Le plus beau lundi de ma vie tomba un mardi

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En deux mots
À 10 ans Noah décide qu’il sera président des États-Unis et part recueillir des signatures. L’un des premiers signataires est un vieil homme, séduit par le culot du garçon. Deux vies qui réservent bien des surprises

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Noah et la shoah

Camille Andrea nous régale à nouveau avec ce roman qui met aux prises un garçon de dix ans qui se rêve président et un rescapé de la Seconde guerre mondiale. L’auteur du sourire contagieux des croissants au beurre signe un conte plein de vitalité.

Pour réussir sa vie, il faut faire preuve d’ambition et d’une volonté de fer. C’est ce que ce dit Noah, 10 ans. Le garçon de Nashville décide de faire du porte à porte pour rassembler un millier de signatures. Quand il sonne à la porte de Jacob Stern, le vieil homme est séduit par le culot du petit métisse qui a déjà rodé son discours, qui commence par dire merci. Une entame qui intrigue le septuagénaire qui décide pourtant de ne pas signer d’emblée de peur de ne pas revoir cet esprit vif qui vient meubler sa solitude.

Au fil de leurs échanges on va en apprendre un peu plus sur leurs vies respectives. Noah a perdu sa mère et doit aider son père qui tient une pizzeria. Le veuf est aigri, sévère et ne fait guère preuve d’affection envers son fils. Il entend être respecté et entend mettre fin aux rencontres avec ce vieux pervers. À tout prendre, il le préfère encore lorsqu’il se plonge dans ses volumes d’encyclopédie.
C’est d’ailleurs à l’aide de ses livres qu’il va en savoir davantage sur cette Shoah dont Jacob Stern a été l’une des victimes. Un passé que la maladie d’Alzheimer va peu à peu effacer et qui est consigné dans cinq cahiers «à brûler après ma mort sans les lire». Car au fil du récit, on va découvrir que le monde n’est pas manichéen, mais paré de nombreuses nuances, que derrière une vérité peuvent se terrer bien des mensonges. Alors, si Noah doit ne retenir qu’une chose de ses visites chez le vieil homme, c’est la complexité du monde, c’est la difficulté à décider en conscience.
Camille Andrea, dont on rappellera qu’il s’agit d’un auteur reconnu publiant sous pseudonyme, joue avec beaucoup d’à-propos ce jeu des masques dans ce conte qui mêle humour et gravité. D’une plume légère, il nous entraîne dans un monde du faux semblant et de la duplicité. Mais la vertu première de ce roman qui se lit avec gourmandise, c’est la belle démonstration qu’il nous propose: ne jugez pas avant d’avoir en main toutes les pièces du dossier.

Le plus beau lundi de ma vie tomba un mardi
Camille Andrea
Éditions Plon
Roman
224 p., 18 €
EAN 9782259312011
Paru le 19/05/2022

Où?
Le roman est situé aux Etats-Unis, principalement à Nashville. On y évoque aussi Washington et l’Allemagne, notamment Auschwitz.

Quand?
L’action se déroule de nos jours, avec des retours en arrière jusqu’à la seconde guerre mondiale.

Ce qu’en dit l’éditeur
Noah, 10 ans, entra dans la vie de Jacob avec la force d’une tempête. Une rencontre qui changera tout et qui donnera la plus improbable des amitiés.
Une étude des plus sérieuses a démontré que l’on se fait une idée des gens en quatre secondes et cinquante centièmes. Quatre secondes et cinquante centièmes. C’est le temps que Noah, enfant métisse de 10 ans, a pour convaincre chaque personne du voisinage qu’il sera le prochain président des Etats-Unis. C’est peu, quatre secondes et cinquante centièmes, mais ce fut suffisant pour Jacob Stern, vieil homme de confession juive de soixante-quinze ans.
Noah venait d’entrer dans la vie de Jacob avec la force d’une tempête, l’abreuvant de jolis mots et de belles espérances. Une rencontre entre deux générations, deux visions du monde et de l’avenir. Un vieil homme qui a perdu goût à la vie et en proie au vide destructeur, et un enfant ambitieux, lumineux, au discours d’un politicien de cinquante ans. Ils n’ont en commun que les souvenirs qu’ils ont créés ensemble autour de donuts au chocolat et de grands verres de lait. Souvenirs que Jacob oubliera un jour et que Noah ressassera toujours.
Une rencontre qui changera tout et rien. Elle ne ralentira pas la perte de mémoire de Jacob, elle ne rendra pas forcément Noah président. Mais elle leur fera réaliser que rien n’est écrit. Et qu’il suffit de le comprendre assez tôt pour ne pas subir sa vie, mais au contraire la construire.
Un roman qui nous montre qu’on ne peut réellement connaître un homme sans avoir entendu chaque versant de son histoire. Les gens ne sont pas toujours ce que l’on croit. Le monde n’est ni noir ni blanc, il est teinté de nuances et de choix difficiles. Jacob le sait que trop bien, Noah le saura bientôt.
Un livre d’une humanité bouleversante sur la fragilité de la mémoire et de l’âme humaine.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
goodbook.fr
Blog Valmyvoyou lit

Les premières pages du livre
« J’ai appris très tard que mon nom de famille était le nom d’un village du cœur de l’Italie dans lequel s’était réfugié un grand nombre de juifs. Persécutés, nombre d’entre eux durent se convertir au catholicisme pour ne pas être tués. On baptisa ces premiers avec le nom de l’endroit où ils habitaient. Voilà comment mes ancêtres s’appelèrent Andrea. Cette histoire familiale est, sans nul doute, à l’origine de ce roman.
Et bien que je ne me sente ni juif(ve) ni d’aucune autre religion, d’aucun peuple, bien que je ne me sente tout simplement qu’humain(e), d’une seule planète, la Terre, bien que ma culture soit multiple et s’inscrive dans tous ces mélanges qui m’ont engendré(e), je souhaitais dans le présent roman rendre un hommage à ce petit bout d’histoire qui est le mien, à cette petite goutte de sang qui court dans mes veines comme dans celles de millions de juifs dans le monde.
Je souhaitais également aborder des questions plus philosophiques. Peut-on changer ? Peut-on punir un vieil homme pour quelque chose qu’il a fait dans sa jeunesse ? Cela a-t-il une quelconque utilité ? Je ne juge pas, je m’interroge. Ce roman ne pourra y répondre, car je n’y ai moi-même pas trouvé de réponse. Peu importe, après tout. Le principal est de s’être posé la question, d’avoir vibré avec Noah, d’avoir tremblé en apprenant le terrible secret de Jacob.
Vous ne savez toujours pas qui se cache derrière le pseudonyme de Camille Andrea, et vous continuez cependant à lire mes histoires. Ce sont elles qui, derrière le masque, importent vraiment et sont les plus sincères.
Un nom ne sert à rien pour écrire un livre.
Seule une bonne histoire compte.
Je vous aime tant. Vous êtes ma raison de continuer à me lever le matin pour lier les mots sur le clavier d’un ordinateur, ma raison de rêver, de créer.
Pour tout cela, merci. Camille Andrea

Lundi
Je n’ai jamais bien compris pourquoi les gens n’aiment pas les lundis. Je n’ai jamais aimé les jugements gratuits non plus, faits à l’emporte-pièce. Les préjugés. On dit qu’il y a des jours qui valent moins que les autres, puis on dit qu’il y a des sous-hommes, des sous-races. On vilipende le lundi, et puis on finit par vilipender les gens. Qu’ont de moins les lundis, je vous le demande ? Molière disait, dans la bouche de son Dom Juan, que les débuts ont des charmes inexprimables. Or, le lundi est le début de la semaine. C’est le moment où tout est encore possible, où tout reste à faire. La jeunesse de la semaine, dirais-je si j’étais poète. Et la jeunesse, Dieu ce qu’on la regrette quand on arrive à l’hiver de notre vie, vous verrez ça, et bien plus tôt que vous ne le pensez. Lorsqu’il n’y a plus rien à regarder devant, qu’il ne nous reste plus qu’à regarder au-dessus de notre épaule, tous ces souvenirs, ces regrets laissés derrière. Quand on est au lundi de notre vie, tout est à venir. Au lundi de notre vie, tiens, voilà que je continue à faire de la poésie.
Quoi qu’il en soit. Les plus belles choses de ma vie se sont produites un lundi. Enfin, je crois, si la mémoire ne me fait pas défaut. Elle a tendance à s’effriter un peu dernièrement. Il serait peut-être temps que je vous raconte cette histoire, avant que je ne l’oublie.
L’histoire d’un lundi merveilleux. D’un lundi inoubliable.
L’histoire de ce plus beau lundi de ma vie qui, c’est un comble, tomba un mardi.

PREMIÈRE PARTIE
NOAH D’AMICO

Une porte
Août 1992
— Merci, dit Noah lorsque la gigantesque porte s’ouvrit devant lui, en employant le même mot qu’il avait prononcé lorsque la gigantesque porte de chacune des cinq maisons de l’allée auxquelles il avait frappé auparavant s’était ouverte.
Telle était la stratégie qu’il avait mise au point après avoir passé la journée précédente à se prendre des portes en bois, en métal, blindées, en verre, en grillage de cage à poules, de toutes sortes, en pleine figure à peine son « bonjour » prononcé. C’était une évidence, de par son âge, on le prenait pour un élève d’une école du coin et on s’attendait à ce qu’il sorte de derrière son dos un calendrier deux fois plus grand que lui ou un paquet de coupons de tombola multicolores, pour pouvoir payer à sa classe un voyage de fin d’année en Californie ou en Floride, et aller voir les dauphins, animaux que l’on apercevait rarement dans le coin, en plein cœur du Tennessee.
Enfin, cela, c’était dans le meilleur des cas. Car le petit garçon était noir, et dans ce quartier résidentiel, les gens n’avaient pas l’habitude de voir des petits garçons noirs sonner à leur porte. Et dans ce quartier, les gens n’étaient pas curieux de savoir si ce petit garçon noir sortirait de derrière son dos un calendrier deux fois plus grand que lui, des coupons de tombola ou un pistolet automatique pour les braquer. Dans ce quartier, on ne semblait guère aimer les tombolas, ni les calendriers, et encore moins les pistolets automatiques. Ou tout simplement les enfants qui se payaient des voyages de fin d’année en Californie ou en Floride avec l’argent d’une tombola à laquelle on ne gagnerait (si jamais l’on gagnait) qu’une brosse à dents électrique, un porte-clefs ou deux verres gratuits de cet infect punch que la directrice de l’école aurait sûrement concocté pour l’occasion, dans la bassine où elle avait l’habitude de prendre des bains de pieds ou de tremper ses varices.
Une étude des plus sérieuses a démontré que l’on se fait une idée des gens en quatre secondes et cinquante centièmes. Celle que l’on se faisait de ce petit garçon, malgré son costume et sa cravate, malgré ses cheveux bien peignés en boule et ses airs de bonne famille, ne devait pas être des meilleures, car c’était à peu près le temps que les gens mettaient à lui claquer la porte au nez. Quatre secondes et cinquante centièmes. Noah avait compté dans sa tête. Même si les centièmes de seconde, ce n’était pas très pratique à compter dans une tête de petit garçon. Quatre secondes et cinquante centièmes, c’était juste le temps de faire un beau sourire, juste le temps que les muscles zygomatiques majeurs et mineurs s’activent, et puis les gens refermaient amicalement cette maudite porte en accompagnant le geste de formules diverses, polies, mais toujours humiliantes. « Désolé mon garçon, mais je n’ai pas de monnaie », « Cela ne m’intéresse pas », « J’ai déjà donné ». On le refoulait comme un vulgaire marchand de tapis. Si seulement on lui avait laissé une petite chance de s’exprimer, il aurait pu expliquer qu’il ne voulait pas d’argent, qu’il ne voulait rien vendre. Il aurait pu expliquer que ce n’était pas lui qui avait besoin d’eux. Mais eux qui avaient besoin de lui. Car il allait bientôt devenir leur président. Le président des États-Unis.

