Avant le jour

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Sélectionné par les « 68 premières fois »

En deux mots
Un message de son amant indiquant à la narratrice qu’il renonce à leur voyage en Italie pour rester auprès de son épouse la pousse à décider de partir seule à Turin. L’occasion pour elle de faire le bilan de sa vie sentimentale et de s’imaginer un avenir.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Le voyage en Italie

Madeline Roth a imaginé, pour son premier texte à destination des adultes, une narratrice en proie à des tourments amoureux. À l’occasion d’un voyage en Italie qu’elle effectue seule, elle dresse le bilan de sa relation avec un homme marié.

«Dans quelques mois j’ai quarante ans, et depuis quatre ans je donne à Pierre ce qui s’appelle un bout de ma vie — ça ne s’appelle pas autrement. Des heures, des nuits, un corps, des baisers, des rêves: la vie. Je me donne. Je prends ce qu’il m’offre mais il me vole — souvent j’ai ce sentiment-là, qu’il me vole.» Aussi ce voyage en Italie qu’elle devait faire avec Pierre, la narratrice décide de le faire seule, laissant son amant avec Sarah, qui vient de perdre son père. Une femme, une épouse qu’elle préfère ne pas connaître.
Mais au moment de monter dans le train pour Turin, le sentiment qui domine est la peur, car elle se rend bien compte que ces kilomètres qu’elle va parcourir vont l’éloigner de cet homme qu’elle aurait tant voulu ne pas partager, qu’elle aurait tant aimé avoir à ses côtés.
Madeline Roth, dans ce très court roman – moins de 100 pages – va explorer la psyché de cette femme à l’heure d’un choix difficile. Comme elle l’explique à Marie, son amie et confidente, elle a le sentiment d’années perdues, d’un bout de vie qui ne se rattrape pas. «Je n’attends rien. Enfin je n’attends pas qu’il la quitte. J’attends quelque chose qui ressemble à ce qu’il me donne. J’attends l’attente de lui, le désir que j’ai de lui, sans cesse renouvelé. C’est peut-être la première fois que ça m’arrive, ça, dans ma vie, ce truc qu’on vous dit tout le temps, n’attends rien. Un jour, ça arrive. Et puis, un autre jour, on quitte son appartement avec un billet pour deux à destination d’un autre pays. Et on ne veut pas de cette peine, on ne veut rien subir qui ressemble à une attente qui n’aurait pas été comblée.» Car la vie ne l’a pas épargnée. Elle a quitté son mari alors que leur fils Lucas venait de faire ses premiers pas et conservé depuis un sentiment de culpabilité. Aujourd’hui, son fils a 13 ans et elle se retrouve à prier dans une église de Turin, elle qui n’est pas croyante. À se demander que faire de cette relation.
Madeline Roth pose des mots simples sur les questions de cette femme, simples mais justes, simples mais beaux. En changeant de perspective – vu de Turin son amour reste-t-il toujours aussi nécessaire – elle trace un chemin. Et si au moment de reprendre le train, elle n’a pas toutes les réponses, elle aura trouvé une forme d’apaisement. De quoi affronter les prochains temps.
On se laisse happer par la beauté des phrases de Madeline Roth, on oublie le côté sordide de cette relation secrète, on ne voit plus que la peur de cette femme que l’on aimerait aider. Sensible et intelligent, ce récit est d’une rare délicatesse. Si bien qu’en refermant le livre, on regrette qu’il soit déjà fini.

Avant le jour
Madeline Roth
Éditions La fosse aux Ours
Roman
80 p., 12 €
EAN 9782357071643
Paru le 19/01/2021

Où?
Le roman est situé principalement en Italie, à Turin. Mais on y évoque aussi Paris, Bagnères-de-Bigorre, Saint-Nazaire-en-Royans et Avignon.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
«Je suis désolé. Sarah vient de perdre son père. Je suis forcé d’annuler Turin. Je t’appelle demain. Je suis vraiment désolé.»
Ce voyage à Turin ne se présente pas sous les meilleurs auspices mais elle décide de partir, seule, sans son amant.
De musées en terrasses de café, d’églises en promenades le long du Pô, le séjour se transforme, peu à peu, en voyage intérieur.
Elle s’interroge sur sa vie. Que dit de nous une histoire adultère ? Pourquoi on se sépare du père de son fils et comment on élève, seule, un enfant ?
Peut-être que, sur le quai d’une gare, elle trouvera une réponse.

68 premières fois
Blog Mes écrits d’un jour
Blog Calliope Pétrichor 
Blog La bibliothèque de Noukette
Blot T Livres T Arts 

Les autres critiques
Babelio
Lecteurs.com
L’Espadon
France Bleu Loire Océan (Hervé Marchioni)
Shangols
Blog Agathe The Book 
Blog Les mots de la fin
Blog sur la route de Jostein 

Les premières pages du livre
« Jeudi
«Je suis désolé. Sarah vient de perdre son père. Je suis forcé d’annuler Turin. Je t’appelle demain. Je suis vraiment désolé.»

Je relis le message plusieurs fois. Depuis que je connais Pierre, la sonnerie qui m’annonce un SMS remplit mon corps de choses qui bougent et palpitent. Pas là — enfin, pas dans le sens que j’aime. Tout s’est toujours construit comme ça entre nous: des mots sur un écran. Un jour, Pierre a débarqué dans ma vie, et j’ai cru que ça durerait une nuit. Cela fait quatre ans.
On devait aller à Turin, quelques jours, au printemps, parce qu’on n’avait jamais quelques jours pour nous, parce qu’on avait envie d’ailleurs et d’un ailleurs tous les deux.
Ça me prend une minute pour décider que j’irai, seule. C’est peut-être le moment que j’attendais: pas celui d’être ensemble, enfin – car comment être ensemble, enfin, puisque Pierre a Sarah? Mais le moment pour décider que ça s’arrête. Que ça suffit, que ça se termine, que j’ai ma vie à vivre, sans lui.
On est jeudi. Le départ est le lundi suivant.
Je regarde le vent dans l’arbre en face, Je n’ai même pas de larmes. C’est tout blanc. C’est tout sec et triste. Je ne pensais pas que je m’habituerais à ça, à porter le poids d’un cœur triste. Mais c’est comme tout: on s’habitue. J’ai pris l’habitude des moitiés de nuits, des vêtements qu’on enfile trop vite, l’habitude des silences, des fuites. Je croyais qu’il y avait, entre nous, comme un fil. Pierre ne le coupera jamais. S’il faut décider quelque chose, je comprends que cela m’appartient. Et c’est maintenant. Au bout de quatre ans, dire ne m’appelle pas, ne m’appelle plus, ne m’écris plus, je veux qu’on arrête. Non. Si. Non. Dire je crois que j’en crève de marcher côté de ma vie, comme ça. Sans toi dedans.
Je lui avais vendu mon vélo d’appartement. Il existe des rencontres plus romantiques, des histoires qui commencent comme dans les livres: pas pour nous. J’avais mis une annonce, il avait appelé, on avait pris rendez-vous. J’ouvre la porte et il se tient là, avec ses dix ans de moins que moi, avec son jean qui le serre, avec son sourire, avec sa voix qui, à ce moment-là, me scie le ventre en deux. On se gêne, je dis entrez, on se frôle, je dis c’est dans la chambre de mon fils, je le vois qui hésite, comme s’il savait où elle se trouve, la chambre de mon même.
Il a dit d’accord. Il a acheté le vélo. Je lui ai proposé un café, il a encore dit d’accord. Il est resté un peu, dans cet après-midi de septembre, je crois que je rougissais. On n’est plus rien devant le désir. Juste deux corps. Qui détaillent tout de l’autre. Qui s’y voient, s’y projettent, s’y lovent. J’ai déposé sa tasse dans l’évier. Depuis combien d’années je n’avais pas fait ce geste simple, qui pourtant me bouleversait ? Il est parti, le vélo sous le bras, on s’est encore frôlés et, une heure plus tard, le portable a sonné. Il avait écrit: «Vous me plaisez.»
J’ai attendu. Avec mes mains qui tremblaient et mon ventre en capilotade. Je n’ai pas répondu tout de suite, j’ai relu, et relu, j’ai fumé une cigarette, puis deux, j’ai relu, et puis j’ai écrit «vous aussi».
Il est revenu. »

Extraits
« Marie m’a dit: ne dis pas que ce sont des années perdues, la vie est comme ça, on ne perd rien, on avance », et je sais bien, Marie, ma belle, que tu as raison, mais quand même, dans quelques mois j’ai quarante ans, et depuis quatre ans je donne à Pierre ce qui s’appelle un bout de ma vie — ça ne s’appelle pas autrement. Des heures, des nuits, un corps, des baisers, des rêves : la vie. Je me donne. Je prends ce qu’il m’offre mais il me vole — souvent j’ai ce sentiment-là, qu’il me vole. Pierre qui habite avec Sarah, qui dort avec Sarah. » p. 19-20

« On habite toujours quelque part. Mise pour une nuit. On habite, cela veut dire que l’on n’a rien réussi à quitter. On est. Dans une ville, dans une rue, dans une gare, avec son âge, son prénom, son nom. Son corps, son poids, ses mains. J’ai l’impression que je vais mettre des kilomètres entre Pierre et moi et soudain cette impression me fait peur. J’ai Presque envie de rester. En vrai, j’ai peur. » p. 25

« J’ai rencontré Mathieu l’année de mes dix-sept ans. Vous avancez et, un jour, quelqu’un apparaît, et c’est la juste lumière, et c’est la peau qu’il faut. Je ne me souviens pas d’un moment de ma vie où je n’ai pas voulu d’enfant, je ne me souviens pas non plus du moment où cette envie est apparue, j’ai vécu huit ans avec lui avant qu’il me dise oui, je crois que d’être père lui faisait un peu peur, et dans l’avion qui nous emmenait au Maroc cette année-là, je lisais Les Corrections, de Jonathan Franzen, et je me posais encore cette question: est-ce qu’on peut corriger les erreurs de nos parents? Un jour, j’ai dit ça à Mathieu, il a eu l’air horrifié, il ne comprenait pas que je me la pose, apparemment. » p. 30-31

« Je n’attends rien. Enfin je n’attends pas qu’il la quitte. J’attends quelque chose qui ressemble à ce qu’il me donne. J’attends l’attente de lui, le désir que j’ai de lui, sans cesse renouvelé. C’est peut-être la première fois que ça m’arrive, ça, dans ma vie, ce truc qu’on vous dit tout le temps, n’attends rien. Un jour, ça arrive. Et puis, un autre jour, on quitte son appartement avec un billet pour deux à destination d’un autre pays. Et on ne veut pas de cette peine, on ne veut rien subir qui ressemble à une attente qui n’aurait pas été comblée. » P. 39

« À quel moment est-ce que j’ai compris ça, qu’il me faudrait lire, beaucoup, pour toutes les vies que je n’aurai pas?»

