Dernier concert à Pripyat

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En deux mots
Les enfants d’un couple d’employés de la centrale nucléaire de Tchernobyl fuient la zone contaminée après l’explosion. Mais après quelques mois ils reviennent, attirés comme un aimant par ce terrain irradié. Les «stalkers» vont défier les autorités, organiser des concerts et faire du street art pour qu’on n’oublie pas.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Les rebelles de Tchernobyl

Après un voyage dans la zone d’exclusion de la centrale de Tchernobyl en 2013, Bernadette Richard a choisi le roman pour raconter les suites d’un fait divers aux conséquences planétaires. En suivant trois «stalkers», elle nous invite en enfer.

Le point de départ de ce roman est un fait divers qui a fortement secoué le monde. Dans la nuit du 25 au 26 avril 1986, le réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl explose. Une gigantesque flamme embrase le ciel et près de cinquante tonnes de combustible s’évaporent. Le nuage de Tchernobyl va s’attaquer aux abords immédiats puis se répandre sur l’Europe. À Pripyat, où a été érigée une ville moderne pour le personnel de la centrale, c’est la sidération. Mais très vite Babouchka, la grand-mère qui vit avec la famille d’un ingénieur, comprend qu’il faut fuir. Elle embarque ses petits-enfants Zhenia, Orest et Katya et part pour Kiev où vit leur tante Anya. Très vite, on leur annonce la mort de leur père et l’hospitalisation de leur mère, fortement irradiée. Elle ne survivra pas à ses graves blessures.
Passé le choc du deuil, les enfants trouvent en Artem un grand-frère. Il a lui aussi fui Pripyat après avoir vainement tenté de sauver sa mère et a trouvé une famille d’accueil à Kiev. Près de deux ans après la catastrophe, il va proposer aux deux frères de l’accompagner dans la zone interdite où certains habitants ont déjà bravé l’interdiction, comme Boris et Olena, la sœur de Bab.
L’expédition a lieu le 5 novembre 1988 et sera suivie de nombreuses autres, même si le taux d’irradiation reste très élevé. Car, comme le soulignent les protagonistes, «l’attrait de l’illicite et la curiosité qui nous habitaient étaient plus puissants que la peur. La zone d’exclusion devint notre terrain de chasse à l’image, aux émotions, aux découvertes, et bientôt notre théâtre de la cruauté, notre immense salle de concert, notre galerie d’art à ciel ouvert». Au fil des ans, ils vont effectivement, sous l’œil de plus en plus blasé et bienveillant des autorités chargées de contrôler la zone, s’approprier les lieux, donnant des concerts et transformant certaines façades à coups de bombes de peinture. Le Street Art comme un symbole de rébellion.
Et si la mort va s’inviter aux performances, nos explorateurs vont aussi faire d’étonnantes découvertes comme ce «pied d’éléphant», le corium autour du réacteur ou, plus trivial, un bordel en pleine zone rouge, œuvre d’un employé décidé à se venger des autorités. Plus étonnant encore, il avait «beaucoup de clients, parmi lesquels les soldats, les pires escrocs d’Ukraine et de Biélorussie, des adolescents de Kiev en rupture de ban, des drogués du sexe, de l’alcool, de la dope.»
Pour une zone interdite, on va constater en suivant les stalkers au fil des ans, que de plus en plus de monde va investir les lieux. Des touristes aux trafiquants, des scientifiques et des chasseurs vont en quelque sorte pousser les stalkers à se faire plus discrets. Leur dernier coup d’éclat sera un ultime concert, en 2007.
Bernadette Richard ne fait pas œuvre militante, ce qui rend son roman encore plus fort. Elle s’est beaucoup documentée, s’est rendue sur place et souligne combien les chiffres sont sujet à caution, combien la corruption fait des ravages en Ukraine, combien les trafics en tout genre prospèrent, en particulier avec des tonnes de métal irradié. Mais tout comme Alexandra Koszelyk avec son émouvant À crier dans les ruines, elle allume cette flamme de la vigilance et pousse ses lecteurs à la réflexion. Un livre fort, un livre juste.

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Signalons également la parution de L’Horizon et après: un livre de poche illustré par Catherine Aeschlimann et qui rassemble des nouvelles inédites et des récits publiés dans divers livres collectifs, journaux et magazines. «Souvent acides, visionnaires, glauques ou même érotiques», elles donnent une bonne idée de l’univers de cette femme de combats !