La même porte
Voilà comment, à la place de « bonjour », il en était arrivé à dire « merci ».
En prononçant ce mot, sans autre préambule, le petit garçon avait remarqué qu’il suscitait la curiosité immédiate des adultes. Intrigué, désarçonné, on lui demandait « Merci pour quoi ? ». Et il était déjà trop tard. Le poisson avait mordu à l’hameçon. « Alors voilà, je vous dis merci parce que… » La conversation était engagée et l’enfant, lançant discrètement son petit pied en avant pour bloquer la porte, déballait le discours qu’il avait appris par cœur et répété cent fois devant le miroir de sa penderie, avec un débit de trois mots à la seconde, à la manière d’un commerçant, d’un marchand de voitures d’occasion. Il fallait convaincre rapidement. En réalité, il ne demandait qu’une simple signature. Juste un nom suivi d’un petit gribouillis qui feraient de lui le prochain président des États-Unis. C’était tout ce qu’il demandait, devenir le prochain président des Américains pour pouvoir ramener la paix dans le monde. En somme, trois fois rien pour un gamin de dix ans.

Un vieux
— Mais tu n’es qu’un enfant !
Le vieux le regardait, immobile et gigantesque, dans le cadre en bois de sa porte. Tel un caméléon, sa peau, jaunie, en avait pris la couleur. Un vieillard en bois.
— J’ai dix ans ! se défendit l’enfant, comme il aurait répondu « j’en ai quarante ».
— Vois-tu mon garçon, je ne suis pas expert en la matière, et je ne voudrais pas te décourager, mais ne faut-il pas être majeur pour devenir président ?
— C’est ce que dit mon père.
— Eh bien, tu devrais l’écouter de temps en temps, répondit l’homme en grattant une croûte de son crâne chauve, ce qui fit perler une minuscule goutte de sang. Les adultes ont quelquefois raison, tu sais.
Il semblait ne pas encore avoir réalisé qu’il parlait politique avec un garçon de dix ans sur le perron de sa maison. Il l’observa un instant. Il n’y avait pas d’enfants noirs dans le quartier. Il n’y avait pas d’enfants, d’ailleurs. Ni noirs, ni blancs, ni verts, ni rouges. Et à moins qu’une nouvelle famille ne se soit installée pendant la nuit, cet enfant n’était pas d’ici, ce qui ne déclencha pourtant aucune once d’inquiétude chez le vieux. Cela se voyait, cet enfant, avec son costume et ses souliers vernis, ne représentait aucune menace pour un vieillard, aussi fébrile fût-il.
— Cela fait bien longtemps que j’ai arrêté d’écouter les grandes personnes, reprit Noah. Et puis, pour ce qui est de mon père, nos opinions divergent sur bien des matières.
Pendant quelques secondes, le vieux se demanda pourquoi cet enfant n’avait tout simplement pas frappé à sa porte pour récupérer son ballon qui serait tombé par-dessus la clôture de son jardin. Comme le faisaient tous les enfants du monde. Il lui aurait dit qu’il n’avait vu tomber aucune balle de son côté de la palissade, le garçon serait reparti, et lui aurait pu retourner s’asseoir devant sa télé éteinte à compter les minutes qui passent. Mais l’enfant n’avait pas l’air de jouer à la balle, avec son costume gris et sa cravate rouge, avec ses cheveux peignés en boule et ses allures de premier de la classe. De plus, il y avait bien longtemps que les enfants ne jouaient plus à la balle dans cette rue. Que des vieux, donc. Des vieux qui consacraient le plus clair de leur temps à regarder la télé, assis dans leur fauteuil. Des vieux qui attendaient la mort. Un vrai mouroir, voilà ce qu’était devenue cette rue depuis que les enfants n’y jouaient plus à la balle ; voilà ce que devenaient toutes les rues lorsque les enfants n’y jouaient plus à la balle.
Et puis le vieux se demanda si c’était déjà Halloween, avant de se rappeler que la fête des Morts tombait vers la fin de l’année. Il ne savait plus la date exacte. Mais en jetant un coup d’œil par-dessus l’enfant, il reconnut la rue cramoisie et le goudron chaud caractéristiques de l’été. Halloween n’arriverait que dans quelques mois. Cela tombait bien, car depuis que les enfants ne jouaient plus à la balle dans la rue, il n’achetait plus de bonbons.
Il fallait se rendre à l’évidence. Ce garçon ne voulait pas récupérer sa balle. Ce garçon ne réclamait pas de bonbons. Ce garçon était bizarre.
Le vieux loucha sur le gros badge que l’enfant avait épinglé, comme les vendeurs de bibles, au col de sa veste. Au milieu : son visage noir sur fond blanc. Au-dessus : JE VOTE. Au-dessous : NOAH. JE VOTE NOAH D’AMICO, en majuscules et typographie Garamond, taille 16, de couleur magenta, rose pour le commun des mortels. Le vieux avait été imprimeur et il reconnaissait toutes les polices d’écriture d’un seul coup d’œil. JE VOTE NOAH D’AMICO. Quelle était donc cette fantaisie ? Le vieux fronça les sourcils, et son regard devint plus austère. Il n’avait jamais aimé la fantaisie. Il en avait toujours eu peur. On ne contrôlait pas la fantaisie. C’était une grosse bête qui débordait de toute part, qui s’échappait des conventions, comme un poulpe d’une bassine. C’était dangereux, la fantaisie. C’était en général le début des problèmes.
— Noah D’Amico, dit l’enfant en tendant sa main.
— Jacob Stern, répondit le vieux en la serrant vigoureusement.
— Il faut avoir plus de trente-cinq ans pour se présenter, reprit le garçon, étranger aux soupçons de son interlocuteur. Mais je ne compte pas gâcher les vingt-cinq prochaines années de ma vie à attendre d’avoir le bon âge. La maturité intellectuelle est un concept relatif. Cela a été prouvé par d’éminents scientifiques de notre pays. C’est maintenant que le peuple américain a besoin de moi.
— Et qu’est-ce qui te dit que le peuple américain a besoin de toi maintenant ?
— C’est bien simple. J’ai la solution miracle.
— La solution miracle ? Cela fait un peu réclame pour détergent, tu ne trouves pas ?
— Oui, la solution miracle. La solution finale, quoi.
— N’utilise pas ce terme, je suis juif. Enfin, je crois. Quelquefois, je ne me souviens plus très bien. Tu as donc une solution miracle pour quoi ?
— Pour tout. Pour la faim dans notre pays, la faim dans le monde, pour le chômage, la crise en Europe, l’immigration illégale, les armes à feu, la criminalité, la guerre au Proche-Orient, toutes les guerres, bref, une solution pour tous ces problèmes que les adultes ont créés et jusque-là échoué si lamentablement à résoudre.
— Et qu’est-ce qui te dit qu’un enfant pourrait réussir là où un adulte, avec un bagage conséquent et une expérience déjà bien complète de la vie, a échoué ?
— Vous connaissez le dicton : la vérité sort de la bouche des enfants. On ne peut pas en dire autant des politiciens.
— Ah, ça, c’est sûr ! s’exclama le vieux avant d’éclater de rire.
— Et puis, vous parlez de bagage, d’expérience, c’est peut-être justement cela qui les voue à l’échec. Un regard neuf, créatif, innocent sur le monde, voilà la clef de la réussite. Les enfants ne sont pas représentés au gouvernement, or, nous sommes concernés par les décisions qui sont prises aujourd’hui, car elles auront des conséquences demain. On bâillonne les enfants, on prend en otage leur avenir parce que l’on se moque de tout, parce que l’on se moque d’eux, parce que l’on se moque du futur, parce qu’il n’y a que le présent qui compte et l’argent que l’on peut se faire maintenant, pendant qu’on est encore en vie, et au pouvoir. Parce que les politiciens dépensent l’argent qui n’est pas à eux, comme s’il n’était pas à eux, justement, comme s’ils ne l’avaient pas gagné à la sueur de leur front, pour la simple et bonne raison qu’ils ne l’ont pas gagné à la sueur de leur front. Et tout ce que l’on gagne de cette façon n’a pas de goût. Si ce n’est celui insipide du trop vite acquis. Mon père n’aimerait pas entendre cela, car il n’aimerait pas savoir que je prépare ses pizzas avec la sueur de mon front. Oui, mon père tient une pizzeria. Il dirait que c’est sale, que ce n’est pas hygiénique. Mais bon, là n’est pas la question. Il faudrait que les gens fassent confiance à d’autres sortes de personnes maintenant. Oui, je suis un enfant. Oui, je suis métis. Oui, je suis différent. Mais si je ne me dis pas que je deviendrai le premier président américain issu des minorités, alors je ne le deviendrai jamais, c’est sûr. Et cela serait bien dommage, car j’aimerais mettre un grand coup de pied dans les préjugés et les conventions, montrer que quelque chose de différent est possible.
— C’est pas faux, dit Jacob, commençant à comprendre la logique du garçon.
Il était tout de même très impressionné qu’un enfant puisse parler de la sorte, dans un anglais impeccable, et que son esprit fût si bien façonné. La télévision, lorsqu’il l’allumait, ce qui lui arrivait de temps en temps, était pleine de programmes où l’on voyait des adolescents débiles avoir des conversations débiles sur des sujets débiles. Ils vivaient dans un appartement à plusieurs, passaient leur temps à ne rien faire si ce n’était se disputer, étaient incapables de débarrasser la table ou laver les assiettes après chaque repas. On désespérait de l’avenir des États-Unis, du monde, même. Alors, cet enfant-là, avec ses jolies manières et ses belles paroles, était comme un sauveur dans un monde préapocalyptique inévitable, un remède aux zombies sans cervelle que la société préparait pour demain.
— Si je laissais les autres décider de ce que je peux faire ou ne pas faire pour une simple question d’âge, simplement parce que j’ai dix ans, alors, je ne deviendrais jamais demain celui qu’aujourd’hui je me suis proposé de devenir. Quand on a un rêve, il faut aller jusqu’au bout, monsieur Stern, indépendamment de ce que disent ou pensent les autres. Indépendamment des barrières et des limites que chacun se met. Au XVIIe siècle, les pays européens n’étaient-ils pas gouvernés par des enfants ? Louis XV avait cinq ans lorsqu’il a succédé à Louis XIV. Et même si le pouvoir a été délégué à son grand-oncle, le jeune souverain a tout de même régné à l’âge de treize ans ! Et le monde allait-il plus mal ? Je me propose donc d’être cet enfant qui, dans l’histoire de l’humanité, sera le premier président des États-Unis âgé de dix ans.
— Ainsi donc, tu veux être le prochain Louis XV…
— Pourquoi pas ? L’esclavage n’existerait-il pas toujours si les hommes ne s’étaient pas révoltés un jour ? Et les Français n’auraient-ils pas toujours un roi aujourd’hui s’ils ne leur avaient pas coupé la tête à l’époque ? Si une poignée de rêveurs ne s’étaient pas donné les moyens d’aller voir ce qu’il y a ailleurs qu’autour de leur petit nombril, aurions-nous découvert la Lune ? Je crois que si nous ne changeons pas les choses, eh bien, elles restent telles qu’elles sont. Et elles pourrissent.
Le vieux pensa à toutes ces choses qu’il n’avait pas changées dans sa vie depuis quinze ans. Qui étaient restées telles quelles. Qui avaient pourri. Sa vie, qui avait pourri. Ses rêves, son espoir, sa joie de vivre, qui avaient pourri. Sans aller chercher bien loin, ce robinet de la cuisine qui fuyait et qu’il n’avait jamais réparé, ce qui avait toujours rendu sa femme furieuse. Mais pouvait-on comparer la Révolution française ou la conquête de la Lune avec le robinet de sa cuisine ? Peut-être, après tout, car la conquête de la Lune ne changeait rien à sa vie quotidienne, alors que son robinet…
— Ma politique ne se base pas sur l’apologie de l’immobilité, reprit Noah.
— En tout cas, tu parles sacrément bien pour un garçon de ton âge, dit l’homme, aussi amusé qu’impressionné, en croquant dans un donut au chocolat qui avait fondu dans sa main et dont il semblait s’être souvenu tout à coup.
L’enfant posa son regard sur le beignet, puis sur la petite bouteille de plongée que l’homme tenait dans l’autre main et traînait comme un chariot de courses. Il fixa de nouveau le donut au chocolat et avala sa salive. Il se présentait peut-être aux élections présidentielles, il n’en demeurait pas moins un enfant.

