Reste

DIEUDONNE_reste

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Finaliste du prix France Bleu / Page des libraires 2023

En deux mots
Quand M. meurt, noyé dans un lac de montagne, sa maîtresse avec laquelle il s’était offert une escapade de quelques jours, entend encore le garder quelques temps pour elle. Commence alors un road-trip macabre qui est aussi une folle déclaration d’amour.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

«Encore un soir, encore une heure»

Adeline Dieudonné nous dévoile une nouvelle facette de son talent avec ce roman introspectif qui confronte une femme au cadavre de son amant. Il vient de se noyer dans un lac de montagne. Elle décide alors de le garder encore un peu pour elle.

M. est mort. Il est parti se baigner dans le lac du haut et s’est noyé. C’est sa maîtresse, avec laquelle il venait passer quelques jours dans le chalet de son ami Jacky, qui l’a trouvé flottant sur l’eau et qui l’a ramené dans leur chambre après avoir vainement essayé de le ranimer. Elle le lave et le remet dans leur lit. «Des gens ont vu mourir la personne qu’ils aimaient, ils se sont habitués. Peut-être que si je reste allongée là, près de M. les choses finiront par s’améliorer. Peut-être que je suis en train de vivre le pire. Encore du vin. Pour faire passer le pire. Ça ira mieux demain.»
Car pour l’heure, il n’est pas question d’appeler la police ou les secours. Il est plutôt question de partager encore quelques heures avec le bel homme, l’amant, l’amour de sa vie. Et surtout ne rien dire à personne, pendant que tout le monde croit que M. est toujours vivant.
Des instants qu’elle met aussi à profit pour écrire à sa femme qui attend son retour à la fin du week-end. «J’aurais dû vous appeler hier déjà, pour vous prévenir. Je ne le ferai pas. Alors que j’écris ces lignes, vous ignorez la mort de M. Je vous envie pour ça.»
Le roman prend alors un ton plus personnel et introspectif en même temps qu’il vire vers l’absurde. Tout en retraçant son parcours de femme, ses difficultés à partager une relation déséquilibrée – c’est toujours à la femme de faire des concessions – jusqu’à cette rencontre avec M. avec lequel elle a enfin trouvé un équilibre, même si elle comprend très vite qu’il ne quittera jamais la mère de ses enfants. Il reste «celui à qui elle pouvait tout dire, absolument tout, devant qui elle était moins pudique qu’envers elle-même». Elle va s’enferrer dans son idée de ne plus se séparer de M. Elle le rhabille et l’installe dans sa voiture pour un road-trip étonnant, ponctué d’une rencontre étonnante qui donnera ses lettres de noblesse à l’expression «l’avoir dans la peau».
La seconde lettre de ce roman épistolaire est datée du 4 mai 2022, un mois après la mort de M. et détaillera la chronologie de cette curieuse épopée qui n’a pourtant rien de morbide, bien au contraire. On est bien davantage dans cet humour belge teinté d’absurde dont Odile d’Oultremont nous a déjà régalé cette année avec Une légère victoire qui confrontait déjà une femme à la mort.
Après La vraie vie et Kérosène, voici une nouvelle confirmation du talent d’Adeline Dieudonné à traiter avec poésie de sujets difficiles et à trouver de la lumière dans le registre le plus noir.
Ajoutons que, comme à son habitude, la romancière nous offre en fin de volume, la playlist qui a accompagné l’écriture de son roman. Entre Nina Simone, Leonard Cohen ou encore Nick Cave, j’ajouterai Neil Young et son album Harvest évoqué dans le roman et ces quelques paroles de Jean-Jacques Goldmann écrites pour Céline Dion après le décès de son mari René. Je crois qu’elles résument bien l’état d’esprit de Camille:
«Un peu de nous, un rien de tout
Pour tout se dire encore ou bien se taire en regards
Juste un report, à peine encore, même s’il est tard
J’ai jamais rien demandé, ça c’est pas la mer à boire
Allez, face à l’éternité, ça va même pas se voir
Ça restera entre nous, oh juste un léger retard»

Reste
Adeline Dieudonné
Éditions de l’Iconoclaste
Roman
282 p., 20 €
EAN 9782378803544
Paru le 6/04/2023

Où?
Le roman est situé principalement dans un chalet de montagne isolé des Alpes et dans la région.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Je ne suis pas certaine d’avoir pleinement saisi ce qui m’est arrivé, ni ce qui m’a conduite à agir comme je l’ai fait. Certains matins, tout me semble limpide. A d’autres moments, je me vois comme un monstre, une créature que je ne reconnais pas, qui m’aurait possédée dans un instant de vulnérabilité. Mais je crois que cette image vient du regard des autres, j’ai fait ce que je pouvais. Il n’y a pas de morale à cette histoire. Tout ce que je sais, c’est que je vous dois les faits. Je vais donc m’attacher à les relater pour vous, et sans doute aussi pour moi, avec toute la précision dont je suis capable. Ils m’emmèneront sur des territoires obscurs, dans les marécages de ma conscience et, pour quelques secondes encore, contre la peau de M.

Cadavre exquis
Dans un chalet au milieu des montagnes, une femme et son amant se retrouvent en secret, sans que son épouse ne soit au courant. Tous deux vivent une idylle, une parenthèse hors du temps. L’amoureux succombe d’une crise cardiaque en quelques secondes. La narratrice se retrouve seule avec le corps sans vie de son amant. Elle décide de garder le corps et, pour surmonter son chagrin et la violence de l’évènement, commence à̀ écrire des lettres à l’épouse et lui raconte cette histoire d’amour infidèle.
Une initiation sentimentale
Auprès du corps inerte de celui qu’elle a tant aimé, toute sa vie sentimentale refait surface : les hommes qu’elle a côtoyés, ceux qui l’ont blessée ou ont abusé d’elle. Elle repense à ses échecs, jusqu’à̀ la rencontre de cet amant qui l’a révélée. Pour la première fois, elle a appris à̀ aimer. Maintenant que plus rien ne compte à ses yeux, un seul objectif lui donne le courage de vivre : lui offrir la plus belle des sépultures.
Une nouvelle facette d’Adeline Dieudonné
Après le détour par le récit choral avec Kérozène, l’autrice de La vraie vie revient au roman. Adeline Dieudonné est moins féroce, moins surréaliste, mais plus touchante, amoureuse.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
France info (À livre ouvert)
L’Écho.be (Charline Cauchie)
RTBF (Entrez sans frapper)
Le carnet et les instants (Véronique Bergen)
L’Éclaireur Fnac (Thomas Louis)
Ernest mag. (David Medioni)
RCF (Christophe Henning)
Blog Vagabondage autour de soi
Blog Des choses à dire
Blog Saginlibrio


Adeline Dieudonné présente son roman Reste à La Grande Librairie © Production France Télévisions

Les premières pages du livre
« Première lettre
Mardi 5 avril 2022.
M. est là, allongé près de moi. Il est mort.
Il est mort.
J’espère, en les écrivant, que ces mots m’aideront à appréhender cette réalité.
Je les observe, les déchiffre tandis qu’ils se forment sous ma main, les écris encore, pour en saisir la chair.
Ils m’échappent, me glissent hors des yeux, je recommence.