Dernier concert à Pripyat
Bernadette Richard
Éditions L’Âge d’Homme
Roman
150 p., 23 €
EAN 9782825148174
Paru le 3/11/2020

Où?
Le roman est situé en Ukraine, principalement à Pripyat et à Kiev, mais aussi à Tcherkassy, Dytiatky et Kopatchi.

Quand?
L’action se déroule de 1986 à 2007.

Ce qu’en dit l’éditeur
Centrale Lénine à Tchernobyl. Dernier concert à Pripyat suit l’histoire de trois garçons survivants de la catastrophe et d’une famille rescapée. Pestiférés de la ville où vivaient les employés de la centrale, Zhenia, Orest et Artem décident d’explorer la Zone interdite, où quelques récalcitrants sont retournés vivre. Au cours des années, ils assistent à la déliquescence de la région, pillée jusque dans ses entrailles irradiées. La Zone se transforme en rives du Styx, où s’épanouissent les réprouvés du système soviétique. Nos antihéros décident de rendre à Pripyat ses lettres de noblesse à travers des événements culturels pour le moins audacieux. Au fil de ce roman picaresque et bouleversant d’humanité se dévoilent les dessous d’une réalité longtemps ignorée.

Les critiques
Babelio 
Le Temps 
Le Temps (Reportage photographique de Bernadette Richard – partie 1)
Le Temps (Reportage photographique de Bernadette Richard – partie 2)
RTN
Le blog de Jean-Michel Olivier
Les plus belles plumes (Christelle Magarotto) 