Un donut au chocolat
Le garçon était assis en face du vieux. Il tenait à présent lui aussi un donut au chocolat dans la main, l’observait comme s’il n’en avait jamais vu de sa vie.
— C’est un donut kasher, dit Jacob. Tu sais ce que ça veut dire ?
— Non.
— Cela signifie qu’il est conforme aux prescriptions rituelles du judaïsme.
— Je ne comprends pas.
— C’est un donut sain et pur.
Et tout en disant cela, le vieux pensa qu’il était ridicule de dire d’un donut qu’il était sain et pur. Un donut, c’était la plus grosse cochonnerie qu’il pouvait y avoir sur la Terre.
— Je suis juif, je te l’ai déjà dit ?
L’enfant haussa les sourcils.
Le vieux sourit. Ses yeux rétrécirent, menaçant à tout moment de disparaître derrière les sillons de ses rides.
— Ce n’est pas une maladie. Et n’aie pas peur, ce n’est pas contagieux !
Le vieux repensa à la célèbre tirade de Shylock dans Le Marchand de Venise qu’il n’avait jamais oubliée. Étrange pour quelqu’un qui commençait à tout oublier. Un juif n’a-t-il pas des yeux ? Un juif n’a-t-il pas des mains, des organes, des dimensions, des sens, de l’affection, de la passion ; nourri avec la même nourriture, blessé par les mêmes armes, exposé aux mêmes maladies, soigné de la même façon, dans la chaleur et le froid du même hiver et du même été que les chrétiens ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourons-nous pas ?
— Tu es catholique, toi ?
— Oui. Parce que mon père est catholique. Il est d’origine italienne.
— C’est vrai, il fait des pizzas.
— Et les meilleures du monde !
— Eh bien, c’est un peu la même chose. Catholique, juif. On croit en quelque chose. Et ça nous rend meilleur, enfin, je pense. Si tu veux être président de tous les Américains, tu devrais t’intéresser à toutes les communautés qui forment notre pays. Les musulmans, les bouddhistes, et tout ça.
— Je m’informerai auprès de mon conseiller.
— Tu as un conseiller ?
— Oui, un conseiller en douze volumes, cela s’appelle une encyclopédie.
Ils éclatèrent de rire et Noah mordit dans le donut avec vigueur. »

À propos de l’auteur
Derrière le pseudonyme Camille Andrea se cache un écrivain français bien connu du grand public.

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Appelez-moi César

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En deux mots
Les vacances d’un groupe d’adolescents tournent mal. Séparés de leur accompagnants, ils vont vivre un drame qui va les marquer à jamais. Vingt cinq ans après, Étienne décide de raconter ce qui s’est vraiment passé ce jour où la mort est venue leur rendre visite.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Un serment si lourd à porter

Quand les gendarmes retrouvent les adolescents perdus dans la montagne, l’un d’entre eux manque à l’appel. Vingt cinq ans après le drame Étienne décide de tout raconter. Boris Marme signe un roman prenant, un suspense étouffant.

Durant l’été 1994 un groupe de onze garçons se perd en montagne, après avoir refusé de suivre leurs accompagnants. Le lendemain un peloton de gendarmerie récupérera dix d’entre eux. Dans la nuit, l’un d’entre eux a glissé et n’a plus donné signe de vie. «De jeunes innocents. Un accident regrettable. Un traumatisme puissant. Des adultes irresponsables. Voilà ce que les gens ont retenu, voilà ce qu’ils ont gobé. Le reste de l’histoire, le narrateur a voulu l’oublier, s’imposant des années de silence « pour tenter de vivre comme tout le monde, dans le mensonge, mais vivre quand même, devenir quelqu’un. Exister.»
Mais a quarante ans et après avoir perdu sa mère, Étienne décide de rompre le pacte et de raconter ce qui s’est vraiment passé.
Il avait été inscrit par ses parents à ce camp de vacances, mais craignait tout à la fois de quitter ses amis et son domicile et la rencontre avec tous ces jeunes qu’il ne connaissait pas. Des craintes que le voyage en TGV n’ont pas vraiment dissipées. Après avoir monté leurs tentes, le groupe se retrouve au grand complet. «Il y avait Mélodie, la seule fille, qui ne voulait pas être là. Il y avait le sympathique Clément, le cleptomane, avec son plâtre au bras pour une raison que j’ai toujours ignorée, et Bruno que je découvrais presque alors, le visage transparent pour le moment, si ce n’était son duvet de moustache. Il y avait James, dit la Taupe, avec ses petits yeux et son visage criblé de boutons qui fumait de la beuh, et Michaël, avec sa voix basse et érayée, et son caractère de con. Il y avait les jumeaux, Louis et Arnaud, qui ne disaient pas grand-chose, si sérieux, toujours prêts les premiers. Il y avait Charbel qui nous avait tous éclatés au foot en fin d’après-midi, Adama avec ses airs de grand prince, Steve qui semblait sympa mais franchement bête, et Franck, le fameux rouquin avec sa tête à faire peur et qui donnait l’impression de vous agresser quand il parlait. Il y avait Aristote que les autres appelaient la Tronche et Ganaël, le petit, le gamin, le collégien. Enfin, il y avait moi et il y avait Jessy, deux mondes, qu’un océan séparait encore et qui ne tarderaient pas à se rencontrer.»
Au fil des jours et des longues marches éprouvantes, le groupe va apprendre à se connaître. Étienne va se rapprocher de ses compagnons et vouloir partager leurs initiatives souvent stupides, quelquefois dangereuses. Entre larcins, provocations, mises au défi, il s’agit de désigner qui est vraiment César. Un petit jeu qui, on le sait, va virer au drame. Mais le groupe retrouvé au petit matin ne trahira pas le serment scellé après l’accident.
En choisissant, 25 ans plus tard, de confier à Étienne le soin de confesser ce qui s’est vraiment passé, Boris Marme dit tout à la fois la charge émotionnelle ressentie sur le coup et le traumatisme trop lourd à porter au fil des ans. Hantés par la mort et leur silence, les adolescents verront leurs vies brisées. Un roman construit comme un polar, un suspense qui va aller crescendo jusqu’au drame et qui permet à l’auteur de scotcher son lecteur dès les premières pages jusqu’à l’épilogue qui, lui aussi, réservera son lot de surprises. C’est fort, prenant, très réussi!

Appelez-moi César
Boris Marme
Éditions Plon
Roman
320 p., 18 €
EAN 9782259310994
Paru le 12/05/2022

Où?
Le roman est situé en France, à Paris et sa banlieue, mais principalement dans la commune imaginaire de Saint-Martin-de-Morieuse et ses environs dans les Alpes.

Quand?
L’action se déroule dans les années 1990.

Ce qu’en dit l’éditeur
Appelez-moi César est un roman initiatique. L’histoire d’une bande de garçons partis marcher en montagne au cours de l’été 1994 et qui, de conneries en jeux de pouvoir, vont glisser peu à peu dans une spirale tragique. Pour comprendre leur groupe, il faut s’y immerger, sentir son souffle de liberté, partager sa bêtise joyeuse, se laisser happer par sa mécanique cruelle.
Vingt-cinq ans après les faits, Étienne, le narrateur, exprime le besoin absolu de dire la vérité, au-delà de la version officielle, sur ce qu’il s’est passé durant cette nuit terrible au cours de laquelle l’un des gars a disparu dans un ravin. Écrire devient alors pour lui un moyen d’exister à nouveau en dehors du mensonge et du secret. Il entend ainsi redonner à chacun la place qui lui revient, pour mieux reprendre la sienne. Il lui faut pour cela reconstituer chacune des journées qui ont précédé l’accident, car la vérité n’est pas si évidente, elle a plusieurs visages. Pour comprendre, il faut plonger dans le groupe, sentir son souffle de liberté, partager sa bêtise joyeuse, se laisser happer par sa mécanique cruelle.
Étienne raconte son histoire, celle de ce gamin de quinze ans, venu de sa banlieue aisée, et qui, jeté dans l’arène de l’adolescence débridée, fasciné par la figure insaisissable et dangereusement solaire du leader Jessy, a brisé les carcans de son éducation pour devenir un autre, et tenté, au gré des épreuves et des expériences émancipatrices de rivaliser avec les autres pour s’emparer du titre de César.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Sorbonne Université

Extraits
« De jeunes innocents. Un accident regrettable. Un traumatisme puissant. Des adultes irresponsables. Voilà ce que les gens ont retenu, voilà ce qu’ils ont gobé. Rien qu’un épilogue fâcheux, venu clore l’histoire d’un groupe d’adolescents partis marcher en montagne au cours de l’été 1994. Le reste, tout le monde s’en foutait. Nous avons raconté ce qu’ils voulaient entendre, sans mentir. À quelques détails près. Une version officielle derrière laquelle nous nous sommes planqués durant toutes ces années, les gars de la Miséricorde et moi. Il fallait en rester là et tenter de sauver ce qu’il y avait à sauver de nos vies. Le reste de l’histoire était à oublier. C’est ce que je me suis imposé, sans relâche. Des années de silence et de renoncement à lutter contre moi-même pour tenter de vivre comme tout le monde, dans le mensonge, mais vivre quand même, devenir quelqu’un. Exister. » p. 18

