l’enfant céleste

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Sélectionné par les « 68 premières fois »

 

En deux mots
Pierre vient de quitter Mary, la laissant en plein désarroi. Du côté de son fils Célian, ça ne va pas fort non plus. Il a de la peine à se concentrer à l’école. Des maux qu’ils vont tenter de panser en effectuant un voyage sur l’île de Ven, sur les pas de l’astronome Tycho Brahe, dont ils ont lu l’histoire.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Le voyage initiatique de Mary et Célian

Dans son premier roman Maud Simonnot raconte la passion commune d’une mère et son fils pour l’astronome Tycho Brahe. Une passion qui va les pousser à entreprendre un voyage riche de surprises et d’émotions sur l’île de Ven.

Mary a du vague-à-l’âme. Pierre vient de la quitter avec un message sibyllin et son fils Célian a beaucoup de peine à l’école. Il rêve et est rapidement déconcentré. Il est cependant loin d’être stupide, se passionnant pour la nature qui l’environne et pour les étoiles du ciel. Il aime par-dessus tout l’histoire de Tycho Brahe (1546-1601) que lui raconte sa mère. Cet astronome danois aura connu bien des misères avant d’entrer dans la postérité grâce notamment à Kepler qui s’est appuyé sur son héritage.
Convoquée une énième fois par son école et fatiguée nerveusement, elle prend une grande décision: «je vais demander un congé, louer l’appartement, déscolariser Célian pour le temps qui reste avant les vacances d’été, et nous allons partir sous un ciel où nous respirerons mieux. Même si fuir ne résoudra ni les blessures de l’enfance ni celles de l’amour, tant pis, je ne peux pas continuer de me laisser aller ainsi à cette dévoration mélancolique.»
Commence alors la seconde partie du roman qui se déroule sur l’île de Ven, cette sur laquelle Tycho Brahe a fait édifier son château-laboratoire dont il ne reste rien aujourd’hui. En revanche, le lieu reste un endroit magique pour Célian et Mary auquel Maud Simonnot donne tour à tour la parole pour qu’ils nous transmettent leur vécu. Grâce à Solveig, qui les accueille chez elle, ils vont pouvoir enrichir leurs connaissances et développer leur imaginaire. Si quelques failles viennent ternir le portrait de l’astronome, ils trouvent quelques clés dans son musée et quelques interrogations. Comment a-t-il pensé à appeler l’île Uraniborg avant même la découverte d’Uranus? Et comment les personnages de l’Hamlet de Shakespeare ont-ils des noms inspirés des études menées ici? Les deux hommes se connaissaient-ils? Célian a peut-être la clé du mystère, lui qui adore parcourir la lande, s’émerveiller devant une mousse rose, regarder le ciel et la mer ou les oiseaux. «Voir l’invisible… J’ai passé des années à rêver à la destinée dramatique de Tycho Brahe, des journées entières à pédaler à la recherche de ces trésors et de ces débris que laissent derrière eux les hommes, de sorte que son nom sera toujours lié à l’esprit des lieux, aux forêts s’étendant à perte de vue dans la lumière de Ven, et à cet été en compagnie de Célian. Mais c’est en le regardant à l’affût, lisant l’immobilité apparente du paysage comme je serais incapable de le faire, que j’ai enfin saisi ce qui m’avait fascinée dans l’histoire de Tycho Brahe, plus encore que l’incroyable château, le nez en or ou ses découvertes scientifiques: il a su voir dans le Ciel ce que personne n’avait vu.»
Si le récit est parfaitement documenté, c’est d’abord le cheminement intérieur de la mère et de son fils que Maud Simonnot nous propose de partager, avec des mots simples, mais qui n’excluent pas la poésie. Amour, émerveillement et ouverture aux autres forment les clés de leur initiation.
Ils sont prêts à rentrer.

L’Enfant céleste
Maud Simonnot
Éditions de l’Observatoire
Roman
176 p., 17 €
EAN 9791032913697
Paru le 19/08/2020

Où?
Le roman est situé principalement sur l’île de Ven, proche de Copenhague mais appartenant à la Suède.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Sensible, rêveur, Célian ne s’épanouit pas à l’école. Sa mère Mary, à la suite d’une rupture amoureuse, décide de partir avec lui dans une île légendaire de la mer Baltique. C’est là en effet qu’à la Renaissance, Tycho Brahe – astronome dont l’étrange destinée aurait inspiré Hamlet – imagina un observatoire prodigieux depuis lequel il redessina entièrement la carte du Ciel.
En parcourant les forêts et les rivages de cette île préservée où seuls le soleil et la lune semblent diviser le temps, Mary et Célian découvrent un monde sauvage au contact duquel s’effacent peu à peu leurs blessures.
Porté par une écriture délicate, sensuelle, ce premier roman est une ode à la beauté du cosmos et de la nature. L’Enfant céleste évoque aussi la tendresse inconditionnelle d’une mère pour son fils, personnage d’une grande pureté qui donne toute sa lumière au roman.

68 premières fois
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Les autres critiques
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Maud Simonnot présente L’enfant céleste © Production Librairie Mollat

Les premières pages du livre
« Dès sa naissance on le sait.
On se dit que cet enfant-là est différent.
Pourtant on ne le formule pas, on vient d’une famille pudique, et puis bien entendu toutes les mères doivent éprouver ce sentiment d’être devant un être singulier, forcément merveilleux.
On le tient entre ses deux mains, ce nourrisson réfugié dans une noix, si petit, si doux. Les reflets d’or clair de ses cheveux. Et ce regard un peu voilé qui ne le quittera plus. Lunaire. Oui c’est ça, un enfant céleste.

Nous traversons le fleuve et marchons jusqu’au Jardin des Tuileries. Un filet d’air fait bouger les arbres empoussiérés, la blancheur du sol nous éblouit. Nous nous sourions, comme étonnés de pouvoir être là, ensemble sous les feuillages, une saison de plus.
Paris déserté, les bancs alignés entre les tilleuls et les marronniers rouges, les rayons du soleil déclinant derrière les statues, les marches de l’escalier où nous ne cessons de nous arrêter pour nous embrasser : l’avenir nous appartient.
Quelques jours plus tard je recevrai ce message de Pierre : « Je n’aurais pas voulu mettre de tristesse dans ta vie mais je voudrais qu’on arrête. »
Et cette phrase, qui me pulvérise : « Je ne peux pas faire l’amour sans amour. »
Il n’y aura jamais d’autre explication.

Célian
La maîtresse a dit à ma mère que c’étaient des caprices, des fausses excuses tout ça, que je ne veux juste pas travailler, que je n’écoute jamais.
Maman a répondu : « Déconcentré ce n’est pas dissipé. » La maîtresse a haussé les épaules. Elle est convaincue que je suis un touriste, c’est le mot qu’elle a employé hier. Rosalie en a parlé à son père psy. Ça n’a pas loupé, il l’a répété à ma mère et elle a immédiatement demandé à voir la maîtresse. Mais ça sert à rien.
La maîtresse précédente était gentille. En plus elle s’appelait Madame Renard. Une semaine après la rentrée elle m’avait demandé ce que j’aimais. J’avais dit : « Les Shadoks ». Un lundi elle avait distribué des cartes qu’elle avait fabriquées pour nous apprendre à compter en GaBuZoMeu. Elle m’avait aussi nommé responsable de l’herbier de la classe. Depuis on en a commencé un autre avec Maman. Je ramasse des feuilles, je cherche leurs noms, et elle les peint.
Quand elle sort ses crayons et ses pinceaux je m’assois en face d’elle, je la regarde à travers le verre. Au moment où elle plonge son pinceau dans l’eau ça forme un nuage coloré qui se dilue lentement.
Aujourd’hui elle dessine un papillon pour moi. Elle découpe les antennes, fonce un peu le bleu au bord du dessin. Elle arrondit les ailes sur son doigt. Voilà, on dirait un vrai argus. Vole vole papillon.

« Avez-vous déjà eu le sentiment d’être abandonnée ? »
La phrase de Marceline m’est revenue tandis que, assise sur les marches en haut du cimetière de ma ville natale, je contemplais les tombes et le lac artificiel au-delà.
Un ami m’avait convaincue d’aller consulter cette psychanalyste malgré ma réticence à déballer mes rêves sur un divan à une personne qui finirait immanquablement par m’interroger sur ma petite enfance et mon rapport à mes parents.
Rue du Paradis il fallait franchir un porche, sonner à un interphone dissimulé sur le côté, se présenter. La première fois, partie dans le mauvais sens à la sortie du métro, je suis arrivée essoufflée, en retard. À l’interphone j’ai décliné mon identité, il y a eu un silence puis mon interlocutrice a été prise d’une quinte de toux et m’a dit dans un étranglement de gorge : « Je ne sais pas qui vous êtes mais montez. » À l’étage la porte était ouverte, il suffisait de la pousser. « Venez, venez. » Est apparue dans le salon une minuscule bonne femme, les cheveux roux, les pieds nus, déformés, qui avait du mal à marcher. « Entrez donc. » J’ai répété mon nom et mon prénom. « Ah oui Mary, il fallait me dire votre prénom, les noms je ne les retiens pas. » En la suivant dans une pièce surchargée de tapis et d’objets orientaux, je me suis demandé quel âge pouvait bien avoir Marceline, et pourquoi elle continuait de prendre des patients. À l’entendre tousser non-stop, à la voir évoluer si difficilement, on se disait que la vieille fumeuse devait être prête à mourir.
Lors de cette séance j’ai parlé du chagrin d’amour qui m’amenait. À la deuxième séance la psychanalyste a essayé de m’interroger sur ma petite enfance et mon rapport à mes parents, j’ai aussitôt décidé de ne jamais remettre les pieds ici. Puis Marceline s’est mise à tousser après avoir allumé une cigarette, j’ai cru qu’elle allait succomber devant moi et eu pitié. C’est exactement ce que j’ai ressenti : je ne pouvais pas lui faire ça.
À la troisième séance, j’ai réuni mon courage pour lui annoncer ma décision d’arrêter, et je suis rentrée chez moi, soulagée de m’être tirée d’affaire, me promettant qu’on ne m’y reprendrait pas. J’aurais dû m’y attendre, je connaissais le discours freudien – « votre expérience amoureuse désastreuse s’explique par une enfance dysfonctionnelle, une psyché insuffisamment consciente d’elle-même… » –, cette obsession à vouloir dénicher une origine dans le passé, comme si en plus de sa peine il fallait encore chercher en quoi on était responsable de son malheur. Pourtant je dois reconnaître que parmi quelques lieux communs Marceline avait dit deux choses qui avaient résonné en moi. Tout d’abord une révélation essentielle, à savoir que Pierre souffrait probablement aussi de cette situation. Et cette question bateau qui s’était engouffrée dans une brèche : « Avez-vous déjà eu le sentiment d’être abandonnée ? »
J’ai inspiré profondément avant de regarder, tout en bas du champ des pleurs, la tombe de cet homme, mon père, qui s’était suicidé quand j’avais sept ans, me laissant la fin de l’enfance pour tout héritage.
J’avais eu des difficultés à trouver sa tombe lorsque je m’étais résolue à m’y rendre enfin quelques années après sa disparition. Elle était tout près de celles des bébés, dans l’allée qui bordait le cimetière le long du lac. J’ai déposé un caillou sur la dalle de granite rose. Je lui ai rapporté des pierres rondes et polies des plages du monde entier. J’en ai toujours une avec moi, dans les poches de mes vestes, au fond de tous mes sacs. Les tourner et les retourner entre mes doigts me calme, leur contact me raccroche à la réalité ou au contraire permet de m’en dissocier.

