La chair

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En deux mots
Soledad a 60 ans. Elle s’offre les services d’un gigolo pour se prouver que sa vie amoureuse n’est pas terminée. Ce faisant, elle se prend dans un drôle d’engrenage…

Ma note
etoileetoileetoile (beaucoup aimé)

La chair
Rosa Montero
Éditions Métailié
Roman
traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse
196 p., 18 €
EAN : 9791022605403
Paru en janvier 2017

Où?
Le roman se déroule à Madrid et dans sa banlieue. On y évoque aussi un voyage à Barcelone et Bahia, au Brésil ainsi que le village de Janty, à côté de Niagan en Russie.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Pas facile d’accepter son âge quand on a soixante ans, qu’on vit seule et que votre amant vous quitte pour faire un enfant avec sa jeune épouse. Soledad engage donc un gigolo de trente ans pour l’accompagner à l’opéra et rendre jaloux le futur père. Mais à la sortie, un événement inattendu et violent bouleverse la situation et marque le début d’une relation trouble, volcanique et peut-être dangereuse.
Soledad se rebelle contre le destin avec rage et désespoir, avec humour aussi, et le récit de son aventure se mêle aux histoires des écrivains maudits de l’exposition qu’elle prépare pour la Bibliothèque nationale.
La Chair est un roman audacieux et plein de surprises, l’un des plus subtils et personnels de l’auteur. Son intrigue touchante nous parle du passage du temps, de la peur de la mort, de l’échec et de l’espoir, du besoin d’aimer et de l’heureuse tyrannie du sexe, de la vie comme un épisode fugace au cours duquel il faut dévorer ou être dévoré. Le tout dans un style allègrement lucide, cruel et d’une ironie vivifiante.
Une grande romancière décortique avec acuité et humour les sentiments d’une séductrice impénitente aux prises avec les ravages du temps qui passe.

Ce que j’en pense
« Cher lecteur, j’aimerais te demander un service. Et il s’agit de garder le silence. La tension narrative de ce roman repose sur l’erreur de croire que, dans la relation entre Soledad et Adam, le personnage potentiellement dangereux est…(…) si, on le raconte, la structure, le rythme et le mystère du texte tombe à l’eau. Un grand merci. » Il est bien rare qu’un auteur s’adresse en postface à son lecteur et plus rare encore qu’il l’enjoigne de ne quasiment rien révéler de son roman. La tâche du chroniqueur devient alors difficile. Je vais toutefois essayer de relever le défi, essayer tout à la fois de vous faire aimer La Chair tout en respectant le vœu émis par Rosa Montero de ne pas trop en dire.
Soledad a soixante ans. Un âge ingrat, surtout lorsque l’on vient d’être quittée et que l’on se retrouve seule au moment d’aller à l’opéra où le traître sera présent avec sa nouvelle conquête. Surtout lorsque l’on prend soin de s’étudier face au miroir: « Le corps était une chose terrible, en effet. La vieillesse et la détérioration s’y tapissaient insidieusement et l’intéressé était souvent le dernier à l’apprendre, comme les cocus du théâtre classique. »
Mais Soledad a des ressources. Elle gagne bien sa vie, prépare une nouvelle exposition sur le thème des artistes maudits, et décide d’avoir recours aux services d’un gigolo qu’elle trouve sur le site AuPlaisirDesFemmes.com et qui lui servira de chevalier servant pour ses sorties. Le jeune Russe est non seulement beau, mais charmant et attentionné et Soledad va finir va se laisser prendre au jeu. Tout en sachant que sa relation n’est pas amoureuse, qu’elle paie pour un service, elle va avoir envie d’y croire. Elle va passer beaucoup de temps à se faire belle, va avoir envie de faire des cadeaux à son jeune amant, un téléphone portable, une garde-robe, des repas dans les grands restaurants. « Elle commençait à se sentir désespérée qu’ils ne se retrouvent que pour faire l’amour, que leur relation reste enfermée dans la cage étroite de la clandestinité et de la routine. » Du coup, cette relation tarifée va virer à l’obsession. Elle va chercher à en savoir plus sur le beau gigolo, suit son emploi du temps à la minute, fait le guet devant son immeuble de la banlieue de Madrid, le piste durant ses déplacements. Un jour, elle le voit avec une métisse et un enfant, alors qu’il affirmait vivre seul. Pour en avoir le cœur net, elle va même endosser le rôle d’un agent de recensement pour faire du porte à porte dans l’immeuble.
Du coup, on se demande si le piège n’est pas en train de se refermer sur elle. Ne devient-elle pas dépendante, «folle» de son amant. Un peu à l’image de ces écrivains maudits qu’elle étudie et dont elle nous raconte les errements. Dans cette galerie, outre Philip K. Dick et Anne Parry, on trouve William Burroughs, Maria Luisa Bombal et Maria Carolina Geel, deux femmes écrivaines chiliennes du XXe siècle qui ont tué leur amant, Maria Lejáragga qui a laissé son mari endosser la paternité de son œuvre, sans oublier Josefina Aznárez, dont on aurait bien aimé qu’elle existât. Cette femme qui se fait passer pour un homme et dont la supercherie, au moment d’être découverte, va l’entraîner vers une fin tragique mériterait un roman à elle toute seule ! Mais comme promis, je n’en dirai pas davantage. Ayant commencé cette chronique par la postface, je la conclurai par le début, par une définition de la vie à la Soledad : « « La vie est un petit espace de lumière entre deux nostalgies : celle de ce que vous n’avez pas encore vécu et celle de ce que vous n’allez plus pouvoir vivre. »