« Quinze jeunes adolescents qui débutent leurs vacances. Il y avait Mélodie, la seule fille, qui ne voulait pas être là. Il y avait le sympathique Clément, le cleptomane, avec son plâtre au bras pour une raison que j’ai toujours ignorée, et Bruno que je découvrais presque alors, le visage transparent pour le moment, si ce n’était son duvet de moustache. Il y avait James, dit la Taupe, avec ses petits yeux et son visage criblé de boutons qui fumait de la beuh, et Michaël, avec sa voix basse et érayée, et son caractère de con. Il y avait les jumeaux, Louis et Arnaud, qui ne disaient pas grand-chose, si sérieux, toujours prêts les premiers. Il y avait Charbel qui nous avait tous éclatés au foot en fin d’après-midi, Adama avec ses airs de grand prince, Steve qui semblait sympa mais franchement bête, et Franck, le fameux rouquin avec sa tête à faire peur et qui donnait l’impression de vous agresser quand il parlait. Il y avait Aristote que les autres appelaient la Tronche et Ganaël, le petit, le gamin, le collégien. Enfin, il y avait moi et il y avait Jessy, deux mondes, qu’un océan séparait encore et qui ne tarderaient pas à se rencontrer. » p. 62

À propos de l’auteur
MARME_boris_DRBoris Marme © Photo DR

Professeur et écrivain franco-néerlandais, Boris Marme vit à Paris. Il a publié en 2020 Aux armes (éditions Liana Levi), un premier roman salué par la critique. Avec son nouveau roman Appelez-moi César (2022), il nous plonge au cœur des années 90 dans un groupe d’adolescents pris dans l’engrenage d’un jeu de pouvoir. (Source: éditions Plon)

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Blizzard

VINGTRAS_blizzard

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En deux mots
En plein blizzard Bess sort de son abri avec un enfant qu’elle perd de vue après quelques secondes d’inattention. Commence alors une course contre la mort pour survivre et retrouver l’enfant, à la fois pour elle et pour la poignée d’habitants de ce coin d’Alaska partis à se recherche. Au long de ce récit haletant, on va découvrir leurs parcours respectifs.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Vous avez dit blizzard?

Marie Vingtras a construit son premier roman sur un intenable suspense, la course d’une femme et d’une poignée d’habitants pour tenter de retrouver un enfant qui s’est perdu dans le blizzard.

Dès les premières lignes de ce dramatique suspense, on est happé par l’urgence qui va pousser une poignée de personnes à affronter un terrible blizzard. Car Bess, malgré le froid et le vent, et sortie avec le petit Thomas, l’enfant que lui a confié Benedict, sans doute l’homme le plus aguerri dans ce coin de l’Alaska. Mais aussi l’homme qui n’accepterait pas de voir Bess revenir seule de son intrépide sortie dans le ventre du diable. Mais pour l’heure, il va laisser sa colère froide au chaud pour affronter à son tour le blizzard en compagnie de son ami Cole. Car désormais chaque minute compte.
Marie Vingtras passe de l’un à l’autre des personnages en courts chapitres qui nous permettent de découvrir ce microcosme et les raisons qui les ont poussés à s’installer dans cet environnement, cette «terre de désolation qui suinte le malheur». On peut ainsi, au fil des monologues qui s’enchainent, reconstruire le puzzle. D’abord en apprenant ce que font ici les deux personnages dont nous n’avons pas encore parlé, Freeman qui après le Vietnam a sillonné toute l’Amérique dans son van pour atterrir là: «C’était surtout le seul Noir à la ronde et il paraissait aussi incongru que Bess, quand elle est arrivée avec sa mini-jupe en velours et ses santiags blanches». Et Clifford le taiseux misanthrope et violent. Ensuite en découvrant les failles de Bess et Benedict, l’origine de leur relation et de la présence de Thomas, le neveu de Benedict.
Et alors que le temps se gâte encore dans cette blancheur qu’on croit éternelle, c’est bien la noirceur des âmes qui émerge et va nous entraîner vers un final époustouflant où se mêlent les deux grands thèmes du roman, la culpabilité et la paternité.
Marie Vingtras, que l’on sent nourrie de littérature américaine, de nature writing, réussit avec Blizzard une entrée remarquée en littérature.

Blizzard
Marie Vingtras
Éditions de l’Olivier
Premier roman
192 p., 17 €
EAN 9782823617054
Paru le 26/08/2021

Où?
Le roman est situé principalement en Alaska.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Le blizzard fait rage en Alaska.
Au cœur de la tempête, un jeune garçon disparaît. Il n’aura fallu que quelques secondes, le temps de refaire ses lacets, pour que Bess lâche la main de l’enfant et le perde de vue. Elle se lance à sa recherche, suivie de près par les rares habitants de ce bout du monde. Une course effrénée contre la mort s’engage alors, où la destinée de chacun, face aux éléments, se dévoile.
Avec ce huis clos en pleine nature, Marie Vingtras, d’une écriture incisive, s’attache à l’intimité de ses personnages et, tout en finesse, révèle les tourments de leur âme.

Les critiques
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A l’occasion des Correspondances de Manosque 2021, Marie Vingtras présente Blizzard © Production Librairie Mollat

Les premières pages du livre
« Bess
Je l’ai perdu. J’ai lâché sa main pour refaire mes lacets et je l’ai perdu. Je sentais mon pied flotter dans ma chaussure, je n’allais pas tarder à déchausser et ce n’était pas le moment de tomber. Saleté de lacets. J’aurais pourtant juré que j’avais fait un double nœud avant de sortir. Si Benedict était là, il me dirait que je ne suis pas suffisamment attentive, il me signifierait encore que je ne fais pas les choses comme il faut, à sa manière. Il n’y a qu’une seule manière de faire, à l’entendre. C’est drôle. Des manières de faire, il y en a autant que d’individus sur terre, mais ça doit le rassurer de penser qu’il sait. Peu importe, j’ai lâché sa main combien de temps ? Une minute ? Peut-être deux ? Quand je me suis relevée, il n’était plus là. J’ai tendu les bras autour de moi pour essayer de le toucher, je l’ai appelé, j’ai crié autant que j’ai pu, mais seul le souffle du vent m’a répondu. J’avais déjà de la neige plein la bouche et la tête qui tournait. Je l’ai perdu et je ne pourrai jamais rentrer. Il ne comprendrait pas, il n’a pas toutes les cartes en main pour savoir ce qui se joue. S’il avait posé les bonnes questions, si j’avais donné les vraies réponses, jamais il ne me l’aurait confié. Il a préféré se taire, entretenir l’illusion, prétendre que j’étais capable de faire ce qu’il me demandait. Au lieu de cela, dans cette terre de désolation qui suinte le malheur, je vais ajouter à sa peine, apporter ma touche personnelle au tableau. Il faut croire que c’est plus fort que moi.

Benedict
Rétrospectivement, je crois que j’ai senti que quelque chose ne tournait pas rond. C’est un peu comme lorsque vous avez la sensation qu’un insecte vous chatouille l’oreille. Vous faites un geste pour vous en débarrasser, mais en réalité c’est une alarme, votre alarme interne, réglée au strict minimum. Pas assez forte pour vous faire bondir, mais juste assez pour vous empêcher de dormir tranquillement. Je dormais justement et je me suis réveillé en sursaut. Était-ce un pressentiment ou bien le courant d’air froid qui venait d’en bas ? Je ne sais pas. J’étais tellement fatigué d’avoir passé les derniers jours dans l’excitation, à relever les pièges, à ranger le matériel et à nous préparer avant que n’arrive le mauvais temps. J’ai toujours aimé les tempêtes, et surtout le moment juste avant, quand il faut tout protéger, boucher les interstices, rentrer assez de bois pour tenir quelques jours et se faire un espace clos, le plus hermétique possible. Et puis, quand la tempête est là, se claquemurer avec la cibi qui grésille, une tasse de café brûlant pour se réchauffer les mains et le feu dans la cheminée qui se rebelle à cause de la neige qui tombe dans le conduit et du vent qui s’y engouffre. J’entends la maison qui craque et qui gémit comme un petit vieux. Parfois, j’ai l’impression qu’elle me parle, comme elle a peut-être parlé à mes parents et à mes grands-parents avant eux, de génération en génération, jusqu’au premier Mayer qui a décidé de s’installer ici, en terre hostile, et de prétendre qu’il serait plus fort que la nature. La maison est encore debout et je suis bien au chaud à l’intérieur, protégé par ses murs, comme un diamant dans son écrin. Sauf que je suis tout seul. Quand je suis descendu de l’étage, la porte était grande ouverte et la neige s’était déjà engouffrée par paquets. Ça m’a énervé. J’ai crié : « Bon Dieu, Bess, tu peux pas fermer cette foutue porte ? On va tous crever de froid par ta faute ! », mais elle n’a pas répondu. C’est seulement à ce moment-là que j’ai vu que les bottes du petit n’étaient pas là et que leurs vestes n’étaient plus accrochées au porte-manteau. J’ai compris qu’elle était sortie avec lui, alors que même une fille aussi spéciale qu’elle aurait dû savoir qu’on ne sort pas dehors en plein blizzard.

Cole
Si le Seigneur m’entend, je jure solennellement que je boirai plus une goutte d’alcool. J’ai tellement mal à la tête avec le truc que ce salopard m’a fait boire. Appeler ça de l’eau-de-vie, c’est vraiment se foutre de la gueule du monde. Je sens plus ma gorge et j’ai le bide en vrac. C’est à vous donner l’envie de virer bonne sœur, même si j’ai pas l’attirail pour ça. Je sortais à peine des toilettes à cause de la courante que l’alcool m’avait causée quand ça a tambouriné de tous les diables à la porte. C’est pas un temps à mettre un bon chrétien dehors, alors je me suis reboutonné comme j’ai pu et j’ai attrapé mon fusil. On sait jamais ce qui peut courir les bois. J’ai crié : « C’est qui ? », un truc auquel un ours pourrait pas répondre, mais il y avait trop de vent dehors pour que je puisse entendre quoi que ce soit. Les coups ont redoublé. Ma foi, j’avais pas le choix. J’ai tourné le verrou, entrouvert la porte avec mon pied et j’ai visé l’entrebâillement au cas où. « Tire pas, Cole ! C’est moi ! » qu’il a crié. J’ai reconnu la grosse voix grave de Benedict. Il était couvert de neige, ça lui faisait comme des épaulettes de général de pacotille et il avait déjà le bout des cils tout blanc, avec des gouttes de givre comme des décorations de strip-teaseuses. Enfin je dis ça parce que j’en ai vu une en photo dans un magazine qui traînait chez Clifford. La fille avait des petites gouttes rouges au bout de ses faux cils, ça lui faisait un regard bizarre, comme une poupée. Il paraît qu’il y a des types qui aiment ça. Benedict m’a poussé d’un coup pour refermer la porte derrière lui. Il a même pas enlevé son couvre-chef. Il s’est appuyé contre le mur, a passé sa main sur son visage et puis il a dit, comme s’il avait vu passer un revenant : « Bess et le petit sont partis. Ils sont dehors. » C’était tellement crétin comme idée que j’ai rigolé. « Me fais pas rire, Benedict, elle est pourrie ta blague », je lui ai dit. « Tu crois que je serais sorti avec ce temps, juste pour te faire marcher ? » qu’il m’a répondu. J’ai vu rien qu’à sa tête qu’il était sérieux et bon sang, si c’était vrai, alors on avait du souci à se faire. Il a tout juste dix ans, le môme, et l’autre, elle a pas deux sous de jugeote. Je lui ai demandé : « Qu’est-ce qu’on fait alors ? » et il m’a répondu un truc qui m’a pas fait plaisir : « Qu’est-ce que tu crois ? On va les chercher. » Ça, c’était pire que la bibine de Clifford et j’ai eu comme une envie d’en reprendre une lampée.