Au moment de franchir la grille en fer de l’entrée, j’ai fait demi-tour pour pénétrer dans le carré où l’on se débarrasse des fleurs fanées et des vases brisés. D’aussi loin que je me souvienne je revois ma mère relevant précautionneusement les pots jetés, secouant les mottes de terre et récupérant des fleurs parfois encore en boutons. À chaque visite au cimetière, notre jardin s’agrandissait de quelques cyclamens, primevères, ou dahlias rendus à une nature anarchique. J’ai tenu un pot de pâquerettes contre moi, figée face à l’étendue d’eau.

Célian
Maman. Je t’aime beaucoup tu sais.
Dans ta chambre d’enfant rien n’a bougé. Je me mets sous l’édredon. Je regarde les rayures vertes des murs, les coquillages et les branches de corail, ta collection des premiers numéros de La Hulotte, un lucane mâle dans un bocal.
J’ai lu l’album sur les Découvreurs du Ciel posé vers ton lit, peut-être qu’on pourrait l’emporter à Paris ? Mon chapitre préféré c’est celui sur Tycho Brahe. Granny a trouvé ça drôle car ce scientifique te fascinait aussi quand tu avais mon âge. Il paraît que tu voulais être astronome. Je me demande pourquoi tu as choisi un autre métier finalement.
Moi je sais ce que je voudrais faire. Et je ne changerai pas d’avis.
« Regarde ce que j’ai sauvé. » Ma mère, entourée de ses chats, absorbée par sa couture, lève les yeux. Je lui tends les fleurs. « Tu viens du cimetière, c’est bien. » Un silence pesant. Puis sa gaieté reprend le dessus : « On appelle Célian et on va les mettre vers les aubépines ? »
En l’accompagnant dans ce jardin qu’elle créé par tous les temps, je songe que la vitalité organique des plantes doit être un remède à la mélancolie. Se fondre dans la simplicité d’un jardin, retrouver chaque jour cette nature généreuse, est peut-être une façon de consentir encore au monde.
J’avais fait découvrir à Pierre les polaroids de Cy Twombly sur des pivoines, des choux, des citrons… Alors que je l’interrogeais sur son travail, il m’avait répondu qu’il ressentait une lassitude nouvelle à écrire des histoires. Ça m’avait peinée mais je l’avais taquiné en lui disant qu’il pourrait toujours se consacrer à la poésie, ou à la photographie. L’idée lui avait plu. Un matin nous avions feuilleté un catalogue d’exposition de Twombly que je venais d’acheter, et admiré les images de pétales roses qui envahissaient les pages en gros plans vaporeux, clichés fanés aux airs proustiens.
Je lui avais aussi confié que le Morvan me manquait terriblement. J’étouffais au milieu de ce béton, le bruit m’assourdissait. Aux saisons intermédiaires, surtout, si peu marquées dans des villes où toutes les plantes semblent être condamnées à apparaître et disparaître dans un même mouvement accéléré, je rêvais de regagner l’espace de ma campagne, de marcher dans l’herbe… Pierre avait ri : « Tu es comme les chiens, tu as besoin d’un environnement particulier pour être heureuse. Je serais plutôt un félin, les lieux me sont indifférents. »
C’était un mois avant notre séparation. Nous avions profité d’un salon en Bourgogne où il signait son dernier roman pour partir quelques jours. Tandis que Pierre prenait des photographies des vignes rougeoyantes avec son Leica, j’ai ramassé dans la terre labourée des fossiles de bélemnites et d’oursins pour Célian. Au bout d’un rang j’ai soulevé une feuille de vigne et détaché la grappe dorée qu’elle cachait, petite grappe négligée lors des vendanges, si sucrée. Quelque chose dans l’atmosphère avait changé depuis la veille, nous avions basculé dans l’automne et une belle lumière dorée déchirait la brume froide qui recouvrait la vallée devant nous. Il m’a envoyé par la suite une photographie volée de cet instant où je suis là, immobile dans cette lumière, le regard vague. En fait je me mens. En fait à cet instant j’avais déjà l’intuition que notre relation touchait à sa fin.

Un soir, en quittant le travail, tard, j’ai vu Pierre entrer avec une jeune femme dans un restaurant où nous étions souvent allés ensemble. La fille je la connaissais, une auteure à la mode. Son attitude, rire, gorge, tout chez elle me blessait. Pierre en lui ouvrant la porte a posé sa main au bas de son dos, et ce geste m’a blessée atrocement.
C’était une vraie nuit d’hiver, glaciale. J’ai contemplé depuis le pont Neuf une cité qui m’apparaissait, même à ce moment-là, sublime avec ses façades haussmanniennes alignées derrière les silhouettes des arbres morts. Une architecture sophistiquée dont les volumes dessinés par les changements d’ombre et de lumière à chaque passage de bateau se démultipliaient dans l’eau.
Quelques mètres plus loin, je suis descendue sur le quai. L’air était orange, épais. Un couple enlacé contre un platane m’a fait détourner les yeux. Je me suis assise au bord du fleuve, espérant que le miroir apaisant de la Seine me console, mais la vision des bateaux mouches glissant sur l’onde comme des vaisseaux fantômes ne faisait qu’accroître la sensation d’être à côté de ma vie.
Je suis remontée par le boulevard de Sébastopol, la Gare de l’Est et la volée de marches du raccourci coupe-gorge le long de la Gare du Nord. Une lune blême s’était levée, éclairant dans les angles des murs des tessons de bouteilles, des oiseaux crevés et les corps recroquevillés de quelques toxicos échoués là au bout de leur misère. Au loin un métro aérien a brisé le silence, grinçant, désarticulé, sinistre. J’ai traversé ce royaume des damnés sans en prendre la mesure, moi-même âme errante, amputée de mon histoire d’amour. Toute la ville était contaminée par ma tristesse. Je ne m’en sortais pas.

Célian
Je passe l’heure à fixer la pendule. Dès que le cours commence je me dis qu’il reste cinquante-neuf minutes à attendre. Je n’arrive pas à souligner proprement, mon cahier est un torchon. Parfois j’essaie de ne pas regarder la pendule pendant au moins un quart d’heure mais je relève la tête et ça fait juste deux minutes.
Je suis obligé de bouger mes mains, c’est plus fort que moi. Je massacre mes gommes, je mange mes stylos, je me baisse sans arrêt pour ramasser mes cahiers. J’ai encore cassé ma règle, Maman ne va pas être contente.
Je n’arrive pas à ne plus m’ennuyer. J’essaie vraiment pourtant. Les autres élèves aussi semblent s’ennuyer, mais chez eux l’ennui doit être moins fort.
Je me demande pourquoi je suis là. Pourquoi nous sommes tous là. Je préférerais me promener dans la nature et observer les animaux. Ils sont plus heureux que nous. Ils ne vont pas à l’école, pourtant ils sont plus heureux c’est sûr. Ils se roulent dans l’herbe, dorment au soleil. Ils n’ont pas de montre.
La maîtresse m’a posé une question que je n’ai pas entendue. Elle s’énerve, je vois ses doigts crispés : « Tu imagines que tu peux te passer de mes cours ? » Je ne réponds pas et c’est pire. Elle devient toute rouge et s’approche en criant presque : « Puisque tu es si intelligent prouve-le. J’attends ta réponse, monsieur le génie. »
J’ai pleuré. Quelqu’un a dit : « Oh le pauvre bébé… » La sonnerie a retenti. Je me suis essuyé les yeux, je ne veux pas que Maman voie mes larmes. »

Extraits
« Les soirs je raconte à Célian l’histoire de Tycho Brahe. D’emblée surtout, ce qui frappe dans sa biographie, c’est la succession de drames, les marques indélébiles de son destin. L’astronome naît le 14 décembre 1546 en Scanie, alors province danoise, dans une famille très riche, d’une noblesse qui « se fond dans la nuit des temps ». Second enfant d’Otte Brahe et Beate Bille, Tycho était leur fils aîné mais en réalité – il n’apprendra ce secret qu’à l’âge adulte – il avait un frère jumeau décédé prématurément. Son existence à partir de cette découverte sera évidée de cette absence originelle ; ce jumeau qu’on lui a caché sera son tourment, sa fragilité.
Et l’aventure rocambolesque continue lorsqu’il n’a que deux ans : Tycho fut enlevé à ses parents par son oncle Jorgen, Amiral des armées, qui l’éleva jusqu’à sa disparition accidentelle en 1565 après un plongeon dans les eaux de Copenhague pour sauver de la noyade Frédéric II, le roi du Danemark.
Abandonné enfant, auréolé ou damné par la légende des commencements, puis en partie déshérité à la mort de son père adoptif, Tycho Brahe s’affranchit encore un peu plus des chemins tout tracés en se mariant avec une paysanne. Auparavant on avait bien essayé de le fiancer avec une femme de son rang princier tout comme on avait tenté de lui faire embrasser des carrières prestigieuses, il préféra fuir la cour et ses artifices, les honneurs, les devoirs, pour se jeter à corps perdu dans cette vocation pour l’astronomie que tous jugeaient indigne. Même s’il semble avoir été aimé par sa plus jeune sœur – Sophie, sa collaboratrice, son alter ego -, sa famille et son milieu n’ont cessé de rejeter son mode de vie et ses choix.
Pour Célian je n’ai pas besoin de romancer la suite, véritable récit de cape et d’épée : à cause d’une dispute avec un cousin, Tycho Brahe se battit en duel le 27 décembre 1566 dans un cimetière allemand – 27 décembre, ça plait à Célian, c’est sa date de naissance. Ledit cousin lui trancha l’arête du nez avec un sabre, Tycho en restera défiguré et sera obligé de recourir désormais à une prothèse en or pour cacher les deux trous béants au milieu de son visage.
Voilà notre homme à vingt ans. Son seul refuge, celui des marginaux et des poètes : le ciel étoilé. » p. 39-40

« Quatre heures du matin. Je me lève, soulagée, j’ai pris ma décision: je vais demander un congé, louer l’appartement, déscolariser Célian pour le temps qui reste avant les vacances d’été, et nous allons partir sous un ciel où nous respirerons mieux. Même si fuir ne résoudra ni les blessures de l’enfance ni celles de l’amour, tant pis, je ne peux pas continuer de me laisser aller ainsi à cette dévoration mélancolique. Pour mon fils au moins je dois surmonter mon chagrin.
J’ai conscience que je nous déleste d’un quotidien stagnant comme on ferait naufrage, et que si je demandais conseil on me dirait que ce projet est une bêtise. Je refuse de me laisser ensevelir à nouveau sous les recommandations. Combien de fois dans une vie réalise-t-on vraiment ce dont on a envie ?
Nous allons partir, quelques mois. Ça m’est venu en repensant à la métaphore de la voile contre le vent du père de Rosalie et à ma conversation avec Célian. Quant à la destination de notre voyage, c’est une évidence. » p. 55-56