Les premières pages du livre
« JE M’APPELLE ZHENIA DRATCH.
Je suis l’un des stalkers de la zone d’exclusion de Tchernobyl.
Je ne sais pas si j’aime Pripyat. J’y suis né le 20 septembre 1974, je ne me posais pas ce genre de question à l’époque. J’étais un enfant choyé. Je vivais dans une cité résolument moderne, créée de toutes pièces par des architectes à la pointe du progrès. Elle était présentée comme un modèle du savoir-faire soviétique. Rivalisant avec les grandes villes du pays, elle offrait de vastes parcs, des places de jeux pour les enfants, des garderies où nous apprenions à chanter, à lire, à compter. L’hôpital valait les centres hospitaliers de Moscou et de Leningrad. C’est ce que racontaient fièrement mes parents. J’ai toujours vu des arbres autour de moi et des fleurs sur les places. Et aussi sur le balcon, que Bab soignait en leur parlant avec dévotion. Elle avait le secret du langage floral. Avec elle, notre loggia était ainsi transformée chaque été en un luxuriant jardin. À la disparition de son père, ma mère avait proposé à Bab de vivre avec nous. Le logement était assez vaste pour une famille ainsi réunie. Nous habitions au sixième étage d’un long bloc de béton, fierté des habitations communistes.
Au même étage, mon copain Orest jouait déjà du piano à l’âge de quatre ans. « Un génie », disait sa mère. Moi, je n’étais pas doué, enfin, jusqu’à ce que Babouchka m’offre un saxophone japonais. J’ai commencé à souffler là-dedans, pinçant l’anche comme si je lui avais consacré toute ma vie. J’étais tellement content d’entendre le son velouté du sax. Grand-mère applaudissait, tandis que monsieur Lisenko, au septième, avait interdit que je joue quand il rentrait du travail. Mère s’était fâchée et père était parvenu à un compromis avec ce voisin acariâtre — papa prétendait qu’il avait changé à la suite d’un préjudice. Ce physicien nucléaire de haut rang avait été relégué à l’ingénierie des sous-sols, sans explication. Le droit de pénétrer dans la salle de commande lui avait même été retiré. Il était aigri, papa le plaignait. L’accord portait sur les heures de sérénade — de cacophonie, proclamait monsieur Lysenko en gesticulant. Je ne sortais pas le saxophone après 19 h et jamais avant 8 h du matin. Au retour de l’école, j’avais tout loisir de souffler à en faire éclater les vitres. Mais il en eût fallu bien davantage pour briser les fenêtres des immeubles. C’est du moins ce que je croyais, ce que nous croyions tous, nous les cinquante mille habitants de la cité de l’atome, le concept même de l’avenir.
Orest et moi étions de médiocres footballeurs, ce qui désespérait nos pères. Nous préférions la musique et la course de fond. Ensemble, nous courions tous les jours le long de la Pripyat, la rivière au bord de laquelle les quartiers avaient été érigés. Nos petites jambes étaient parfois maladroites, mais on s’accrochait. Nous courons toujours sur les rives du cours d’eau qui draine une masse élevée de radioisotopes dangereux, malgré l’interdiction des autorités. Les nouveaux touristes de la misère, eux, sont subjugués par les « marathoniens de l’enfer». Le clou de leur voyage à Tchernobyl et Pripyat est de nous voir en plein effort, baskets aux pieds, foulant la terre maudite. Notre réputation de stalkers a fait le tour du monde. Léger tressaillement morbide: et si l’un de nous deux soudainement s’effondrait, terrassé par les radiations? Ils nous photographient de loin, comme des bêtes enragées. Parfois, taquins, nous les rejoignons et leur arrachons téléphones portables et appareils photo, refusant d’être la misérable petite onde de choc qu’ils ramèneraient fièrement chez eux. Et quand ils ont la chance d’assister à l’un de nos concerts, ils nous écoutent religieusement.
Nous voilà promus au grade envié de suprême curiosité du désastre.
Pripyat, nuit du 25 au 26 avril 1986
Une déflagration m’a brusquement réveillé. À peine ai-je ouvert les yeux que je suis resté fasciné comme un animal pris dans les phares d’une voiture, j’avais vu ça une nuit avec papa. Quand il les avait éteints, et grâce aux lueurs de la lune, j’avais aperçu le lièvre s’enfuir et rejoindre la forêt. La chambre était comme embrasée par les reflets d’un feu gigantesque allumé au loin. Les flammes projetaient contre les murs et jusque sur la couette de mon lit et celui de ma sœur des formes inquiétantes, des ombres brouillées, qui s’enchevêtraient comme des êtres diaboliques s’adonnant à une danse lascive. J’étais envoûté, mais soudain j’ai crié, réveillant Katya. Babouchka, notre grand-mère, est entrée, nous a calmés et intimé de nous habiller rapidement, Nous n’avons pas discuté, sa voix était impérative, elle ne parlait jamais de cette manière. Elle a préparé une valise, a emballé de la nourriture dans un sac, où elle a ajouté une bouteille d’eau et nous a dit d’emmener quelques jouets. Elle était comme détachée d’elle-même, méthodique, concentrée, le visage fermé. Ma sœur pleurait, ne comprenant pas pourquoi nous devions nous habiller en pleine nuit. Babouchka n’a fourni aucune explication. Elle m’a encore rappelé de ne pas oublier mon saxophone. Au passage, elle a tapé du poing à la porte d’Orest qui est venu ouvrir. Il dormait à moitié et suçait son pouce. Comme son père travaillait aussi de nuit, elle l’a aidé à s’habiller et l’a pris par La main. Mon ami affichait une moue contrariée mais n’a pas pipé mot. N’ayant lui-même plus de grand-mère, il aimait beaucoup Bab. Nous sommes descendus dans la rue, plusieurs voisins se hélaient par les fenêtres, cherchaient à savoir œ qui s’était passé, nul n’était effrayé. Personne ne pouvait imaginer la gravité de la situation. Pour moi, c’était simplement un grand incendie: — C’est la forêt qui brûle?
— Non, Zhenia, un réacteur a explosé, un seul j’espère. — Bab, suppliai-je, tu sais que demain je veux participer au marathon scolaire autour de la Centrale? Elle m’observa d’un œil à la fois furibond et empreint de tendresse :
— Zeniouchka, mon amour, fit-elle, une main distraite dans mes cheveux, un marathon, manquerait plus que ça.
— Et papa? Et maman?
— Ils sont au travail, nous partons à Kiev.
— Sans eux?
— Sans eux. »