« J’ai grandi quand Lucas grandissait. Je ne dis pas «vieilli», bien que ce soit le cas, je veux dire j’ai grandi, avec lui. Il m’a portée, plus haut, il a consolidé mes os, nourri mes jours. Lorsqu’on s’est retrouvé tous les deux, juste lui et moi, il avait dix-huit mois à peine. Le dimanche matin, il venait me rejoindre dans mon grand lit. Le soleil se levait. C’était des matins délicieux. On chuchotait. Il venait avec son oreiller, son doudou, et puis des livres que je lui racontais. »

« Je n’ai rien décidé, je l’aime. Je savais que ce n’était pas une bonne idée, je me doutais qu’il avait quelqu’un: je l’aime quand même. Jamais je n’aurais une nuit entière, jamais sa main dans la mienne dans la rue, jamais nos bouches qui s’embrassent devant des gens: je l’aime quand même. »

« Ils arrivaient quelques minutes avant lui, ils le précédaient toujours, c’étaient les mots du désir, ils marchaient avec lui, ils couchaient avec moi, ils remplissaient l’espace. Je me rendais compte que j’avais cherché cela une bonne partie de ma vie: un corps et puis des mots. Un jour arrive dans votre vie un homme auquel vous êtes capable de donner ce qu’il y a de plus intime encore que votre peau nue – et ce sont vos mots. »

À propos de l’auteur

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Madeline Roth © Photo DR

Madeline Roth travaille depuis presque vingt ans à la librairie jeunesse L’Eau Vive, à Avignon. Elle dit souvent que la librairie est sa deuxième maison. Passionnée de lecture depuis toujours, elle collabore aussi régulièrement à des revues littéraires. Elle publie ses premiers romans pour adolescents en 2015. Avant le jour est son premier texte à destination des adultes (Source: Éditions Le Rouergue / La Fosse aux ours)

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Du côté des Indiens

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En lice pour le Prix littéraire «Le Monde» 2020

En deux mots:
Ziad va fêter ses dix ans et attend un père qui tarde à venir, car il entretient une relation avec Muriel, la voisine du cinquième. Cette ancienne actrice va aussi réussir à amadouer le garçon et lui faire découvrir l’univers du cinéma. Un univers qui l’a brisée, victime d’un abus dont elle n’a pas se remettre.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

Les bleus à l’âme de Ziad et Muriel

Avec son second roman, Isabelle Carré confirme son statut de romancière au style délicat et sensible. Dans les pas d’un garçon de dix ans, elle raconte l’univers impitoyable du cinéma avant #metoo.

Après ses talents d’actrice et de comédienne, Isabelle Carré nous avait dévoilé il y a deux ans ses qualités d’écriture en publiant Les rêveurs, un premier roman couronné par le Grand Prix RTL-Lire et le prix des Lecteurs de L’Express-BFMTV. Il mettait en scène une fratrie cherchant son indépendance, entre une mère vivant dans son propre monde et un père qui se découvrait homosexuel.
Si la plume reste toujours aussi délicate, le registre de ce second roman change, à la fois plus distancié et plus proche de sa vie. Nous partageons cette fois le quotidien d’une famille vivant dans un immeuble de Courbevoie. Ziad, qui va fêter ses dix ans, attend son père face à l’ascenseur. Il lui réserve une belle surprise. Son bulletin est bien meilleur qu’en début d’année et c’est empli de fierté qu’il patiente. Déjà les Da Costa et leur chien sont passés, déjà tous les habitants de l’immeuble sont rentrés quand enfin son père arrive. Mais l’ascenseur ne s’arrête pas au deuxième. Il poursuit sa route jusqu’au cinquième. Bertrand en sort et s’engouffre dans l’appartement de Muriel Péan, une belle femme rousse.
Ziad vit désormais avec ce secret, s’étonnant tout à la fois que sa mère ne se doute de rien, et que son père continue d’avoir ce regard triste. La lassitude s’installe, la communication se réduit à la portion congrue. «Je sais, moi, que vos silences peuvent être pires, et parfois encore plus tranchants que des mots.»
Alors Ziad décide d’agir. Il grimpe au cinquième et explique à Muriel que son père ne montera plus et que, s’il le faisait quand même, elle se devait de le renvoyer. Un plan qui aura une conséquence inattendue, puisqu’il va rapprocher Muriel et Ziad qui n’est pas insensible aux charmes de la belle rousse. Se sentant un peu coupable, elle promet à son nouvel ami de l’emmener sur un tournage, de lui faire découvrir l’univers du cinéma. Car Muriel est scripte, après avoir été actrice.
Le récit bascule alors quelques années en arrière, au moment où Muriel rejoint une équipe de tournage en Bretagne. Elle a réussi à s’imposer après un casting et déjà on lui promet une belle carrière. Sauf que le soir de ses 20 ans, François, le réalisateur, l’attire dans sa voiture et l’embrasse de force, la sidérant complètement. Elle subit l’agression et reste tétanisée. En sortant de la voiture, «elle garde une sensation de brûlure sur la joue et autour de la bouche, des cicatrices de sa barbe de trois jours. La nuit est complètement noire à présent, elle distingue à peine l’herbe sous ses pieds. Ce moment de liberté lui donne du courage, elle peut décider des choses, elle n’est pas une poupée qu’on habille et maquille, qu’on coiffe et qu’on embrasse, qu’on ramène le soir, qu’on couche après lui avoir brossé une dernière fois les cheveux en lui souhaitant bonne nuit».
En fait, le calvaire de Muriel ne fait que commencer. Le quinquagénaire sait pertinemment comment manœuvrer pour profiter de la faiblesse psychologique de sa protégée. Elle finira par trouver son salut dans la fuite. Son premier film en tant qu’actrice sera aussi son dernier.
Isabelle Carré a choisi de ne pas laisser Muriel seule avec son histoire et, en racontant tour à tour les trajectoires de Ziad et de ses parents, Anne et Bertrand, elle élargit son propos et parle de drames, de douleurs, de chocs subis par les uns et les autres. Et cherche les moyens de surmonter ces difficultés. Les plus belles pages étant consacrées à ce défi de la reconstruction, même si le chemin vers la lumière peut être très tortueux.
S’il fallait une preuve de plus de son talent de romancière, il serait à chercher dans cette façon de sentir les choses et de les assimiler pour les intégrer au récit. Incapable de répondre à vif aux questions posées par les journalistes au moment de l’affaire Weinstein, l’actrice a imaginé Muriel pour porter sa pierre à l’édifice et se placer du côté des Indiens.
On se réjouit déjà de voir comment elle rendra compte du confinement, une étrange période dont son écriture s’est imprégnée et qui nous vaudra sans doute l’an prochain une troisième œuvre. Le rendez-vous est déjà pris!

Du côté des Indiens
Isabelle Carré
Éditions Grasset
Roman
350 p., 19 €
EAN 9782246820543
Paru le 19/08/2020

Où?
Le roman se déroule en France, principalement à Courbevoie et à Paris. On y évoque aussi Louvroil dans le Nord.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
«Il s’est trompé, il a appuyé sur la mauvaise touche, pensa aussitôt Ziad. Il ne va pas tarder à redescendre… Il se retint de crier: “Papa, tu fais quoi? Papa! Je suis là, je t’attends…” Pourquoi son père tardait-il à réapparaître? Les courroies élastiques de l’ascenseur s’étirèrent encore un peu, imitant de gigantesques chewing-gums. Puis une porte s’ouvrit là-haut, avec des rires étranges, chargés d’excitation, qu’on étouffait. Il va comprendre son erreur, se répéta Ziad, osant seulement grimper quelques marches, sans parvenir à capter d’autre son que celui des gosses qui jouaient encore dans la cour malgré l’heure tardive, et la voix exaspérée de la gardienne qui criait sur son chat.
Son père s’était volatilisé dans les derniers étages de l’immeuble, et ne semblait pas pressé d’en revenir.»
Ziad, 10 ans, ses parents, Anne et Bertrand, la voisine, Muriel, grandissent, chutent, traversent des tempêtes, s’éloignent pour mieux se retrouver. Comme les Indiens, ils se sont laissé surprendre; comme eux, ils n’ont pas les bonnes armes. Leur imagination saura-t-elle changer le cours des choses? La ronde vertigineuse d’êtres qui cherchent désespérément la lumière, saisie par l’œil sensible et poétique d’Isabelle Carré.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Actualitté (Victor de Sepausy)
Page des Libraires (Valérie Châtelain, Librairie Majuscule-Birmann, Thonon-les-Bains)


Isabelle Carré présente son nouveau roman Du côté des Indiens © Production éditions Grasset


Isabelle Carré présente son second roman Du côté des Indiens © Production Libraires en Auvergne-Rhône-Alpes

INCIPIT (Les premières pages du livre)
« mar. 1 oct. 2017 à 8:52
Chérie, je suis parti vite.
Mais ce soir, je rentrerai
tôt. On pourra aller voir
Detroit, il passe encore.
Tu dois être réveillée,
Écoute la fin de
l’émission si tu peux…
Le sujet t’intéressera.
Bonnes répétitions.

La radio était trop forte, comme chaque matin. Il la maintenait allumée en permanence. Le silence devait lui faire peur pour qu’il l’allume dès son réveil, à peine posé le pied par terre. Je m’y étais plus ou moins habituée. Certains jours, il m’arrivait même de l’imiter, de la mettre à plein volume, ou de l’écouter toute la nuit pour combattre une insomnie, peu habituée au vide désormais.
Nous habitons une rue minuscule, aucune voiture ne la traverse. La plupart du temps, on croirait vivre en rase campagne plutôt qu’en centre-ville. Sans la musique, les nouvelles, et ces bavardages incessants, la quiétude envahirait l’appartement, nous laissant presque aussi isolés qu’au milieu d’un lac gelé.
De temps en temps, un livreur passe en scooter, et déchire ce silence. Plus rarement, les klaxons se déchaînent lorsqu’une camionnette prend notre ruelle pour une impasse, et décide d’y stationner la matinée entière. Sinon, rien, les talons des femmes qui claquent sur les pavés le samedi soir, et c’est tout. J’ai parfois l’impression d’habiter nulle part, d’être absente moi aussi.
Un rayon de lumière grise traversa la pièce, si faible qu’on aurait pu penser que le soleil venait de se lever, ou qu’il était déjà cinq heures du soir. Je m’installai à la table de la cuisine, sans allumer le plafonnier, préférant laisser au jour une chance de s’éclaircir. Un homme d’une cinquantaine d’années racontait au journaliste la fin de son enfance. Au fil de son récit, je compris que le passage à l’âge adulte constituait le thème principal de l’émission. Pour lui, cela avait été brutal, sans transition. À dix ans, il avait découvert que son père trompait sa mère avec la voisine du dessus. «Tous les soirs, je redoutais que l’ascenseur monte trois étages plus haut, avec mon père dedans…»
L’homme soufflait dans le micro comme s’il avait fourni un gros effort physique, l’émotion l’empêchait d’en dire autant qu’il l’aurait souhaité. Il bégaya un instant, avant d’ajouter deux ou trois détails confus. Puis le journaliste se dépêcha de conclure sur une citation de John Irving. «Notre enfance est toujours volée. Le monde adulte peut endommager le monde de l’enfance à tout moment : pas seulement le corrompre, mais encore nous arracher à lui.»
Le générique de l’émission suivante démarra sous les applaudissements, un divertissement avec des chroniqueurs survoltés. La voix de l’homme ému continuait de résonner dans ma tête. Tandis que s’accomplissait la routine du petit déjeuner, le thé trop infusé, les tartines à surveiller pour éviter qu’elles ne ressortent carbonisées, les tasses sales à glisser dans l’évier… j’imaginais le garçon, du haut de son mètre vingt, fixant la cage d’escalier, et je pouvais voir avec lui son enfance s’envoler dans l’ascenseur. La mienne s’était brisée autrement, mais semblait réapparaître, puisque, d’un seul élan, toutes mes pensées l’avaient suivi dans la cabine étroite. Premier, deuxième, troisième palier… au cinquième étage, je l’avais définitivement rejoint.