« Voir l’invisible… J’ai passé des années à rêver à la destinée dramatique de Tycho Brahe, des journées entières à pédaler à la recherche de ces trésors et de ces débris que laissent derrière eux les hommes, de sorte que son nom sera toujours lié à l’esprit des lieux, aux forêts s’étendant à perte de vue dans la lumière de Ven, et à cet été en compagnie de Célian. Mais c’est en le regardant à l’affût, lisant l’immobilité apparente du paysage comme je serais incapable de le faire, que j’ai enfin saisi ce qui m’avait fascinée dans l’histoire de Tycho Brahe, plus encore que l’incroyable château, le nez en or ou ses découvertes scientifiques: il a su voir dans le Ciel ce que personne n’avait vu.
Et je l’imagine à nouveau, ce grand Danois de trente ans réfugié en haut d’une tour, une chevêchette sur l’épaule, observant une étoile bleutée que nul n’avait jamais remarquée, calculant son emplacement exact avant de l’inscrire sur le globe céleste auquel il dédierait sa vie. Avec son visage défiguré et cette brèche en lui tout aussi béante, mieux que personne il savait que «ce sont les étoiles, les étoiles tout là-haut qui gouvernent notre existence ». p. 144

À propos de l’auteur
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Maud Simonnot © Photo Olivier Dion

Maud Simonnot a passé sa jeunesse dans le Morvan et plusieurs années en Norvège qui l’ont inspirée pour ce livre. Sa biographie de Robert McAlmon, La Nuit pour adresse (Gallimard, 2017) a reçu le prix Larbaud et a été finaliste du prix Médicis essai. (Source: Éditions de l’Observatoire)

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L’été en poche (12): Le Prix

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En 2 mots:
En ce 10 décembre 1946, Otto Hahn est à Stockholm en compagnie de son épouse pour assister à la remise de son Prix Nobel de chimie. Alors qu’il se prépare, Lise Meitner, qui a travaillé avec lui durant des dizaine d’années, vient lui rendre visite pour qu’il rende des comptes. En imaginant ce huis-clos intense, étouffant, étincelant, Cyril Gely fait bien plus qu’éclairer un point d’histoire. Il nous offre une tragédie classique de très haute volée.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Si vous voulez en savoir plus…
Ma chronique complète publiée lors de la parution du roman en grand format

Le prix
Cyril Gely
Éditions Points Poche
Roman
192 p., 6,60 €
EAN 9782757881484
Paru le 13/02/2020

Les premières lignes
« Nul ne sait ce que nous réserve le passé.
Cette phrase, Hahn l’a en tête depuis qu’il est éveillé. Il ne saurait dire pourquoi. Elle est venue, d’un coup, alors qu’il ouvrait les yeux. Les mots ont semblé danser un instant face à lui, puis ont envahi son cerveau. Impossible de se rendormir. Depuis, Hahn est à la fenêtre – qu’il a ouverte.
La lumière perce à peine à travers le ciel gris. Juste assez pour distinguer l’opéra et, face à lui, le palais royal de Stockholm. Dans l’autre chambre, Edith dort toujours. Les trottoirs sont recouverts de neige. Le toit des maisons aussi. Un étrange silence assourdit la ville. Hahn ne ressent pas le froid mordant qui lui saute au visage. Il ne l’a jamais ressenti. Même enfant, sa mère courait sans relâche derrière lui pour le couvrir. Hahn regarde sa montre, il est sept heures quarante-trois, et c’est la journée la plus importante de sa vie.
Le Comité lui a réservé une suite au Grand Hôtel. La suite 301, au troisième étage. Une large porte donne sur une entrée quelque peu étroite, où sont exposés plusieurs portraits. Puis un salon immense avec deux chambres de chaque côté. Celle de Hahn est à gauche. Edith dort encore dans celle de droite. Au-dessus du canapé en cuir, un tableau de William Turner, Tempête de neige en mer.
On pourrait croire que ce tableau a été placé sur ce mur exprès. Ce n’est pas impossible, mais rien ne le prouve non plus. Nous y reviendrons en temps utile.
Hahn a saisi les trois feuilles posées sur son bureau. Son écriture est distinguée, tranchante, sans ratures. Il relit pour la énième fois le discours qu’il a écrit. Ce discours, il le connaît par cœur. Mais ce matin, à la pâle lumière du jour, Hahn a besoin de se rassurer.
Ses lèvres se mettent à bouger. Les mots qu’il susurre à peine sont en anglais – langue que Hahn maîtrise parfaitement. Dans sa jeunesse, il a étudié à Londres et Montréal, avec Ramsay et Rutherford. Il parle de l’Allemagne meurtrie, de la malheureuse Allemagne, d’abord oppressée par les nazis, et maintenant par les Alliés. Il certifie que les scientifiques allemands n’ont pas souscrit au régime hitlérien. Et ajoute enfin qu’il ne faut pas juger trop durement la jeunesse de son pays. Comment pouvait-elle se faire une idée ? Sans radio étrangère, sans presse libre ? Nous avons tous été opprimés pendant douze ans, il est temps de tourner la page.
Soudain, Hahn a étrangement froid. Il ferme la fenêtre et passe la robe de chambre étendue au pied de son lit. Une douleur aiguë lui traverse l’estomac. Hahn glisse jusqu’à la salle de bains et verse un peu d’eau de mélisse dans un verre. Il boit, espérant que cela fera passer l’inflammation. Trop de nourriture, d’alcool, de café. Trop de stress, aussi. Depuis leur arrivée à Stockholm, mercredi dernier, il y a près d’une semaine, les Hahn n’ont pas eu un soir pour eux. Dîners, banquets, agapes, soupers. Ils ont mangé comme quinze ! En Allemagne, il n’y a rien. Ici, les magasins regorgent de nourriture. L’avantage d’être un pays neutre. La contrepartie est ce goût légèrement citronné de l’eau de mélisse. Otto Hahn a une maudite indigestion. »

L’avis de… Manon Botticelli (Culture Box, France Télévisions)
« Près de 70 ans après le Nobel d’Otto Hahn, Cyril Gely remet son prix à Lise Meitner, sans qui la fission nucléaire n’aurait sans doute pas été découverte. Son roman, la réhabilitation passionnante d’une grande physicienne, évoque évidemment en filigrane toutes ces grandes scientifiques restées dans l’ombre. »

Vidéo


La chronique de Gérard Collard. © Production GriffeNoireTV

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Le Prix

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Sélectionné pour le « Prix Orange du livre 2019 »

En deux mots:
En ce 10 décembre 1946, Otto Hahn est à Stockholm en compagnie de son épouse pour assister à la remise de son Prix Nobel de chimie. Alors qu’il se préparer Lise Meitner, qui a travaillé avec lui durant des dizaine d’années vient lui rendre visite pour lui demander des comptes. Commence alors un huis-clos intense, étouffant, étincelant.

Ma note:
★★★★★ (coup de cœur, livre indispensable)

Ma chronique:

Huis-clos à Stockholm

En imaginant le huis-clos entre Otto Hahn, Prix Nobel de chimie et son ex-collaboratrice Lise Meitner, Cyril Gely fait bien plus qu’éclairer un point d’histoire. Il nous offre une tragédie classique de très haute volée.

Et si le plus beau des romans n’en était pas un? Et si une fois encore la réalité dépassait la fiction? Avec «Le Prix» Cyril Gely a construit une petite merveille à partir de personnages ayant réellement existé, les scientifiques Otto Hahn et Lise Meitner. Si, au fil du récit, le lecteur va découvrir les grandes lignes de leurs biographies respectives, c’est avant tout leur rencontre dans un hôtel de Stockholm le 10 décembre 1946 qui va faire de ce récit une tragédie digne des classiques tels qu’énoncés par Boileau en 1674 dans L’Art poétique:
« Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli. »
Si le deux chercheurs se retrouvent dans la capitale suédoise, c’est parce qu’Otto Hahn vient y réceptionner le Prix Nobel qui lui a été décerné deux ans plus tôt pour sa découverte sur la fission nucléaire. De fission, c’est-à-dire de l’éclatement d’un noyau instable en deux noyaux plus légers, il va en être beaucoup question dans ce huis-clos, au moins au sens symbolique. Car Otto et Lise ont travaillé ensemble durant plus de trente ans, après leur rencontre en 1907 à l’Institut de chimie de l’université de Berlin. C’est conjointement qu’ils mèneront leurs recherches et publierons jusqu’au 12 juillet 1938. Une complicité de tous les instants, même s’il n’est pas question d’amour. «Ensemble, ils faisaient des merveilles», comme lorsqu’ils interprétaient la Mélodie hongroise de Schubert.
Mais le poids de l’Histoire vient mettre un terme brutal à cette relation. Après l’Anschluss, Lise l’Autrichienne devient citoyenne allemande et sa religion juive devient alors un fardeau de plus en plus pesant. Lise doit fuir et tenter de gagner la Suède via les Pays-Bas.
Otto et Lise vont pouvoir échanger quelques lettres, faire le point sur leurs recherches. Car ils sont proches du but: «La solution, ils la tenaient. Ils l’avaient sur le bout de la langue, encore un mois ou deux, et ils allaient la révéler au monde entier.»
Mais au moment de conclure leurs travaux, Otto publiera seul l’article qui lui vaudra le Nobel.
Lise n’est pas venue le féliciter, mais demander des comptes. Passe encore qu’elle ne soit pas associée à cette distinction, mais pourquoi – maintenant que la Seconde Guerre mondiale a pris fin – ne mentionne-t-il même pas le nom de la physicienne dans son discours?
Une accusation qui fait sortir l’Allemand de ses gonds: «Je t’ai sauvée la vie, j’ai pris des risques, je t’ai confié la bague de ma mère. Et toi, tu reviens huit ans plus tard, avec des allégations pleines de fiel! Si tu n’étais pas Lise Meitner, si nous n’avions pas en commun plus de trente années de travaux, il y a longtemps que je t’aurais mise dehors! »
Mais la physicienne a du répondant. Des arguments tout aussi percutants. Jamais l’adage «derrière chaque grand homme, se cache une femme» n’a paru plus pertinent. Car il semble bien que sans Lise, Otto ne serait pas dans cet hôtel, se préparant à recevoir la plus belle des récompenses pour un scientifique. Pour faire bonne mesure, on ajoutera la collaboration avec le régime nazi à cet «oubli».
Cyril Gely, qui a derrière lui de grands succès au théâtre et comme scénariste, nous offre des dialogues ciselés, une tension dramatique qui va crescendo jusqu’à l’épilogue, sans oublier quelques clins d’œil allant vers le Vaudeville quand on apprend, par exemple, que l’épouse d’Otto loge dans la chambre contigüe et que la porte peut s’ouvrir à chaque instant.
Subtilement, les arguments de l’un et de l’autre vont se confronter, donnant au lecteur tous les éléments pour se forger une opinion. Le fruit de la passion commune est mûr au moment d’enfiler le smoking pour rejoindre la grande réception. À vous de le cueillir. Et de savourer avec moi ce chef d’œuvre, car cette confrontation pose des questions qui n’ont pas perdu de leur acuité aujourd’hui. De l’antisémitisme latent à la place des femmes dans la société, de la résistance face à un pouvoir inique à la responsabilité des scientifiques quant à l’usage qui sera fait de leur découverte.

Le prix
Cyril Gely
Éditions Albin Michel
Roman
224 p., 19 €
EAN 9782226437105
Paru le 02/01/2019

Où?
Le roman se déroule principalement en Suède, à Stockholm. On y évoque l’Allemagne, à Berlin, à Göttingen, Hechingen et Tailfingen ainsi que la fuite de Lise à Stockholm via les Pays-Bas.

Quand?
L’action se situe en 1946.