Extraits
Il partit dans une diatribe pseudo-scientifique censée nous éclairer. J’en retins que le taux d’irradiation était très élevé et que nous avions intérêt à nous carapater vite fait, Ce que nous fîmes. Mais l’attrait de l’illicite et la curiosité qui nous habitaient étaient plus puissants que la peur. La zone d’exclusion devint notre terrain de chasse à l’image, aux émotions, aux découvertes, et bientôt notre théâtre de la cruauté, notre immense salle de concert, notre galerie d’art à ciel ouvert. Bab comprenait mais s’inquiétait pour notre santé. p. 49

Le bouche à oreille lui fournissait beaucoup de clients, parmi lesquels les soldats, les pires escrocs d’Ukraine et de Biélorussie, des adolescents de Kiev en rupture de ban, des drogués du sexe, de l’alcool, de la dope. Dans une région abandonnée qui n’avait plus ni lois ni maîtres, il faisait régner son ordre à lui. Les mauvais payeurs étaient une première fois, en guise d’avertissement, jetés à la rue. S’ils revenaient sans fric ou maltraitaient les filles, le boss sortait son flingue et tirait à vue. Le malheureux qui avait crevé à nos pieds en avait fait la définitive expérience. Il avait rudoyé Darya la barrique et l’avait payé de sa misérable existence, le sexe encore dégoulinant et la blessure ruisselant à deux pas du bordel. P. 111

À propos de l’auteur
RICHARD_Bernadette_DRBernadette Richard © Photo DR

Écrivaine, journaliste et astrologue, Bernadette Richard est née en 1951 à La Chaux-de-Fonds un 1er mai, 5 professions dont 37 ans de presse à ce jour, 1 mariage, 1 enfant, 1 divorce, 1 petite-fille, 58 déménagements dans 7 pays sur 3 continents, 28 romans et nouvelles, 3 livres pour enfants, 3 pièces de théâtre, 253 textes littéraires ou essais sur les arts plastiques parus dans des médias et anthologies, 28 discours pour des vernissages d’expositions. N’utilise que l’un de ses 12 stylo-plumes pour écrire. Travaille sur 1 PC (hélas). S’est trouvée à 5 reprises sur des lieux de prises de pouvoir politique ou attentats meurtriers, dont le 11 septembre. Vit ici ou là avec des 4 pattes envahissantes. (Source: torticolis-et-freres.ch)

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L’envers de l’espoir

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L’envers de l’espoir
Mechtild Borrmann
Le Masque
Thriller
traduit de l’allemand par Sylvie Roussel
288 p., 19 €
ISBN: 9782702442456
Paru en avril 2016

Où?
Le roman se déroule principalement en Allemagne et en Ukraine, à Düsseldorf, Kranenburg, Zyfflich situé à quelques kilomètres de la frontière néerlandaise et de la ville de Nimègue et à Kiev, Pripiat, Tchernobyl et aux environs.

Quand?
L’action se situe en 2010 et les mois suivants avec en parallèle la rédaction d’un journal qui retrace l’époque qui a précédé et suivi l’accident à la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986.

Ce qu’en dit l’éditeur
Valentina vit dans la zone interdite de Tchernobyl.Les seuls habitants de cet endroit maudit sont ceux qui n’ont pas d’autre choix ou qui cherchent à se cacher. Cette femme usée par la vie attend désespérément le retour de sa fille dont elle n’a plus de nouvelles depuis des mois. Elle semble avoir disparu, comme beaucoup d’autres étudiantes parties pour l’Allemagne avec une bourse en 2009. Pour combler le vide et garder l’espoir de la retrouver, Valentina consigne dans un cahier, à la lumière de la bougie et dans le froid glacé de l’hiver, l’histoire de sa vie, avant et après la catastrophe.
Dans le même temps, en Allemagne, Matthias Lessmann cache une jeune ukrainienne qu’il a recueillie un matin d’hiver alors qu’elle tentait d’échapper à de mystérieux hommes en 4 X 4 noir. En lui venant ainsi en aide, Lessmann est loin d’imaginer à quel point sa vie va basculer…