J’aurais dû vous appeler hier déjà, pour vous prévenir. Je ne le ferai pas.
Alors que j’écris ces lignes, vous ignorez la mort de M. Je vous envie pour ça.

9 h 32. J’ai regardé sa montre sur la table de nuit, là où il l’a laissée.
Je vous imagine en réunion de chantier. Ou à votre bureau, à dessiner des plans.
M. ne parle pas souvent de vous. Ne parlait. Ne parlait pas souvent de vous. Une forme de pudeur, je suppose.
Il vous aimait, il n’y a pas à en douter.

Peut-être que vous écrire, maintenant, me permet d’échapper à ici. Vous vous tenez droite, assise face à votre ordinateur, une tasse de thé tiède à portée de main – vous avez oublié de retirer le sachet, il doit être amer –, vous dessinez un garage, des lignes rouges jaunes vertes bleues sur l’écran noir. Vous êtes absorbée, projetée dans ce garage en devenir. Et vous pouvez y être absorbée, projetée, parce que quelque part, au fond de vous, sommeille la certitude que M. se promène à une poignée de kilomètres, que ses poumons se dilatent, se contractent, que son cœur palpite, que sa peau frémit.
Je tends la main, la pose sur son torse froid, immobile.
Je m’installe dans votre peau, dans votre tête, et je suis vous, pour quelques secondes, et pour quelques secondes mon problème le plus important consiste à décider s’il faut une porte déroulante ou abattante à ce garage, et de quel côté je vais placer le panneau de commande électrique. Ce faisant, je ne vous vole rien, puisque je ne vous prive pas de votre bureau, de votre thé amer, de votre innocence.
Il faudrait que je me lève. Que je m’habille.
M. semble endormi à mes côtés. Il est nu. Depuis hier matin déjà. Je crois que je suis en train de m’habituer. C’est son nouveau lui. Je l’ai secoué, j’ai pleuré, beaucoup, je me suis fâchée, l’ai giflé, je crois, je savais qu’il était mort, je ne suis pas folle, mais la colère m’a engloutie. Pourquoi n’arrivait-il pas à sortir de là ? Pourquoi se laissait-il aller comme ça ?
Il me faut du vin.

Le chalet n’est pas grand. Une chambre, une salle de bains, une cuisine sommaire qui ouvre sur un salon fatigué. Des truites naturalisées aux murs, des hameçons et des appâts dans des vitrines poussiéreuses. Un poêle à bois. Les murs exhalent un parfum de sel, froid, minéral. Je crois que nous aimions venir ici pour l’exiguïté du lieu. Poser nos brosses à dents côte à côte sur la petite vasque en pierre, écouter la même musique, nous frôler pour mettre le couvert, cuisiner.
Ici il n’y a rien. Et puisqu’il n’y a rien, il y a tout, pardon pour ce poncif, mais la forêt, le lac, les oiseaux, les herbes sauvages, c’est tout. Quand je dis qu’il n’y a rien, je veux dire qu’il n’y a personne. Personne d’autre que M. et moi. J’ignore ce qu’il vous racontait pour justifier ses absences. Un séminaire, quelques jours entre copains, un stage de natation… Nous n’en parlions jamais. Il avait honte, sans doute, et moi aussi.
Ici, on pouvait s’imaginer qu’on ne rentrerait jamais. Qu’on vieillirait comme ça, tous les deux. Un chien, quelques poules. Nous nous suffirions. Nous aimions ce mensonge. Et puis moi parfois j’y croyais.
En réalité, c’était un mensonge par omission. Non parce qu’il omettait ma fille – Nina est grande – mais plutôt mon besoin de solitude. J’aimais l’incursion de M. dans mon espace durant ces quelques jours que nous volions de temps en temps. Mais est-ce que je l’aurais supportée toute l’année ?
En fait oui, probablement oui. Nous étions assez vieux tous les deux, je veux dire lui et moi, pour savoir comment préserver notre espace de l’autre. Nous nous connaissions assez. Peut-être qu’il aurait suffi de me construire une cabane à côté du chalet, mon atelier, ma chambre à moi.
Alors, qu’est-ce que ce mensonge cachait au juste ?
Sans doute la terreur qui nous habitait tous les deux d’épuiser notre dialogue jusqu’ici intarissable. Dialogue des mots, bien sûr, dialogue des corps, dialogue affamé de ceux qui viennent de se rencontrer.
La terreur du silence blasé, du désir sec.
Et évidemment ce mensonge vous omettait vous. Et votre fils. Et le monde qui brûle.

12 h 43 à la montre de M., toujours posée sur la table de chevet. Je n’ose pas toucher à ses affaires. Je n’ose pas regarder son téléphone posé sur le buffet, à côté du poêle. J’aurais accès à sa vie. Son courrier, ses réseaux sociaux.
Est-ce que tout ça va disparaître avec lui ? Est-ce que son adresse mail sera supprimée ? Ou continuera-t-elle d’exister, comme une maison abandonnée, hantée par les échanges professionnels, les newsletters non lues, les vieilles factures, vos disputes ? Je sais que vous vous disputiez essentiellement par mail. C’est une chose que M. m’avait confiée. Lorsqu’une tension naissait, vous vous taisiez et poursuiviez la discussion par écrit. Est-ce que vous allez archiver ces échanges ? Je crois que si c’était mon histoire, mes disputes, mon couple, ces messages me seraient plus précieux que des photos de vacances, moins mensongers.
J’ai envie d’aller les lire. Je pourrais vérifier si le récit que M. me faisait de votre couple correspond à la réalité. Peut-être que si j’ouvrais son téléphone je découvrirais un tout autre M. Peut-être que je trouverais des horreurs, des vidéos abominables, de la pédopornographie, des chatons égorgés. On ne sait jamais.

Vous écrire me réconforte un peu. J’ai quitté la chambre, allumé un feu, mis de la musique. Nick Cave. Sa voix va bien avec le décor, le lac, les nuages fades. Mon gilet en laine trop grand, le crépitement du feu, le sol en pierres du pays. Tout sied. Un vrai cliché, on dirait une pub pour, pour je sais pas quoi, pour un truc que j’emmerde. Fait chier. Je me ressers un verre de vin. La bouteille que nous avons entamée avant-hier.
Aujourd’hui c’est mon anniversaire. Bon anniversaire ! J’ai quarante et un ans. J’imagine que quelque part, au fond de la valise de M., il doit y avoir un petit cadeau pour moi. Je préfère ne pas y penser. Quelle est la date de votre anniversaire ? Que vous offrait-il ? Vous disait-il encore « je t’aime » ? Vous embrassait-il encore ?
Demain je devrai rendre les clefs. Demain vous vous attendez à le voir revenir. Demain, il faudra partir.
Je pourrais appeler la police maintenant. J’aurais pu l’appeler hier.
Je n’ai pas pu. On me l’aurait pris. On vous l’aurait rendu. Et puis quoi ? S’il n’est pas avec moi, il est seul. Il aurait traversé seul les préparatifs des funérailles, on l’aurait couché dans une chambre froide, des mains l’auraient touché, qui ne sont pas les miennes.
Seul dans son cercueil pendant la cérémonie, seul dans le four. Je n’ai pas besoin de condoléances, pas besoin de cendres. Je ne suis rien. Mais M. a besoin de moi. Ou j’ai besoin de veiller sur lui. Je ne l’abandonnerai pas.
Je sais qu’il ne manquera à personne chez moi. Ma fille le connaît peu. Idem pour mes amis. Ça n’a pas d’importance, je l’ai aimé seule, je peux le pleurer seule. Mais je ne peux pas l’abandonner maintenant.
Ça n’est pas votre faute, je sais que vous auriez fait ce qu’il fallait. Mais ça n’aurait pas suffi.
Je vais retourner m’allonger contre lui.