Ce qu’en dit l’éditeur
« Huit ans qu’elle attendait cette entrevue, qu’elle l’imaginait jour après jour. Elle avec Hahn. Elle contre Hahn. Huit ans. Et ce jour est enfin arrivé. »
Le 10 décembre 1946, au Grand Hôtel de Stockholm, Otto Hahn attend de recevoir le prix Nobel de chimie. Peu avant l’heure, il est rejoint dans sa suite par Lise Meitner, son ancienne collaboratrice avec laquelle il a travaillé plus de trente ans. Mais Lise ne vient pas le féliciter. Elle vient régler ses comptes.
Dans ce huis clos implacable, Cyril Gely, l’auteur de la pièce de théâtre Diplomatie (adaptée à l’écran par Volker Schlöndorff et récompensée par le César de la meilleure adaptation), confronte la vérité de deux scientifiques aux prises avec l’Histoire.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com 
France Bleu (émission Les livres – Sylvie Thomas)
Blog Les mots chocolat 
Blog L’animal lecteur
Le blog de Squirelito

INCIPIT (Les premières pages du livre)
« Nul ne sait ce que nous réserve le passé.
Cette phrase, Hahn l’a en tête depuis qu’il est éveillé. Il ne saurait dire pourquoi. Elle est venue, d’un coup, alors qu’il ouvrait les yeux. Les mots ont semblé danser un instant face à lui, puis ont envahi son cerveau. Impossible de se rendormir. Depuis, Hahn est à la fenêtre – qu’il a ouverte.
La lumière perce à peine à travers le ciel gris. Juste assez pour distinguer l’opéra et, face à lui, le palais royal de Stockholm. Dans l’autre chambre, Edith dort toujours. Les trottoirs sont recouverts de neige. Le toit des maisons aussi. Un étrange silence assourdit la ville. Hahn ne ressent pas le froid mordant qui lui saute au visage. Il ne l’a jamais ressenti. Même enfant, sa mère courait sans relâche derrière lui pour le couvrir. Hahn regarde sa montre, il est sept heures quarante-trois, et c’est la journée la plus importante de sa vie.
Le Comité lui a réservé une suite au Grand Hôtel. La suite 301, au troisième étage. Une large porte donne sur une entrée quelque peu étroite, où sont exposés plusieurs portraits. Puis un salon immense avec deux chambres de chaque côté. Celle de Hahn est à gauche. Edith dort encore dans celle de droite. Au-dessus du canapé en cuir, un tableau de William Turner, Tempête de neige en mer.
On pourrait croire que ce tableau a été placé sur ce mur exprès. Ce n’est pas impossible, mais rien ne le prouve non plus. Nous y reviendrons en temps utile.
Hahn a saisi les trois feuilles posées sur son bureau. Son écriture est distinguée, tranchante, sans ratures. Il relit pour la énième fois le discours qu’il a écrit. Ce discours, il le connaît par cœur. Mais ce matin, à la pâle lumière du jour, Hahn a besoin de se rassurer.
Ses lèvres se mettent à bouger. Les mots qu’il susurre à peine sont en anglais – langue que Hahn maîtrise parfaitement. Dans sa jeunesse, il a étudié à Londres et Montréal, avec Ramsay et Rutherford. Il parle de l’Allemagne meurtrie, de la malheureuse Allemagne, d’abord oppressée par les nazis, et maintenant par les Alliés. Il certifie que les scientifiques allemands n’ont pas souscrit au régime hitlérien. Et ajoute enfin qu’il ne faut pas juger trop durement la jeunesse de son pays. Comment pouvait-elle se faire une idée ? Sans radio étrangère, sans presse libre ? Nous avons tous été opprimés pendant douze ans, il est temps de tourner la page.
Soudain, Hahn a étrangement froid. Il ferme la fenêtre et passe la robe de chambre étendue au pied de son lit. Une douleur aiguë lui traverse l’estomac. Hahn glisse jusqu’à la salle de bains et verse un peu d’eau de mélisse dans un verre. Il boit, espérant que cela fera passer l’inflammation. Trop de nourriture, d’alcool, de café. Trop de stress, aussi. Depuis leur arrivée à Stockholm, mercredi dernier, il y a près d’une semaine, les Hahn n’ont pas eu un soir pour eux. Dîners, banquets, agapes, soupers. Ils ont mangé comme quinze ! En Allemagne, il n’y a rien. Ici, les magasins regorgent de nourriture. L’avantage d’être un pays neutre. La contrepartie est ce goût légèrement citronné de l’eau de mélisse. Otto Hahn a une maudite indigestion. »

Extraits
« Lorsque Edith ouvre les yeux, sa première pensée est pour Lise. Ça fait si longtemps que les deux femmes ne se sont pas vues. Huit ans. Edith se souvient parfaitement de la date. Le 12 juillet 1938. Un siècle, un millénaire. Elle a du mal à comprendre son silence. Si pendant la guerre s’écrire ou se voir pouvait être compliqué, ça l’est moins depuis la chute de Berlin, en mai 1945. À la même date, pratiquement jour pour jour, Hahn était enlevé par des soldats anglais.
Edith se lève péniblement. Ses mains tremblent. Elle prend appui sur la table de chevet. Elle sait déjà que ce ne sera pas une bonne journée. Une ombre noire passe devant son visage. Edith la chasse d’un revers de main. Mais l’ombre revient. C’est toujours ainsi les mauvais jours. Mieux vaut ne pas lutter. Edith l’a compris au fil des années, c’est pourquoi elle éteint sa lumière et reste couchée.
Dans la pénombre, les souvenirs jaillissent. Ceux de la nuit du 12 juillet 1938. Et ceux d’avant. Jamais ceux d’après. Comme si cette date mémorable marquait, pour Edith, une frontière. Non entre le bien et le mal, mais plutôt entre l’insouciance et l’inquiétude. C’est depuis cette nuit-là qu’elle fait chambre à part avec Otto. »

« À eux trois, ils formaient un atome. Le noyau était composé d’Otto et de Lise, l’un proton, l’autre neutron. Edith était l’électron qui tournait autour – qui tournait sans jamais espérer s’en approcher un jour. »

« Hahn aimerait être ailleurs. A Göttingen, à Berlin, à dix mille kilomètres de Stockholm! Lise patiente. Elle n’a pas encore déplacé toutes ses pièces sur l’échiquier. Elle distingue à peine son vieil ami face à elle, et l’entend tout juste respirer. Mais si la lumière jaillissait soudain dans la pièce, elle sait que son visage porterait les traces de son affrontement. Quelques cernes plus profonds sous les yeux, les bajoues légèrement plus flasques. Hahn n’est pas un dieu. Ce n’est qu’un homme que Lise veut démettre de son piédestal ».

À propos de l’auteur
Cyril Gely est romancier, auteur de théâtre à succès – plusieurs fois nommé aux Molière pour Signé Dumas (Francis Perrin/Thierry Frémont), Diplomatie (Niels Arestrup/André Dussollier) – et scénariste (Chocolat de Roschdy Zem avec Omar Sy et James Thierrée). Il a reçu le Grand Prix du jeune théâtre de l’Académie Française, le Prix du Scénario au festival International de Shanghai et le César 2015 de la Meilleure adaptation pour Diplomatie, réalisé par Volker Schlöndorf. (Source : Éditions Albin Michel)

Site Wikipédia de l’auteur

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Le monde selon Britt-Marie

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En deux mots:
Britt-Marie se retrouve par hasard dans un petit village suédois où elle est propulsée entraîneur de l’équipe de football des jeunes. Un emploi improbable, surtout quand on n’a aucune expérience dans le domaine, mais qui va la propulser vers de nouveaux horizons.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

La plus nulle et la plus merveilleuse des équipes de foot

Dans la nouvelle comédie de Fredrik Backman il n’y a plus de vieux râleur, mais une femme mûre qui prend en charge une équipe de football. C’est drôle, enlevé et fort addictif.

Britt-Marie a derrière elle une longue expérience et quelques principes qui pourraient s’apparenter à ceux d’une psychorigide, mais qui – pour la plupart d’entre eux – tiennent surtout du bon sens. Dans la longue liste des choses qu’il ne faut pas faire, on trouve pèle-mêle boire un café dans du plastique et surtout sans sous-tasse, ne pas enlever sa casquette en entrant quelque part ou encore entrer avec des chaussures sales dans une pièce qui vient d’être nettoyée et plus généralement supporter un endroit sale.
Fredrik Backman, comme dans Vieux, râleur et suicidaire – La vie selon Ove, a le génie de construire un roman à partir de ces petits agacements du quotidien qui peuvent consuire à de joyeux quiproquos quand ils ne font pas déraper complèter une situation. C’est un peu ce qui se produit avec sa conseillère de l’agence pour l’emploi qui « après avoir été forcée de manger du saumon avec Britt-Marie deux jours plus tôt, avait promis de faire tout son possible pour lui trouver un travail.»
Le lendemain, elle ne déniche qu’une proposition, «dans un village au milieu de nulle part» et mal payé de surcroît. Mais Britt-Marie accepte et part pour Borg «un village auquel on ne peut faire de plus beau compliment qu’en disant qu’il s’étend au bord d’une route».
Crevants d’ennui et victimes d’une crise économique persistante, les habitants regardent avec méfiance et incrédulité l’arrivée d’une femme chargée de prendre soin d’une MJC qui va fermer quelques semaines plus tard. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne sont pas au bout de leurs surprises.
Ce n’est pas le fait qu’elle débarque à 6h du matin pour demander une perceuse qui va les perturber, quoique… En revanche, son opiniâtreté et son obstination vont petit à petit lui valoir le respect de cette communauté de rustres. C’est ainsi qu’il lui faut à tout prix trouver du « faxin « , le produit de nettoyage miracle qui va lui faire de faire briller la MJC. Au fil des épisodes successifs, vous allez pouvoir vous régaler de sa visite à la poste, de sa négociation à la pizzeria, de ses rendez-vous avec un rat ou encore de ses dialogues avec les jeunes de Borg qui ont besoin d’un entraîneur pour leur équipe de football et désignent Britt-Marie qui est totalement étrangère à ce jeu et à ses règles.
C’est à ce moment que ce roman prend des allures d’épopée qui va s’achever avec un tournoi épique dont il serait ici dommage de révéler les rebondissements et l’issue. Disons simplement qu’il changera à tout jamais la vie de Sami, Omar, Pico, Vega et les autres, ainsi que cele de Britt-Marie.
En même temps qu’il vous livrera une toute autre vision de ce sport que celle des matches quotidiens de la coupe du monde, Le monde selon Britt-Marie vous fera comprendre ce que ce jeu peut avoir comme vertus, y compris dans la défaite.
Fredrik Backman excelle dans ce registre à l’apparence très légère et qui finit par toucher les questions essentielles. Il réussit aussi fort bien à camper des personnages qui, en quelques lignes, prennent une épaisseur incroyable, à tel point que l’on a vite l’impression de les connaître tous.
À partir d’un parking transformé en terrain de football, que l’on éclaire avec les phares d’une voiture et dont les buts sont construits avec des bouteilles, on arrivera à l’accomplissement de soi. Cette notion découverte dans une grille de mots croisés et qui va soudain prendre tout son sens.
Même si vous n’aimez pas le football, vous aimerez ce roman truculent, pétillant et joyeusement essentiel!