L’ascenseur
Installé par terre dans l’entrée avec un manga qu’il parcourait distraitement, Ziad guettait son arrivée. Il crevait d’impatience, sautait des pages. Son genou tressautait malgré lui, entraînant sa jambe et tout son corps dans un mouvement nerveux, répétitif. Sur le chemin du retour, il avait évité de justesse un motard au carrefour. C’était sa faute, en sortant de l’école, il s’était élancé depuis le haut de la rue, profitant de la pente pour gagner en vitesse, imaginant décoller au bout, persuadé que rien ni personne ne l’arrêterait. D’habitude, il s’attardait au moins une heure sur la dalle avec ses camarades. Mais cet après-midi-là, il n’avait même pas pris la peine de les saluer, trop pressé de rentrer chez lui. C’était son anniversaire, et dans son cartable, bien rangé entre deux cahiers, ses dernières évaluations attendaient d’être commentées. Il avait une telle hâte de les lui montrer… Pendant des mois, son père avait insisté pour qu’il s’applique et progresse enfin. Le début d’année avait été décevant, Ziad en convenait lui-même. Heureusement, il avait redressé la barre, et le bulletin qu’il tenait entre ses mains le remplissait d’une confiance nouvelle. Il en avait eu mal au ventre des jours durant, mais aujourd’hui, il en était certain, ses efforts seraient récompensés. Il ne lirait plus la déception dans les yeux de son père.
Un air glacé s’échappait de la porte d’entrée, le sol, sous ses jambes, était froid et humide. Il aurait pu s’asseoir plus confortablement, aller se chercher un coussin, une couverture, mais Ziad refusait de s’éloigner ne serait-ce qu’une seconde, préférant avoir des crampes et les pieds gelés plutôt que courir le risque de ne pas être au rendez-vous…
À tout moment, la porte pouvait s’ouvrir sur eux.
Du deuxième étage où l’appartement familial se trouvait, on entendait les allées et venues des locataires sous le porche, dans la cage d’escalier, et si on tendait l’oreille, on pouvait saisir la sonnerie du code, juste avant que ne résonne le claquement sourd de la porte cochère. Avec le temps, Ziad avait pourtant appris à s’en méfier. Lourde, trop épaisse, mal entretenue, la porte se bloquait souvent et restait grande ouverte sur la cour. D’autres fois, au contraire, comme sous l’effet d’une tempête, poussé par le vent, le battant se refermait d’un coup sec en faisant trembler l’immeuble, peut-être même la rue entière et tout Courbevoie.
L’après-midi s’achevait lentement, Ziad était las de retourner ce grand sablier imaginaire dans sa tête. Il fut soulagé d’entendre les voisins du dessus monter les escaliers en soufflant, signe que ses parents n’allaient pas tarder à rentrer. Monsieur et Madame Da Costa étaient âgés, et bien qu’elle fût en surpoids, ils désertaient l’ascenseur à cause de leur caniche nain claustrophobe. L’ascension était pénible, interminable, mais préférable aux plaintes de l’animal. Ils s’arrêtèrent sur le palier pour faire une pause. Le chien détecta aussitôt la présence du garçon derrière la porte, et colla sa truffe contre le paillasson. Il le respira un moment, semblant apprécier l’odeur de gâteaux au beurre qui s’en dégageait, avant de reprendre, encouragé par ses maîtres, sa laborieuse progression.
Ziad venait de finir son goûter. D’un doigt mouillé, il ramassait les miettes autour de lui, en les comptant. Il les rassembla en ligne droite, puis en cercle, il y en avait dix-sept. Sa mère aussi aimait compter les choses, même si elle s’en défendait. Ils avaient tous deux honte de l’avouer, mais comment s’en passer ? C’était un jeu captivant, le plus sûr moyen de garder son calme. Une petite énumération dans les moments critiques, et on respirait mieux. Au milieu des déceptions, des chocs, il existait une possibilité d’apprivoiser les débordements. L’inattendu n’avait qu’à bien se tenir, lui aussi se contenait, se mesurait, comme le reste. Il suffisait pour s’en convaincre de lire le journal : le moindre crime, les injustices, quelles qu’elles soient, rejoignaient inévitablement de jolies courbes de statistiques ou finissaient bien sagement rangés dans une colonne. En réalité, tout s’additionnait, se maîtrisait, toujours…
Ziad changea encore une fois la disposition des débris sucrés, imaginant que sa mère accompagnait son arithmomanie, répertoriant avec lui les miettes oubliées.
Elle n’allait pas tarder à débarquer, les bras chargés de courses. En général, elle arrivait la première.
Il n’aimait véritablement que certains aspects de sa personnalité, les autres, il aurait préféré ne pas les voir : son orgueil, la façon qu’elle avait de flotter, toujours ailleurs, et cette distance qu’elle leur imposait à tous, sans jamais le reconnaître.
Pour autant, son amour pour elle n’en était pas diminué ; la tendresse qu’il éprouvait pour le côté si généreux, presque timide, de son caractère, était infinie. Il se répétait chaque jour qu’il devenait urgent de lui témoigner sa reconnaissance, son affection. Sa mère vieillissait, et bien qu’elle n’ait pas atteint la cinquantaine, il s’inquiétait de la voir disparaître sans en avoir eu l’occasion. Mais comment s’y prendre? Il ne pouvait s’adresser qu’à son être tout entier, sans rien différencier, et la ferveur de ses sentiments, dès qu’il y pensait, n’était plus aussi grande. Mieux valait donc se taire et lui parler dans sa tête, lui envoyer mentalement d’interminables discours, en espérant que quelque chose d’eux lui parviendrait. Et puis, il collectionnait ses foulards, les tee-shirts emplis de son odeur, qu’il cachait avec délectation sous son oreiller. Cela lui suffisait, lui apportait un réconfort facile, immédiat. Aussi souvent qu’il le souhaitait.
En grandissant, il découvrit qu’elle était malheureuse. Son père rentrait de plus en plus tard, une expression contrariée sur le visage, au point que cette triste figure était devenue son masque ordinaire.
Confusément, lui venait la nostalgie du couple qu’ils avaient formé les toutes premières années. Il se souvenait d’un monde encombré de jeux, de formes géométriques aux couleurs primaires. L’atmosphère était douce et paisible, les journées passaient vite alors… il n’aimait pas les voir s’achever, sauf lorsque sa mère se penchait sur lui, pour lui dire bonsoir : c’était aussi agréable que de se prélasser dans un bain chaud en écoutant des chansons tristes. Chaque soir, il avait l’impression de respirer un air brillant, plein de lumière. Une lumière de fête.
Dix ans… il bomba la poitrine à l’évocation de ce nombre parfait, magique, il allait enfin ajouter un second chiffre à son âge, lui qui les aimait par-dessus tout, appréciait tant leurs jolies symétries.
En le voyant souffler ses bougies, leurs cœurs s’attendriraient à nouveau, et son bulletin ferait le reste ! Il en souriait d’avance.
Il lui sembla que la voix de son père se rapprochait, puis s’éloignait dans la rue, achevant probablement une conversation au téléphone. Bertrand hurlait toujours dans l’oreillette, et adressait plein de reproches à son interlocuteur, paraissant déplorer son absence : pourquoi ne pas l’avoir rejoint, pourquoi ne pas se parler autour d’un bon café ? De toute évidence, personne n’osait lui dire qu’il s’époumonait pour rien ; le temps où plusieurs abonnés se croisaient sur la ligne était révolu. Seul Bertrand, comme atteint de surdité, continuait de crier.
Dans la cuisine, l’horloge venait tout juste de sonner dix-huit heures, Ziad ouvrit la porte, et, tel un groom, se posta sur le palier. C’était inespéré de le voir arriver si tôt, lui qui, depuis une heure déjà, faisait le siège de l’entrée… Bertrand avait fini par raccrocher, et attendait l’ascenseur en insistant sur le bouton d’appel. Il n’y avait que deux étages à monter, mais contrairement aux voisins du dessus, lui n’était affublé d’aucun chien stupide. Fatigué par ses journées pleines de colères téléphoniques, il appréciait que personne n’exigeât de sa part le moindre effort supplémentaire. Quand enfin la cabine arriva dans un bruit de trombone, Bertrand s’y s’engouffra. Ziad l’entendit farfouiller dans sa sacoche, y ranger le portable qui ne captait plus, et chercher ses clés, tout au fond. Du haut des escaliers, il résista de toutes ses forces au désir de lui signaler sa présence : « Papa, ne t’inquiète pas, je t’ouvre ! Je t’attends ! Je te vois à travers le grillage ! » En se penchant, il pouvait observer la cabine approcher, suspendue à ses longs cheveux noirs caoutchouteux. Ziad voulait surprendre son père en ouvrant la porte d’un seul coup. Mais l’ascenseur lui passa sous le nez, et, à sa grande stupéfaction, continua tranquillement son ascension.
Il s’est trompé, il a appuyé sur la mauvaise touche, pensa aussitôt Ziad. Il ne va pas tarder à redescendre… Une fois de plus, il se retint de crier: «Papa, tu fais quoi? Papa! Je suis là, je t’attends…» Les minutes s’écoulaient lentement, comme au Scrabble quand les mots comptent double. Pourquoi son père tardait-il à réapparaître ? Les courroies élastiques de l’appareil s’étirèrent encore un peu, imitant de gigantesques chewing-gums. Puis une porte s’ouvrit là-haut, avec des rires étranges, chargés d’excitation, qu’on étouffait. Il va réaliser son erreur, se répéta Ziad, osant seulement grimper quelques marches, sans parvenir à capter d’autre son que celui des gosses qui jouaient encore dans la cour malgré l’heure tardive, et la voix exaspérée de la gardienne qui gueulait sur son chat.
Mais son père s’était volatilisé dans les derniers étages de l’immeuble, et ne semblait pas pressé d’en revenir. »

Extraits
« Généralement, tous les voisins rentraient plus tôt, excepté celui du premier, qui ne montait que vers deux heures du matin, chantant ou injuriant un adversaire imaginaire, parce qu’il avait trop bu. Il n’était sobre que le dimanche – s’abstenait-il ce jour-là parce que lui aussi croyait en Dieu, ou craignait-il en fin de semaine une remontée exponentielle de sa mélancolie?
Ziad entendait les portes se refermer les unes après les autres.
Et, au moment où il avait cessé d’y croire, l’ascenseur s’envolait de nouveau dans les étages, puis redescendait en grinçant, grave, presque douloureux, comme si la machine épuisée avait du mal à respirer, avant de s’arrêter net, dans un cri métallique. La clé pénétrait dans la serrure. Son père s’était enfin décidé à rentrer. » p. 23-24