Depuis ma rencontre avec M. je me demande comment ça va finir. J’ai toujours cru qu’il me quitterait, c’était dans l’ordre des choses. Ou alors que je rencontrerais quelqu’un. Classique. Quelqu’un qui voudrait partager son plan d’épargne-pension avec moi. Ça, j’avais essayé avant M. L’épargne-pension avait perdu. Romain. Sur le papier, c’était tentant. Il donnait un cours de menuiserie et je voulais menuiser. Il voulait un enfant, j’avais un ventre.
Romain était gentil, brillant, son intelligence m’érotisait, ça n’était pas réciproque. Il aimait me montrer, il aimait mes shorts courts, il aimait mon cul. Non, il n’aimait pas mon cul. Il était fier de mon cul. La lueur d’envie dans les yeux de ses potes l’égayait. J’étais son cul. Et la gentille mère de son enfant. Attentionnée, présente, certes, mais jamais assez. Jamais aussi dévouée que sa mère à lui. Il ne formulait pas de reproches, il se raidissait, laissait échapper des micro-tics d’insatisfaction, suivis d’un conseil, d’une suggestion. Il n’aimait pas que je m’investisse dans mon travail plus que nécessaire. Je suis prof de français. Il détestait que j’accompagne les voyages scolaires. Sa fille, sa femme, ses potes, le rugby le dimanche et voilà. Quatre potes. Il les avait rencontrés en maternelle et ils ne s’étaient plus quittés. J’admirais cette fidélité, cette constance. Un deuil, une séparation, un épisode alcoolique, dépressif, chacun posait quelques jours de congé, ils embarquaient le blessé et venaient lécher leurs plaies, ici au chalet. Le chalet de Jacky. Jacky, le parrain de Romain. Et donc le parrain de tous. Ce que les quatre potes avaient en commun, c’était l’absence du père. Père parti, jamais arrivé ou mort. Alors Jacky avait adopté tout le monde, en quelque sorte. Et il possédait ce chalet, ce lac.
Depuis ma séparation avec Romain, je suis restée en contact avec lui. Il reste fidèle aux ex aussi. Il comprend, il en a vu d’autres. La bande m’a répudiée, pas Jacky. Puis il a adopté M., presque sans poser de questions, même si M. n’avait pas vraiment besoin d’un père.
Demain, je devrai lui rendre les clefs du chalet.
Demain, je devrai prendre une décision.

J’ai eu peur de vieillir. C’est banal, évidemment. Ça m’est arrivé un jour par surprise. J’ai toujours entretenu un rapport serein avec mon âge, accueillant mes premières rides avec une relative indifférence. Été plutôt amusée de me trouver quelques poils et cheveux gris vers la fin de la trentaine. Il ne m’est pas venu à l’idée de les camoufler. Je marchais vers la quarantaine, droite, sereine, croyant avoir échappé à cette angoisse de l’âge par je ne sais quel miracle ou je ne sais quelle sagesse.
Et puis, trois jours avant mes quarante ans, lors d’un dîner chez une connaissance, une femme a évoqué devant moi une soirée passée avec M., sans savoir qui j’étais pour lui, ni qui il était pour moi. Elle racontait, le sourire lourd de sous-entendus, comme M. avait sympathisé avec une de ses amies. Une jeune femme charmante, fin de vingtaine, drôle, captivante. Il n’était pas question de drague, mais de la fascination de M., je pense même que l’expression « bave aux lèvres » a été prononcée. J’ai pris congé, prétextant une migraine foudroyante. Je suis rentrée chez moi, sous la pluie d’avril, furieuse d’avoir été obligée de laisser cette femme brosser un portrait aussi minable de M. sans réagir. Et puis furieuse de constater que ce récit m’avait ébranlée. Pas tant l’idée qu’une autre puisse capter l’attention de M., ce sont des choses qui arrivent, j’ai appris à dompter mon ego de ce côté-là. C’était l’âge de cette autre. Dix ans de moins que moi, seize de moins que M. « Le marché de la bonne meuf. » Je me suis sentie poussée vers la sortie de la foire aux bestiaux, où je tenais pourtant une place honorable, non par cette femme plus jeune que moi mais par lui, et sa terreur de vieillir. Qu’il venait de me transmettre.
Je me suis retrouvée ce soir-là face à ce constat comme devant une route éventrée par un cours d’eau souterrain. J’avais quarante ans moins trois jours, je me tenais au bord de ce gouffre, à la fois lasse et effrayée, à me demander comment remblayer tout ça. Une part de moi-même a tenté un vain « quitte-le, c’est lui le problème, ou c’est chez lui que réside le problème, pourquoi deviendrait-il le tien ? ». Mais je n’avais pas envie de quitter M. J’ai pensé que je pouvais vivre avec cette angoisse, cette épée au-dessus de la tête. Un jour M. se trouverait une maîtresse plus jeune. Dernier tour de carrousel, je serais remerciée, il faudrait rentrer.
Comment vivez-vous avec ça ? Est-ce que vous savez qu’il ne vous quittera jamais ? Enfin, qu’il ne vous aurait jamais quittée ? Parce que, vraiment, c’était le cas. Et ça me convenait, je crois l’avoir déjà dit, je ne sais plus.
Il y avait ces mots qui flottaient entre nous, que nous n’avions plus besoin de prononcer. « Aussi léger à porter que fort à éprouver. » C’était comme ça que nous définissions notre lien, nous en avions fait une sorte de devise ou de promesse, que nous avions empruntée à Camus, ou à René Char, je ne sais plus. L’un écrivait à l’autre : « Plus je vieillis et plus je trouve qu’on ne peut vivre qu’avec les êtres qui vous libèrent, qui vous aiment d’une affection aussi légère à porter que forte à éprouver. La vie d’aujourd’hui est trop dure, trop amère, trop anémiante, pour qu’on subisse encore de nouvelles servitudes, venues de qui on aime. »