Le monde selon Britt-Marie
Fredrik Backman
Éditions Mazarine
Roman
traduit du suédois par
400 p., 22 €
EAN: 9782863744574
Paru le 28 mars 2018

Où?
Le roman se déroule à Borg, un village imaginaire de Suède.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Britt-Marie, soixante-trois ans, n’est absolument pas passive-agressive. C’est juste que la crasse et les couverts rangés n’importe comment la font hurler intérieurement. Après quarante ans de mariage et une vie de femme au foyer, elle a besoin de trouver un emploi au plus vite. Le seul poste qu’on lui propose la conduit à Borg, un village frappé par la crise qui s’étire le long d’une route où tout est fermé, à l’exception d’une pizzeria qui empeste la bière. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’à Borg le ballon rond est roi – et s’il y a une chose que Britt-Marie déteste plus que le désordre, c’est le football.
Alors, quand les enfants du village ont si désespérément besoin d’un entraîneur que la commune est prête à confier le boulot au premier venu, peu importe qu’elle n’y connaisse rien ! Pas du genre à se laisser démonter, Britt-Marie, avec sa nouvelle casquette de coach, entreprend de faire un grand ménage à Borg, qui a, comme elle, besoin d’un renouveau et d’une seconde chance.
Le monde selon Britt-Marie est l’histoire d’une femme qui a attendu toute une vie que la sienne commence enfin. Un plaidoyer chaleureux pour tous les marginaux qui peuplent nos vies sans qu’on leur prête attention – alors que leur vision du
monde peut transformer le nôtre.

Les critiques
Babelio
Blog Mademoiselle Maeve lit des livres
Blog Le petit monde de Léane B.
Blog Les pages qui tournent
Blog De la plume au clic
Blog Les cibles d’une lectrice «à visée»

Les premières pages du livre:
« Fourchettes. Couteaux. Cuillères.
Dans cet ordre.
Britt-Marie n’est certainement pas femme à juger autrui, mais quelle personne civilisée aurait l’idée d’organiser un tiroir à couverts autrement? Britt-Marie ne juge personne, mais tout de même, nous ne sommes pas des animaux!
C’est un lundi de janvier. Britt-Marie est assise à un petit bureau à l’Agence pour l’emploi. Certes, les couverts n’ont rien à voir là-dedans, mais ils lui viennent à l’esprit parce qu’ils résument tout ce qui va de travers dernièrement. Les couverts se doivent d’être rangés comme ils l’ont toujours été, car la vie se doit de continuer, inchangée. Une vie normale est présentable: on nettoie la cuisine, on soigne son balcon et on s’occupe des enfants. C’est plus de travail qu’on le croit – avoir un balcon.
Dans une vie normale, on ne met pas les pieds à l’Agence pour l’emploi.
La fille qui travaille ici a les cheveux courts, comme un jeune garçon. Non pas que ce soit un mal, bien entendu. Britt-Marie n’a aucun préjugé. C’est très moderne, cette coupe, sans nul doute. La fille pousse un papier vers Britt-Marie et sourit. Elle est manifestement pressée.
– Inscrivez ici votre nom, votre numéro de sécurité sociale et votre adresse.
Britt-Marie doit se faire enregistrer. Comme une criminelle qui viendrait voler du travail plutôt qu’en demander.
– Vous prenez du lait et du sucre? demande la fille en versant du café dans un gobelet en plastique.
Britt-Marie ne juge personne, mais en voilà des manières! Un gobelet en plastique! C’est la guerre ou quoi? Britt-Marie a bien envie de poser cette question à la fille, mais Kent exhorte sans arrêt Britt-Marie à être « plus sociable ». Alors elle sourit avec toute la diplomatie dont elle est capable et attend qu’on lui offre un sous-verre.
Kent est l’époux de Britt-Marie. Il est entrepreneur. Il a très, très bien réussi. Il fait des affaires avec l’Allemagne et il est très, très sociable.
La fille lui tend deux petits godets de lait, de ceux qui se conservent à température ambiante, et un gobelet en plastique rempli de cuillères jetables. Britt-Marie n’aurait pas été plus épouvantée par la vue d’un serpent.
– Vous n’aimez pas le lait et le sucre dans votre café? demande la fille, étonnée par la réaction de la femme en face d’elle.
Britt-Marie secoue la tête et balaie le bureau de la main, comme s’il était couvert de miettes invisibles. Il y a des papiers partout, empilés pêle-mêle. Naturellement, la fille n’a pas le temps de les trier, comprend Britt-Marie. Elle est bien trop prise par sa carrière.
– Bien, écrivez votre adresse ici, répète la fille avec un sourire en désignant le formulaire.
Britt-Marie baisse les yeux et brosse des poussières invisibles de sa jupe. Elle aimerait être chez elle, avec son tiroir à couverts. Mener une vie normale. Elle voudrait que Kent soit là, car c’est lui qui remplit toujours les papiers.
La fille ouvre de nouveau la bouche, mais Britt-Marie la devance:
– Pourriez-vous s’il vous plaît m’indiquer où poser ma tasse de café?
Britt-Marie prononce ces mots en invoquant toute la bonté dont elle dispose pour appeler « tasse » son gobelet en plastique.
– Quoi? lance la fille.
À croire qu’on peut poser les tasses où ça nous chante. Britt-Marie lui adresse son sourire le plus aimable.
– Vous avez oublié de me donner un sous-verre. Je ne voudrais pas salir votre table.
De l’autre côté du bureau, la fille n’a pas bien l’air de comprendre l’intérêt des sous-verres. Ni de la vraie vaisselle. Pas plus, conclut Britt-Marie en observant la coiffure de la fille, que celui des miroirs.
– Peu importe, vous n’avez qu’à la poser ici, répond la fille, qui désigne un espace dégagé sur son bureau.
Comme si la vie était aussi simple. Comme si les sous-verres ou l’ordre des couverts dans un tiroir étaient insignifiants. La fille tapote le papier du bout de son stylo, à côté de la case « Adresse ». Britt-Marie respire avec une infinie patience. Ce n’est absolument pas un soupir.
– On ne pose pas une tasse sur un bureau. Ça pourrait le tacher.
La fille considère la surface du meuble. On croirait que des enfants ont mangé des pommes de terre à même la table. À la fourche. Dans le noir.
– Ne vous en faites pas. Il est déjà rayé de partout, la rassure-t-elle.
Britt-Marie hurle en son for intérieur.
– Et vous n’avez pas songé que s’il est dans cet état, c’est peut-être parce que vous n’utilisez pas de sous-verres.
Elle parle d’un ton très prévenant. Pas du tout « passif-agressif », comme l’ont dit un jour les enfants de Kent, croyant qu’elle ne les entendait pas. Britt-Marie n’est pas passive-agressive. Simplement prévenante. Après avoir surpris cette remarque, elle avait redoublé de prévenance pendant quelques semaines.
La fille de l’Agence pour l’emploi se masse le front.
– Bon… alors, c’est Britt, votre nom?
– Britt-Marie. Il n’y a que ma sœur qui m’appelle Britt, la corrige Britt-Marie.
– Si vous pouviez juste… remplir le formulaire. S’il vous plaît, répète la fille.
Britt-Marie jette un coup d’œil au papier qui exige qu’elle déclare sur l’honneur où elle est née et qui elle est. Britt-Marie trouve qu’être en vie exige un nombre incroyable de formalités, de nos jours. Une quantité absurde de paperasse pour faire partie de la société.
Finalement, elle renseigne à contrecœur son nom, son numéro de sécurité sociale et son téléphone portable. Elle ne remplit pas la case « Adresse ».
– Quelle formation avez-vous suivie, Britt-Marie? l’interroge la fille.
Britt-Marie se cramponne à son sac à main.
– Sachez que ma formation est excellente, réplique-t-elle. »

Extraits
« La MJC se trouve à Borg, un village auquel on ne peut faire de plus beau compliment qu’en disant qu’il s’étend au bord d’une route. Le nombre de candidats était donc limité. Mais le hasard voulut que la fille de l’Agence pour l’emploi, après avoir été forcée de manger du saumon avec Britt-Marie deux jours plus tôt, avait promis de faire tout son possible pour lui trouver un travail. Le lendemain, Britt-Marie avait frappé à sa porte à 9h 02 pour s’enquérir de ses progrès. La fille avait pianoté un moment sur son ordinateur puis avait soupiré:
– Il y en a un. Mais il est dans un village au milieu de nulle part et il est si mal payé qu’il te fera perdre de l’argent si tu touches des indemnités de chômage.
– Je ne perçois pas d’indemnités, avait répondu Britt-Marie en prononçant ce dernier mot comme si elle se défendait d’avoir des « maladies ».
La fille avait de nouveau soupiré et tenté d’évoquer les « séminaires de reconversion » et les « mesures alternatives » qu’elle pouvait proposer à Britt-Marie, mais celle-ci lui avait fait comprendre qu’elle n’avait pas besoin d’être mesurée. »

« Les deux dernières choses qui semblent subsister à Borg sont le football et une pizzeria: ce à quol les hommes renoncent en dernier.
Le premier contact de Britt-Marie avec la pizzeria et la MJC a lieu un jour de janvier, lorsqu’elle gare sa voiture blanche sur le parking en gravier qui les sépare. Son premier contact avec le foot a lieu lorsqu’elle reçoit brutalement un ballon sur la tête, juste après que sa voiture a explosé. En bref, on peut sans doute dire que Borg et Britt-Marie n’ont pas éveillé l‘une chez l’autre une première impression très flatteuse.
Si vous voulez tout savoir, l’explosion se produit alors que Britt-Marie vient de tourner sur le parking. Britt-Marie l’entend nettement du côté passager de la voiture. Ça a fait « BOUM », si elle avait dû décrire le bruit. Saisie d‘une sainte panique, elle relâche embrayage et frein. La voiture se met à tousser comme si on lui avait fait peur pendant qu’elle mangeait du pop-corn. Après quelques zigzags bien plus ostensibles que nécessaires sur les plaques gelées de janvier, la voiture s’immobilise devant le bâtiment…»

À propos de l’auteur
Né à Stockholm en 1981, Fredrik Backman enchaîne les petits boulots avant de devenir journaliste. En 2012, il publie son premier roman, Vieux, râleur et suicidaire – La vie selon Ove, qui remporte un succès retentissant en Suède, avec plus de 500 000 exemplaires vendus en un an. Ces comédies qui vient du froid placent d’emblée son auteur parmi les écrivains suédois sur lesquels il faut compter. (Source : lisez-com)

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Pays provisoire

TONNELIER_pays_provisoireLogo_premier_roman  Logo_68_premieres_fois_2017

En deux mots:
Une modiste originaire de Savoie installe sa boutique à Saint-Pétersbourg au début du XXe siècle. Mais en 1917, elle est contrainte de fuir et entreprend un périlleux voyage alors que la guerre fait rage.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:
Le fabuleux destin d’Amélie Servoz

La Révolution russe et la Première Guerre mondiale vues par les yeux d’une jeune modiste installée à Saint-Pétersbourg. Un excellent premier roman.