Freeman
Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit avec ce temps. Le vent souffle tellement fort autour de la maison que je ne sais pas comment elle tient encore debout. J’ai l’impression que les murs sont pris dans un étau entre la poussée des rafales et la neige qui s’accumule. Dieu sait comment je vais réussir à en sortir quand tout sera fini. Lors de la première tempête que j’ai vécue ici, je suis resté bloqué deux jours. Il y avait bien cinq pieds de neige devant la porte et je ne pouvais pas ouvrir les volets des fenêtres que j’avais stupidement fermés, une erreur de débutant, m’avait dit Benedict. J’ai dû grimper jusqu’au grenier, à mon âge, et redescendre par la lucarne avec une corde. L’opération n’a pas tout à fait marché comme je le souhaitais. Je me suis déboîté l’épaule dans la chute et il a quand même fallu que je m’occupe de pelleter la neige avec mon bras valide avant de pouvoir trouver de quoi bloquer l’autre bras. Ce coup-ci, j’ai essayé de déblayer le plus possible tout autour de la maison en espérant que ce soit suffisant. C’est quelque chose qui ne s’invente pas, savoir survivre. Là d’où je viens, on n’a pas à se poser de questions pour savoir si la neige vous empêchera de sortir. Il n’y a pas de neige, pas le moindre flocon, et si j’avais le choix, je préférerais cent fois être là-bas plutôt que dans ce pays à supporter mes rhumatismes. Le froid, l’humidité, ce n’est pas bon pour ma vieille carcasse. Ce serait un comble d’avoir survécu à tout ce que j’ai connu pour mourir maintenant, moisi comme une vieille branche pourrie. Qu’est-ce que je fais là alors ? Je suppose que s’Il a voulu que nos routes se croisent et que je m’enterre au bout du monde, c’est qu’il y avait une bonne raison à cela. Il sait que je suis un pécheur, mais si mon Dieu de miséricorde a un plan pour moi, j’attendrai jusqu’à ce que la lumière soit faite. Je suis gelé, mais j’attendrai puisqu’il le faut. Et, pour être tout à fait honnête, je n’ai pas vraiment d’autre choix.

Bess
Je ne vois rien. La neige s’envole du sol en tourbillons et lorsque je lève les yeux vers le ciel c’est une vraie purée de pois. L’air est incolore, comme si toutes les couleurs existantes avaient disparu, comme si le monde entier s’était dilué dans un verre d’eau. Je regrette de ne pas avoir fait plus attention quand Benedict essayait de décrire le fonctionnement des blizzards au petit. J’aurais peut-être su ce qu’il fallait faire, à part ne pas sortir bien sûr, mais ça, il est trop tard pour le regretter. Je tourne le dos au vent, appuyée sur ce que je suppose être un rocher. À moins que ce ne soit un ours qui hiberne, ce qui réglerait mon problème. Je ne parviens pas à réfléchir à la conduite à tenir, mais je vais me transformer en bonhomme de neige si je ne bouge pas. Je ne suis pas complètement idiote, je sais dans quel pétrin je me suis fourrée. Il faut que je bouge, que je trouve le gosse ou que je retourne à la maison chercher Benedict, même s’il pourrait avoir envie de me décoller les oreilles à grands coups de baffes si je reviens seule. Je ne peux pas rentrer, je ne peux pas lui expliquer, ce serait trop d’un seul coup. Il est solide, mais il y a des choses qui sont trop dures à entendre. De toute façon, je ne peux pas laisser le petit tout seul. Puisque je ne sais même pas dans quelle direction aller, je vais marcher droit devant moi, c’est ce qu’il a dû faire. C’est bête parfois un gamin, ça fait des trucs sans réfléchir, à l’instinct, même un petit génie comme lui. Alors si je ne réfléchis pas, moi, j’avance tout droit. C’est sûrement ce qu’il y a de mieux à faire.

Benedict
Cole met un temps fou à se préparer, il traîne les pieds. Je ne peux pas vraiment lui en vouloir. Qui aurait envie de sortir avec ce temps ? Vivre ici c’est déjà dur quand il ne neige pas, mais en pleine tempête, c’est comme être dans le ventre du diable, d’après Freeman. Lui, je ne suis pas allé le chercher. Il est trop vieux et il ne voit pas bien loin. Je ne sais même pas ce qu’il est venu faire ici. J’avoue que j’ai bien ri quand il est arrivé il y a deux ans avec son van et son matériel flambant neuf. On aurait cru un jeune retraité en goguette, mais un retraité seul, dans un coin isolé, pas vraiment ce que vous vendent les formulaires. C’était surtout le seul Noir à la ronde et il paraissait aussi incongru au milieu du paysage qu’elle, quand elle est arrivée avec sa mini-jupe en velours et ses santiags blanches. Il n’avait pas tout à fait le profil d’un type qui serait venu se frotter à la nature sauvage, même s’il est bien plus en forme pour son âge que ne le seront jamais Clifford ou Cole à force de passer leurs soirées à boire. Je croyais qu’il ne tiendrait pas l’hiver avec ses mitaines et son bonnet, ce n’était pas vraiment l’équipement adéquat. Il est toujours resté évasif sur ce qu’il faisait avant d’arriver ici, si ce n’est qu’il avait été militaire dans sa jeunesse. Ça pouvait expliquer qu’il ait su comment tenir malgré le climat. On ne l’a pas aidé la première année. Les gens ont beau être solidaires dans le Nord, ils ne vont pas non plus tout risquer pour un inconnu. Une fois, je l’ai aidé à changer la courroie de sa motoneige. Il l’avait rachetée à Clifford, ce vieil escroc. Il y a des choses qu’il vaut mieux ne pas acheter d’occasion par ici. Si leur propriétaire s’en est débarrassé, c’est qu’il y a une bonne raison à cela. Elle tombait tellement souvent en panne que Freeman a fini par éplucher tout le manuel que Clifford avait daigné lui donner. Ce n’était pas un grand sacrifice de sa part, il ne l’avait jamais sorti de son emballage, à se demander s’il sait seulement lire. Freeman a intégralement démonté la machine et, après l’avoir bricolée, elle marchait mieux que la mienne, ce qui n’était pas difficile. J’ai bien vu que Clifford était vexé qu’il ait réussi à la remettre à neuf alors qu’il n’y était jamais arrivé. Il avait cru lui jouer un mauvais tour en lui vendant une épave et il s’était retrouvé comme un idiot. Je me suis dit que Freeman avait de la ressource pour un vieil homme. Quand il s’est démis l’épaule, il est arrivé sans se plaindre et il m’a demandé si je pouvais l’emmener voir un médecin parce qu’il n’arriverait pas à conduire tout seul. Je ne vais pas mentir, ça ne m’arrangeait pas de faire cinquante miles jusqu’au dispensaire, mais je l’ai emmené quand même. S’il avait survécu à son premier hiver ici, c’est que la nature ne le rejetait pas. Peut-être que, d’une certaine façon, elle le tolérait. On ne peut pas en dire autant de Bess, ni du petit. Un jour, elle m’a dit que leur présence ici était un non-sens. C’était sa manière à elle d’exprimer ce que tout le monde pensait tout bas : ils n’avaient rien à faire là. Je ne sais pas si la nature les a absorbés ou si elle va les recracher, morts ou vivants. Tout ce que je sais, c’est que c’est de ma faute. Je n’aurais jamais dû les ramener. Même si j’avais promis à sa mère que je prendrais le petit avec moi, je n’aurais pas dû le faire. Je n’en serais pas là aujourd’hui, à chercher un gosse et une fille au milieu de la neige, au milieu de nulle part.

Cole
Une chose est sûre, j’avais pas envie d’y aller. Il faut vraiment être dingue, je me suis dit. En plus – mais ça, je l’ai évidemment pas dit à Benedict – ils sont peut-être déjà morts de froid ou d’une mauvaise chute, ou alors ils ont fait une sale rencontre. L’hiver a été long, il y a des animaux qui ont autant les crocs que moi. J’ai quand même prévenu Clifford avec la cibi et il m’a dit que c’était pas son affaire et qu’il avait pas l’intention de sortir avec ce temps. Ça m’a pas vraiment étonné, même si je pensais qu’il aurait quand même bien aimé retrouver la fille, à défaut du gamin. J’ai traîné autant que j’ai pu. J’ai cherché mes chaussettes les plus chaudes et aussi les petites fines en soie que sur les conseils du vieux Magnus j’enfile d’abord, même si elles sont tellement reprisées qu’elles ne tiennent plus que par l’opération du Saint-Esprit. Je savais bien qu’on allait se retrouver plus gelés que des Esquimaux. Benedict m’attendait, appuyé contre le chambranle de la porte. Il avait l’air d’avoir pris dix ans d’un coup. C’est sûr que les savoir dehors, c’était le pire truc qui puisse arriver, il était bien placé pour le savoir. Des types emportés au printemps par les rivières en crue, écrasés par l’arbre qu’ils étaient en train de tailler, ou retrouvés raides comme des bouts de bois dans des fossés, il en avait vu plus que son compte quand il était petit et que la scierie tournait encore. Mais un gosse et une bonne femme perdus dans le blizzard, autant que je m’en souvienne, c’était pas encore arrivé. Et Benedict savait bien pourquoi. Parce que ça n’a pas de sens, et qu’ici tout a un sens, parce que chaque geste vous coûte un effort et que Dame Nature, elle vous fait jamais de cadeaux. C’est ça le deal. Vous voulez vivre ici ? Profiter de l’air pur, du gibier, du poisson ? Être libre de vos actes, ne rendre de comptes à personne et peut-être ne croiser aucun être humain pendant des semaines ? Libre à vous. Mais le jour où vous vous retrouverez nez à nez avec un kodiak ou que votre motoneige ne voudra plus démarrer alors que vous êtes à des miles de votre piaule, il faudra accepter l’idée que personne vous viendra en aide, à part vous-même. C’est pas un truc que cette satanée bonne femme peut comprendre. J’ai fini par trouver les chaussettes. J’ai pris une vingtaine de cartouches pour le fusil. Benedict avait pris le sien et j’allais ouvrir la porte quand je me suis souvenu de la gnole de Clifford. Ça, c’était bien un truc à prendre pour une expédition aussi dingue. Sûr que j’en sentirais à peine les effets dans ce grand bazar. »

À propos de l’auteur
VINGTRAS_Marie_©Patrice_NormandMarie Vingtras © Photo Patrice Normand

Marie Vingtras est née à Rennes en 1972. Blizzard est son premier roman. (Source: Éditions de l’Olivier)

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Restons bons amants

CARTON_restons_bons_amants  RL_Hiver_2022

Sélectionné pour le Grand Prix RTL-Lire 2022

En deux mots
C’est au moment où elle met un terme à sa relation avec son amant, un chanteur célèbre, pour retrouver Gabriel, son mari, et ses enfants qu’Hélène pense pouvoir retrouver une vie apaisée. Mais l’envie, le désir, l’amour sont difficilement contrôlables.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Liaison dangereuse

En revisitant le triptyque mari, femme, amant, Virginie Carton nous offre une variation originale sur un sujet pourtant maintes fois exploré. Restons bons amants est la tentative désespérée d’une femme de construire une histoire différente.