Quelle heure est-il ? Le soleil écrase le lac. Un troupeau d’ânes est venu boire il y a quelques minutes. Je me demande s’ils appartiennent à quelqu’un. Est-ce qu’on les élève pour une raison précise ? Est-ce qu’on les mange ? Quand j’étais petite, mes parents me racontaient que la viande des grisons était de la viande d’âne. Je crois que c’était pour que j’arrête de me jeter sur le plateau de charcuteries. Je ne sais plus si ça fonctionnait. Sans doute. Je pensais à Cadichon, dans les Mémoires d’un âne, et me rabattais sur les pistaches.
Une pie s’est posée sur l’encolure de l’un d’entre eux, a picoré quelques parasites dans sa crinière. L’âne a tendu le cou, il semblait aimer ça. Puis la pie s’est envolée et l’âne l’a suivie des yeux, presque triste, comme s’il se sentait abandonné. Est-ce qu’ils se connaissent ? Est-ce qu’elle vient l’épouiller régulièrement ? Possèdent-ils un langage commun ? Est-ce qu’elle le préfère aux autres ?
J’entends le cri d’un rapace. Une buse, un faucon, un aigle ? J’ignore qui vit dans ces montagnes. Je peux le voir tournoyer, trop haut pour que je puisse l’identifier. Encore que, même s’il venait se poser sur mon bras, je serais incapable de différencier un faucon d’une buse. Un aigle royal, peut-être.
Je regarde l’heure sur mon portable, je n’ose plus trop entrer dans la chambre. J’irai tout à l’heure, pour dormir près de lui. Il n’y a aucun réseau ici. Si j’avais voulu appeler les secours, je ne sais pas si j’aurais pu. Mais je n’ai pas essayé.

Je vous ai dit que je lui ai donné un bain ?
Il adorait les bains. C’était hier, dans l’après-midi. Il était si froid, j’ai voulu le réchauffer. Il n’était pas encore raide. Je l’avais ramené dans le chalet, luttant contre son poids et mon chagrin. Je pleurais sans arrêt, peinant à retrouver mon souffle. Aujourd’hui j’ai des courbatures dans les bras, les épaules, les cuisses. Je l’ai traîné, en passant mes avant-bras sous ses aisselles depuis la plage de galets. Ou alors c’est une grève ? Quelle est la différence entre plage et grève ? Un jour je vérifierai. En tout cas, l’étroite étendue de galets sur laquelle vient mourir le lac. « Vient mourir le lac », stupide formule… Le lac ne meurt pas, lui. Il ne mourra jamais.
Je réalise que je vous raconte tout dans le désordre. J’écris ce qui me vient, parce que je ne sais pas quoi faire d’autre. Et que c’est à vous que je me sens liée maintenant. Est-ce que vous avez commencé à vous inquiéter ? J’espère que non. J’espère que vous vous endormirez confiante – demain soir il va rentrer –, que vous gagnerez une nuit de plus avec lui, même s’il n’est pas là, avec la certitude de lui dans votre vie. J’ai terminé la bouteille de vin. Je rêve d’une cigarette.

Je crois que je me suis trompée. Sur les raisons qui me poussent à vous écrire. J’ai cru que c’était un moyen d’échapper à l’instant, à ce chalet, à la douleur, au corps de M. gisant là sur le lit. J’ai cru qu’en m’adressant à vous, à travers l’espace et le temps, je pourrais être vous, me glisser dans votre peau, dans votre ignorance. Voir avec vos yeux, toucher ce que vous touchez. Est-ce que ce n’est pas ce que j’ai secrètement souhaité depuis ma rencontre avec M. ? Dormir près de lui chaque nuit, connaître ses gestes intimes, où il pose ses clefs en rentrant, comment il embrasse votre fils, ses rituels quotidiens, sa façon de ranger les courses, sa voix lorsqu’il prend un rendez-vous chez le médecin… Je ne sais pas. Il y a un prix à payer pour connaître ces détails-là. J’aurais aimé y accéder, découvrir chaque recoin de M. sans avoir à les côtoyer chaque jour. Vous pourriez dire la même chose. Je connais un autre M. que vous. M. dans son costume de mari infidèle. C’est si banal, pardon. Mais voilà où je voulais en venir. Je me suis trompée, je vous écris par amour, pas par amour pour M., quoique si, probablement aussi. Mais parce que je vous aime, vous. C’est ce que j’aimerais me faire croire en tout cas. C’est tordu, oui. Garder le corps de son amant mort c’est tordu, aimer c’est tordu. Je suis tordue, voilà. Mais donc je vous aime. Ou j’aimerais me le faire croire. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de rivalité ? Nous ne sommes pas rivales. Vous ne l’auriez peut-être pas vu comme ça, et c’est la raison pour laquelle M. ne vous a jamais parlé de moi, mais moi je peux vous l’affirmer, il n’existe pas de compétition entre nous, je ne vous ai rien pris. Ou c’est ce que j’aimerais me faire croire. Et je vous aime, sans vous avoir rencontrée, parce que M. vous aimait. Et si je vous aime à travers ses mots, c’est que ses mots étaient tendres pour vous. Ou c’est ce que j’aimerais me faire croire. Au fond je ne sais rien. Rien de ce que vous avez ressenti quand l’homme que vous aimiez, qui vous avait tout promis, avec lequel vous aviez connu mille étreintes, avec lequel vous avez décidé d’avoir un enfant, cet homme qui a dû pleurer de bonheur sur votre corps, quand il s’est mis à vous appeler par votre prénom, quand son regard s’est éteint, quand vous avez fini par comprendre qu’une partie de votre histoire était terminée, ou morte, ou, si on veut utiliser un terme plus optimiste, s’était transformée. Il y a une part de transformation dans les histoires d’amour, j’en suis certaine, mais le désir qui meurt, c’est le désir qui meurt. Point.

