Ta vie ou la mienne

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En deux mots:
Quand Hamed l’orphelin qui veut être footballeur rencontre Léa, fille de la haute-bourgeoisie, il se rend compte qu’il lui faudra franchir bien des obstacles pour gagner son amour. Mais il ne s’imagine pas le drame qui l’attend.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

L’orphelin et la bourgeoise

Hamed Boutaleb croise le regard de Léa, «gosse de riches». Ce qu’il y lit le pousse vers elle et l’entraîne vers un drame poignant.

Encore un – excellent – premier roman et un nouveau coup de cœur. L’avenir dira si 2018 a marqué l’éclosion d’une nouvelle génération d’auteurs et si Guillaume Para fait partie de l’un d’eux, mais pour l’heure savourons notre plaisir à suivre Hamed Boutaleb, le «héros» de cette sombre et poignante histoire.
Quand s’ouvre le roman, une jeune avocate insiste auprès de son collègue pour plaider une affaire très ordinaire, un braquage. On ne comprendra que bien plus tard pour quelle raison Léa entend à tous prix s’accaparrer ce dossier, car l’auteur change de registre pour nous raconter la vie d’Hamed dont la mère meurt à sa naissance et qui passe ses premières années aux côtés de son frère Faouzi, de sept ans son aîné, et son père alcoolique et violent. Il n’a que huit ans quand son grand frère est victime d’un règlement de compte entre trafiquants de drogue, il n’ena que treize quand son père est emporté par un cancer. L’orphelin est alors recueilli par son oncle Tarek et sa tante Asma. Avec leurs filles, ce couple peut être considéré comme la première «vraie» famille d’Hamed. Dans cet environnement, le garçon se sent à l’aise et peut progresser dans le seul domaine où il excelle: le football. Parmi ses admirateurs, il y a son coéquipier François qui est considéré comme le mouton noir – parce que «gosse de riches» – et qui se fait systématiquement frapper et humilier. Jusqu’au jour où Hamed prend sa défense et découvre «à travers ce garçon ce qu’il y avait de bon à avoir été préservé par la vie; Il se demandait aussi comment ce type, capable de redevenir un enfant lorsque certaines choses l’émerveillaient, avait pu résister, ne jamais baisser les yeux quand il se faisait tabasser par des plus costauds que lui.»
Invité par son nouvel ami, il va aussi faire la connaissance de son père Pierre, lui aussi amateur de football et qui entend l’aider à progresser dans ce sport qui «est la plus importante des choses sans importance» comme le dit le poète uruguyen Eduardo Galeano.
La prochaine grande rencontre dans la vie de l’adolescent s’appelle Léa, merveilleuse et mystérieuse, mais sans doute inaccessible: « Écoute. On ne va pas se mentir: ça ne sert à rien d’essayer, tous les deux. Toi aussi tu me plais, t’es la plus jolie fille de ce putain d’endroit, mais ça ne marchera pas. Tu sais pourquoi? Parce que les «jeunes de banlieue», leur vie pue, et tu t’en rendras compte bien assez tôt. Ça pue la merde dans nos cages d’escalier, nos parents puent la sueur quand ils rentrent du boulot, nos salons puent le désodorisant pour chiottes. Moi-mêrne, je pue la défaite. Tu crois qu’être pauvre, c’est quoi? Être pauvre, ça pue, et ça a un goût, celui du sang dans ma bouche quand mon père me tabassait. Je veux pas te faire pleurer, Léa, mais circule, y a rien à voir. Toi et moi, ça pue le malheur. »
Si le miracle se produit quand même, que Léa et Hamed entendent construire une belle histoire d’amour au-delà des préjugés, c’est que la jeune fille a aussi sa part d’ombre. Elle est victime de viols répétés de son père.
Guillaune Para évite soigneusement tous les clichés sur la lutte des classes pas plus qu’il ne joue à outrance sur la corde sensible. Quand le roman rose vire au drame, on se retrouve avec deux êtres déchirés, emportés par le malheur sans pouvoir surnager.
La violence, qui est la pire des conseillères, finit par engloutir leurs espoirs. Hamed se retrouve en prison où il va faire une nouvelle rencontre décisive, Jean-Louis, son codétenu. La fin du roman est riche en rebondissements et permet à Guillaume Para d’offrir aux lecteurs un joli suspense, riche en émotions, en refermant la boucle ouverte avec le chapitre intitial. Un vrai sens de la construction, un style direct, sans fioritures et une volonté de gratter derrière les apparences pour révéler au mieux la psychologie des personnages font de ce premier roman une vraie réussite. Droit au but!