Hélène s’apprête à fêter Noël en famille, auprès de son mari et de ses enfants. Un couple ordinaire, à priori sans histoire. Sauf qu’Hélène a mis un terme à une liaison entretenue durant des années avec un chanteur. C’est dans sa loge qu’ils ont fait l’amour quelques minutes après leur rencontre dans une ville du sud. Sans rien se promettre, ils se sont retrouvés. Cette seconde fois, elle a pu passer toute la nuit dans les bras de son amant. «C’est là sans doute que tout a commencé. Que notre lien, malgré nous, s’est noué. L’envie de nous revoir s’est mise à nous taquiner. Sans que jamais nous nous fixions de rendez-vous. Ta vie était si pleine et j’avais toute la vie. On s’est revus au hasard des villes. C’était toujours léger. Tu prenais tous les risques et je nous protégeais. J’apparaissais, disparaissais, évitant de laisser des traces, brouillant les pistes. Ton sourire, toujours, m’accueillait. Nous prenions parfois des chambres séparées. C’était plus drôle. Plus discret. Tu venais frapper à ma porte, me retenais. On passait la journée à s’inviter.
Tu as très vite appris mon corps. Les coins où il fallait s’attarder. Tu y mettais beaucoup de soin, de patience, tu prenais ton temps. Tu ne pensais qu’à mon plaisir. Après seulement au tien. Tu étais un amant fin, distingué. Un amant absolument parfait. À présent, je peux te l’avouer, avec toi, j’ai presque tout appris de la sensualité. Avec toi, j’ai grandi.»
Mais à 25 ans, elle décide qu’il lui faut se marier, fonder une famille et que ce projet n’est pas compatible avec sa liaison et décide de rompre. La séparation se fera en douceur. Commence alors une autre vie, une vie normale mais qui comble ses attentes. «J’avais été si sauvage, si éprise de liberté. J’aimais cet homme, d’une façon nouvelle, inédite. Le savoir là, toujours pour moi, me réconfortait. Je ne vivais pas l’état amoureux, violent, dévastateur, mais quelque chose de profond, qui s’installait, me ferrait. Il me domptait. Au fil du temps, je me sentais dépendante de son odeur, de sa chaleur. Il était mon mari, le père de mes enfants. Mon socle.» Seul petit accroc au contrat, des SMS échangés en secret.
Est-ce l’usure de la vie de couple, l’envie d’écrire une nouvelle page ou un coup de folie? Toujours est-il que les amants finissent par se retrouver et à vivre ce qu’ils voulaient à tout prix éviter, une double-vie.
Virginie Carton nous offre avec ce court roman, tendu comme un arc de Cupidon, une étude de mœurs originale. Vue par les yeux d’une femme, la question du sexe pour le sexe, dans lequel l’amour ne doit pas interférer, semble être résolue. Si les deux amants comprennent d’emblée qu’ils ne pourront jamais rien construire ensemble, sinon des rendez-vous furtifs, alors ils pourront vivre leur relation sereinement. Sauf que l’envie et le désir sont des matières hautement instables. À manier avec beaucoup de précaution pour qu’elles ne vous explosent pas en pleine figure. Sans compter qu’à l’heure des réseaux sociaux et des smartphones, la stratégie du secret est bien difficile à tenir. C’est avec sensibilité et lucidité que la romancière de La blancheur qu’on croyait éternelle fait le constat douloureux de l’impossibilité d’une île qui préserverait leur histoire. Entre le besoin de s’émanciper et celui tout aussi fort de ne pas perturber la vie de famille, entre le piment de l’histoire interdite et les injonctions sociales qui la poussent à la normalité, Hélène n’aura plus le choix. En construisant ce roman sur le temps d’une vie, Virginie Carton joue un air sur une corde sensible, de plus en plus fragile. C’est beau, c’est fort, c’est de plus en plus risqué.

Restons bons amants
Virginie Carton
Éditions Viviane Hamy
Roman
140 p., 13,90 €
EAN 9782381400402
Paru le 2/02/2022

Où?
Le roman est situé en France, notamment dans le sud.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Nous nous étions promis de n’être que des amants. Que nos vies resteraient belles et ordonnées. Que nos amours seraient respectées. Que des amants, parce qu’il est des gens destinés à s’unir pour la vie. Que nous n’en étions pas. Que des amants, parce que nos corps se trouvaient bien ensemble, ne voyaient aucune raison de s’en passer. Que des amants parce que tu vois, déjà demain, je suis si loin.
Hélène n’est pas encore mariée ni mère lorsqu’elle rencontre son amant, un homme de scène. De la naissance d’une liaison à la prise de conscience d’une passion, cette excroissance amoureuse, gracieuse parce que légère, intense parce qu’éphémère, devient le refuge d’une histoire sans avenir. Avec pudeur et justesse, Restons bons amants est à la fois un hommage aux aimés, à la force d’être femme et au vertige que nous procurent les amours interdites.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
goodbook.fr

Les premières pages du livre
« La maison a repris vie. Les enfants jouent dans leur chambre. Le feu crépite dans la cheminée. J’ai fait un crumble aux pommes. Ça sent bon. Dehors, c’est la fin de l’automne. J’aime l’automne. Ses odeurs, ses pluies. Mon mari passe derrière moi, me caresse les hanches. Je me blottis dans son cou. Oui, j’ai déjà commencé à préparer les listes de Noël avec les petits. Ce n’est pas si tôt. C’est même un peu tard. Dans les magasins, en ville, c’est la cohue. Les catalogues de jouets sont tombés à flots dans la boîte aux lettres, il est difficile de les garder hors de leur vue. Alors oui, ils ont déjà rêvé devant les pages, eux qui croient au père Noël.
La maison a repris vie. J’ai repris mon souffle. Mon rythme. Je sais maintenant que je ne te verrai plus, que je vais vieillir comme tout le monde, sans plus rien qui me sorte de mon quotidien. Je sais maintenant que je suis ordinaire. Que notre histoire le fut. Puisqu’elle avait une fin. Nous nous étions pourtant promis de ne jamais rien vivre qui puisse ressembler à un amour. Nous nous étions promis de ne nous attacher à rien, ni à nous-mêmes. Et nous voilà défaits.

« C’est sûr, cela va nous déséquilibrer un petit peu, tous les deux. »

Nous nous étions promis de n’être que des amants. Que nos vies resteraient belles et ordonnées. Que nos amours seraient respectées. Que des amants, parce qu’il est des gens destinés à s’unir pour la vie. Que nous n’en étions pas.
Que des amants, parce que nos corps se trouvaient bien ensemble, ne voyaient aucune raison de s’en passer.
Que des amants parce que tu vois, déjà demain, je suis si loin.

Mon mari me caresse les cheveux, je me serre contre lui. Il fait bon rester à la maison. Les enfants rient dans le salon. Après Noël, nous partirons à la montagne, comme chaque année. Je ferai les sacs. Ils s’endormiront en regardant les lumières de l’autoroute défiler par les vitres du monospace. Mon mari me demandera de changer de disque : « Simon and Garfunkel, ça m’endort, c’est mortel… » Il fera des arrêts sur des aires éclairées aux néons, pour boire un café. À travers les gouttes de pluie dégoulinant sur le pare-brise, j’observerai mon homme déambuler dans une salle un peu vide, parmi quelques routiers, un ou deux vacanciers fatigués, son café fumant à la main, un peu blafard. J’attendrai qu’il jette son gobelet en plastique dans une poubelle, qu’il reprenne place à côté de moi et qu’on redémarre.
L’odeur de la cheminée me fait du bien. Je regarde le jardin. Mes camélias sont jeunes, comparés à celui que tu as sur la terrasse de ta chambre. Tu venais de le tailler.
On s’est aimés de longues années. Je ne l’aurais pas cru. Je n’aurais pas cru qu’un non-amour puisse autant durer.

I
Olympia. Paris. « Tu viens ? » Je te suis. Nous montons l’escalier. Un étage. Deux. Ton nom sur la porte. Tu ouvres. Me fais entrer. Refermes à clé derrière nous. Face à face. Debout devant la porte. On se regarde. Tu vas t’asseoir au bout de la loge chaude et feutrée, devant le miroir. Ouvres ton courrier. Sur la tablette, un gros bouquet de fleurs. Des petits mots, des fax accrochés sur les bords de la glace. Un silence. Tu te relèves et soupires en t’approchant de moi : « Un gars qui m’envoie son CV pour être chanteur, que veux-tu que j’en fasse ? » Je souris.
Tu es debout devant moi, tu me regardes. Tu me murmures avec un drôle de sourire, comme mélancolique : « Tu es belle… » J’ai vingt-trois ans, je suis libre. Toi, pas très. Entre nous, vingt années.
On s’est rencontrés quelques semaines auparavant, dans une ville de bord de mer. Un hôtel luxueux, une terrasse face à l’océan. Je me remets d’un mariage éclair et tes chansons ont bercé ma jeunesse. Entre nous, une familiarité immédiate. Tu me demandes quelle est ma préférée. Au concert, je suis au premier rang. Au moment du rappel, tu me la chantes, sans me quitter des yeux. Le soir, tard, une idylle. Et l’envie de se revoir.
Dans la pièce, il fait très chaud. On entend un bruit dans le couloir. D’autres artistes sont attendus ce soir. Il est un peu plus de 18 heures et ils ne vont sans doute pas tarder à gagner leur loge, proche de la tienne. Tu m’attrapes par la taille. Ton désir est brûlant. Nous devons être discrets.
Je suis assise sur tes genoux, tu caresses mes cheveux, tu me souris. On ne prononce pas un mot. On reste comme ça. Que dire après ça ? Une question me brûle les lèvres. « Est-ce que ça t’arrive souvent ? – Non. Non. J’ai parfois des élans de tendresse… Mais ça fait longtemps que j’ai arrêté… (Tu cherches le mot juste, tu ris un peu, d’un rire grave.) … ce genre de folie ! » Silence. Je me lève, reprends mes affaires. Comme je suis encore nue, tu saisis mes hanches, me tournes face à toi. Tu as l’air de prendre plaisir à me contempler de près et ton regard s’attarde sur les moindres détails de mon anatomie. J’ai envie d’enfiler au moins ma culotte. « Arrête… Je suis timide. » Tu me relâches, me libères. Je termine de me rhabiller. Tu te passes de l’eau sur le visage.
« Tu viens au concert ce soir ?
– Oui.
– Tu me retrouves dans la loge après ?
– Je ne crois pas.
– Tu dois rentrer chez toi ?
– Non. »
J’ai ton odeur plein le pull et les cheveux. On dirait que ça t’a fait du bien. Faire l’amour, comme ça, pour rien, juste avant de monter sur scène, avec une fille dont tu ne sais pas grand-chose. Je ne trouve pas cela moche, ni triste. Faire l’amour pour rien, c’est sans doute la seule façon de faire l’amour. On ne se doit rien. C’était bien. Salut. Bon concert. Dans la salle, parmi le millier de personnes venues t’écouter, je suis l’élue. Celle qui t’a vu nu, juste avant. Celle qui t’a vu sans la lumière des projecteurs et qui sait où tu as dîné, ce que tu as fait, juste avant. De mon fauteuil, je t’observe. Il me semble que tu me vois, que tu me souris parfois. Et moi, j’ai fait l’amour avec toi.
« Alors au revoir ?
– Oui. Au revoir. »
La première fois, on s’était dit au revoir.