« Évidemment, c’était assez déroutant de voir son père séduire une autre femme, même en pensée. Mais Muriel Péan – c’était le nom qu’on pouvait lire sur sa boîte aux lettres – était belle. Et Ziad commençait à devenir réceptif à la beauté des femmes, la chose en lui s’était déclenchée au début du dernier trimestre, et ne cessait de grandir jusqu’à vouloir prendre toute la place.
Il avait, depuis lors, la désagréable impression d’être coupé en deux. Une partie de lui-même demeurait en colère – cette histoire le dégoûtait, le révoltait plus qu’il n’aurait su le dire – tandis qu’une autre prenait plaisir à se détacher du réel, pour mener sa propre vie. En classe, sur son lit, avant de s’endormir, les rêves se déployaient en 3D au-dessus de lui, pour l’emporter au loin… et c’était son tour alors de séduire toutes les femmes, les rousses surtout. C’était à lui, à présent, que s’adressaient leurs caresses, leurs mots d’amour… Il pouvait voir leurs corps, les toucher, il ne se lassait pas de sentir leur souffle, cette musique incomparable était si douce à son oreille… » p. 30

« Elle doit parlementer longuement avec le régisseur pour qu’il accepte de la laisser rentrer à pied, il est si tard. Depuis qu‘elle est sortie de la voiture, chancelante, l’air s’est encore rafraîchi, et sur le chemin elle grelotte. Elle garde une sensation de brûlure sur la joue et autour de la bouche, des cicatrices de sa barbe de trois jours. La nuit est complètement noire à présent, elle distingue à peine l’herbe sous ses pieds. Ce moment de liberté lui donne du courage, elle peut décider des choses, elle n’est pas une poupée qu’on habille et maquille, qu’on coiffe et qu’on embrasse, qu’on ramène le soir, qu’on couche après lui avoir brossé une dernière fois les cheveux en lui souhaitant bonne nuit, « dors bien petite actrice, dors jolie poupée… À demain! Demain, on reviendra te chercher ». » p. 118

À propos de l’auteur

CARRE_Isabelle_©JF_Paga
Isabelle Carré © Photo JF Paga

Isabelle Carré est une actrice de théâtre, de cinéma et de télévision, et écrivaine française née en 1971. Elle obtient le César de la Meilleure Actrice en 2003 pour son rôle dans Se souvenir des belles choses ; et le Molière de la Comédienne à deux reprises, en 1999 pour Mademoiselle Else et en 2004 pour L’Hiver sous la table. Le premier roman d’Isabelle Carré est publié en 2018 aux éditions Grasset. Intitulé Les Rêveurs, ce dernier lui permet d’être la récipiendaire du Grand Prix RTL-Lire et du prix des Lecteurs de L’Express-BFMTV. Son second roman, Du côté des Indiens est paru en août 2020. (Source: Éditions Grasset)

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Cora dans la spirale

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  RL_automne-2019  coup_de_coeur

En deux mots:
Cora est l’épouse de Pierre et la mère de la petite Manon, mais Cora est aussi cadre chez Borélia. Cette société d’assurances entend se restructurer pour augmenter ses profits. Entre peurs, ambitions et violence économique, elle va essayer de mener sa barque entre les écueils.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

Tous les visages de Cora

Dire que le nouveau roman de Vincent Message a pour thème l’entreprise serait trop réducteur. À travers le portrait de Cora, il dessine aussi la complexité de la vie d’une femme d’aujourd’hui et détaille notre société. Brillant!

C’est à la page 270 de ce somptueux roman que Vincent Message nous en livre la clé: «Je rêve d’un monde où on se raconterait les vies humaines les unes après les autres, avec assez de lenteur, d’incertitudes et de répétitions pour qu’elles acquièrent la force des mythes. Fidèle à l’utopie, je rêve d’une société où on aurait les moyens de faire ça, et où on n’aurait rien de plus urgent à faire. Mais je sais bien, en fait, qu’on ne sait pas qui a vécu sur terre. On ne connait pas les noms.» En suivant les méandres de ses personnages – et en particulier le parcours de Cora – il s’approche de cette ambition. Au fil des pages, d’une densité peu commune, on voit Cora de plus en plus nettement, comme si des jumelles que l’on règle jusqu’à voir une image parfaite. Côté famille, rien de particulier à signaler, si ce n’est l’usure du couple et la lassitude croissante, après la naissance de Manon, à trouver du temps pour elle et pour Pierre, son mari. Cora est davantage dans la gestion du stress, essayant de mener de front sa carrière chez Borélia, sa vie de famille et ses loisirs, la photographie et l’opéra. À l’image du monde dans lequel elle évolue, elle est constamment en mouvement, alors qu’elle aimerait avoir du temps pour réfléchir, pour comprendre. Par exemple comment la société d’assurances qui l’emploie, fondée par Georges Bories en 1947 sous le statut d’une mutuelle appelée Les Prévoyants et qu’il dirigera durant 32 ans avant de laisser les rênes à son fils Pascal, est aujourd’hui contrainte de restructurer. Pourquoi la gestion par croissance interne et le rachat au fil des ans de quelques petites mutuelles n’est aujourd’hui plus suffisante. Pourquoi, après le rachat de Castel, dont la culture d’entreprise est différente, il va falloir lancer le programme Optimo avec l’aide d’un cabinet-conseil et élaguer sévèrement les effectifs.
Vincent Message a construit son roman avec virtuosité, convoquant un journaliste qui aimerait raconter la «vraie histoire» de Borélia afin de nous livrer un regard extérieur sur ce qui se trame et laissant ici et là des indices sur cet épisode dramatique que l’on découvrira en fin de lecture. D’ici là, le romancier nous aura entrainé sur bien des sentiers et nous aura offert quelques digressions propres à enrichir le récit – un séminaire en Afrique, une femme qui se jette sur les voies à la station Oberkampf, un rendez-vous manqué à l’opéra, une escapade à Fécamp, une autre dans les sous-sols de la capitale – sans que jamais la fluidité de la lecture en soit affectée. Les liaisons sont logiques, la phrase suit allègrement son cours tout en enrichissant constamment le récit, en complexifiant le portrait de Cora. Quand elle cède aux avances d’un chef de service sans vraiment le vouloir, puis quand elle se retrouve dans les bras de Delphine Cazères – engagée pour mettre en œuvre le plan Optimo – et découvre l’amour entre femmes. Sans oublier son engagement pour régulariser la situation de Maouloun, le réfugié de Tombouctou qui est venu à son secours après une chute à la Gare saint-Lazare.
Oui, Cora Salme, née le 18 mai 1981, dans le XVe arrondissement de Paris est une femme d’aujourd’hui, confrontée à une société de la performance, à des enjeux qui la dépassent, à un avenir qui – contrairement à celui de ses parents – est pour le moins anxyogène. Et s’il fallait lire ce roman comme un constat. Celui qu’il est désormais envisageable que l’homme, à coups de «progrès», ne finisse par se détruire. Comme l’aurait dit Romain Gary, au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable.

Cora dans la spirale
Vincent Message
Éditions du Seuil
Roman
458 p., 21 €
EAN 9782021431056
Paru le 21/08/2019

Où?
Le roman se déroule en France, à Paris et banlieue, à Montreuil, Bobigny, Courbevoie, Nanterre et Saint-Denis. On y évoque un séjour à Berlin, une escapade en Normandie, de Rouen à Fécamp, des vacances dans le Sud, du côté de Collioure et du Col d’Èze ou encore à Lisbonne.

Quand?
L’action se situe il y a quelques années.

Ce qu’en dit l’éditeur
Après avoir donné naissance à une petite fille, Cora Salme reprend son travail chez Borélia. La compagnie d’assurances vient de quitter les mains de ses fondateurs, rachetée par un groupe qui promet de la moderniser. Cora aurait aimé devenir photographe. Faute d’avoir percé, elle occupe désormais un poste en marketing qui lui semble un bon compromis pour construire une famille et se projeter dans l’avenir. C’est sans compter qu’en 2010, la crise dont les médias s’inquiètent depuis deux ans rattrape brutalement l’entreprise. Quand les couloirs se mettent à bruire des mots de restructuration et d’optimisation, tout pour elle commence à se détraquer, dans son travail comme dans le couple qu’elle forme avec Pierre. Prise dans la pénombre du métro, pressant le pas dans les gares, dérivant avec les nuages qui filent devant les fenêtres de son bureau à La Défense, Cora se demande quel répit le quotidien lui laisse pour ne pas perdre le contact avec ses rêves.
À travers le portrait d’une femme prête à multiplier les risques pour se sentir vivante, Vincent Message scrute les métamorphoses du capitalisme contemporain, dans un roman tour à tour réaliste et poétique, qui affirme aussi toute la force de notre désir de liberté.

Les critiques
Babelio 
Lecteurs.com
En attendant Nadeau (Ulysse Baratin)
ELLE (Virginie Bloch-Lainé)
France Culture (Olivia Gesbert)
Playlist Society (Guillaume Augias)
Blog Mots pour mots (Nicole Grundlinger)
Blog Mes p’tits lus


