Moi aussi, je suis moderne (j’ai un iPhone et des crédits Cetelem). Problème: suis-je assez disruptif? Problème n°2: que signifie « disruptif »?
Je demande la définition à Chierie, mon assistant personnel Apple. DISRUPTIF – VE, adj. Terme littéraire rare. Qui tend à une rupture. Voilà où le bât blesse. Je ne
tends absolument pas à une rupture. Je ne suis pas du tout disruptif. » p. 58-59

« J’ai la solution en main. Ce livre est un best-seller international écrit par une home organizer japonaise, c’est certifié sur la couverture. Il a été vu à la télé, il a été lu et approuvé par une présentatrice météo botoxée, il a reçu les éloges de Télé Poche, c’est une valeur sûre. Titre: Le rangement, c’est maintenant.
L’idée consiste à se débarrasser des objets qui encombrent nos vies, car chercher le bonheur dans les biens matériels est absurde. La satisfaction procurée par un achat qui vient combler un désir est vite effacée par le phénomène de l’«adaptation hédonique»: nous nous habituons à vitesse grand V à toute amélioration de notre situation et nous revenons à notre point de départ, insatisfaits, tendus vers un nouveau désir et une nouvelle frustration. » p. 149

À propos de l’auteur
ERRE_JM_©France_InfoJ.M. Erre © Photo France Info

J.M. Erre est né à Perpignan en 1971. Il vit à Montpellier et enseigne le français et le cinéma dans un lycée de Sète. Il écrit des romans publiés par Buchet/Chastel depuis 2006, écrit aussi des romans jeunesse édités chez Rageot. Il tient également une chronique hebdomadaire pour Groland. (Source: Éditions Buchet-Chastel)

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