Une page oubliée de notre histoire, la découverte de quelques archives et l’imagination de la romancière : il n’en fallait pas davantage pour réussir une belle entrée en littérature. Fanny Tonnelier s’est intéressée à la colonie française qui a émigré vers la Russie des tsars au tournant du XXe siècle. Appréciés d’une cour et d’une noblesse qui avait à cœur de s’exprimer dans la langue de Molière, ces francophones (des Suisses romands ont aussi fait le voyage, notamment comme précepteurs) ont fort souvent réussi, comme le rappelle notamment Paul Gerbod dans son Livre D’une révolution, l’autre: les Français en Russie de 1789 à 1917 : «nombreux sont les commerçants et artisans (modistes, pâtissiers, marchands de vins ou d’articles de Paris) ainsi que les industriels, les ingénieurs et les dirigeants d’entreprises ainsi que les hommes engagés dans le développement économique de la Russie et les agents bancaires à réussir leur intégration. Les professeurs de français, par exemple, ont des appointements de 1500 roubles par an (soit environ 4000 francs-or).
Pour Amélie Servoz aussi, les affaires sont florissantes. Originaire de Savoie, la modiste a pu faire ses preuves dans une boutique parisienne avant d’être repérée par la dame qui lui offrira de reprendre sa boutique de Saint-Pétersbourg. Depuis près de sept ans qu’elle es tinstalée en Russie, elle a su conquérir une clientèle aussi riche que fidèle et ses chapeaux font la mode sur les bords de la Néva.
Mais nous sommes en 1917 et la grande Histoire vient rattrapper la modeste modiste. La Révolution bolchévique s’étend et la ville est en proie à des troubles qui vont laisser des traces. Son magasin est saccagé et elle est sommé de prendre fait et cause pour ceux qui prônent l’union des prolétaires de tous les pays.
Elle va bien tenter de continuer son activité en transférant son atelier à son domicile, mais va devoir se rendre compte que c’est peine perdue et que sa vie est en danger.
Il faut fuir un pays en ébullition, mais aussi traverser une Europe en proie à la plus meurtrière des guerres.
Après des démarches administratives délicates, un peu de chance et d’entregent, elle fuit avec son amie Joséphine «un pays devenu inhospitalier, où régnaient la peur, l’angoisse, le stress et la faim.» Je vous laisse découvrir les péripéties d’un voyage mouvementé en y ajoutant simplement que le bien et le mal s’y côtoient, que quelques rencontres vont s’avérer riches d’enseignements et qu’il va dès lors devenir très difficile de ne pas être pris dans ce tourbillon d’émotions.
On sent que Fanny Tonnelier s’est solidement documentée pour nous raconter ce périple et qu’elle a pris du plaisir en écrivant la fabuleux destin d’Amélie. Un plaisir très contagieux tant les descriptions sont réussies, tant le rythme est enlevé. Voilà qui donnerait sans doute un grand film en costumes. Chapeau !

Pays provisoire
Fanny Tonnelier
Alma éditeur
Roman
256 p., 18 €
EAN : 9782362792458
Paru le 4 janvier 2018

Où?
Le roman se déroule en Russie, à Saint-Pétersbourg, puis à Paris et en Savoie ainsi qu’en Finlande, Suède, Irlande et Angleterre.

Quand?
L’action se situe en 1917, avec des retours en arrière au tournant du XXe siècle.

Ce qu’en dit l’éditeur
Amélie Servoz, jeune modiste d’origine savoyarde, n’a pas froid aux yeux. En 1910, elle rallie Saint-Pétersbourg avec, pour seul viatique, un guide de la Russie chiné en librairie et l’invitation d’une compatriote à reprendre sa boutique de chapeaux. Sept ans plus tard, la déliquescence de l’Empire l’oblige à fuir. Son retour, imprévisible et périlleux, lui fera traverser quatre pays, découvrir les bas-côtés de la guerre et rencontrer Friedrich…
Fanny Tonnelier campe avec verve et finesse tout un monde de seconds rôles où les nationalités se mêlent; changeant à volonté et avec dextérité la focale, elle raconte aussi bien le détail des gestes et des métiers que l’ample vacarme d’une Révolution naissante. Elle s’est inspirée d’un pan d’histoire méconnu: au début du XXe siècle, de nombreuses Françaises partirent travailler en Russie.

Les critiques
Babelio 
Livreshebdo (Cécilia Lacour)
Blog T Livres T Arts 
Blog Bricabook 
Blog Cultur’Elle (Caroline Doudet)
Blog Les lectures du mouton (Virginie Vertigo)
Blog Le Goût des livres

Les premières pages du livre
« Cette nuit-là, Amélie ne se coucha pas. Elle laissa les épais rideaux ouverts, enñla sa robe de chambre et s’installa dans son fauteuil face àla nuit claire de juillet. Elle était triste, cafardeuse, et n’arrivait pas à dormir.
Elle ne recevait plus de courriers de ses parents depuis six mois et s’inquiétait pour eux. Son père, malgré son âge, avait été rappelé sous les drapeaux pour être ambulancier. Était-il encore en vie? C’était la première fois qu’elle se posait aussi franchement la question. Et puis la ville qu’elle avait découverte sept ans plus tôt n’était plus la même. C’était encore la période des nuits blanches, d’habitude pleines de gaieté et de rires. Mais depuis quelques semaines, les rues étaient désertes, sans le bruit familier des tramways, et les activités s’arrêtaient les unes après les autres. Manifestations, meetings politiques, défilés étaient le lot quotidien des habitants qui se terraient chez eux. Les denrées de base manquaient cruellement et le peuple avait faim. Les journaux ne paraissaient plus et les rumeurs allaient bon train, ampliñant l’inquiétude et la peur. Les nouvelles du front étaient mauvaises, les armées disloquées. Le ressentiment était général pour tout ce qui représentait l’État et l’ordre. Les gens étaient à bout, souhaitant presque qu’il y ait un choc, d’où qu’il vienne. Révolte populaire? Coup d’État? Il y avait matière à devenir pessimiste et Amélie l’était.
Soudain, dans l’après-midi, elle entendit un grondement sourd, comme les prémices d’un orage, et vit au loin une marée d’hommes et de femmes hérissée de fusils, de gourdins, de drapeaux rouges s’approchant menaçante vers la Douma. Bouleversée, Amélie avait l’impression de revivre les journées de février qui lui avaient longtemps donné des cauchemars.
En se penchant par la fenêtre, elle découvrit une foule disparate : des ouvriers, des femmes laborieuses, des étudiants, des soldats : tous avançaient presque mécaniquement, martelant le sol de leurs pieds comme pour se donner le courage d’avancer ; ils avaient l’air épuisé, sûrement affamés, soutenus par la vodka et les slogans répétés des meneurs qui avançaient fièrement devant. Certains brandissaient des armes, d’autres les portaient contre la poitrine; des voitures volées avec des mitrailleuses fixées sur les capots les encadraient. Il y avait même des canons tirés par des volontaires; tout cet armement présageait mal de l’avenir : qu’allaient-ils en faire?
Affolée, Amélie referrna la fenêtre et sursauta quand un coup de feu éclata, suivi d’une fusillade désordonnée qui déclencha la panique. Elle vit alors que des petits groupes s’étaient postés à chaque coin de rue, voulant prendre le dessus sur la police. Les tirs s’arrêtèrent puis reprirent au milieu des gens terrorisés. Des cosaques attendaient les ordres pour intervenir, jaugeant la situation pour éventuellement faire volte-face plutôt que de se faire tuer. »

À propos de l’auteur
Fanny Tonnelier, née en 1948, vit à Cunault près d’Angers. Pays provisoire est son premier roman. (Source : Éditions Alma)

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La fille qui rendait coup pour coup

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Voici cinq bonnes raisons de lire ce livre:
1. Parce que j’ai été bluffé en lisant le tome 4 Ce qui ne me tue pas par la façon dont l’auteur a su inscrire ses pas dans ceux de Stieg Larsson et se hisser à la hauteur du créateur des personnages.

2. Parce que j’aime beaucoup me plonger dans un thriller ou un polar entre les lectures de romans de facture plus classique. Alors, comme je m’étais promis de ne pas lâcher Millénium en cours de route…

3. Parce que ce tome cinq nous permet de revenir sur les zones d’ombre de la jeunesse de Lisbeth Salander et de compléter le puzzle, tout en conservant les grands classiques tels que les abus de pouvoir ou les gens soi-disant irréprochables.

4. Parce que l’univers carcéral et en particulier l’aspect criminogène des prisons est ici parfaitement rendu, notamment à travers Benito, la meneuse de bande qui fait régner sa loi dans un milieu qui devrait d’abord permettre la réinsertion.

5. Parce que je pense que Jean-Louis Bischoff, qui a consacré tout un livre à la saga Millénium, a raison en faisant de Lisbeth Salander une Antigone moderne. Comme l’explique le JDD : « Elle est une pure icône pop-culturelle classique. Dotée d’un optimisme tragique, elle est porteuse de références à un mode suprasensible et mythique. Lisbeth est le bras armé de la postmodernité (–) reposant sur un désir d’ailleurs, une sorte de religiosité sauvage. »

Millenium 5
La fille qui rendait coup pour coup
David Lagercrantz
Éditions Actes Sud / Actes Noirs
Roman
traduit du suédois par Hege Roel-Rousson
400 p., 23 €
Paru en septembre 2017

Ce qu’en dit l’éditeur
Lisbeth Salander purge une courte peine à la prison des femmes de Flodberga et fait tout ce qu’elle peut pour éviter les conflits avec les autres détenues. Quand elle prend la défense d’une jeune Bengladaise, elle est immédiatement défiée par Benito, la meneuse de la prison.
Holger Palmgren rend visite à Lisbeth et lui raconte qu’il a reçu des documents portant sur les abus commis par les autorités qu’elle a subis pendant son enfance. Lisbeth demande à Mikael Blomkvist de l’aider pour en savoir plus. Des indices les mènent sur les traces d’un certain Leo Mannheimer, associé de la société de gestion Alfred Ögren.
Comment le passé d’un jeune homme de bonne famille, issu des circuits de la finance, peut-il être lié à celui de Lisbeth ? Et comment Lisbeth va-t-elle faire face aux intimidations de plus en plus menaçantes de Benito et de sa bande.
Dans La fille qui rendait coup pour coup, David Lagercrantz tisse une trame haletante sur l’abus de pouvoir, sur les zones d’ombres de l’enfance de Lisbeth qui continuent de la hanter.