Autres critiques
Babelio
Libération (Alexandra Schwartzbrod)
Le Point (Sophie Pujas)
En attendant Nadeau (Albert Bensoussan)
Le Matricule des Anges (Martine Laval)
Transfuge (Charlotte Persicaire)
ActuaLitté (Cécile Pellerin)
Lesuricate.org (Emmanuelle Lorriaux)
Blog Le chat qui lit 
Blog Parenthèse de caractère(s)

Les premières pages 

Extrait
« “Bonjour, j’aimerais engager un accompagnateur pour le 2 du mois prochain. Plus exactement, je voudrais que ce soit Adam. J’aurais besoin que le rendez-vous soit pour 19h 30 au Café de Oriente, Plaza de Oriente, pour faire connaissance. De là nous irions au Teatro Real juste à côté, pour voir un opéra. La représentation dure 4h 20 avec les entractes, donc nous sortirions vers 00h 30 au plus tard. Le travail s’arrête là et Adam peut s’en aller. Combien cela me coûterait-il, s’il vous plaît?”
Elle espérait que, s’agissant d’une rencontre non consommée, on lui baisserait un peu le prix, mais la réponse tomba dans sa boîte avec une rapidité surprenante, compte tenu du fait qu’il était trois heures du matin, et une coriace indifférence aux circonstances: “Bonsoir, nous pensons qu’il n’y aura pas de problème mais nous devons le confirmer demain avec Adam, d’après ce que vous dites cela fait cinq heures, donc le prix serait de 600 euros.” » (p. 13)

À propos de l’auteur
Rosa Montero est née à Madrid où elle vit. Après des études de journalisme et de psychologie, elle entre au journal El País où elle est aujourd’hui chroniqueuse. Best-seller dans le monde hispanique, elle est l’auteur de nombreux romans, essais et biographies traduits dans de nombreuses langues, parmi lesquels La Fille du cannibale (prix Primavera), Le Roi transparent et L’Idée ridicule de ne plus jamais te revoir. (Source : Éditions Métailié)

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Focus Littérature

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Duane est amoureux

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Duane est amoureux
Larry McMurtry
Sonatine
Roman
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sophie Aslanides
233 p., 18 €
ISBN: 9782355842795
Paru en mars 2015

Où?

L’action de déroule aux Etats-Unis, principalement au Texas, dans la région de Thalia, Wichita Falls, avec un voyage au Caire et un autre à Boston, pour finir à Patagonia en Arizona.

Quand?

Le roman se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur

Après Duane est dépressif, le héros culte de Larry McMurtry nous revient : il a vieilli, il a pris des coups, mais reste néanmoins ouvert à toute proposition, de préférence indécente.
Duane a 64 ans. Il a perdu sa femme dans un accident de voiture, et ne s’en remet pas. Réalisant un vieux rêve, il est parti en Égypte pour tenter de soulager son chagrin, mais le retour à Thalia, la petite ville texane où il a passé toute sa vie, s’avère bien difficile : ses amis sont partis (quand ils ne sont pas morts), son entreprise, désormais dirigée par son fils Dickie, se porte très bien sans lui, ses filles l’ennuient et son cœur est en train de le lâcher.
Heureusement, il y a l’amour… ou plus précisément la poitrine d’Annie Cameron, une jeune géologue particulièrement affriolante embauchée par son fils, et qui ne semble pas insensible aux charmes de notre héros. Il y a aussi Honor Carmichael, sa psychanalyste lesbienne, avec laquelle Duane s’est lancé dans une sorte de défi aux lois de l’attraction.
Jim Harrison a écrit à propos de Larry McMurtry : « Son talent est démesuré, aucun de ses romans ne peut vous laisser indifférent. » On comprendra pourquoi à la lecture de ce roman au style inimitable, débordant d’humour et d’une incroyable humanité.