II
« Mais que fais-tu là ?
– Je me promène.
– Par hasard ?
– Presque.
– C’est bien. Ça me fait plaisir de te revoir. »
La deuxième fois, on s’était revus pas tout à fait par hasard, dans une région maritime du sud de la France. C’était en été. Une saison plus tard. On est allés boire un verre. Il y avait beaucoup de soleil et pas mal de vent. On s’est souri. Tu m’as donné le nom de ton hôtel, le numéro de ta chambre. Dès que nous nous sommes quittés, je t’y ai rejoint. Tu m’as dit : « Il y a beaucoup de paparazzis dans ce petit coin de France. » Alors j’ai fermé les rideaux et nous avons fait l’amour bercés par le bruit des vagues. C’était moins fougueux que la première fois. On a pris notre temps. Tout tourbillonnait. Le vent, la mer, le soleil, les vacanciers qui passaient sous nos fenêtres ouvertes, la musique dans l’air, nos deux corps qui se serraient l’un contre l’autre avec reconnaissance, avec plaisir. J’aimais tes os fins, ta peau douce. Tu paraissais heureux.
Le soir tombé, après ton concert en plein air, nous avons pris un bateau, quitté la terre ferme pour aller dîner sur une île, éclairée de lumières douces. Tout était doux. Notre table sur la plage, ton regard brûlant, rieur et sans promesses, les serveurs qui s’efforçaient de débarrasser la réalité de toute contrainte matérielle. »

Extraits
« C’est là sans doute que tout a commencé. Que notre lien, malgré nous, s’est noué. L’envie de nous revoir s’est mise à nous taquiner. Sans que jamais nous nous fixions de rendez-vous. Ta vie était si pleine et j’avais toute la vie.
On s’est revus au hasard des villes. C’était toujours léger. Tu prenais tous les risques et je nous protégeais. J’apparaissais, disparaissais, évitant de laisser des traces, brouillant les pistes. Ton sourire, toujours, m’accueillait. Nous prenions parfois des chambres séparées. C’était plus drôle. Plus discret. Tu venais frapper à ma porte, me retenais. On passait la journée à s’inviter.
Tu as très vite appris mon corps. Les coins où il fallait s’attarder. Tu y mettais beaucoup de soin, de patience, tu prenais ton temps. Tu ne pensais qu’à mon plaisir. Après seulement au tien. Tu étais un amant fin, distingué. Un amant absolument parfait.
À présent, je peux te l’avouer, avec toi, j’ai presque tout appris de la sensualité. Avec toi, j’ai grandi. p. 21

Mais à cet âge de mon existence, la vie à deux m’apparaissait comme un défi à relever. J’avais été si sauvage, si éprise de liberté. J’aimais cet homme, d’une façon nouvelle, inédite. Le savoir là, toujours pour moi, me réconfortait. Je ne vivais pas l’état amoureux, violent, dévastateur, mais quelque chose de profond, qui s’installait, me ferrait. Il me domptait. Au fil du temps, je me sentais dépendante de son odeur, de sa chaleur. Il était mon mari, le père de mes enfants. Mon socle.
Mon amie Cécile me dit un jour que je l’avais dans la peau. Je crois que c’était ça, oui.
Souvent, je me disais qu’il n’y avait qu’auprès de lui que je pourrais réussir ce pari. p. 39

À propos de l’auteur
CARTON_Virginie_DRVirginie Carton © Photo DR

Virginie Carton est journaliste à La Voix du Nord et spécialiste de la musique et la chanson française. Elle est l’auteure de Des amours dérisoires (éditions Grasset, 2012), La Blancheur qu’on croyait éternelle, (éditions Stock, 2014) et La Veillée (éditions Stock, 2016). Elle est également co-auteur de Et nous sommes revenus seuls avec Lili Keller-Rosenberg (Plon, 2021). (Source: Éditions Viviane Hamy)

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La chaleur

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Sélectionné par les « 68 premières fois »

En deux mots:
Léonard, 17 ans, passe ses vacances avec ses parents dans un camping des Landes lorsqu’il est témoin d’un drame, la mort d’un garçon, le cou pris dans les cordes d’une balançoire. Au lieu de prévenir la police, il enterre le corps sur la plage. Les vacances se terminent…

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

Sur la plage abandonnée…

Victor Jestin nous offre avec «La chaleur» un premier roman initiatique construit comme une tragédie grecque. Sur une plage des Landes le dernier jour des vacances sera désormais un moment inoubliable pour Léonard.

Les premières lignes de ce court roman nous happent avec une scène-choc: «Oscar est mort parce que je l’ai regardé mourir, sans bouger. Il est mort étranglé par les cordes d’une balançoire, comme les enfants dans les faits divers. Oscar n’était pas un enfant. On ne meurt pas comme cela sans le faire exprès, à dix-sept ans. On se serre le cou pour éprouver quelque chose. Peut-être cherchait-il une nouvelle façon de jouir. Après tout nous étions tous ici pour jouir. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas bougé. Tout en a découlé. […] Il était saoul. Les cordes étaient enroulées autour de son cou. Je me suis demandé d’abord ce qu’il faisait là. Je l’avais vu plus tôt danser sur la plage avec les autres. Il avait embrassé Luce et j’avais failli vomir, je m’en souvenais, leurs corps presque nus se détachaient dans le noir. Je l’ai observé désormais seul sur sa balançoire et j’ai compris qu’il mourait. Les cordes l’étranglaient doucement. Il avait fait cela tout seul et peut-être, à en croire son visage, avait-il changé d’avis. Je n’ai pas bougé.»
Après ce moment de sidération les choses vont s’accélérer. Léonard, le narrateur de dix-sept ans qui passe ses vacances avec ses parents dans un camping des Landes, se sent coupable de n’avoir pas tenté de sauver Oscar et a le réflexe de trainer le corps du jeune homme sur la plage et de l’y enterrer avant l’arrivée des premiers baigneurs et avant de regagner sa tente. «Je suis rentré. Sur la route, j’ai croisé un joggeur levé de bonne heure qui rejoignait la forêt. J’ai retrouvé ma tente et je me suis endormi habillé. J’allais vivre ma dernière journée de vacances, la plus chaude – la plus chaude, même, qu’ait connue le pays depuis dix-sept ans.»
Effectivement, les heures qui vont suivre seront très chaudes – dans tous les sens du terme – pour Léonard. Au milieu des préparatifs de départ, il va devoir gérer son forfait et sa conscience, essayer de conclure enfin avec une fille parce qu’après tout, à son âge c’est l’objectif premier de ces vacances et faire bonne figure face à ses parents, la mère d’Oscar et les forces de l’ordre.
Victor Jestin a trouvé le ton et le rythme pour faire de ce roman d’initiation une tragédie classique avec son unité de temps, de lieu, d’action. Un concentré d’émotions qui, à l’image de la météo, vont aller crescendo jusqu’au gros orage qui va finir par éclater. Léonard parvient assez aisément à dissimuler son forfait aux yeux de ses parents et à ceux de Luce, qu’il avait vu embrasser Oscar, et qui se retrouve désormais sans chevalier servant. Même face à la mère d’Oscar, inquiète de la disparition de son fils, il jouera assez aisément le rôle de celui qui n’a rien vu ni entendu. Mais la culpabilité est à l’image de ces vagues de plus en plus chargées qui viennent éroder le littoral. Inexorablement, elle gagne du terrain. Entre l’urgence – il faut s’empresser d’être heureux, de faire l’amour, de réussir ses vacances – et ce besoin d’effacer le drame de la nuit précédente vient s’immiscer le remords. Tous ces gens qui passent et repassent sur la plage sans savoir que sous leurs pieds gît un cadavre laissent imaginer que l’été va s’achever sans que le mystère soit élucidé. D’autant que les recherches se concentrent désormais en mer et que le camping se vide petit à petit.
Le bonheur d’une première étreinte, d’un amour naissant est-il plus fort que cette faute originelle, cette non-assistance à personne en danger? C’est tout l’enjeu de ce roman qui, jusqu’à la dernière ligne, vous tiendra en haleine.

Signalons pour les parisiens une lecture à la Maison de la poésie le 30 septembre 2019

La chaleur
Victor Jestin
Éditions Flammarion
Premier roman
144 p., 15 €
EAN 9782081478961
Paru le 28/08/2019

Où?
Le roman se déroule en France, dans un camping des Landes, en bord de mer.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
«Oscar est mort parce que je l’ai regardé mourir, sans bouger. Il est mort étranglé par les cordes d’une balançoire.» Ainsi commence ce court et intense roman qui nous raconte la dernière journée que passe Léonard, 17 ans, dans un camping des Landes écrasé de soleil. Cet acte irréparable, il ne se l’explique pas lui-même. Rester immobile, est-ce pareil que tuer ? Dans la panique, il enterre le corps sur la plage. Et c’est le lendemain, alors qu’il s’attend chaque instant à être découvert, qu’il rencontre une fille.
Ce roman est l’histoire d’un adolescent étranger au monde qui l’entoure, un adolescent qui ne sait pas jouer le jeu, celui de la séduction, de la fête, des vacances, et qui s’oppose, passivement mais de toutes ses forces, à cette injonction au bonheur que déversent les haut-parleurs du camping.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Les Échos (Alexandre Fillon)
Livres Hebdo (Alexiane Guchereau)
Télérama (Stéphane Ehles)
Le Télégramme (Chantal Livolant)
Toute la culture (Julien Coquet)
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Interview de Victor Jestin à propos de La chaleur © éditions Flammarion