Vincent Message présente Cora dans la spirale © Production Librairie Mollat

INCIPIT (Les premières pages du livre)
« 01. DES INDIVIDUS SOUS TUNNEL
Notre espèce baguenaudait sur terre depuis deux ou trois cent mille ans lorsqu’un matin, sur le coup de sept heures trente, Cora Salme se mit à voir d’un œil neuf les couloirs de céramique bleue et blanche du métro parisien. Vêtue d’un pantalon de toile et de sa veste la plus élégante, elle arpentait le quai en ballerines, d’un pas un peu flâneur, zigzaguant entre des silhouettes qui tenaient elles aussi à repousser l’automne. Elle regardait les bancs carrelés le long des murs, le ventre voûté du plafond dont l’armure d’écailles scintillait au-dessus de la menace des voies, et trouvait cela assez beau. Elle avait vécu presque toute sa vie à Paris, et avait tellement l’habitude du métro qu’elle n’arrivait à le voir qu’après l’été, lorsque la femme ensoleillée qu’avaient fait grandir en elle les vacances était soudain contrainte de réintégrer sa place ordinaire. Cette fois, le congé de maternité lui avait permis de prolonger ce décrochage du rythme dominant, d’oublier parfois quel jour de la semaine on était, de faire venir les gens à elle au lieu de filer à leur rencontre. Plutôt que de se répéter que la reprise allait être rude, il était peut-être plus malin de profiter de cette capacité d’attention éphémère.
Ils étaient là, tout autour d’elle. Ils se postaient à l’endroit du quai qui leur permettrait de perdre le moins de temps possible à leur sortie ou lors de leur correspondance. Ils s’étaient levés, s’étaient douchés, ou bien débarbouillés au moins, avaient petit-déjeuné, ou avalé au moins une tasse de thé ou de café, s’étaient composé devant la glace, avec des gestes encore tremblants de sommeil, une apparence sortable. Ils avaient choisi des vêtements qui leur donneraient l’air plus solides qu’ils n’avaient l’impression de l’être en réalité. Et désormais ils s’alignaient au bord des rails, les yeux rivés sur le tunnel d’où surgirait la rame, ou laissant s’imprimer sur leur rétine les images affichées de l’autre côté des voies, blousons d’automne, lumières de vacances hors saison pour couples sans enfants, cartables à la fois robustes, bon marché et suffisamment à la mode pour garantir la paix sociale.
Dans leur immense majorité, ils allaient au travail, tirés du lit par l’envie de poursuivre les projets en cours, par le désir de se rendre utiles, par l’entêtant besoin de survivre. Comme il était étrange, en fait, qu’elle se soit habituée à trouver cela banal…
À l’instant de monter dans le wagon, elle se dit qu’elle aussi reprenait le travail et se réembarquait. Dans le même bateau – membre de nouveau de l’équipage. La vie nouvelle, se murmura-t‑elle, la vie nouvelle commence. Vu le monde qu’il y avait, elle fut surprise de se trouver un corps aussi mince et maniable. Souvent, alors qu’elle voulait assurer le bébé de sa présence, un réflexe lui faisait porter la main quinze centimètres trop en avant, là où passait il y a trois mois la peau tendue et incroyablement sensible de ce ventre qui avait disparu alors qu’elle commençait tout juste à le reconnaître pour sien – et étonnée que Manon ne soit plus à l’intérieur, elle se demandait en un éclair panique où elle pouvait bien être, avant de retomber sur les évidences du réel : elle dormait dans son lit, veillée par le crocodile et le chat musical qui rivalisaient pour se tenir au plus près de son sommeil remuant ; elle était quelque part en vadrouille avec Pierre ; ou chez ses grands-parents ; ou comme ce serait l’usage à partir d’aujourd’hui, chez sa nourrice Silué, après cette semaine où Cora avait passé le relais, d’abord parcourue par des mouvements d’inquiétude et de jalousie, puis rassurée au fil des jours de voir que siManon allait lui manquer, tout indiquait que ces deux-là feraient la paire. Malgré ses progrès fulgurants en puériculture, elle restait fascinée par la sûreté limpide des gestes avec lesquels Silué aspergeait d’eau Manon, attendait que l’ombre passe sur son visage, que revienne le rire de gencives, nettoyait ses plis de chair tendre sans en omettre aucun, la séchait en un tournemain ou ouvrait ses petits poings serrés pour lui couper les ongles et éviter qu’elle ne s’inflige ces coups de griffes miniatures dont elle semblait vouloir se faire une spécialité.
Le bras tendu vers le tube de métal qui la maintenait debout, Cora commença à sentir le sang qui s’impatientait dans ses jambes et à guetter une place assise. Elle s’était demandé si elle pourrait faire valoir son statut de femme encore récemment enceinte, mais son ventre était de nouveau à peu près plat, et elle doutait d’être en état de fournir les preuves qu’on ne manquerait pas de lui demander. De toute façon, si elle parvenait à s’asseoir, elle oublierait peut-être cette histoire de circulation sanguine, mais d’autres problèmes allaient se manifester. Ça ne se voit pas mais vous savez, aurait-elle eu envie de leur dire, j’ai encore le corps sens dessus dessous. La douleur au coccyx, c’est mieux qu’il y a trois mois et je ne voulais pas de césarienne, alors je ne regrette rien – mais chaque fois qu’elle revient, je vous jure, c’est atroce. Et dans cette veine de confidences, elle leur aurait soufflé, j’espère que ça va se remettre, maintenant, que les tissus vont s’apaiser, que la libido va revenir, parce qu’en faisant l’amour les sensations ne sont plus les mêmes.
Au début de sa grossesse elle n’osait pas non plus se manifester, tantôt de crainte qu’on ne la soupçonne de mentir, tantôt parce que c’était un effort pour elle de parler aux inconnus, a fortiori quand il s’agissait de leur demander un service. Pendant des mois, ensuite, elle avait été, selon sa forme et son humeur, agacée, amusée, sidérée de constater combien de voyageurs faisaient semblant de ne pas voir son ventre. Il n’y a qu’à la toute fin, quand elle était devenue aussi encombrante pour les autres que pour elle-même, et après avoir remporté les titres de Big Belly et de la Baleine blanche, tous les deux décernés par un jury composé du seul Pierre Esterel, que les gens s’étaient mis à se lever spontanément – les femmes parce que ça leur rappelait des souvenirs ou qu’elles anticipaient, les hommes pour capter dans son regard une étincelle reconnaissante et se conforter dans l’idée qu’ils étaient des mecs bien, avec lesquels une femme comme ça n’aurait demandé qu’à faire follement l’amour si elle n’avait pas eu la faiblesse de contracter d’autres engagements. Au cours du dialogue avec sa mère et ses amies qui se poursuivait qu’elle le veuille ou non dans son for intérieur, Cora se répétait parfois que ce n’était pas mal d’être une femme à Paris au XXIe siècle, qu’il n’y avait pas d’époque dans l’histoire de l’humanité et pas beaucoup de lieux où les femmes aient eu à ce point la maîtrise de leurs choix, mais elle sentait aussi chaque jour et dans chaque fibre de son corps que c’était tout de même très dur, que ça restait beaucoup trop violent, et à ses heures d’angoisse elle se convainquait aisément qu’elle n’allait pas y arriver.
Le métro du matin était connu pour ses visages opaques et son silence que cadençaient seulement les annonces automatisées et le roulis des machines. Quand tout fonctionnait néanmoins, Cora n’avait pas le sentiment d’une atmosphère hostile. Protégés par leurs casques sans qu’on puisse deviner l’effet que leur faisait la musique, plongés dans leur bouquin ou dans le flux de leurs pensées, ses compagnons de voyage différaient un effort auquel ils savaient ne pas pouvoir se soustraire. D’ici quelques minutes, il leur faudrait parler, sourire, être convaincants, être efficaces.
On allait leur demander de jouer à l’animal social – pire encore, à l’Homo œconomicus. Il aurait été insensé d’entamer leur énergie en prenant le risque d’une conversation avec des anonymes qui se révéleraient à tous les coups épuisants ou bizarres. »

Extraits
« Alors que ses concurrents se sont entre-annexés à coups de batailles boursières, Borélia s’est contentée de soigner sa croissance interne, rachetant tout au plus au fil des ans quelques petites mutuelles, de sorte qu’elle émarge, lors de l’arrivée de Cora, au huitième ou au neuvième rang des assureurs français. Bories et son état-major se sont trop dispersés. Parce qu’ils se croyaient arrivés, ou par envie de rompre avec leur routine, ils ont reproduit les erreurs qu’ils avaient su repérer et exploiter chez une compagnie comma Castel. La fin des années 80, et les années 90… C’est l’époque où I’État insiste pour que les assureurs assument de façon plus active leur rôle de financeurs de l’économie. Le ministre appelle régulièrement Bories et ses adjoints à la rescousse, les reçoit avec des charretées de petits-fours et des grands crus, fait le point avec eux sur la situation des entreprises qui ont le plus besoin d’argent frais. » p. 51

« Lorsque j’ai commencé à écrire cette chronique, il y a un an et demi maintenant, j’ai dit que l’histoire de Cora était une toute petite histoire parmi toutes les histoires du monde. Et puis, dans la foulée (je viens de relire ces lignes-là), qu’il n’y a pas de petite histoire, que toutes les vies sont dignes d’être commémorées. Je rêve d’un monde où on se raconterait les vies humaines les unes après les autres, avec assez de lenteur, d’incertitudes et de répétitions pour qu’elles acquièrent la force des mythes. Fidèle à l’utopie, je rêve d’une société où on aurait les moyens de faire ça, et où on n’aurait rien de plus urgent à faire. Mais je sais bien, en fait, qu’on ne sait pas qui a vécu sur terre. On ne connait pas les noms. On conjecture des chiffres. Et quand bien même un art de la statistique qui se porterait soudain à la hauteur de la magie les rassemblerait pour nous et nous les livrerait, ils ne seraient que cela, des noms, des chiffres, on ne saurait pas ce que les gens ont vécu, ce qu’ils ont ressenti et pensé. » p. 270-271

À propos de l’auteur
Vincent Message est né en 1983. Cora dans la spirale est son troisième roman, après Les Veilleurs (Seuil, 2009), lauréat du prix Virgin-Lire, et Défaite des maîtres et possesseurs (Seuil, 2016), récompensé par le prix Orange du livre. (Source : Éditions du Seuil)

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Première dame

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En deux mots:
Paul annonce à son épouse qu’il sera candidat pour les primaires. Marie et leurs quatre enfants le soutiennent, sans imaginer la violence du combat qui s’engage. Malgré les attaques, il va réussir à remporter les primaires. Mais il est déstabilisé…

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

La longue route vers l’Elysée

Caroline Lunoir a choisi de se mettre dans la peau de la femme d’un candidat à la présidence de la République. Son journal intime va nous faire vivre une campagne implacable.

Il y a les récits qui racontent l’ascension d’un homme vers le pouvoir, ces «romans» confiés à Yasmina Reza par Nicolas Sarkozy (L’aube le soir ou la nuit), à Laurent Binet par François Hollande (Rien ne se passe comme prévu) et à Philippe Besson par Emmanuel Macron (Un personnage de roman). Plus que des romans, ce sont davantage des hagiographies. Il y a ensuite la variante satirique, chasse gardée de Patrick Rambaud qui vient de publier Emmanuel le magnifique, premier tome consacré à la première année d’Emmanuel Macron à l’Elysée.
Mais, aussi réussis qu’ils puissent l’être, ces livres ne donnent qu’un point de vue extérieur – d’observateur – sur la vie de l’homme politique qui décide de s’attaquer à la fonction suprême. Grâce à Caroline Lunoir, on a enfin vision «de l’intérieur» de ce parcours, de cette épreuve. Car, n’en doutons pas, une campagne présidentielle est une épreuve terrible.
Quand Paul annonce à son épouse Marie et à ses enfants Violaine, Clothilde, Solenn et Victor qu’il va se présenter aux primaires de son parti, c’est tout naturellement la fierté et l’excitation qui l’emportent. Mais au fil des pages, les émotions vont bien vite se transformer, à la faveur des coups reçus et que Marie va nous détailler dans un cahier de campagne: «Je tiens mon journal avec des pudeurs de midinette. Je ne crois pas que Paul connaisse l’existence de ce cahier. Je ne sais pas ce qu’il en penserait. Y verrait il une coquetterie ou une menace?»
La romancière a subtilement brouillé les cartes. En mêlant habilement des épisodes qui ont parsemé les dernières campagnes présidentielles, elle donne de la crédibilité à son propos, mais en donnant des noms de fantaisie aux acteurs, elle évite le petit jeu de masques. Car il ne s’agit pas de trouver derrière Stéphanie L. (candidate d’extrême-droite) ou derrière Nathalie M. (à gauche) des personnalités connues, mais plutôt des archétypes.
Les jours passent et les médias s’en donnent à cœur joie, commençant à chercher des poux dans la biographie du candidat. Un article évoquant des comptes bancaires à l’étranger va mettre le feu aux poudres et conduite jusqu’à une perquisition traumatisante, notamment pour les enfants également inquiétés.
Marie souffre et écrit dans son journal: «le pays entier me considère comme une tricheuse, qui a dissimulé sa fortune dans un paradis fiscal et qui a volé le trésor public». Le coup est rude, mais ne la secouera pas autant que la révélation d’une liaison entre son mari et Marion, son éditrice. Si leur union vacille, elle va tenir. Car Marie se prend au jeu et voit la dynamique enclenchée.
«Paul a triomphé au second tour de la primaire, emportant avec lui les militants et des millions de voix. C’est écrit. Il sera le candidat à la présidentielle de notre parti. Ma main tremble un peu. Il paraît que cette élection présidentielle, après cinq ans de gouvernement par l’opposition, la déroute de Régis B. et les luttes fratricides qui déchirent désormais son parti laissé sans candidat officiel, est imperdable. Ce soir, ma joie, notre joie, connaît aussi le poids de la responsabilité qui nous échoit. Cher pays, mon Paul, je répondrai présente, autant que je le pourrai.»
Après les primaires, un autre match s’annonce, encore plus galvanisant, mais encore plus violent. Et le mot d’ordre est alors «Tenir».
Je vous laisse découvrir le dénouement de ce roman qui vous fera pénétrer dans l’intimité d’un couple, vous initiera aux jeux de pouvoir et ne vous laissera rien caché des tourments de l’âme de la Première dame.