Le lac n’a pas de nom. On l’appelle le lac d’en haut, par opposition à son frère, le lac d’en bas. Le lac d’en bas est plus grand. Jacky y élève des truites, pour les pêcheurs qui débarquent en saison. C’est lui qui m’a appris à pêcher, j’ai adoré ça. Passer des heures à observer le bouchon à la surface de l’eau. Espérer secrètement attraper un brochet. Jacky disait qu’il devait y en avoir une dizaine dans le lac. J’aurais adoré voir sa tête, et celle de Romain, et de tous les autres si moi j’en avais ramené un. Le soir, nous mangions ce que nous avions pris. Les truites goûtaient la vase. Jacky m’avait aussi montré comment les tuer, les ouvrir, les éviscérer.
Il tient l’hôtel du Lac. Personne ne se casse la tête sur les noms dans la région. Et de fait, quand on parle de l’hôtel du Lac, tout le monde sait de quoi on parle. Une grosse bâtisse de pierre et de bois, sur trois niveaux. Au rez-de-chaussée, la réception, le restaurant, la boutique de location de matériel de pêche, un étage avec les chambres, un grenier aménagé en dortoir. Devant l’hôtel, un ponton en bois s’avance jusqu’au milieu du plan d’eau. Je ne connais pas sa surface exacte, je suis nulle en surface, je dirais qu’il doit être grand comme un terrain de foot et demi mais je dis sans doute n’importe quoi. J’imagine que vous sauriez. Une architecte sait ces choses-là, non ? D’ailleurs, pourquoi est-ce qu’on mesure toujours tout en terrains de foot ?
La première fois que je suis venue ici, c’était il y a dix-huit ans, j’étais enceinte de ma fille mais je ne le savais pas encore. Son père voulait me présenter à Jacky. Je dis « me présenter à Jacky » et pas « me présenter Jacky ». La seconde formule implique une réciprocité, or il n’y en avait pas. Romain était fier, comme s’il brandissait un trophée ou une médaille gagnée sur un champ de bataille, et j’étais fière d’être ce trophée. Jacky avait eu ce regard admiratif, un peu bluffé en me regardant, et j’avais senti Romain exulter. Je n’avais pas encore ouvert la bouche, c’était inutile. Le short en jean, sexy sans être outrancier, sur des jambes minces, les bottines western, le tee-shirt court et ample, le maquillage simple, les traits réguliers, le teint sain, le sourire facile. J’étais jolie, humble, sympa, pas chiante, pas hystérique, je savais où était ma place. J’étais ce qu’on attendait de moi. Je peux sembler amère, en réalité je ne le suis plus. Ni même en colère. Les années avec Romain sont des années d’oblitération. Si je voulais en parler avec douceur, je dirais que j’avais dressé un rideau de velours épais à l’intérieur de moi, derrière lequel j’avais caché mes besoins, mes aspirations, ma créativité. Derrière lequel je m’étais effacée. Si je voulais en parler avec plus de dureté j’évoquerais un cachot. Je m’en suis longtemps voulu de m’être infligé ça. Romain n’était pas un type brutal, j’aurais pu partir.
Il avait quatre ans quand son père avait quitté sa mère, Hélène. L’histoire banale du gars qui se montre un peu présent au début, jusqu’au jour où il demande une autre femme en mariage, fonde une autre famille. Hélène avait dû se débrouiller seule avec Romain et sa sœur, Annabelle. Jacky, le meilleur ami du père, sans doute un peu amoureux d’elle, l’avait soutenue. Il l’avait aidée à trouver un boulot de vendeuse dans un magasin de vêtements, lui avait appris à conduire pour qu’elle puisse passer son permis. Il était resté proche d’eux, loyal, sûr. Romain me racontait qu’il débarquait tous les dimanches après-midi avec des provisions pour la semaine, des petits cadeaux. Ça avait duré plusieurs années, jusqu’à ce qu’il rencontre Liliane. Ils s’étaient mariés et avaient acheté cet hôtel, loin d’Hélène. Mais Jacky n’avait jamais perdu le contact avec Romain et Annabelle, qui étaient alors de grands ados. Comme si Jacky avait attendu qu’ils soient assez âgés pour s’autoriser à partir. Ou alors c’est le temps qu’il lui avait fallu pour comprendre qu’Hélène ne l’aimerait jamais comme il l’aurait voulu.

Quand nous venions ici, M. se levait tôt pour aller nager.
Le lac n’est pas une simple cuvette comme celui d’en bas. C’est un cône profond d’une cinquantaine de mètres. La légende prétend qu’il aurait été formé par les larmes du diable. Romain m’avait raconté cette histoire, la première fois que j’étais venue ici avec lui. Il avait attendu la nuit. Il faisait froid, nous nous étions emmitouflés dans une couverture, assis sur la grève, les pieds dans l’eau. Nous partagions un joint. Romain s’était installé derrière moi, m’entourant de ses jambes, sa main qui ne tenait pas le joint me caressait les seins. Il portait un pantalon léger, je sentais son érection dans le bas de mon dos. Ses amis logeaient en bas chez Jacky, à l’hôtel du Lac, dans le dortoir sous les toits. Le petit chalet nous avait été réservé, comme à de jeunes mariés.
Le joint crépitait à quelques centimètres de mon oreille.
– On raconte que le diable avait une fille. Une créature effrayante et belle, moitié femme, moitié chèvre. Comme le diable, elle se tenait debout sur ses pattes arrière, le haut du corps et les seins nus, une chevelure broussailleuse, des yeux noirs. Elle vivait ici dans ces montagnes, heureuse. Et pendant ces années les hommes vécurent paisiblement, le diable ne tourmentant plus personne, fou d’amour pour sa fille. Il l’avait avertie : « Tu peux aller partout, dans ces montagnes, te lier d’amitié avec la marmotte, le bouquetin, le corbeau, le lynx. Mais tu ne dois jamais t’approcher des humains. » La petite avait grandi là-haut sur le glacier, elle connaissait chaque rocher, parlait le langage des fleurs et des insectes, nageait avec les loutres, avait appris à se cacher. Un jour, elle aperçut un berger et en tomba amoureuse. Elle l’observa de loin pendant plusieurs semaines, dissimulée derrière un rocher. Puis elle finit par braver l’interdit. Un matin, alors que le jeune homme veillait sur son troupeau, assis au soleil, elle approcha sans bruit, dressée sur ses pattes arrière…
– Et le chien du berger l’a bouffée !
– Non.
– Il a rameuté le village, ils l’ont pourchassée dans toute la montagne avec des torches et des fourches et ils l’ont brûlée ?
– Oh, t’es chiante, non. Il a pas voulu d’elle et elle s’est suicidée. Bref. Le diable s’est assis sur ce rocher et il a pleuré pendant des jours et des jours et des jours, ce qui a formé le lac.
Il avait cessé de me caresser les seins, son érection s’était tue.
J’ai l’impression de nous voir là, Romain et moi, assis au bord de l’eau, comme si les dix-huit ans qui me séparent de cette scène s’étaient réduits à l’épaisseur de la brume.

Les eaux sombres sont bordées d’une plage de cailloux clairs, couleur cendre, et tout autour les crocs montagneux qui lézardent le ciel. Hier je trouvais ça joli, majestueux, poétique, ce que vous voulez. Aujourd’hui ils m’apparaissent menaçants, sinistres, chargés d’une puissance maléfique.

Hier matin, j’ai senti M. se réveiller. Il m’a embrassé la nuque, m’a enlacée. Son corps du matin me paraissait presque étranger, tant les nuits que nous passions ensemble étaient rares. J’étais habituée à son corps de l’après-midi, ferme et frais. Au réveil, je le découvrais chaud, amolli par la nuit. Son souffle plus chargé que d’ordinaire. J’adorais ce nouveau M. Peut-être que dans ces moments-là j’étais un peu jalouse de vous. Et je lui en voulais presque d’écourter ces matins en partant nager. M. prend rarement son temps. Comme s’il était conscient d’une urgence qui m’échappait. Quand la soirée est bonne, je suis capable de tomber dans des gouffres temporels, oublier qu’il existe un lendemain, parler, danser, rire jusqu’à l’aube, jusqu’à l’épuisement. »

Extraits
« Des gens ont vu mourir la personne qu’ils aimaient, ils se sont habitués. Peut-être que si je reste allongée là, près de M. les choses finiront par s’améliorer. Peut-être que je suis en train de vivre le pire. Encore du vin. Pour faire passer le pire. Ça ira mieux demain. » p. 60

« M. était mon ami, c’était tout ce que je demandais, c’était tout ce que l’adolescente que j’étais demandait, «aussi léger à porter que fort à éprouver», celui à qui je pouvais tout dire, absolument tout, devant qui j’étais moins pudique qu’envers moi-même. Alors j’étais peut-être en train de fredonner une berceuse à un mort sur une montagne humide et blasée, prête à mourir moi-même d’une morsure de vipère, mais je l’avais eue, ma Harvest Moon. » p. 191