Ce que j’en pense
****
J’ai découvert Mechtild Bormann avec ce livre et ai vite compris pourquoi cette romancière a été couronnée pour ses précédents ouvrages par le Prix du meilleur roman policier allemand et le Grand Prix des Lectrices Elle 2015 dans la catégorie polars : elle sait indéniablement attraper son lecteur et le tenir en haleine avec une histoire formidablement bien ancrée dans le réel.
Cette fois, il s’agit de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl et de ses conséquences, de la difficile situation géopolitique de l’Ukraine et des espoirs suscités par le changement de régime ainsi que des mafias et des filières de prostitution. Le fait que la plupart des situations évoquées ici soient totalement crédibles, voire authentiques, ne rend le récit que plus intéressant et plus effrayant.
Tout commence en Allemagne, avec l’errance d’une jeune fille court vêtue, alors que l’hiver s’est abattu sur le pays. Paniquée, elle cherche refuge dans l’exploitation agricole de Matthias Lessmann. Le vieil homme se rend vite compte que secourir cette inconnue ne lui apportera que des ennuis, mais son instinct est plus fort que sa raison. S’il se rend très vite compte que des tueurs sont au trousse de la jeune fille et qu’il va falloir se défendre, il ne peut éviter la tentative de suicide de la désespérée. Il se débarrasser de l’un des malfrats – ce qui le liera au destin de sa protégée – réussira à la sauver et à la cacher. À partir de là, Matthias va pouvoir essayer de reconstituer le parcours de Nadia (qui s’appelle en fait Olena). Avec une amie, elle était censée venir en Allemagne pour suivre un semestre à l’université. Mais au lieu de cela, elle s’est retrouvée sous le joug de souteneurs qui les retenaient dans une maison close avant leur transfert aux Pays-Bas.
Pendant ce temps, sa mère essaie d’avoir des nouvelles. Elle continue d’habiter la zone de contamination délimitée à la suite de l’accident nucléaire de Tchernobyl en 1986, lutte contre les taux élevés de radiation, le froid de l’hiver, le manque de moyens et les mensonges de l’administration.
Aussi, en attendant un signe venu d’Allemagne, décide-t-elle de coucher sur le papier la «vraie histoire», de témoigner de ce qui s’est vraiment passé et comment la population a littéralement été sacrifiée. Le lecteur va alors suivre en parallèle les deux récits qui finiront par se rejoindre pour l’épilogue.
D’un côté, Matthias Lessmann va essayer de retrouver Katerina, la compagne de Nadia en visitant les bordels de Nimègue. De l’autre côté Leonid, membre de la milice ukrainienne, mène sa propre enquête et découvre bien vite qu’il serait plus sage de ne pas poser trop de questions. Entre corruption et manque d’organisation, il va vite se retrouver seul et se rendre compte qu’une taupe œuvre au sein de la police. Mais sa soif de comprendre et la promesse qu’il a faite de retrouver les jeunes filles vont le pousser à continuer, quitte à agir sans l’aval de sa hiérarchie, jusqu’à se rendre en Allemagne avec une poignée d’euros.
Des personnages bien campés, autant du côté du bien que du mal, un scénario très travaillé, une construction audacieuse mais dans laquelle on ne se perd à aucun moment font de ce livre l’un des meilleurs polars de l’année. Une fois refermé, je suis persuadé que, comme moi, vous aurez envie de vous précipiter sur les deux autres livres de Mechtild Bormann déjà disponibles Rompre le silence et Le Violonniste.

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Extrait
« Il s’assit et dit :
– Va dormir.
– Elle se leva et alla lui chercher une bière :
– Si Bülent vient…
Il la coupa :
– On avisera.
Elle s’appuya contre le réfrigérateur, il but la bière et, quand il la regarda, il prit conscience qu’ils étaient dorénavant liés l’un à l’autre. Non pas alliés, comme ils l’étaient, Vera et lui, mais liés par des chaînes, et il croyait déjà les sentir. Des semaines plus tard, en repensant à ce jour-là, il nota que pas une seule fois il n’avait envisagé d’appeler la police. »

A propos de l’auteur
Mechtild Borrmann est née en 1960. Elle vit à Bielefeld, dans le Rhin inférieur. Après une formation en thérapie par la danse et le théâtre, elle s’est lancée dans la restauration. Elle se consacre désormais à l’écriture. Ses cinq livres publiés en Allemagne ont été salués par la critique. Rompre le silence, son premier roman traduit en français paru aux Éditions du Masque en 2013, a obtenu le prix du meilleur roman policier en Allemagne (Deutscher Krimipreis, 2012). Le Violoniste (Masque, 2014) a reçu le Prix des lectrices de Elle en 2015. (Source : Editions JC Lattès)

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