Première dame
Caroline Lunoir
Éditions Actes Sud
Roman
192 p., 18 €
EAN : 9782330117832
Paru le 3 janvier 2019

Où?
Le roman se déroule en France, principalement à Paris, mais aussi en province,
à C. ainsi qu’en Bretagne. On y évoque aussi des voyages à Portofino et en Grèce.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Un beau dimanche d’avril, c’est dans l’euphorie et la fierté qu’est accueillie l’annonce de Paul : il sera candidat aux primaires de son parti en vue de l’élection présidentielle. Épouse dévouée, mère exemplaire, Marie inaugure pour l’occasion un journal, avide de tenir la chronique des deux années à venir qui s’annoncent pleines de suspense, de promesses et d’accomplissements. Leurs quatre enfants, jeunes adultes, se réjouissent du sens que ce projet paternel donne à une vie d’engagement et le soutiennent avec chaleur. Personne ne semble mesurer les conséquences d’une telle mise en lumière, ni ne pressent le souffle des scandales qui s’apprêtent à ébranler la cellule conjugale et le cocon familial…
Que faut-il d’abnégation, de cynisme, d’amour ou d’ambition pour accompagner un homme jusqu’aux portes du palais? Analyse intime d’une femme qui ne vivait que pour ses proches et qui se découvre un pouvoir ambigu, critique sociale d’un milieu privilégié coupé de la réalité, satire dénonçant les compromissions de la classe politique avec les experts en communication, ce roman enlevé mêle l’ironie d’une fausse résignation à un féminisme ambivalent.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Blog motspourmots.fr (Nicole Grundlinger)
Quatre sans quatre

INCIPIT (Les premières pages du livre)
« Lundi 24 avril
Paul m’a annoncé hier qu’il serait candidat à la primaire du parti pour l’élection présidentielle.
Je le savais déjà. Des nuits passées à le sentir se retourner, compter ses soutiens, préparer des phrases, se rappeler les propos des uns, les piques des autres. Des nuits de sueur, d’excitation et d’insomnie. Des nuits à caler son angoisse dans l’étau de mes bras. Des heures à l’emmailloter de ma tendresse pour qu’il s’apaise.
Je savais qu’il ne pourrait pas renoncer. Chaque fois qu’il s’est frotté à une ambition, il a relevé le défi, de peur de refuser un combat, de ne pas être celui qu’il veut. Et il était revenu surexcité de son déjeuner avec Marc T., jeudi dernier.
Il a posé ses mains sur mes épaules. Alors j’ai su. Je suis restée silencieuse pour le laisser goûter ce moment comme il l’avait imaginé.
— Trésor, je… j’ai décidé d’y aller. Je me présente à la primaire…
Son souffle, ses mains sur mon cou, la chaleur de son exaltation.
— Si, bien sûr, tu me soutiens.
J’ai posé mes mains sur les siennes et il m’a serrée dans ses bras. Sans un mot. Nous étions heureux, soudés, confiants, prêts à monter ensemble au front. Notre étreinte de lutteurs.
Plus tard, alors qu’il répondait à ses messages, j’ai posé ma tête sur son oreiller, ajusté ses lunettes qui tombent toujours sur son nez et je lui ai demandé :
— Quand est-ce que tu vas le dire aux enfants ?
Il a souri.
— Je pensais ce week-end, à C., quand ils viendront pour le pont du 1er Mai.
Son téléphone a encore vibré. J’ai éteint ma lampe de chevet et essayé d’imaginer la tête que vous feriez.

Mardi 25 avril
J’ai compté : il nous reste un an, onze mois et vingt-six jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, soit sept cent vingt-six jours de campagne.
Le compte à rebours est lancé : J – 726 ! Paul sera encore un peu moins à nous et un peu plus aux autres. Mais il a l’air si sûr, si heureux.
J’aimerais tenir le journal du fil tendu de notre vie jusqu’à cette cible. Je me suis dit qu’un jour, quelqu’un, le biographe de Paul ou les enfants, voudrait savoir comment j’ai vécu tout ça. J’ai également pensé que plus tard, peut-être, à l’heure du repos et de notre vieillesse, je voudrais me contempler dans le miroir de ces années, retrouver la femme que j’étais, me piquer à l’émotion de ces moments.
J’ai trouvé ce cahier dans la bibliothèque. Un de ces articles de papeterie avec une belle couverture de cuir que l’on caresse avec plaisir lorsqu’il vous est offert à l’occasion d’une inauguration, que l’on destine à de multiples projets mais qui finalement, souvent, reste vierge. À moi de jouer!

J – 720
(Lundi 1er mai)
Victor, notre petit dernier, m’a apporté un bouquet de muguet. Je l’ai placé au centre de la table pendant que les filles mettaient le couvert. J’observais Paul, au milieu des enfants, bavard, rose de plaisir, comme une jeune femme qui se prépare à annoncer sa première grossesse. Il se gavait de pistaches. J’avais sorti notre service de mariage, celui avec notre chiffre doré. Clothilde, notre aînée, a tout de suite plaisanté en disant que quelqu’un avait quelque chose à annoncer. Puis elle est allée coucher
Capucine pour la sieste.
Paul a servi le vin qu’il a commenté avec Christophe, le mari de Clothilde. Solenn, notre numéro 3, avait l’air fatiguée, sans doute à cause d’une autre de ses soirées d’école de commerce.
Tous ces souvenirs auront le parfum du muguet. Quand j’ai apporté le poulet, Paul s’est levé et a passé son bras autour de ma taille.
— Les enfants…
Il a marqué une pause. Je pense que mes joues étaient enflammées.
— Nous avons décidé… que je serai candidat à la primaire.
Violaine, notre cadette, s’est renversée sur sa chaise et s’est retournée vers son petit frère, avec son air de triomphe. »

Extrait
« Que dire de moi, à côté de Paul ? Je l’ai rencontré en faculté de droit. C’est tellement classique. Il mendiait mes commentaires d’arrêt pour s’en inspirer et admirait, selon ses mots, ma puissance de raisonnement. J’adorais son sens de la répartie et son éloquence. Sa gouaille parfois tapageuse, parfois désordonnée, toujours séduisante. J’ai finalement choisi le journalisme. Je couvrais l’Europe de l’Est, cette région qui me fascine. J’ai appris le russe. Il est entré en politique. Ses succès m’ont happée.
J’ai voulu des enfants. Il a aimé que j’en veuille. Nos enfants ont singulièrement marqué son image publique. Quand il était encore préfet, à chaque nouveau poste il était d’abord annoncé comme « Paul V., père de quatre enfants ». Comme si avoir quatre enfants vous étiquetait avec plus de garantie qu’une couleur politique. »

« Je tiens mon journal avec des pudeurs de midinette. Je ne crois pas que Paul connaisse l’existence de ce cahier. Je ne sais pas ce qu’il en penserait. Y verrait il une coquetterie ou une menace? »

« Le journal, lui, prétend ne pas juger de l’adultère mais s’interroger au sujet des moyens utilisés pour le cacher, avec les deniers du parti. Je regarde le montant annoncé et tous ces chiffres. Je n’ai qu’une seule question: cette somme est-elle le prix à payer pour renoncer à Marion ou pour me garder? »

À propos de l’auteur
Avocate pénaliste, Caroline Lunoir vit et travaille à Paris. Elle est l’auteur de deux autres romans, parus chez Actes Sud : La Faute de goût (2011 ; n°1194) et Au temps pour nous (2015, prix littéraire des Sables-d’Olonne – prix Simenon). (Source : Éditions Actes Sud)

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Nous aurons été vivants

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En deux mots:
Hannah croit voir sa fille dans la rue. Quel choc émotionnel, car Lorette a disparu depuis sept ans. Un événement qui a déstabilisé la famille et qui la plonge à nouveau dans ses souvenirs et dans sa quête jamais élucidée du pourquoi.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

Une immense sensation de vide

À partir d’un choc émotionnel, la vision d’une fille disparue depuis sept ans, Laurence Tardieu nous offre un superbe roman sur la culpabilité, les relations familiales et la résilience.

À l’arrêt de bus, en plein Paris, Hannah croit voir sa fille Lorette qui a disparu depuis sept ans sans explication. On imagine ce que cette vision fugace peut remuer d’émotions, même si la personne en question n’est peut-être qu’une silhouette ressemblant à Lorette. Des souvenirs, des sensations, une sorte d’analyse froide d’une période désormais révolue, lorsqu’ils étaient une famille.
Car visiblement, ce drame a cassé quelque chose dans sa façon de voir le monde, mais aussi dans sa façon d’être avec les autres. Amis ou mari, parents ou relations, personne ne peut comprendre et personne ne peut ressentir ce qu’elle endure. Elle n’a plus envie de faire semblant, d’aller à ce dîner où tout le monde prendra bien soin d’éluder le sujet, mais n’en pensera pas moins. Cette première partie, grave et mélancolique, est en quelque sorte un constat d’échec. D’autant que Paul a retrouvé Marie Minard, une amie d’enfance, qu’il n’avait pas revue depuis 25 ans et avec laquelle il s’imagine pouvoir vivre une autre vie, reconstruire une relation qui laisserait de côté ce passé si pesant, si présent.
Hannah tente alors de s’accrocher aux moments heureux. Dans les images qui reviennent, il y a la rencontre avec Paul, avec Philippe et Lydie, les vacances en famille dans la belle maison près d’Arcachon, les premiers pas de Lorette. Les chapitres s’égrènent alors en quelques dates qui sont autant de marqueurs de cette vie pleine d’espoirs et d’épreuves, mais offrant un avenir. 9 novembre 1989, le jour où ils ont assisté ensemble à la chute du mur de Berlin, où elle s’est demandée ce que cela pouvait faire pour des membres d’une famille séparés depuis si longtemps de pouvoir enfin se retrouver. Puis il y a eu la disparition de Mam, sa mère, la naissance de Lorette, 18 septembre 1990, et le terrible «baby blues» qui a suivi, le 12 juillet 1993 et les vacances à Arcachon, le 31 décembre 1999, un réveillon à oublier, puis le 14 juin 2001, le 13 mars 2004, le 3 novembre 2006, le 17 août 2009, leur dernier été ensemble et ce 7 avril 2017 où Paul décide partir…
Avec Hannah, le lecteur voit le temps finir par tout user, ce temps qu’elle aimerait parfois saisir.
Laurence Tardieu, d’une écriture subtile et sensuelle, rend au plus près la quête éperdue de femme frappée par le malheur, happée par une peine qui l’empêche de communiquer. Elle sait qu’on ne refait pas le chemin à l’envers. Mais on peut toujours avancer. La troisième partie de ce beau roman va nous le prouver et nous offrir de superbes pages qui, j’en prends le pari, vous marqueront durablement.