« — Je sais pas exactement… Je voulais… je voulais trouver autre chose pour lui, pas les funérailles classiques, je voulais qu’il soit bien, je voulais pas l’abandonner, je voulais pas le quitter mais maintenant je sais pas. Toute seule j’y arrive pas. Je pouvais pas affronter le regard de ma mère, ou de ma fille, je voulais pas les mêler à ça. On s’est aimés seuls tous les deux, je veux dire, dans notre coin, cachés, j’ai voulu continuer comme ça, le garder pour moi. Mais voilà, je suis fatiguée. Et puis il y a sa femme et son fils et tous les gens qui l’attendent et qui ne le voient pas revenir, je sais bien que je n’ai pas le droit de faire ça mais merde… » p. 202-203

À propos de l’auteur
DIEUDONNE_Adeline_DRAdeline Dieudonné © Photo DR

Adeline Dieudonné est née en 1982, elle habite Bruxelles. Elle a remporté avec son premier roman, La Vraie Vie, un immense succès. Multi-primé, traduit dans plus de 20 langues, ce livre a notamment reçu en 2018 le prix FNAC, le prix Renaudot des lycéens, le prix Russell et le prix Filigranes en Belgique ainsi que le Grand Prix des lectrices de ELLE en 2019. Il s’est vendu à 250 000 exemplaires. (Source: Éditions de l’Iconoclaste)

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Ce qui reste des hommes

KHOURY-GHATA-ce-qui_reste-des_hommes  RL_hiver_2021

En deux mots
Avançant en âge Diane réserve une tombe dans un cimetière. Un emplacement prévu pour deux personnes. Elle va alors chercher qui pourrait l’accompagner dans sa dernière demeure. Une mission que suit d’un œil amusé son amie Hélène, une veuve bien joyeuse.

Ma note
★★★ (bien aimé)

Ma chronique

Deux veuves et une tombe-double

Dans un roman aussi court que pétillant, Vénus Khoury-Ghata raconte le parcours de deux veuves, la première en quête d’un compagnon pour sa tombe, la seconde passant du bon temps avec celui qui pourrait avoir occis son mari. Loufoque et entraînant!

Voilà une histoire peu banale. Diane, après avoir vécu un épisode traumatisant à la mort de son mari – il a été enterré à la va-vite – décide de prendre les choses en main pour sa propre mort en allant réserver un emplacement dans un cimetière. Son choix va se porter sur un marbre rouge, comme sa robe, mais surtout sur une tombe à deux places. La boutade de son amie Hélène, «il ne te reste plus qu’à trouver celui qui t’accompagnera», va vite devenir une obsession pour la croqueuse d’hommes. Lequel de ses amants accepterait-il de partager son tombeau? Et puis d’ailleurs sont-ils toujours en vie? Comme elle n’a plus de nouvelles, voici Diane en chasse. Si son carnet d’adresses est rempli de numéros de téléphone obsolètes, il peut encore servir grâce aux mentions des rues et des villes et lui permettre de renouer certains fils par trop distendus. Grâce à une concierge, qui a gardé le courrier de son locataire, elle va par exemple en apprendre davantage sur ce sinologue, parti visiter l’Empire du Milieu sur les traces de Révolution culturelle de Mao et la longue marche, et qui pourrait fort bien accepter son étrange proposition.
Hélène, également veuve, regarde cette chasse à l’homme avec intérêt, même si elle a pour sa part choisi de profiter de la vie. Rentrant dans la maison où son mari a été assassiné, elle se retrouve nez à nez avec deux squatteurs qui se sont appropriés les lieux et pourraient fort bien ne pas être étranger au règlement de compte sanglant perpétré là près de deux décennies plus tôt. Surprise mais nullement effrayée, elle va accepter ces deux hôtes un peu particuliers, alors que les voisins commencent à jaser. Mieux, elle les accompagne au casino et règle leurs dettes! Une veuve joyeuse et délirante qui n’hésite pas non plus à pratiquer des séances de spiritisme, histoire de demander leur avis aux défunts. À moins que ce ne soit un fantasme. Car il se pourrait fort bien que son histoire ne soit que littérature, une matière servie à sa copine romancière: «Tu t’es toujours servie de ta vie et de celle de tes amis pour imaginer tes livres. La goutte d’eau devient océan, sous la plume. Que d’amis caricaturés, leur vie fouillée, étalée au grand jour, au nom de la littérature!»
Dans ce subtil jeu de miroirs, Vénus Khoury-Ghata joue avec les codes, avec la fiction et avec ses lecteurs. Ceux qui connaissent un peu sa biographie savent qu’elle a eu deux maris, le second enterré chez des amis après un décès brutal, et un compagnon et peuvent faire le rapprochement avec Diane. Mais ce serait aller vite en besogne, sauf peut-être ce besoin de placer la littérature au-dessus de tout. La littérature qui vous sauve en période de confinement. La littérature et peut-être la présence d’un chat. «Elle oubliait qu’elle était une femme, rechignait à faire l’amour, réservant l’orgasme aux héroïnes de ses romans.» Avec beaucoup d’humour, elle nous offre ce bel antidote à la solitude.

Ce qui reste des hommes
Vénus Khoury-Ghata
Éditions Actes Sud
Roman
126 p., 13,80 €
EAN 9782330144623
Paru le 4/02/2021

Ce qu’en dit l’éditeur
Diane, qui a atteint un âge qu’on préfère taire, se rend dans une boutique de pompes funèbres pour acheter une concession et se retrouve avec un emplacement prévu pour deux cercueils… La voilà qui recherche parmi les hommes qui l’ont aimée celui qui serait prêt à devenir son compagnon du grand sommeil. Un roman aussi grave que fantasque, qui mêle la vie et la mort, l’amour et la solitude, l’émerveillement et le chagrin.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
France tv infos (Valérie Oddos)
Actualitté (Victor de Sepausy)
L’Orient-Le Jour 1 (Fifi Abou Dib)
L’Orient-Le Jour 2 (Joséphine Hobeika)
RFI (Littérature sans frontières – Catherine Fruchon-Toussaint)
Mare Nostrum (Guillaume Sanchez)


Vénus Khoury-Ghata présente son nouveau roman Ce qui reste des hommes © Production TV5 Monde

Les premières pages du livre
« – Du marbre rouge alors que les tombes voisi¬nes sont noires ou grises, je vous le déconseille, madame.
L’employé de l’agence funéraire est catégorique. Mais ton choix est fait. Ton doigt revient sur le même échantillon : rouge méché de gris. Même couleur que la poitrine du rouge-gorge qui t’a regardée avec insistance ce matin à travers ta fenêtre.
Impatiente d’en finir, tu remplis le formulaire, si¬¬gnes puis te lèves.
– Une concession pour deux, précise-t-il en te raccompagnant à la porte.
Précision sans intérêt : tu y seras forcément seule, toi qui as si peur de la solitude.