INCIPIT (Les premières pages du livre)
« Oscar est mort parce que je l’ai regardé mourir, sans bouger. Il est mort étranglé par les cordes d’une balançoire, comme les enfants dans les faits divers. Oscar n’était pas un enfant. On ne meurt pas comme cela sans le faire exprès, à dix-sept ans. On se serre le cou pour éprouver quelque chose. Peut-être cherchait-il une nouvelle façon de jouir. Après tout nous étions tous ici pour jouir. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas bougé. Tout en a découlé.
C’était le dernier vendredi d’août. Il était tard, le camping dormait. Restaient les ados sur la plage. J’avais dix-sept ans moi aussi. Je n’étais pas avec eux. J’essayais de dormir et leur musique m’en empêchait. Elle franchissait la dune avec les vagues et les rires. Quand elle s’arrêtait, c’étaient mes parents que j’entendais remuer dans leur tente. Je ne tenais pas en place. Mon matelas gonflable s’enfonçait sur des pierres, le sable collait à ma peau. Parfois le sommeil venait, mais alors quelqu’un criait sur la plage. C’était une espèce de joie féroce dirigée contre moi, une grande danse autour de ma tente. J’arrivais au bout de mes forces. Une journée encore, et les vacances seraient finies.
Cette nuit-là j’ai préféré me relever et marcher dehors. Tout était calme de ce côté. Les tentes et les bungalows se confondaient en ombres. Seul le distributeur de préservatifs continuait à briller. Ça disait « Protégez-vous ». Ça disait Faites-le, surtout. Chaque soir les ados en achetaient, fiers et honteux. Acheter, c’était déjà le faire un peu. Souvent ça finissait en ballon de baudruche et ça crevait dans les airs, comme un nerf qui claque au fond du cœur. Ce camping, j’en connaissais toutes les couleurs. Deux semaines que j’en arpentais les allées, que j’inventais des détours pour faire passer les heures. J’étais allé à toutes les soirées. J’avais fait l’effort. Et chaque fois je m’étais égaré, au bout de quelques verres, j’avais feint d’aller en chercher un autre pour longer le rivage et rentrer sans être vu. Mais je dormais à peine. La musique ne s’arrêtait pas. Quelque chose demeurait soulevé dans ma poitrine et me maintenait tendu jusqu’à l’aube.
C’est dans un détour, cette dernière nuit, que je suis tombé sur Oscar. Je suis passé devant le parc de jeux et je l’ai trouvé sur la balançoire. Il était saoul. Les cordes étaient enroulées autour de son cou. Je me suis demandé d’abord ce qu’il faisait là. Je l’avais vu plus tôt danser sur la plage avec les autres. Il avait embrassé Luce et j’avais failli vomir, je m’en souvenais, leurs corps presque nus se détachaient dans le noir. Je l’ai observé désormais seul sur sa balançoire et j’ai compris qu’il mourait. Les cordes l’étranglaient doucement. Il avait fait cela tout seul et peut-être, à en croire son visage, avait-il changé d’avis. Je n’ai pas bougé. Rien ne bougeait dans ce parc isolé. Les pins montaient haut et voilaient la lune. Soudain, Oscar m’a vu : ses yeux se sont fichés dans les miens et ne m’ont plus lâché. Il a ouvert la bouche mais rien n’est sorti. Il a remué les pieds mais son corps n’a pas suivi. Nous nous sommes regardés ainsi. J’avais voulu parfois qu’il disparaisse, c’est vrai, les autres jours, en le voyant sourire dans son maillot bleu. La musique persistait de l’autre côté de la dune, je reconnaissais le refrain : Blow a kiss, fire a gun… We need someone to lean on… Cela a pris du temps. C’est long, de mourir étranglé. L’instant de sa mort s’est lui-même étiré et m’a échappé. Je me suis simplement senti de plus en plus seul. À un moment sa tête a basculé en avant, ce qui a dû donner un élan aux cordes, car elles sont reparties dans l’autre sens, se sont démêlées de plus en plus vite et l’ont libéré. Il est tombé comme une loque sur le sol souple du parc.
J’avais fait peu de bêtises en dix-sept ans. Celle-ci a été difficile à comprendre. C’est allé trop vite et trop fort. Je me suis approché. J’ai touché l’épaule d’Oscar, puis je l’ai secoué et frappé. Son regard vide a glissé sur moi quand je l’ai retourné. J’ai voulu réfléchir mais des voix sont arrivées depuis la plage. Un petit groupe rentrait dormir. Ils parlaient fort, ils étaient saouls eux aussi. J’ai cru qu’ils pourraient m’écouter. Je les ai appelés mais ma voix n’est pas allée loin, elle est restée près de moi. Ils se sont éloignés en riant. « Vos gueules ! » a crié un campeur depuis sa tente. Ils ont disparu. La musique aussi s’est éteinte sur la plage. Les derniers sont passés. Je me suis tenu debout dans le parc, longtemps, sans me cacher. Enfin j’ai été absolument seul, avec Oscar, qui continuait d’être mort à mes pieds.
J’ai pensé brutalement que je l’avais tué et cette pensée a chassé toutes les autres. Il n’y a plus rien eu que le corps lourd. Et puis, bien nettement, m’est revenu le souvenir d’un grand trou, creusé dans la dune par des enfants cet après-midi-là. Il m’a paru évident qu’Oscar devait disparaître. Je n’ai pas réfléchi davantage. J’ai senti, peut-être, que c’était cela la vraie bêtise, mais je l’ai faite, pour faire quelque chose. J’ai saisi ses jambes. Il n’était pas si lourd. Je l’ai traîné. Nous avons progressé lentement, d’abord dans le parc, puis sur les graviers d’une allée, sur l’herbe d’un emplacement vide, sur une fine couche de sable. Le bruit du corps variait selon la surface. Je me concentrais sur mes gestes pour ne pas songer à autre chose, ne pas savoir ce que signifiaient ces instants. Je traînais un corps, simplement. Avant la dune, j’ai fait une petite pause. Tout était calme. Oscar était si calme. L’air était plus frais, presque agréable. Ce devait être le beau milieu de la nuit. Nous avons grimpé plus lentement encore, nous enfonçant dans le sable, nous accrochant aux chardons. Beaucoup s’y blessaient en courant pieds nus. Enfin, la plage est apparue. Elle était déserte, jonchée de déchets qu’il faudrait balayer le lendemain. Je me suis dit que je pourrais laisser Oscar dans l’eau pour que le ressac l’emmène. Mais la mer était trop basse. Un long chemin me séparait d’elle et j’étais déjà essoufflé. Je m’en suis tenu au trou. J’ai lâché Oscar, j’ai parcouru la dune et je l’ai trouvé sans peine, près du drapeau de baignade. Il n’était pas assez grand. Je me suis accroupi et je l’ai élargi aux dimensions d’un adolescent. Je n’aimais pas le contact du sable qui rentrait sous les ongles et faisait crisser la peau, mais je m’y suis confronté cette fois sans manières, à grands mouvements de bras volontaires. Quand j’ai été satisfait, je suis retourné chercher Oscar. Je l’ai amené jusqu’au trou et je l’y ai fait entrer, les jambes pliées sur le côté. Son visage était sale, plein de poussière. Je l’ai nettoyé du bout des doigts. Puis j’ai rejeté du sable dessus et sur tout son corps également. Cela m’a pris beaucoup de temps. Je ne pensais à rien. J’écoutais mon souffle et le bruit des vagues.
Enfin le trou n’a plus été que du sable, et Oscar, sous terre, a pesé moins lourd. Il a même disparu un peu. Je me suis redressé et j’ai regardé le ciel clair. Une petite musique s’est élevée dans les airs. J’ai compris que le bruit venait d’en dessous. Je me suis remis à genoux et j’ai creusé, défaisant tout mon travail. C’était bien enterré. La musique tournait en boucle. J’ai fini par atteindre Oscar – son téléphone sonnait dans son maillot : Luce appelle. Je l’ai éteint et fourré dans ma poche. Personne ne l’avait entendu. Tous les gens étaient loin. J’ai repris mon souffle et j’ai rebouché le trou, aussi soigneusement que la première fois. »

Extrait
« Je suis rentré. Sur la route, j’ai croisé un joggeur levé de bonne heure qui rejoignait la forêt. J’ai retrouvé ma tente et je me suis endormi habillé. J’allais vivre ma dernière journée de vacances, la plus chaude – la plus chaude, même, qu’ait connue le pays depuis dix-sept ans. On nous avait prévenus. On l’avait annoncé dans les haut-parleurs fixés sur les pins, dont l’un juste au-dessus de ma tête qui me réveillait chaque matin. »

À propos de l’auteur
Victor Jestin a 25 ans. Il a passé son enfance à Nantes et vit aujourd’hui à Paris. La Chaleur est son premier roman. (Source : Éditions Flammarion)

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Treize

BEGUE_Treize

Treize
Aurore Bègue
Éditions Rue Fromentin
Roman
250 p., 16 €
ISBN: 9782919547487
Paru en avril 2016

Où?
Le roman se déroule principalement sur les bords de la Côte d’Azur.

Quand?
L’action se situe dans les années 1990.

Ce qu’en dit l’éditeur
Alice, treize ans, part en vacances en famille sur la côte méditerranéenne.
Durant cet été, elle observe sa sœur aînée, Marie et son comportement face aux hommes. Les trois ans qui les séparent lui semblent être désormais un fossé infranchissable.
Elle porte aussi un regard lucide sur sa mère fragile psychologiquement et son père qui surjoue la normalité pour rassurer ses filles.
A treize ans, on est parfois plus réaliste que les autres. Alice sent avant tout le monde le drame qui se noue pendant ces vacances et va bouleverser toute son existence.
Un premier roman à l’atmosphère tendue et envoûtante. Un texte poignant et juste sur la collision entre les attentes de l’adolescence et les lâchetés du monde adulte.

Ce que j’en pense
****
Une famille part en vacances. Il y a là le père, «optimiste acharné» et amoureux de la vie, la mère, fragile, souvent triste ou en colère, Marie la fille aînée et Alice, treize ans, la narratrice. Ce qui ressemble de prime abord à une chronique familiale durant laquelle les petites – ou plus grandes – névroses de chacun vont pouvoir se dévoiler, va se transformer au fil des pages en un drame bouleversant.
Pour ses débuts en littérature Aurore Bègue fait preuve d’un vrai sens du suspense. Si elle distille ici et là quelques indices, elle mène ce récit avec beaucoup de maestria jusqu’au dénouement.
Le choix de confier la narration à Alice est tout aussi pertinent. La fille arrive à cette période de l’adolescence où son corps se transforme, où elle devient femme sans bien comprendre ce que cela implique, ou elle va tenter de grandir en calquant un peu son mode de vie sur celui de sa sœur.
Bien entendu, l’amour occupe une grande place dans ce scénario. Si les copains de Marie vont un peu s’intéresser à elle et réciproquement, elle va avoir les yeux de Chimène pour Paul, l’ami de la famille.
«Que l’on m’explique Tout ça, que m’arrivait-il au juste ? L’amour, la mort, le sexe, tous ces mystères sur lesquels je n’avais aucune prise, oui, j’avais ce désir impérieux de savoir pourquoi nous étions là, pourquoi nous allions mourir un jour, et quel sens avait cette scène-là, nous tous, notre famille et Paul autour de la table en teck de la terrasse, un jour brûlant du mois de juillet 1992.»

Ce beau et tragique roman d’initiation va marquer Alice et sa famille autant que le lecteur. Entre les cris de la mère, la vanité de la sœur, les absences du père et les pulsions de l’ami Paul, la jeune fille va prendre place dans la galerie des héroïnes tragiques. De celles dont le destin hantent le lecteur bien longtemps après avoir refermé le livre.

68 premières fois
Blog Les livres de Joëlle
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Blog Les lectures du mouton (Virginie Vertigo)
Blog Blablabla Mia

Autres critiques
Babelio 
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Extrait
« Nous étions, ma sœur et moi, pressées que ces vacances arrivent enfin. Mais Marie paraissait encore plus impatiente et enthousiaste à cette idée, comme si elles allaient lui apporter quelque chose d’inédit, de nouveau et d’excitant, là où je ne voyais qu’un été parmi les autres, rempli de baignades, de glaces à l’eau, et de longs dîners avec nos parents et leurs amis parfois ivres.
Ce printemps-là, donc, assise en tailleur sur mon lit, Marie adorait me parler des histoires d’amour naissantes qu’elle avait vécues et vivrait, en vernissant ses ongles qu’elle transformait en de petits coquillages rosés ou dorés. Elle ressemblait à une caricature de grande sœur, un cliché, si jolie mais si agaçante, celle qui en sait toujours plus que vous, celle qui est toujours un petit peu plus que vous, ou bien vous, mais en mieux.
Elle tenait ses mains et ses doigts précautionneusement écartés devant elle pour ne pas abîmer le vernis couleur rose bonbon qu’elle venait d’y poser et elle souriait de cette nouvelle manière si mystérieuse de grande sœur, la tête légèrement penchée sur la droite.»

A propos de l’auteur
Aurore Bègue a 37 ans et vit à Paris. Treize est son premier roman. (Source : Éditions Rue Fromentin)

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