Nous aurons été vivants
Laurence Tardieu
Éditions Stock
Roman
272 p., 19 €
EAN : 9782234084988
Paru le 2 janvier 2019.

Où?
Le roman se déroule en France, à Paris, mais aussi à Arcachon, Rome, Moscou, Saint-Paul-de-Vence et Lille.

Quand?
L’action se situe des années 1980 à aujourd’hui.

Ce qu’en dit l’éditeur
Est-ce Lorette, partie il y a sept ans sans laisser la moindre trace ni mot d’explication, qui se tient, en ce matin d’avril 2017, de l’autre côté du boulevard ? Hannah, sa mère, croit un instant l’apercevoir. Peut-être a-t-elle rêvé. Mais, dès
lors, plus rien ne peut se passer comme avant: violent séisme intérieur, la vision a fait rejaillir tout ce qu’elle avait tenté d’oublier. Ce même jour, plusieurs destins, chacun lié à Hannah, voient leur existence basculer.
Une journée particulière, donc, mais aussi trente ans de la vie intime d’Hannah Bauer, femme, artiste, mère, prise dans les soubresauts de son histoire familiale et de celle de l’Europe, Nous aurons été vivants est un hymne à la vie.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Télérama (Christine Ferniot)
Blog Les lectures d’Antigone
RFI (Littérature sans frontière – Catherine Fruchon-Toussaint)
Blog Cutur’Elle (Caroline Doudet)
Blog Clara et les mots
Blog Les carnets d’Eimelle

INCIPIT (Les premières pages du livre)
Prologue
De l’autre côté du boulevard, sur le trottoir, à moins d’une vingtaine de mètres d’Hannah, elle se tient là, imperméable beige, sac vert en bandoulière, bottes noires. Elle se tient là, aux côtés d’autres passants, attendant que le feu passe au rouge. Elle se tient là, nonchalante, comme s’il n’y avait rien de plus normal que se tenir là, un matin d’avril, sur ce trottoir parisien, oui comme si chaque matin depuis plus de sept ans elle avait continué à arpenter les rues de Paris et traverser des boulevards et attendre que des feux passent au rouge, elle se tient là, image tant de fois rêvée, fantasmée, soudain irrecevable, et la déflagration avec une extrême lenteur atteint Hannah, plonge sous la peau, traverse la chair, perforant le présent pour atteindre le cœur, lieu immémorial de la douleur, depuis des années muré, interdit d’accès, autour d’Hannah le monde s’est figé, les couleurs ont disparu, les formes vivantes ont disparu, le ciel a disparu, l’air même a disparu, ne reste plus qu’un élément, un unique élément, un CORPS, Hannah regarde et regarde et regarde encore la silhouette, là-bas, de l’autre côté du trottoir, il faudrait l’apostropher mais aucun son ne sort de sa bouche, il faudrait courir mais aucun signal ne parvient à ses jambes, et elle reste là, sans bouger, comme dans ces rêves où l’on ne peut plus courir. C’est à ce moment qu’elle voit les deux bus arriver, l’un derrière l’autre comme deux lourdes bêtes de somme, le premier ralentir, puis s’arrêter, le second s’arrêter à son tour, Hannah a perdu toute faculté de penser mais une voix à l’intérieur lui hurle qu’il faudrait y aller, faire un effort surhumain, être plus forte que sa peur, être plus forte que sa joie, s’élancer à travers le boulevard, s’élancer à travers les voitures, s’élancer à travers les klaxons, mais elle ne peut pas, elle ne peut rien, elle reste immobile, elle entend la voix à l’intérieur de son corps, à l’intérieur de sa tête, à l’intérieur de ses mains, et elle laisse faire, combien de temps cela dure-t-il, la sueur lui trempe le dos, elle demeure les yeux fixés sur les parois du premier bus, yeux débiles qui ne peuvent aller au-delà, qui s’écrasent contre les parois du bus comme elle-même a le sentiment de s’écraser de tout son long, compressée contre ces fichues parois, compressée à son tour comme une bête, et lorsque enfin, après une éternité, le premier bus lentement s’ébroue, suivi du second, tous deux semblables à deux énormes carcasses malhabiles, et que les yeux d’Hannah peuvent voir au-delà, de la silhouette au manteau beige, du sac vert en bandoulière, des bottes noires en léger déséquilibre, il ne reste rien.
Avait-ce eu lieu? Avait-ce réellement eu lieu? Avait-elle rêvé? Son cerveau avait-il disjoncté, inventant ce qui n’existait pas? Comment le savoir ? Comment en avoir la preuve. Il n’y avait pas de preuves, il n’y en aurait jamais, elle le savait déjà, et, à cette pensée, quelque chose en elle s’effondrait. Elle continuait pourtant à avancer, comme une idiote, sur le trottoir, que faire d’autre qu’avancer, il lui semblait que son corps s’était désarticulé, chaque membre se déployant selon une logique qui lui était propre mais son corps à elle, son corps en entier, elle ne le ressentait plus, elle en était coupée. Une poupée mécanique qui progressait, mètre après mètre.
Elle avançait et c’était comme si, à chaque pas, elle tombait.

Elle retrouve une sensation familière de son enfance. Ce n’est pas le noir, c’est autre chose encore, un brouillard épais, absolu, qu’on ne peut traverser, ni du regard ni de la pensée. Elle aimerait se rappeler ces prières qu’elle se récitait, jeune fille, et qui la sauveraient de tout pensait-elle alors, la déportant ailleurs, là où nulle peur ne pourrait plus l’atteindre. Mais, depuis, toute une vie a passé. Les prières sont devenues des paroles étrangères.
L’image la traverse en rafales. Elle a beau avoir déjà parcouru au moins cent mètres, l’image la pourchasse, l’image la talonne. Combien de temps cela a-t-il duré ? Sept, huit secondes ? Sept, huit secondes où elles ont été de nouveau comme réunies. Leurs deux corps dans le même espace, à quelques mètres l’un de l’autre. Sept, huit secondes où cela a de nouveau existé, où le monde est redevenu comme avant. Lorette, debout, nonchalante, dans la rue.
Plus précisément : sept, huit secondes où elle a cru que le monde était redevenu comme avant.
On croit apprendre et on n’apprend rien. Quelques fractions de seconde et on se retrouve là, à avancer comme un fantôme, parmi ces gens dont la présence vous est devenue insupportable. Hannah aimerait être seule au monde, qu’il n’y ait plus aucun bruit, aucun mouvement, nulle trace du dehors, comme dans ces paysages de neige qui paraissent avoir effacé la vie. Elle aimerait le silence le plus profond pour revoir la silhouette, la faire surgir de nouveau, s’y vautrer, s’y absorber comme si elle constituait, à elle seule, l’univers entier.
Une image lui vient: elle à vélo, toute jeune fille, onze, douze ans peut-être, roulant derrière un ami de son père sur les routes anglaises, ce dernier se mettant soudain à accélérer alors elle accélérant à son tour, tentant de ne pas le perdre de vue, s’essoufflant peu à peu, percevant son souffle de plus en plus rauque dans sa poitrine, s’obstinant pourtant, effrayée de voir la silhouette s’éloigner alors qu’elle se trouve seule sur une route inconnue, à la tombée de la nuit, dans un pays dont elle ne parle pas la langue, jusqu’à ce que l’air lui manque au point de tomber à terre. Pourquoi repense-t-elle maintenant à cet épisode?
Leurs deux corps dans le même espace, à quelques mètres l’un de l’autre. Quelle part ces sept ou huit secondes représentent-elles dans son existence depuis le 4 janvier 2010? Elle délire. Elle délire elle le sait. Mais comment faire autrement? Faudra-t-il rester arrimée à cette vision, se la repasser en boucle, le jour, la nuit, pour ne rien en oublier, aucun détail, ou au contraire s’en délivrer au plus vite, la jeter hors d’elle, hors de sa mémoire, comme si tout ceci ne s’était jamais produit, afin de ne pas finir tout à fait folle ? Elle ne sait pas, elle croit savoir et, la seconde d’après, sur ce trottoir sur lequel quelques gouttes commencent à tomber, elle ne sait plus. Comment peut-on, alors que la vie a déjà tant passé et qu’on pense avoir fait le tour, depuis sept ans, de toute la violence qu’elle est capable de déployer, se retrouver défaite en quelques secondes? On n’a rien appris, rien. Tout recommence toujours comme au tout début. Le même brouillard. De ce qu’elle en avait perçu son corps était resté le même, et son visage, et sa manière de se tenir debout, légèrement désaxée. Et elle portait un sac vert pomme en bandoulière, et un imperméable beige, et des bottes noires. Comment était-elle habillée au matin du 4 janvier 2010? La question avait obsédé Hannah durant des mois. Elle avait dû emporter une petite valise de vêtements, il manquait quelques affaires dans l’armoire, pas grand-chose, combien de fois Hannah avait-elle ouvert l’armoire, tenté de reconstituer ce qui avait disparu, comme si la clef du mystère du départ de Lorette résidait dans le choix de vêtements qu’elle s’était décidée à emporter… Elle savait bien que ça n’avait aucun sens mais cette reconstitution lui avait permis, les premières semaines, d’avoir l’illusion de faire quelque chose – ne pas abdiquer. Jusqu’au jour où elle n’avait plus ouvert l’armoire. Lydie était venue la vider un matin, elle l’avait laissée faire, elle se souvenait de ces heures suffocantes, irréelles. Les gouttes se font plus épaisses à présent, Hannah les sent couler sur son visage. Elles lui semblent douces. Oh le visage de Lorette… Se souvenir… S’autoriser enfin à se souvenir… Plonger dans ce temps clos de toute part, refermé sur lui-même… Depuis combien de temps ne s’est-elle plus accordé ce droit… Heureux sur le moment mais si douloureux ensuite, une plongée voluptueuse pour aussitôt se reprendre le réel en pleine gueule : l’impensable, l’absence – ce qui avait été n’existait plus, ce qui avait été ne serait plus. C’était trop douloureux, Hannah n’y arrivait plus, la dernière fois elle avait cru qu’elle ne s’en remettrait pas, elle avait pensé qu’elle resterait là vissée sur son fauteuil et qu’elle ne se relèverait pas, alors elle s’était juré de ne plus le faire, elle préférait renoncer à tous ces souvenirs, s’en interdire l’accès, tout ça resterait cadenassé au fond d’elle. Et ce matin… Ce matin il y avait eu une trouée dans le temps… Passé et présent s’étaient rejoints… L’unité s’était reformée… Lorette s’était tenue debout sur le trottoir d’en face.