Grand déballage de fleurs, boulevard Edgard-¬Quinet. Demain, la Toussaint ; après-demain, la fête des Morts. Des cadeaux d’anniversaire à deux sous. Des chrysanthèmes, comme si les morts ne méritaient pas mieux.
“Et pourquoi pas de l’herbe ? Ils n’ont qu’à brouter !” Tu maugrées, prise d’une colère incompréhensible.
Tant de douceur dans l’air. Septembre s’est faufilé dans l’automne. Par-delà le mur du cimetière, les feuilles d’un platane se prennent pour des petits soleils. Pourtant tu marches vite, comme on fuit : grande est ta hâte de quitter le boulevard des Morts.
Une robe dans une vitrine te cloue face à une boutique de la tour Montparnasse. Même rouge feu que ta pierre tombale : la soie copie la pierre.
Tu n’essaies pas, paies, retrouves la rue, traverses au feu rouge, pressée de rentrer avant la nuit.
Rares sont les taxis libres à cette heure du soir. Pas d’autobus qui mène à ton quartier. Pliée sous le poids du sac devenu soudain lourd, tu avances sous une pluie cinglante alors qu’il faisait beau une heure auparavant. Ta porte ouverte, tu poses le sac dans l’entrée, prends un bain puis te couches, trop fatiguée pour essayer la robe.

Sommeil agité, rêve oppressant. Tu marches dans la même rue que tout à l’heure, avec le même sac mais rempli à ras bord d’échantillons de marbre que tu dois livrer à un client dont tu as oublié le nom et l’adresse. Les passants s’écartent sur ton passage. Aucun d’eux ne propose son aide.

Réveillée, tu retrouves le sac là où tu l’as posé hier.
Vu dans la pénombre, il évoque un chat qui fait le gros dos.
La robe enfilée pèse lourd sur tes épaules. Une poussière rouge, du même rouge que la pierre tombale, se répand sur le parquet au moindre mouvement. Tu ne peux pas la garder. Tu vas la rendre à la boutique et demander du même coup au marbrier la date de livraison de la dalle.

Un tombeau à deux places, a-t-il dit.
Avec qui le partager ?
Question posée à ta première tasse de café du matin.
Divorcée, veuve et sans enfants, tu as perdu de vue les rares hommes qui t’ont aimée. Ta mémoire en a gardé quatre. Pas énorme, pour une vie. Tu aurais pu en compter plus si chaque veuvage n’était suivi d’une dépression de deux ans et chaque rupture de la décision de ne plus jamais aimer.
Quatre hommes éparpillés dans le même carnet de téléphone, jamais changé ou recopié en vingt ans.
Comment les retrouver et par quels mots leur expliquer la cause de ton appel ?
“Je viens de m’acheter une tombe dans un beau cimetière, ça te dit de partager ?”
Trop brutal.
“Il est vrai qu’on s’était mal quittés, mais il est temps de faire la paix. Pas de rancune de ma part. D’où ma proposition de t’installer pour l’éternité dans ma tombe. Gratis. Tu te déchausses et tu entres.”
Vulgaire.
Tu chercherais d’autres formules si le rouge-gorge d’hier ne venait se poser sur le rebord de ta fenêtre. Trois coups de bec rapides sur la vitre. Il réclame ses miettes de pain quotidiennes.
Vue de près, la tache rouge sur son poitrail te renvoie à une blessure sur une poitrine.

Opéré à cœur ouvert, Paul luttait contre la mort depuis vingt-trois jours dans le service de soins intensifs d’un hôpital parisien. On t’avait accordé deux minutes de visite, pas une de plus, et tu avais obéi.
“Sors-moi d’ici, ils veulent me tuer.”
Que d’efforts pour parvenir à prononcer ces quel¬ques mots, ses derniers, d’une voix hachée ! Les deux minutes écoulées, tu avais marché vers la porte puis crié “Je t’aime” de loin, sans te retourner.
“Je t’aime”, bonne réplique dans un mélodrame. À la différence que ce n’était pas du théâtre : Paul mourrait la nuit même. Rideau.

Paul était ton mari. Tu voulais faire des enfants avec lui, vieillir avec lui. La mort est inenvisageable quand on a une femme à aimer. N’étant propriétaire de rien dans aucun cimetière, Paul a été inhumé dans une tombe appartenant à des amis où tu n’auras pas ta place.
De lui, tu gardes une pipe en écume et des lunet¬tes, qu’il t’arrive encore de chausser pour savoir com¬¬ment il te voyait. Tu as également longtemps conservé son costume croisé, avant de le céder finalement à son ami Marc, qui tenait le rôle principal dans une pièce de Ionesco.
Tu as assisté à toutes les représentations. De dos, Marc dans le costume de Paul devenait Paul. Tu oubliais de respirer. De face, la magie cessait d’un coup. Tu étais la seule à ne pas l’applaudir lorsqu’il saluait. C’est tout juste si tu ne l’accusais pas de vol d’identité, de supercherie.
De retour dans sa loge, Marc se débarrassait vite du costume du mort, comme on le fait d’un person¬nage qui vous est imposé.
La pièce ayant fait son temps et Marc s’étant re¬¬trouvé au chômage, Paul est redevenu un mort parmi d’autres.

Toujours la même rage et le même sentiment d’im¬¬puissance quand tu penses à lui enterré chez des étrangers. Toujours la même déception face à la robe achetée sans l’avoir essayée. Comment expliquer la poussière rouge et grise qui tombe de l’ourlet ?
Un rouge noirâtre comme du sang séché, un gris à la texture de cendre.

La propriétaire du magasin n’est pas étonnée de te voir revenir avec la robe.
– Vous n’êtes pas la seule dans votre cas. D’autres clientes ont eu la même mésaventure. On n’entre pas dans ma boutique après un passage à la marbrerie funéraire. L’explication est simple : le marbre scié saigne. Ce qu’on prend pour de la poussière rouge est son sang.
Elle ne reprend pas la robe mais te conseille de t’en débarrasser, de préférence dans une benne de chantier.
– Les autres pierres seront libres de l’accepter ou de la rejeter.
– C’est ton prochain roman ? Un sujet en or. Il te reste à l’écrire. Un roman d’amour, cette fois, et surtout pas de poésie. Écris comme on parle.
Du délire, pour Hélène, la robe qui vomit de la poussière et le marbre qui saigne. Seule la tombe à deux places mérite son attention :
– Tu auditionnes les quelques hommes qui t’ont aimée et tu choisis le moins encombrant pour te tenir compagnie là où tu sais. »

Extrait
« Et si ton histoire de robe assortie à ta pierre tombale n’était qu’un subterfuge pour écrire un nouveau roman? Tu t’es toujours servie de ta vie et de celle de tes amis pour imaginer tes livres. La goutte d’eau devient océan, sous la plume. Que d’amis caricaturés, leur vie fouillée, étalée au grand jour, au nom de la littérature! “Du moment qu’ils ne lisent pas, me disais-tu. Les hommes de notre société sont trop occupés à gagner de l’argent, les femmes à Le dépenser.” » p. 55

À propos de l’auteur
KHOURY-GHATA_venus_©Catherine_HelieVénus Khoury-Ghata © Photo Catherine Helie

Née au Liban, Vénus Khoury-Ghata vit à Paris depuis 1972. Romancière et poète, elle est l’auteure d’une œuvre importante que plusieurs prix littéraires ont récompensée. Chez Actes Sud, elle a publié une Anthologie personnelle de poésie (1997) ainsi que quatre romans : La Maestra (1996 ; Babel n°506), Le Moine, l’Ottoman et la Femme du grand argentier (2004 ; Babel n°636), Une maison au bord des larmes (2005 ; Babel n°676) et La Maison aux orties (2006 ; Babel n°873). (Source: Éditions Actes Sud)

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Rien que la mer

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En deux mots
Le destin d’une femme bascule dans un petit port de Bretagne. Son mari la quitte lâchement. C’est sans doute le même sentiment que son père a dû partager lorsqu’il s’est retrouvé piégé à Mers-el-Kébir quelque soixante années auparavant. Voici la chronique de deux défaites avec la mer pour trait d’union, rien que la mer.