Ce que j’en pense
***

Le nouvel opus de Larry McMurtry ravira non seulement tous ceux qui connaissent déjà le personnage de Duane, mais aussi tous ceux qui, comme moi, le découvriront avec ce roman. L’auteur du Secret de Brokeback Mountain a en effet déjà publié en 2013 dans sa version française un Duane est dépressif que l’on imagine volontiers aussi réussi.
Duane est un pétrolier texan de 64 ans qui, quand débute le roman, revient d’un voyage en Egypte où il y pu admirer les pyramides et essayer d’oublier la mort de sa femme. Sa société est aux mains de ses enfants, même s’il a conservé un bureau et n’hésite pas à rendre visite de temps à autre aux employés qu’il a, pour la plupart, engagés.
Cette fois la surprise s’appelle Annie Cameron, une nouvelle collaboratrice chargée d’évaluer le potentiel des anciens puits. Ce ne sont pourtant pas ses diplômes ni ses qualités professionnelles qui vont l’intéresser, mais ses seins. Le trouble que cette poitrine va provoquer chez lui va s’accroître encore quand il va entendre qu’Annie sera sa prochaine épouse.
Mais pour l’heure Duane doit plutôt composer avec son deuil, la chaleur des routes texanes – sur quand on décide de les emprunter à vélo – et la peur de retrouver sa maison, chargée de souvenirs.
Mais entre la gestion des caractères bien différents de ses enfants, ses séances chez sa psy, une attaque cardiaque et des nuits passés dans une cabane qu’il a fait construire en périphérie de la ville, il va tout de même parvenir à se rapprocher de la jeune géologue.
Ce qui fait le piment de ce roman, c’est d’abord son style. Duane raconte sa vie de sexagénaire avec de nombreux détails et avec une sorte de détachement sans doute dû à l’âge. On passe de la mécanique à la mécanique des sentiments, des grandes certitudes aux petits doutes, des relations compliquées à des rapports d’une simplicité enfantine. Bien entendu, ce jeu des contrastes fait merveille pour désamorcer les situations critiques. Si le drame couve tout au long des pages, c’est bien la légèreté des choses qui l’emporte. Et finit par emporter le lecteur.

Autres critiques
Babelio
Le Figaro (Chronique d’Eric Neuhoff)
Blog Miss Alfie
LeBerry.fr

Extrait
« Au fait, Ruth, qui est cette Anne Cameron qui semble diriger le bureau de Thalia, maintenant ?
– Elle ne dirige pas le bureau, dit Ruth. Elle est géologie – elle est diplômée du MIT et de Caltech aussi. Et à moins que je ne me trompe, elle sera aussi ta prochaine femme.
– Cette fille ? Pas question, dit Duane. Elle est plus jeune que mes filles, beaucoup plus jeune.
– Et alors ? fit Ruth. La plupart des hommes de ton âge épousent des femmes qui sont plus jeunes que leurs filles. C’est tout à fait normal.
– Même si c’est le cas, peut-être que je ne veux pas de prochaine femme, dit Duane un peu trop fort.
– Non, tu préfères prendre des douches chez moi plutôt que de regarder la situation en face, à savoir que Karla est morte et tes enfants sont grands et partis. Tes petits-enfants sont partis aussi, et ils sont presque adultes désormais. Tu es un père de famille régnant sur un nid vide. Ce qu’il te faut, c’est fonder une nouvelle famille avec une jeune géologue intelligente qui a deux ou trois diplômes. Et pas besoin de crier contre moi, lui rappela Ruth. »

A propos de l’auteur
Larry McMurtry est né en 1936 à Wichita Falls. Romancier, essayiste et scénariste, il a reçu un Oscar pour Le Secret de Brokeback Mountain. Son roman Lonesome Dove a obtenu le prix Pulitzer en 1986. Il vit à Archer City, au Texas, où il a ouvert une des plus grandes librairies indépendantes des États-Unis. Après La Dernière Séance, Texasville et Duane est dépressif, Duane est amoureux est son quatrième roman mettant en scène Duane Moore, interprété au cinéma par Jeff Bridges. (Source : Editions Sonatine)

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