Les critiques
Babelio 
Paris Match (François Lestavel)
Le Parisien magazine (Nedjma Van Egmond)
BibliObs (Didier Jacob)
Le Devoir (Michel Bélair)
Slate (Jean-Laurent Cassely)
Les Echos (Isabelle Lesniak)
Le JDD 

Les premières pages du livre
« HOLGER PALMGREN ÉTAIT AU PARLOIR, calé dans son fauteuil roulant :
— Ce tatouage de dragon… j’ai toujours voulu te poser la question, pourquoi est-il si important pour toi ?
— C’est en rapport avec ma mère.
— Agneta ?
— J’étais petite ; j’avais quoi ? six ans, peut-être. Je me suis sauvée de chez moi.
— Ça me dit quelque chose… Une femme est venue vous voir, n’est-ce pas ? Elle avait une sorte de tache de naissance ?
— Oui, ça faisait comme une brûlure sur son cou.
— Comme des stigmates laissés par un dragon ?
Le Dragon 12-20 juin
Sten Sture l’Ancien fit ériger la statue en 1489 pour célébrer sa victoire sur le roi du Danemark à la bataille de Brunkeberg.
La statue – qui se trouve dans la cathédrale de Stockholm – figure le chevalier saint Georges à cheval, l’épée au clair. Un dragon mourant gît à ses pieds. À côté se tient une femme vêtue d’une tenue burgonde.
La femme représente la vierge que le chevalier sauve des griffes du monstre. L’épouse de Sture l’Ancien, Ingeborg Åkesdotter, aurait servi de modèle au personnage, qui, dans cette scène, semble curieusement impassible. »

À propos de l’auteur
David Lagercrantz, né en 1962, est un journaliste et écrivain suédois vivant à Stockholm. Après des études de philosophie et de théologie, il se tourne finalement vers le journalisme. Il travaille notamment pour le quotidien national suédois Expressen pour lequel il couvre certaines des affaires criminelles les plus importantes du pays.
En 1997, il publie une biographie de l’alpiniste Göran Kropp qui connaît un succès immédiat, trois ans plus tard, il enchaîne avec celle de l’inventeur Hakan Lans. Il consacre, en 2009, un roman au célèbre mathématicien britannique Alan Turing, pionnier de l’informatique et condamné pour son homosexualité – ce roman est publié en 2016 par Actes Sud sous le titre Indécence manifeste. C’est avec sa biographie du footballeur Zlatan Ibrahimovic, parue en 2010 (éditions J.-C. Lattès pour la version française, 2013) qu’il accède à une reconnaissance internationale, le livre se vend à plusieurs millions d’exemplaires et il est en lice pour le prestigieux August Prize. En 2013, David Lagercrantz signe un contrat avec la maison d’édition Norstedts pour écrire la suite de Millénium, la trilogie culte de Stieg Larsson. Le quatrième tome intitulé Ce qui ne me tue pas fait l’objet d’une sortie internationale le 27 août 2015, dix ans jour pour jour après la sortie Des Hommes qui n’aimaient pas les femmes en Suède. Le roman est particulièrement bien accueilli par la critique en France, et il se vend à plus de 500 000 exemplaires (à plus de 6 millions dans le monde). (Source : Éditions Actes Sud)

Site Wikipédia de l’auteur 

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L’été en poche (45)

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Les nuits de la Saint-Jean

En 2 mots
La disparition d’une fillette sur île de Sandhamn dans l’archipel de Stockholm va nous entraîner dans une nouvelle enquête de Thomas Andreasson et Nora Linde, mais aussi faire ressurgir un passé terrifiant.

Ma note
etoileetoileetoileetoile (j’ai adoré)

Si vous voulez en savoir plus…
Ma chronique complète publiée lors de la parution du roman en grand format

Les premières lignes

L’avis de… Jacques Teissier (Médiapart)
« Pour les lecteurs français, le contraste avec la mentalité des personnages de certains polars méditerranéens – même si la violence n’en est pas absente – est fort, et il nous offre un dépaysement garanti qui ajoute encore au plaisir de la lecture. Surtout quand le talent est au rendez-vous… et Viveca Sten n’en est pas dépourvue ! »

Vidéo


Coup de cœur du libraire Gérard Collard © Production Griffenoiretv Gérard Collard

Playground

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En deux mots
Le cœur de Jasmine cesse de battre quelques secondes, après un affrontement au Kosovo. C’est le début d’une expérience de mort imminente qui va l’entraîner quelques mois plus tard, avec son fils Dante, à «vivre» une existence parallèle très troublante.

Ma note
etoileetoileetoileetoile (j’ai adoré)

Playground
Lars Kepler
Éditions Actes Sud
Roman
traduit traduit du suédois par Lena Grumbach
416 p., 23 €
EAN : 9782330078256
Paru en mai 2017

Où?
Le roman se déroule au Kosovo puis à Stockholm et dans une ville portuaire qui ressemble à une ville chinoise et que l’on situera dans l’au-delà.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Lors d’une mission de l’Otan dans le Nord du Kosovo, le lieutenant Jasmine Pascal-Anderson est grièvement blessée. Son cœur s’arrête pendant près de quarante secondes avant que les médecins ne parviennent à la réanimer. À son réveil, elle est persuadée d’avoir vu l’antichambre de la mort – une étrange ville portuaire évoquant la Chine ancestrale. Un monde sans foi ni loi sur lequel un gang fait régner la terreur pour s’emparer des “visas” des nouveaux arrivants, seuls viatiques permettant d’espérer un retour à la vie.
Des années plus tard, quand son fils de cinq ans doit subir une opération délicate nécessitant un arrêt cardiaque, Jasmine sait que le petit garçon n’en réchappera pas s’il se rend tout seul dans l’au-delà. Une solution radicale s’impose : provoquer chez elle un coma artificiel et l’accompagner de l’autre côté. Mais une fois réunis dans la salle d’attente entre vie et mort, mère et fils vont devoir affronter de terribles mercenaires sur le playground – véritable théâtre des horreurs.
Puisant dans les méandres de la mythologie chinoise, Lars Kepler est de retour avec un thriller surnaturel qui met aux prises l’amour filial avec la perversité humaine. L’homme serait-il fondamentalement voyeur, attiré par le spectacle macabre de la souffrance d’autrui ? Sur le playground en tout cas, les spectateurs assoiffés d’ultraviolence veulent en avoir pour leur argent.

Ce que j’en pense
Ce roman commence par un épisode sanglant qui va d’emblée saisir le lecteur. Jasmin Pascal-Andersson, Lieutenant dans les troupes de l’OTAN engagées au Kosovo, est victime d’une embuscade. Grièvement blessée, son cœur va cesser de battre pendant une quarantaine de secondes. Après réanimation, elle est victime d’hallucinations que les médecins attribuent au stress post-traumatique.
Transférée à Stockholm pour sa convalescence, elle va tenter d’oublier ce traumatisme et tenter de retrouver une vie normale, notamment en oubliant l’engagement sur le terrain. Elle est affectée dans un bureau, met au monde un petit garçon baptisé Dante. Seule ombre au tableau, le père de l’enfant n’est guère présent mais entend toutefois se voir confier la garde de l’enfant sous prétexte que sa mère a fait un séjour en asile psychiatrique.
C’est en se rendant au tribunal pour plaider sa cause que Jasmine est victime d’un terrible un accident de voiture en compagnie de sa mère et de son fils.
Ses hallucinations reprennent, car son cœur cesse à nouveau de battre.
C’est à ce moment que le roman bascule dans une autre dimension. Jasmine vit en effet une expérience mort imminente, c’est-à-dire cet état particulier que l’on appelle quelquefois le couloir de la mort et durant lequel on n’est plus vivant, mais pas encore mort. Pour elle, ce séjour va se situer dans une ville portuaire qu’on dirait chinoise. Elle y fait du reste la connaissance d’un jeune homme qui va l’aider dans son périple. Car il s’agit pour elle d’obtenir un visa, un droit de retour sur terre en quelque sorte.
Aussi quand sur son lit d’hôpital, on lui apprend que son fils est dans le coma, elle comprend qu’il lui faut retourner dans ce monde, si elle veut pouvoir sauver son fils. Sa sœur Diana accepte de lui faire une injection qui bloque son rythme cardiaque pour une minute. Jasmine, et le lecteur avec elle, se retrouve à nouveau dans le port chinois aux côtés de centaines de personnes qui souhaitent un visa, de peur de devoir embarquer sur les bateaux pour leur dernier voyage.
Très vite, la tension grimpe. Jasmine doit combattre la mafia qui a pris le pouvoir et qui gangrène l’administration et la justice. Son combat sera sans merci, car il s’agit bien d’une question de vie ou de mort. Parviendra-t-elle à ses fins? Dante sera-t-il également sauvé? Le suspense croit au fil des pages…
Sans dévoiler ici l’issue de ce thriller que l’on pourrait également classer dans le fantastique ou la SF, disons qu’il captive à la fois par le sujet qu’il traite, cette expérience que des dizaines de personnes affirment avoir vécue, et par son traitement, en courts chapitres très addictifs.
Si Jasmine est au cœur du récit, son fils Dante (un prénom qui n’est pas le fruit du hasard, tant L’Enfer qui nous est proposé ici se rapproche de ce classique) va l’accompagner dans son périple, ainsi que Ting, dont on découvrira qu’il a quitté le monde des vivants en même temps qu’elle.
Ceux qui suivent Lars Kepler savent qu’il s’agit d’un pseudonyme, celui d’un couple d’auteurs suédois, Alexander et Alexandra Ahndoril, qui a bâti sa réputation sur les enquêtes de l’inspecteur Joona Linna, dont on citera notamment Le marchand de sable ou encore Désaxé paru l’an passé. Cette fois, il s’agit d’un one shot, c’est-à-dire un livre hors de cette série, qui n’en est pas moins captivant même s’il ne s’agit pas d’un thriller classique.
Si les amateurs d’ésotérisme et de mystère sont gâtés ici, gageons que ceux qui ne croient pas en cette expérience aux frontières de la mort seront tout autant happés par ce récit poignant.

Autres critiques
Babelio
Blog Un bouquin sinon rien 

Les premières pages du livre

Extrait
« Jasmine Pascal‐Anderson se réveilla à l’hôpital Országos Orvosi à Budapest. Elle devina une silhouette devant la fenêtre, puis reconnut Mark. Il était difficile de le distinguer dans le halo de lumière dentelé devant ses yeux. Elle tenta de parler, mais n’avait pas encore retrouvé sa voix. Il vint s’asseoir sur le bord du lit, et dit quelque chose qu’elle ne parvint pas à saisir. Il avait apporté une de ses boucles d’oreilles. Il lui tapota la joue, et fixa la petite perle au lobe de son oreille gauche. D’une main faible, elle retira le masque à oxygène humide, et se mit à respirer à pleins poumons.
— La mort ne fonctionne pas, réussit-elle à articuler en toussant.
— Jasmine, tu es en vie, tu n’es pas morte, chuchota Mark en s’efforçant de sourire. »

A propos de l’auteur
Lars Kepler est le pseudonyme du couple d’écrivains Alexander et Alexandra Ahndoril. Mariés dans la vie, ils ont écrit plusieurs romans chacun. (Source : Éditions Actes Sud)

Site Wikipédia des auteurs 

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Tant que dure ta colère

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En deux mots
Enquêtant sur la disparition de deux plongeurs au nord de la Suède, la procureure Rebecka Martinssson va mettre la main sur les assassins et ce faisant, découvrir un épisode resté enfoui de la Seconde guerre mondiale.

Ma note
etoileetoileetoile (beaucoup aimé)

Tant que dure ta colère
Ǻsa Larsson
Albin Michel
Thriller
Traduit du suédois par Rémi Cassaigne
336 p., 20 €
ISBN: 9782226323996
Paru en septembre 2016

Où?
L’action se déroule au Nord de la Suède, dans la région de Kiruna, à Pirttilahti,Tervaskoski, Piilijärvi, Vittangi, Saarisuanto, Kurravaara, Fjällnäs, Puoltsa, Luleå ou Kilpisjärvivägen, Boden, Torneträsk, Sävast. Stockholm et Narvik sont également mentionnés.

Quand?
Ce roman se déroule de nos jours, mais revient sur des épisodes qui se sont déroulés durant la Seconde guerre mondiale et les années qui ont suivi, notamment en août 1943 et le 17 juin 1956.

Ce qu’en dit l’éditeur
Le corps d’une femme repêché dans une rivière à la fonte des neiges au nord de la Suède. Une procureure au sommeil hanté par la vision d’une silhouette accusatrice.
Des rumeurs concernant la mystérieuse disparition en 1943 d’un avion allemand au-dessus de la région de Kiruna. Une population locale qui préfère ne pas se souvenir de sa collaboration avec les Nazis durant la guerre. Sur les rives battues par le vent d’un lac gelé rode un tueur prêt à tout pour que le passé reste enterré sous un demi-siècle de neige et de glace…
Un thriller psychologique complexe et plein de rebondissements. La nouvelle enquête de Rebecka Martinsson.