Ma note
etoileetoileetoile(beaucoup aimé)

Rien que la mer
Annick Geille
Éditions de La Grande Ourse
Roman
240 p., 18 €
EAN : 9791091416481
Paru en octobre 2016
Prix Encre marine 2016

Où?
Le roman se déroule principalement en Bretagne, à Sainte-Anne-la-Palud, à Saint-Malo, Quimper, Douarnenez. On y évoque l’Algérie avec la bataille de Mers-El-Kébir et la pointe Sud du continent américain partant vers l’Antarctique.

Quand?
L’action se situe de nos jours ainsi qu’en 1940.

Ce qu’en dit l’éditeur
3 Juillet 1940, baie d’Oran. Vers 18 heures, un déluge de feu s’abat sur la flotte française confinée dans le port de Mers el-Kébir. Quelques minutes d’un combat intense suffisent à ouvrir les portes de l’enfer. Brûlés, noyés, asphyxiés, 1297 marins trouvent la mort ce jour-là.
Seul le Strasbourg, croiseur de bataille commandé par le capitaine de vaisseau Collinet, réussit par une brillante manœuvre à appareiller sans être touché. A son bord, parmi les rescapés du massacre, Francis, radio de bord, Breton comme la plupart. Miraculé, traumatisé par ce qu’il considère comme un assassinat, il n’oublie rien. Pas à pas il reconstruit sa vie.
Quelque 60 ans plus tard, juillet toujours, tiédeur d’un soir d’été dans un petit coin perdu de Bretagne. Au Petit Hôtel du Grand Port, une femme attend son mari ou plutôt non, elle ne l’attend plus. Il est trop tard, il est parti. Ses pensées se succèdent en vrac. Pour ne pas mourir, elle fait front.
Et puis la Mer, porteuse d’Histoire et de Mémoire. La Mer, symbole de ces deux destins liés à tout jamais.
« Un jour, l’ancien marin s’est laissé couler ; j’en fus si éprouvée que j’ai voulu lui bâtir une sépulture par la littérature » A.G.

Ce que j’en pense
Si du côté de Jacques Brel la valse à trois temps peut encore «s’offrir des détours
du côté de l’amour», celle que nous propose Annick Geille est à l’opposé. Ici, rien n’est charmant. Le premier temps de cette valse se déroule en Bretagne sur la terrasse d’un hôtel de bord de mer. Une femme y attend son mari en regardant les personnes qui l’entourent, en laissant vagabonder son esprit sur leurs quelque vingt années de vie commune. Le temps passe et Pierre n’arrive toujours pas. Le maître d’hôtel s’approche alors : «– Madame, croyez que je suis désolé. J’ai un message à vous transmettre. Monsieur ne reviendra pas. Il a réglé la note du dîner, la chambre, ainsi que le petit déjeuner. Il m’a prié de vous avertir du fait qu’il ne reviendra jamais. Il vous exprime ses regrets, et vous souhaite bonne chance. Je suis désolé, madame, une chose pareille ne nous est jamais arrivée et si vous… »
À la brutalité de cette annonce les quelques mots qu’elle trouvera dans leur chambre ne pourront mettre du baume sur son cœur meurtri. Elle part à son tour, va retrouver son père malade.
Le second temps de la valse est tout aussi noir. Refaisant le chemin en marche-arrière, elle retrouve l’histoire familiale et l’épisode qui aura permis à son père de rencontrer sa mère. Nous sommes à quelques encablures de Mers el-Kébir en juillet 1940. La flotte anglaise va torpiller les bâtiments de la marine française, faisant quelque 1300 morts. Parmi les rescapés figure l’équipage du Strasbourg commandé par le capitaine de vaisseau Collinet et notamment Francis, ce père qui ne se remettra jamais vraiment de ce traumatisme, de ces camarades morts à quelques mètres de lui.
Pour sa fille, il est désormais urgent de lui dire combien elle l’aime. Un sentiment qu’elle a eu tant de mal à extérioriser, notamment du fait d’une mère possessive, accaparante. Mais elle arrivera trop tard.
Le troisième temps de la valse est celui d’un possible apaisement. À la violence et à la brutalité, au chagrin et au deuil succèdent maintenant une sorte de chemin vers la liberté. Pour cela, il faut offrir la sépulture dont il rêvait à son père, réaliser son rêve d’évasion. La procession vers Sainte-Anne-la-Palud est bouleversante. Elle ouvre d’autres horizons. La fille du marin a compris qu’elle sera sauvée par la mer. Rien que la mer…
Au-delà de l’hommage à ce père disparu, c’est bien le combat d’une femme qu’Annick Geille nous offre de suivre dans ce roman. Une femme qui va relever la tête. Une femme qui sait qu’une valse n’a pas trois temps, mais mille temps.

Autres critiques
Babelio
L’Express (Marianne Payot)
Viabooks (Olivia Phelip – entretien avec l’auteur)
Franceinfo (Le livre du jour – Philippe Vallet)
Paris Match (Edith Serero)
Blog Muze (Stéphanie Janicot)

Les premières pages du livre

Extrait
« Elle fit le tour du parking, qui était vaste, étudiant chaque véhicule. Rien. Il était vraiment parti. Elle n’en éprouva aucun étonnement, se trouvant juste assez sotte d’avoir pu imaginer qu’il en fût autrement. Le maître d’hôtel devait à présent raconter l’histoire en cuisine. Une séparation dans laquelle il avait joué un rôle. Il avait eu l’air sincèrement désolé. Et même s’il ne l’était pas, même si tous riaient d’elle à présent, car celui qui restait avait toujours l’air idiot, dans le fond, qu’est-ce que cela pouvait bien faire? »

A propos de l’auteur
Annick Geille, écrivain, critique littéraire et journaliste, a été rédactrice en chef de Playboy (la plus jeune rédactrice en chef de France). Elle a écrit de nombreux romans, dont Un amour de Sagan, Pour lui. Elle a obtenu le Prix du Premier Roman pour Portrait d’un amour coupable et le Prix Alfred-Née de l’Académie française pour Une femme amoureuse. Elle siège au Prix Freustié et au Prix du Premier Roman. Rien que la mer est son onzième roman. (Source : Éditions de La Grande Ourse)

Site Wikipédia de l’auteur 
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