Ta vie ou la mienne
Guillaume Para
Éditions Anne Carrière
Roman
250 p., 18 €
EAN : 9782843378867
Paru le 9 février 2018

Où?
Le roman se déroule en France, à Sevran, à Boulogne, à Saint-Cloud et à Paris, mais également à Fleury-Mérogis. On y évoque aussi le Maroc, notamment un voyage à Fès.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Hamed Boutaleb naît à Sevran, en Seine-Saint-Denis. Orphelin à l’âge de huit ans, il part vivre chez son oncle et sa tante à Saint-Cloud, commune huppée de l’Ouest parisien. Pour la première fois, une existence sans adversité s’offre à lui. Hamed saisit sa chance et s’épanouit avec une passion: le football. Il brille dans le club de la ville, où il se lie d’amitié avec l’un de ses coéquipiers, François. À seize ans, le jeune homme tombe amoureux de Léa, qui appartient à un autre monde, la haute bourgeoisie. L’amour passionné qui les lie défie leurs différences et la mystérieuse tristesse qui ronge l’adolescente. Hamed touche du doigt le bonheur, mais celui-ci vole en éclats lorsque la jeune fille lui avoue que son père la viole depuis ses douze ans. Une nuit, le père de Léa est blessé au cours d’une agression. Il en restera paralysé. Hamed est rapidement mis en cause avant d’être incarcéré. En prison, où il passera quatre ans, la violence devient sa seule alliée. Par instinct de survie, il refuse de revoir Léa. Lorsqu’elle accouche d’un petit Louis, c’est François qui offre son réconfort à la mère et l’enfant, tandis qu’en détention Hamed sombre dans la haine et la colère. Hamed et Léa se retrouveront, quelques années après. Mais leur amour, toujours présent, suffira-t-il à les réunir?

Les critiques
Babelio
Livreshebdo.fr (Léopoldine Leblanc)
Blog Mes envies de lire 
Blog Psych3deslivres
Blog C’est quoi ce bazar? 
Blog Elle M Lire 

Les premières pages du livre
« Léa laissa vagabonder son esprit. Les propos de Bertrand l’ennuyaient. Elle observait distraitement le désordre sur le bureau de son collègue, lorsque son regard s’arrêta sur l’un des dossiers. Elle lut fébrilement le nom inscrit au feutre noir. Elle vacilla, se dirigea vers la sortie, se retint à la poignée de la porte et, après une pause, se retourna.
– C’est quoi cette affaire?
– Braquage. Le mec est récidiviste.
– Je veux la plaider.
– Tu n’as pas déjà deux cas en cours?
Si, mais je veux plaider celui-là. S’il te plaît.
Bertrand la regarda. Il sentit sa détermination.
– Bien. Si tu y tiens, je te le laisse volontiers.
Une fois dans son bureau, Léa regarda par la fenêtre. Il pleuvait sur la place de Furstenberg. Les feuilles des grands arbres ruisselaient. Une pluie chaude de juin.
À 22 heures, elle prit son sac. Le ciel s’était apaisé. Rue Jacob, où était garée sa voiture, des grappes de gens dînaient en terrasse dans la moiteur parisienne. Elle aurait aimé boire un verre mais décida de rentrer. Les quais de Paris défilèrent derrière les vitres de son Audi noire, puis Boulogne et Saint-Cloud. Arrivée à destination, elle resta quelques minutes encore dans sa voiture. Ne plus penser à rien avant la grande déferlante qu’elle prendrait, de face, pleine gueule.
Tout le monde dormait dans la maison. Elle entra dans la chambre du petit Louis, l’embrassa sur le front, puis alla s’allonger auprès de François et réfléchit quelques instants avant de s’endormir.
Il était revenu.

