L’atelier des poisons

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L’atelier des poisons
Sylvie Gibert
Plon
Roman
352 p., 19,90 €
ISBN: 9782259230599
Paru en mars 2016

Où?
Le roman se déroule principalement à Paris, avec quelques sorties aux environs, à Bezons, Argenteuil, Maurecourt et un voyage au bord de la mer à Villerville. Le commissaire Des souvenirs de guerre et de captivité à Sedan et Ulm sont également évoqués, ainsi qu’un séjour à Madrid.

Quand?
L’action se situe en 1879 et 1880.

Ce qu’en dit l’éditeur
Quand le talent d’une jeune peintre intrépide la plonge au cœur d’une intrigue captivante.
Paris, 1880. A l’académie Julian, le premier atelier à ouvrir ses portes aux femmes, la vie n’est pas facile. L’apprentissage du métier de peintre est ardu, long et coûteux. Seules les jeunes filles dotées d’un véritable talent et, surtout, d’une grande force de caractère, parviennent à en surmonter les obstacles.
Du talent, Zélie Murineau n’en manque pas. De la force de caractère non plus. N’a-t-elle pas déjà prouvé qu’elle était prête à tout pour parvenir à ses fins ? Pourtant, lorsque Alexandre d’Arbourg, le commissaire du quartier du Palais-Royal, lui demande de faire le portrait de sa filleule, sa belle assurance est ébranlée : comment ne pas croire que cette commande dissimule d’autres motifs ? Même si elle en connaît les risques, elle n’est pas en mesure de refuser le marché que lui propose le beau commissaire : elle sera donc « ses yeux ».
Des auberges mal famées jusqu’aux salons de la grande bourgeoisie, elle va l’aider à discerner ce que les grands maîtres de la peinture sont les seuls à voir : les vérités qui se cachent derrière les apparences.

Ce que j’en pense
****
«Ce roman a pris sa source devant un très beau pastel d’Amélie Beaury-Saurel, Dans le bleu, une donation faite au musée des Augustins à Toulouse. Le présence forte du modèle m’a inspiré Zélie Murineau.» explique Sylvie Gibert dans sa postface qui lève également le voile sur quelques uns des autres personnages de ce beau roman, dont les compagnes de Zélie au sein de l’atelier des femmes de l’académie Julian – qui ont vraiment existé –, à commencer par Amélie Beaury-Saurel qui finira par épouser son maître : Rodolphe Julian, ainsi que Marie Bashkirtseff, Sophie Schaeppi ou Louise Catherine Breslau, l’amie d’Edgar Degas.
GIBERT_Beaury-Saurel_Dans_le_bleuDans le bleu d’Amélie Beaury-Saurel (musée des Augustins, Toulouse).