Extrait
« Tout s’était délité sans qu’il s’en aperçoive. Il se rappelait pourtant avoir été très amoureux lorsqu’il l’avait rencontrée, à trente ans. Elle, sociologue, jeune femme rousse à la peau pâle, au rire presque silencieux, au regard obsédant (enchantement dont il avait fini, après plusieurs mois, par identifier l’origine : un très léger strabisme, dont on pouvait difficilement se rendre compte à moins de fixer longtemps les deux yeux, et à l’instant même où il avait compris ce qui depuis des mois le rendait fou, le regard gris-vert avait perdu de sa magie) et que tous ses copains lui enviaient. Lui, jeune cancérologue passionné par son métier, promis à un brillant avenir. Oui, la vie avait été belle, et joyeuse, et sexuelle, avec Claire. Que s’était-il passé pour qu’aujourd’hui les rares paroles qu’ils échangent concernent des pots de yaourt, le chauffagiste à faire venir, la litière du chat ? Que s’était-il passé, d’atrocement banal, qu’il n’avait pas vu se former, et contre quoi aujourd’hui il ne pouvait plus lutter, comme si Claire et lui avaient commencé, il y a bien longtemps, et alors même qu’ils ne le savaient pas encore, à glisser le long d’une pente, et qu’il n’y avait aujourd’hui plus de retour en arrière possible, plus de possibilité de bonheur ? »

À propos de l’auteur
Laurence Tardieu est l’auteur d’une dizaine de livres. Elle a notamment publié Le Jugement de Léa (Arléa, prix du roman des libraires Leclerc 2004) et, chez Stock, Puisque rien ne dure (prix Alain-Fournier), Rêve d’amour, Un temps fou et La Confusion des peines. (Source : Éditions Stock)

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Une femme, belle comme un Rembrandt

SEIGLE_mobylette_debarrasEn deux mots:
Reine est seule, au désespoir. Sans emploi avec trois enfants à charge, elle se débat avec des idées noires jusqu’au jour où elle trouve une mobylette sous un fatras de déchets. Une mobylette synonyme de travail, de rencontres, de liberté…

Ma note:
★★★ (bien aimé)

Ma chronique

Une femme, belle comme un Rembrandt

La vie de Reine ressemble à un cauchemar jusqu’au jour où elle découvre une mobylette sous des décombres. Elle entrevoit le bout du tunnel, mais le malheur est comme une sangsue.

Jusqu’où faut-il sombrer pour envisager de se prendre la vie? De quelle profondeur doit être le désespoir pour vouloir que ses enfants l’accompagnent dans cet ultime voyage? Reine est au bout du rouleau. Son mari l’a quittée. Elle se trouve seule avec Sacha, Igor et Sonia et voit bien qu’elle n’y arrive pas, que sans travail, elle n’aura guère de perspectives à s’offrir, à leur offrir. Durant un instant, mais qui va la marquer durablement, elle s’imagine les tuer avant de se donner la mort durant «la nuit impossible».
Ce que Jean-Luc Seigle nous fait toucher ici du doigt avec beaucoup de sensibilité et de pudeur, c’est ce goût si amer, si écœurant du malheur. De ces gens qui se retrouvent au ban de la société, rebut d’un système qui broie les plus faibles. « On ne tue plus à bout portant les pauvres qui se rebellent. Aujourd’hui on les tue en les abandonnant, en les affamant, en les oubliant. »
Pourtant Reine rêve d’un travail, d’un statut qui lui permettrait de prouver à ses enfants qu’ils avaient tous une place dans ce monde, voir eun bel avenir. « Au fond, elle n’a rien voulu d’autre dans sa vie qu’inventer le paradis, sans pour autant l’étendre à toute la terre comme sa communiste d’Edmonde le lui avait appris; Reine voulait seulement l’inventer dans sa maison. Peut-être l’étendre jusqu’au jardin. Ça lui paraissait raisonnable. »
Mais pour cela, il faut sans doute un petit miracle. Qui va finir par arriver. En dégageant le débarras qui s’est accumulé dans son petit jardin, derrière les lits cassés, les vieux pneus, les bouts de tôles, les morceaux de poteaux électriques et les traverses de chemin de fer et trois cuvettes de WC neuves, elle déniche une mobylette bleue des années soixante qui est en état de marche.
Du coup, elle va pouvoir faire les quelques kilomètres qui la séparent de l’entreprise de pompes funèbres qui sont à la recherche d’une personne capable de préparer les corps pour l’enterrement. Après un court entretien, elle est embauchée. Va pouvoir offrir à ses enfants un peu davantage que le strict nécessaire. C’est un premier pas sur le chemin du bonheur: « Les enfants médusés, ne posent aucune question. Sacha se contente de dire: « Tu touches les morts », avec une certaine admiration. Sonia ajoute: « Non elle ne les touche pas, elle les habille pour les faire beaux. » Igor est des trois le plus impressionné à l’idée que sa mère serve de passeur entre des vivants qui ne le sont plus et Dieu que personne ne voit. Il aime les points de force de sa mère, son courage, sa vivacité, son acharnement à vouloir transformer la réalité. »
Une réalité qui du coup a le parfum de la rosée qu’elle peut humer à la vitesse de ses déplacements, qui a le goût de la pluie qu’elle affronte joyeusement sous l’abri de plastique qu’elle a confectionné. Alors que les choses semblent s’arranger, voilà qu’elle tombe en panne. Et qu’un second miracle l’attend sur la parking où elle a poussé sa mobylette. Il a les traits d’un chauffeur hollandais qui s’y connaît un peu en mécanique, lui vient en aide et la trouve rayonnante. Jorgen ne rêve dès lors que de la retrouver. Un sentiment partagé qui va très vite se transformer en amour, même se le routier est un homme marié et un père de famille. Régulièrement Reine va retrouver Jorgen sur ce parking. «Nue, Reine est identique à ce qu’elle dégage quand elle est habillée. C’est rare de ne rien dissimuler ou de ne rien exagérer. C’est une splendeur, un réel éblouissement. Il commence à la caresser comme un aveugle. Elle a l’impression qu’il la sculpte ou plutôt qu’il la peint.»
Car le secret de cet homme réside dans une carrière artistique interrompue alors qu’il commençait à être connu. Il a cessé de peindre pour prendre la route et oublier ses toiles. Mais Reine pourrait être sa Hendrickje et lui son Rembrandt. L’abstinence devient alors une douloureuse necessité. Jorgen doit peindre à nouveau pour ne pas mourir. Reine sera sa muse.
« – Tu es le peintre et je suis l’amour du peintre.
Elle attend une réponse.
Jorgen, le géant du Nord, s’agrippe à elle si petite et leurs souffrances se serrent l’une contre l’autre. Il répète sans desserrer son étreinte :
– Oui, je suis le peintre et tu es l’amour du peintre.
Désormais ils pourront faire face ensemble à la brutalité de ce monde qui ne dit jamais son nom et qu’ils subissent pourtant depuis tant d’années avec la même violence : l’insignifiance. »
Seulement voilà, un homme l’attend chez elle. Un homme qui est l’émissaire d’un brutal «retour du réel». Ses trois enfants ont quitté le domicile. Le divorce a été prononcé sans elle, le juge ayant jugé que Sacha, Igor et Sonia seraient mieux chez leur père, les enfants ont été emmenés à Biarritz.
Le ciel qui s’était passablement éclairci s’effondre à nouveau. La maison vide est insupportable. Reine ne voit qu’une issue possible, partir à leur recherche.
Elle enfourche sa mobylette direction Biarritz.
On dira rien de ce long voyage et de son issue, de peur de dévoiler l’épilogue de ce beau roman. De la traque de cette mère, comme une bête qui cherche ses petits, qui est bien décidée à changer les choses, à changer de monde. Disons simplement que l’auteur nous offre ici une des rares héroïnes victimes de l’horreur économique, de cette misère sociale que tous les politiques entendent éradiquer et qui ne cesse de s’étendre. C’est dramatiquement beau, c’est douloureusement sublime.
Notons enfin que le roman est accompagné d’une relation de voyage intitulée «À la recherche du sixième continent». Sous-titrée de Lamartine à Ellis Island, elle nous rappelle qu’«il n’y a pas de lien à faire entre une cathédrale, un camp de concentration et Ellis Island, si ce n’est que sont les rares endroits au monde qui nous bâillonnent. Cela vient des lieux eux-mêmes et de leur histoire. Ils contiennent soit la plus grande souffrance soit la plus grande ferveur humaine. Ellis Island contient les deux.» Une épopée des migrants qui doit venir heurter nos consciences.

Femme à la mobylette
Jean-Luc Seigle
Éditions Flammarion
Roman
228 p., 18 €
EAN : 9782081378681
Paru en août 2017

Où?
Le roman se déroule en France, à Clermont et dans les environs, mais aussi tout au long de la route qui mène jusqu’à Biarritz.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Abandonnée par tous, Reine et ses trois enfants n’arrivent plus à faire face. Sa vie finit par ressembler à son jardin qui n’est plus qu’une décharge. Tant de richesses en elle voudraient s’exprimer et pourtant son horizon paraît se boucher chaque jour davantage. Seul un miracle pourrait la sauver… Il se présente sous la forme d’une mobylette bleue. Cet engin des années 1960 lui apportera-t-il le bonheur qu’elle cherche dans tous les recoins de ce monde et, surtout, à quel prix ?
Jean-Luc Seigle dresse le portrait d’une femme au bord du gouffre qui va se battre jusqu’au bout. Ce faisant, c’est une partie de la France d’aujourd’hui qu’il dépeint, celle des laissés-pour-compte que la société en crise martyrise et oublie.

Les critiques
Babelio 
Télérama (Fabienne Pascaud)
Blog Les livres de Joëlle 
Blog Carobookine 

Les premières pages du livre
« Reine est une grosse dormeuse. Cette nuit elle n’a pas fermé l’œil. Même pas couchée. Pas déshabillée non plus. Devant sa fenêtre elle est toute débobinée. C’est le mot qu’elle a inventé pour donner un nom à cette fatigue qui la défait et la met en morceaux qu’elle a bien du mal à rassembler ensuite. Elle finit de boire son café. Ça, elle peut encore se le payer. De sa fenêtre, elle mesure pour la première fois de sa vie le poids du silence, le vrai silence, celui sans le chant des oiseaux. C’est implacable. Floconneux. Sourd. Dedans comme dehors. Une impression de tombe.
En s’enfuyant, la nuit ne laisse plus derrière elle qu’une sorte de laitance grisâtre. Tout finit dans l’absence et le silence absolu du monde. Ça lui arrive quelquefois d’avoir des phrases qui lui viennent. Pas des phrases du dedans, des phrases du dehors qui s’encastrent en elle. Loin de la calmer, la phrase excite encore davantage une chose monstrueuse qui ne l’a pas laissée tranquille de toute la nuit. Une obsession contre laquelle elle a tenté de résister tout le temps de cette interminable apnée nocturne. Mais elle sait que le pire est à venir. Elle sait que si elle ne quitte plus cette fenêtre elle ne saura jamais si elle a mis fin à la vie de ses enfants, ou pas. »

Extrait
« Elle veut ouvrir un vrai chemin par lequel ses enfants pourraient se sauver. Rien d’autre. C’est ça, elle aurait voulu les sauver. Elle veut encore les sauver. Faudra bien qu’elle finisse par monter .l’étage. Elle n’arrive pas à se lever. Si elle ne les a pas tués, ce sera pire encore. Elle devra toute sa vie supporter le poids d’avoir une nuit entière pensé mettre fin à la vie de ses enfants, puis à la sienne. Même si la sienne n’a plus aucune importance. »

À propos de l’auteur
Jean-Luc Seigle est dramaturge et auteur de romans parmi lesquels, aux éditions Flammarion, En vieillissant les hommes pleurent (Grand Prix RTL /Lire 2012) et Je vous écris dans le noir (Grand Prix des Lectrices de Elle 2016). (Source : Éditions Flammarion)

Site Wikipédia de l’auteur 

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