II

Hamed Boutaleb n’avait jamais vu les yeux de sa mère. Elle était morte lors de sa naissance. Il avait grandi à Sevran, en Seine-Saint-Denis, avec son frère Faouzi, de sept ans son aîné, et son père.
Ce dernier ne les avait pas élevés mais il les avait au moins nourris avec son salaire de vigile dans un supermarché. La vie d’Hamed, au quartier des Beaudottes, c’était un peu l’école mais surtout la rue et le foot. Depuis qu’il avait six ans, il traînait dehors en plein cagnard, sous la pluie ou la neige, pour taper dans le ballon. Lui et ses amis jouaient sur les esplanades de béton, au milieu des tours. Hamed était fasciné par la balle, il aimait l’emmener dans ses courses folles, la garder collée à ses pieds, imiter les gestes techniques qu’il avait vus réalisés par les stars, frapper, marquer au milieu de deux tee-shirts servant de poteaux. Jouer au foot était la plus belle des parenthèses et lui permettait de s’évader loin de Sevran. Loin des camés qu’il avait connus autrefois vivants et amicaux, et qui maintenant sortaient leur couteau devant lui et ses amis – des enfants – pour leur vider les poches. Loin de la violence entre la police ct les jeunes du quartier, de celle des gangs rivaux pour le trafic de drogue. Ces échanges de coups de feu, qu’il avait déjà entendus au loin, avaient fini par transpercer son frère, une nuit glacée de décembre. Hamed avait entendu la sonnerie retentir dans son sommeil, son «vieux» avait ouvert à deux policiers, un homme et une femme. Il avait alors huit ans, et son père ne lui avait rien dit. C’étaient ses amis qui lui avaient appris dans l’après-midi qu’il ne reverrait plus jamais Faouzi. Tombé à quinze ans dans cette guerre du shit, face contre le bitume, de cinq balles dans le ventre, son sang coulant dans le caniveau.
Son père était devenu de plus en plus violent. Il l’assommait de coups de poing et de pied, de coups de ceinture aussi. Ce n’était pourtant pas sa faute à lui si sa mère était morte en le mettant au monde. Ce n’était pas sa faute si son frère n’était plus là. Hamed ne savait pas grand-chose de la vie à cette époque, mais il savait qu’on ne frappe pas un enfant pour des morts dont il n’est pas responsable.
Le problème de son père, c’était l’alcool qu’il ingurgitait pour soigner son chagrin. Ça le rendait fou. Lorsqu’un cancer du foie l’avait emporté, Hamed n’avait pas ressenti de peine devant le trou dans lequel on allait plonger son cercueil. «Tu peux te faire bouffer par les vers maintenant », avait murmuré l’enfant.
Avec son nez cassé et sa petite valise, il était arrivé à l’âge de treize ans à Saint-Cloud chez Tarek, le frère de sa mère. Sa tante Asma lui avait caressé la tête. C’était la première fois qu’un adulte avait un geste de tendresse à son égard. Son oncle était un homme doux. Il était garagiste et Asma travaillait dans la cantine d’une entreprise. Tous deux bossaient dur.
Ils n’étaient pas nés français mais l’étaient devenus. Quant à ses trois cousines, elles avaient tout de suite considéré Hamed comme un frère. »

À propos de l’auteur
Guillaume Para est journaliste politique passé par LCI, BFMTV et D8, passionné de football. Ta vie ou la mienne est son premier roman (Source : Livreshebdo)
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2 réflexions sur “Ta vie ou la mienne

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