L’héroïne du livre est la donc la jeune Zélie, bien décidée à vivre de sa peinture à un moment où les femmes n’étaient pour ainsi dire pas acceptées dans le cercle restreint des «grands maîtres», représentants d’une peinture académique très classique. Mais nous sommes en 1880, au moment où la société commence à bouger, où le progrès va se mêler aux idées émancipatrices, où les premiers impressionnistes se font huer.
La jeune femme réalise quelques esquisses dans le Jardin des Tuileries lorsqu’elle croise le regard d’un jeune homme. Il s’agit du commissaire Alexandre d’Arbourg, amateur d’art à ses heures perdues. Il s’est longtemps demandé «ce qui faisait la différence entre les peintres amateurs et les grands maîtres» sans trouver de réponse, sinon que les grands maîtres, comme Zélie, possèdent un sens de l’observation absolument extraordinaire : «Cette étonnante perspicacité du regard ne serait-elle pas une partie du secret des grands maîtres de la peinture ?»
C’est cette qualité qu’il va mettre à son service, la jeune fille parvenant à lui décrire de façon détaillée les voleurs qui sévissent dans le parc. Une amitié naît, même si elle inquiète dans un premier temps la jeune artiste qui, pour payer son loyer, n’a pas hésité à reproduire une œuvre de Vélasquez et à la vendre à un brocanteur.
Zélie s’est crue découverte, puis elle comprend qu’Alexandre aimait s’amuser. «Il maniait l’ironie avec une véritable délectation…» Si bien qu’elle accepte son offre de réaliser le portrait de sa filleule Juliette, mais en posant ses conditions. Elle veut que le commissaire l’aide à retrouver l’enfant de la nourrice dont elle réalise le portrait et qui a disparu durant le trajet qui devait le ramener dans sa famille.
Alors qu’Alexandre commence son enquête, Zélie sa charge d’un autre mandat. En se rendant au domicile de Juliette, elle est chargée d’observer ce qui s’y passe, car le maître de maison, banquier de son état, a été victime d’une tentative d’empoisonnement. Entre Henriette, la maîtresse de maison qui s’occupe de sa fille unique «comme on traite un bibelot dont la vue dérange, mais dont il est imposible de se débarrasser parce qu’on vous l’a offert.» Léon, le fils d’un premier mariage qui est amoureux de la nouvelle épouse de son père et la bonne qui a su consoler le banquier durant son veuvage, elle a l’embarras du choix…
Habilement construit, le roman va alors nous entraîner d’une part dans les bas-fonds de la capitale et sur la route de quelques malfrats bien peu recommandables et d’autre part au sein du milieu artistique jusqu’au salon du Palais de l’industrie. En passant, on croisera Alphonse Allais, Edgar Degas et quelques autres artistes dont la renommée est loin d’être acquise à l’époque. Sylvie Gibert joue avec beaucoup de finesse sur les deux tableaux, si je puis dire, et sait distiller les indices qui tiendront le lecteur en haleine. Zélie va-t-elle tomber amoureuse d’Alexandre ? Pourquoi ce dernier, qui a découvert le subterfuge du faux Vélasquez, déclare-t-il à sa protégée : «Il se trouve que pour une raison dont je préfère garder le secret, je ne chercherai jamais à vous nuire… Jamais ! Vous en avez ma parole.» ?
Nous voilà entraînés dans un roman aux registres variés dont la partie policière rappelle, sur bien des aspects, les enquêtes de Nicolas le Floch de Jean-François Parot. Peut-être même aurons nous droit prochainement à un nouvel épisode des aventures de Zélie et Alexandre ? Gageons que ce sera le vœu le plus cher de la plupart des lecteurs de ce passionnant périple dans le Paris de la fin du XIXe siècle.

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Extrait
« Il avait longtemps réfléchi sans entrevoir la moindre solution. Son meilleur ami était pourtant venu jusqu’à son commissariat lui demander son aide, et il ne pouvait déclarer forfait sans rien tenter. À force de tourner et retourner l’affaire dans tous les sens, il s’était soudain souvenu de cette jeune… Quel terme employer puisque le mot « peintre » ne connaissait pas le genre féminin ? Cependant, c’était bien une femme peintre qu’il avait rencontrée quelques jours plus tôt. Une femme peintre douée d’un sens de l’observation hors du commun… Mais cette jeune inconnue accepterait-elle de l’aider ? Encore fallait-il être en mesure de lui poser la question… Et pour cela, il devait d’abord la retrouver. Comment allait-il s’y prendre ?
Il se souvenait que, lorsqu’il s’était présenté à elle, au jardin des Tuileries, par une belle journée d’automne, elle lui avait révélé son nom. Cependant, le commissaire ne savait ni où elle habitait ni dans quelle institution elle apprenait la peinture. Ce ne pouvait être à l’École des beaux-arts, puisque les femmes n’y étaient pas admises. Ce ne devait pas être non plus dans l’un de ces cours dirigés par quelque demoiselle défraîchie où l’on n’enseigne que l’art de reproduire les bouquets de fleurs. Non, le peu que le commissaire avait vu des talents de celle-ci lui avait prouvé qu’il n’avait pas affaire à une dilettante. Elle devait donc fréquenter une véritable académie de peinture, l’une de celles où, après s’être exercé sur des moulages de plâtre, on fait poser de véritables modèles de chair et de sang… Les modèles ! C’était peut-être là qu’il lui fallait chercher… Mais il ne pouvait pas mener cette enquête à visage découvert. »

A propos de l’auteur
Enseignante dans un lycée français en Allemagne, puis architecte, Sylvie Gibert vit et travaille à Toulouse. Elle a publié des romans pour la jeunesse chez Milan Presse et plusieurs romans chez De Borée, dont Derrière les portes. (Source : Decitre, Editions Plon)

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