Ce que j’en pense
« Je me souviens comment nous sommes morts. Je me souviens et je sais. C’est ainsi désormais : je sais certaines choses même si je n’y étais pas. Mais je ne sais pas tout, loin de là. Il n’y a pas de règles. Les gens, par exemple : parfois ce sont des pièces ouvertes où je peux entrer. Parfois ils sont fermés. Le temps n’existe pas. Il est comme balayé. L’hiver est arrivé sans neige. Il a gelé dès septembre, mais la neige a tardé. C’était le 9 octobre. L’air était froid, le ciel très bleu. Un de ces jours qu’on aimerait verser dans un verre et boire. J’avais dix-sept ans. Si j’étais encore en vie, j’en aurais dix-huit aujourd’hui. Simon en avait presque dix-neuf. »
On l’aura compris. La première originalité de ce thriller est de confier la narration à l’une des victimes, Wilma Persson, partie plonger avec son ami Simon Kyrö au lac Vittangijärvi. Sportifs aguerris, ils ne craignent pas la couche de glace et creusent un trou pour partir à la recherche d’une épave: « Là-dessous, il y avait un avion. Et nous étions les seuls à la savoir. Du moins, c’est ce que nous pensions. »
À l’aide d’une porte, leur assassin va les empêcher de remonter et leur offrir une fin particulièrement atroce.
Plusieurs mois après le meurtre, l’esprit de Wilma «voit» les gens s’agiter : « Je regarde l’homme qui me trouve. Il vomit dans la neige fraîche. Il compose le 112 et se dit que jamais plus il ne boira l’eau de la rivière. »
L’enquête est confiée à la procureure Rebecka Martinssson et à l’inspecteur Anna-Maria Mella. L’appel à témoins n’ayant pas eu le résultat escompté, elles décident de se rendre sur les lieux, d’interroger tous les voisins – peu nombreux – ainsi que les membres de la famille et ne tardent pas à soupçonner les frères Krekula, dont la réputation va bien au-delà du cercle de la commune. Car Tore et Hjalmar sont les fils d’Isak, devenu subitement riche pendant la Seconde guerre mondiale avec son entreprise de transports. Et n’ont aucune envie que la police ne vienne mettre le nez dans leurs affaires. Mais leurs menaces auront l’effet contraire à celui escompté: « ils ont cherché à m’intimider parce qu’ils savent quelque chose ou sont mêlés à cette affaire »
S’ils sont peu nombreux, les témoignages vont petit à petit livrer des bribes d’histoires. Les deux plongeurs ne seraient-ils pas morts à cause de la cargaison que transportait cet avion ? Le couple de retraités sauvagement assassiné par des soi-disant rôdeurs a-t-il un lien avec les frères Krekula ? Entre trahison et collaboration, n’y a-t-il pas un règlement de comptes entre les mouvements de résistance et les soutiens au régime nazi ?
En creusant la personnalité de Hjalmar et Tore, en découvrant cet épisode de juin 1956 qui les a à jamais marqués, Rebecka va faire un grand pas vers la résolution de l’énigme, cachée derrière deux versets du livre de Job: « Oh ! si tu m’abritais dans le séjour des morts, si tu m’y cachais, tant que dure ta colère… »
Après Stieg Larsson et Lars Kepler, je vous propose de découvrir avec Ǻsa Larsson
une autre représentante, diablement efficace, du thriller scandinave.

Autres critiques
Babelio 
L’Express (Sandra Benedetti)
Blog À propos de livres 

Les premières pages

À propos de l’auteur
Ǻsa Larsson a grandi à Kiruna, 145 km au-dessus du cercle polaire Arctique, où se déroulent ses romans. Avocate comme son héroïne, elle se consacre désormais à l’écriture. Les cinq tomes de la série autour de Rebecka Martinsson sont en cours de traduction dans 30 pays. (Source : Editions Albin Michel)

Site Wikipédia de l’auteur https://fr.wikipedia.org/wiki/Åsa_Larsson

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Marquée à vie

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Marquée à vie
Emelie Schepp
Éditions Harper Collins Noir
Thriller
traduit de l’anglais (États-Unis) par Louis Poirier
416 p., 18,90 €
EAN : 9791033900184
Paru en janvier 2017

Où?
Le roman se déroule en Suède, à Norrköpping , Sandbyhov, Viddviken, Arkosünd et l’île de Grimsö ou encore Stockholm.

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Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Jana Berzelius, le nouveau phénomène suédois
Norrköpping, Suède. La procureure Jana Berzelius arrive sur la scène du meurtre d’un haut responsable de l’Immigration en Suède, assassiné dans sa maison, au bord de la mer Baltique. Le tueur n’a laissé aucune trace. Etrangement, les seules empreintes que l’on retrouve sont celles d’un enfant…
Quelques jours plus tard, sur un rivage désolé, on découvre le corps du meurtrier. Un très jeune garçon. Avec sur la nuque le nom d’un dieu grec, grossièrement gravé dans la chair. Cet horrible stigmate provoque chez Jana, pourtant réputée pour sa froideur, un séisme sans précédent. Car elle porte la même scarification, dissimulée sous ses cheveux. La marque d’un passé qui ne lui revient que par flashs incontrôlables…
Dans l’univers d’Emelie Schepp, le Nord ressemble moins à un tableau mélancolique qu’à un conte cruel d’Andersen. Avec son héroïne aux deux visages qui émeut autant qu’elle surprend, Marquée à vie met progressivement à nu les différentes strates de la violence et les ressorts psychologiques de la survie, grâce à un suspense parfaitement maîtrisé.
La nouvelle reine du polar suédois, «Auteur de l’année 2016» au festival de Gotland

Ce que j’en pense
****
On présente déjà Emelie Schepp comme «la nouvelle reine du polar suédois». Sans aller jusque-là, il faut bien reconnaître que ce premier thriller à mettre en scène la procureure Jana Berzelius s’inscrit avec un vrai pouvoir addictif dans la lignée des Viveca Sten et des Stieg Larsson. Du reste, le scénario emprunte la géographie de l’une et l’histoire de l’autre. Nous sommes à quelques kilomètres de la Baltique et ses centaines d’île, dans un port propice à tous les trafics, de l’alcool à la drogue en passant par les êtres humains.
Le récit débute par la découverte d’un cadavre. Hans Juhlen, le chef du service de l’immigration, est retrouvé assassiné à son domicile par son épouse. Les déclarations contradictoires et les mensonges avérés de cette dernière ne seront toutefois pas suffisants pour l’inculper. D’autant que des empreintes digitales et les enregistrements d’une caméra de surveillance mettent en cause un enfant.
Quand un peu plus tard, on découvrira le cadavre d’un garçon sur la plage, il sera aisé d’établir que ses empreintes coïncident avec celles trouvées sur le lieu du crime.
Toutefois, la découverte du meurtrier de Hans Juhlen pose davantage de questions qu’il n’en résout. Quel est le mobile du crime ? Qui s’est débarrassé du garçon ? Que signifie l’inscription «Thanatos» gravée dans la nuque de ce second cadavre ?
Jana Berzelius pourrait peut-être apporter un début de réponse à l’équipe de police de Norrköpping chargée de l’enquête. Car sa nuque porte également une inscription de ce type. Les trois lettres «Ker» qu’on y a gravé sont aussi issues de la mythologie grecque, Ker ou plus précisément les Kères étant les sœurs de Thanatos, dieu de la mort. Il se trouve cependant que la procureure n’a aucun souvenir de l’époque où elle a été ainsi Marquée à vie.
Le lecteur, quant à lui, peut prendre un peu d’avance sur les enquêteurs. Emelie Schepp insère en effet le récit originel – l’arrivée de clandestins dans un container sur les côtes suédoises – au fil de l’enquête, si bien que l’on comprend très vite que Berzelius est le nom des parents adoptifs de Jana et que son parcours est bien loin d’être aussi lisse que ses collègues peuvent le penser, elle qui a pris la succession de son père dans la fonction.
L’enquête va dès lors se dédoubler. On découvre d’une part que Hans Juhlen possédait lui aussi une part d’ombre, usant de son pouvoir pour forcer les immigrées à avoir des relations sexuelles avec lui, contre la promesse d’un permis de séjour. Jusqu’au jour où le frère d’une victime décide de le faire chanter après avoir pris des photos compromettantes. Sa femme se chargera de payer les 40000 couronnes mensuelles réclamées en échange du silence du maître-chanteur.
Dans l’ordinateur du fonctionnaire-violeur une série de chiffres et de lettres intriguent aussi les enquêteurs. Ils finiront toutefois par trouver la clé de cette énigme : ces codes sont des immatriculations de containers venant du Chili et qui ont mystérieusement disparu.
Jana, qui depuis le choc de la découverte de «Thanatos» mène sa propre enquête, va finir par retrouver son histoire ainsi que les acteurs du drame qu’elle a vécu. Au fur et à mesure que le filet se resserre sur les commanditaires des crimes, il va lui falloir jouer sur du velours. Pourra-t-elle assouvir sa vengeance avant que les enquêteurs n’arrêtent le chef du réseau ? Ne va-t-elle pas finir par devoir tomber le masque et révéler qu’elle fait partie des victimes de ce réseau ?
Avec un vrai sens de l’intrigue et quelques rebondissements qui viennent contrarier l’évolution par trop prévisible de l’enquête, on comprend que ce thriller ait trouvé un très large public et qu’il soit traduit dans près d’une trentaine de pays. Le personnage de Jana Berzelius, qui a dû se construire après l’assassinat de ses parents et une éducation au meurtre – il fallait tuer pour survivre – offre en outre suffisamment de coins secrets pour rendre non seulement cette enquête passionnante, mais également la suite que l’on attend déjà avec impatience !

Autres critiques
Babelio http://www.babelio.com/livres/Schepp-Marquee-a-vie/900333
Blog Zonelivre.fr http://nordique.zonelivre.fr/emelie-schepp-marquee-a-vie/
Blog Andrée la papivore http://andree-la-papivore.blogspot.ch/2017/01/marquee-vie-demelie-schepp.html

Extrait
« Même si cela faisait partie de son travail, Henrik avait du mal à côtoyer la mort de près. Au bout de sept ans, il devait encore se faire violence pour conserver une expression neutre quand on lui montrait un corps.
Jana, elle, ne semblait pas troublée le moins du monde. Son visage était impassible et Henrik se surprit à se demander si quelque chose était susceptible de la faire réagir. Des dents cassées, des orbites vides, des mains ou des doigts coupés ne suffisaient pas. Pas plus que les langues déchiquetées et les brûlures au troisième degré. Il le savait pour avoir assisté avec elle à des autopsies de cadavres atrocement mutilés. En sortant, il était allé vider ses tripes. Pas elle. »

À propos de l’auteur
Née en Suède, à Motala, Emelie Schepp appartient à la nouvelle génération d’écrivains nordiques, celle qui a succédé à des auteurs mondialement connus, comme Stieg Larsson. Après avoir remporté un prix d’Art dramatique et travaillé dans la publicité, Schepp fait des débuts très remarqués avec Marquée à vie, le premier volume de sa série «Jana Berzelius». Déjà vendue dans 27 pays à ce jour, cette trilogie a conquis 200 000 lecteurs rien qu’en Suède. (Source : Éditions Harper Collins)

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