Désorientale

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Désorientale
Négar Djavadi
Liana Levi
Roman
352 p., 22 €
EAN : 9782867468377
Paru en août 2016

Où?
Le roman se déroule d’une part en France où la famille de la narratrice a trouvé refuge, principalement à Paris et d’autre part en Iran, dans la Province de Mazandaran, à Qazvin ainsi qu’à Téhéran. La famille a également vu ses membres fuir le pays et se déplacer à Tabriz, au Kurdistan, en Irak, à Najaf et Bagdad, en Turquie, à Van et Istanbul, en Egypte, au Caire et à Alexandrie, en Belgique, à Bruxelles, aux Pays-Bas, à Amsterdam, en Allemagne, à Berlin, aux Etats-Unis, à Washington, Taylorsville dans l’Utah, sont également évoqués.

Quand?
L’action se situe de nos jours, avec des retours en arrière jusqu’au XIXe siècle.

Ce qu’en dit l’éditeur
Si nous étions en Iran, cette salle d’attente d’hôpital ressemblerait à un caravansérail, songe Kimiâ. Un joyeux foutoir où s’enchaîneraient bavardages, confidences et anecdotes en cascade. Née à Téhéran, exilée à Paris depuis ses dix ans, Kimiâ a toujours essayé de tenir à distance son pays, sa culture, sa famille. Mais les djinns échappés du passé la rattrapent pour faire défiler l’étourdissant diaporama de l’histoire des Sadr sur trois générations: les tribulations des ancêtres, une décennie de révolution politique, les chemins de traverse de l’adolescence, l’ivresse du rock, le sourire voyou d’une bassiste blonde…
Une fresque flamboyante sur la mémoire et l’identité; un grand roman sur l’Iran d’hier et la France d’aujourd’hui.

Ce que j’en pense
« Tout ce que je sais c’est que ces pages ne seront pas linéaires. Raconter le présent exige que je remonte loin dans le passé, que je traverse les frontières, survole les montagnes et rejoigne ce lac immense qu’on appelle mer, guidée par le flux des images, des associations libres, des soubresauts organiques, les creux et les bosses sculptés dans mes souvenirs par le temps. Mais la vérité de la mémoire est singulière, n’est-ce pas ? La mémoire sélectionne, élimine, exagère, minimise, glorifie, dénigre. Elle façonne sa propre version des événements, livre sa propre réalité. Hétérogène, mais cohérente. Imparfaite, mais sincère. Quoi qu’il en soit, la mienne charrie tant d’histoires, de mensonges, de langues, d’illusions, de vies rythmées par des exils et des morts, des morts et des exils, que je ne sais trop comment en démêler les fils. » Négar Djavadi nous prévient d’emblée, son premier roman ne va pas ressembler à un long fleuve tranquille. Or, c’est justement ce parti pris de ne pas respecter la chronologie, de mêler la grande et la petite histoire et de faire resurgir les souvenirs de famille là où on ne les attend pas qui font tout le sel de ce livre grouillant d’anecdotes, vibrant de fortes déclarations et colorant les destinées des immigrants.
Kimiâ, la narratrice, commence par nous raconter pourquoi son père se refusait à prendre les escalators du métro parisien, nous promet qu’elle reviendra sur ce qui s’est passé le 11 mars 1994 dans le XIIIe arrondissement et retrouve le lecteur dans la salle d’attente de l’hôpital Cochin. Car elle doit avoir recours à une insémination artificielle. Bien entendu, elle peut combler son attente en tentant d’imaginer la raison pour laquelle les couples qu’elle croise se retrouvent là. Mais aussi nous expliquer son propre parcours. Remonter plusieurs générations en arrière et raconter l’Iran du Shah, les années de Révolution puis celles qui ont provoqué l’exil de la famille et la transformation qui s’en est suivie.
« Je suis devenue, comme sans doute tous ceux qui ont quitté leur pays, une autre. Un être qui s’est traduit dans d’autres codes culturels. D’abord pour survivre, puis pour dépasser la survie et se forger un avenir. »
Nous voici au cœur d’un film à grand spectacle avec ses panoramiques et ses gros plans : «Zoom avant sur le visage déformé du père. Observez bien ce qui se joue dans son regard bleu.» Puis quelques lignes plus loin : «quittons maintenant le champ – son regard bleu – pour nous tourner vers le contrechamp : les yeux de l’enfant. D’immenses yeux bleus remplis de larmes…» Toutes les techniques sont mises à profit, le soudain retour en arrière, la plongée et la contre-plongée, le travelling, comme lors de l’arrivée des passagers à l’aéroport de Paris en provenance de Turquie, ou encore le plan américain pour les scènes de dialogues. Grâce à Négar Djavadi, il n’y a presque pas d’effort à faire pour visualiser les scènes. Le lecteur est littéralement plongé au cœur du récit, sur les pas des protagonistes et partage ainsi les émotions – fortes – des protagonistes.
Voici par exemple la scène de la naissance de Kimiâ, celle de l’irruption de l’armée au domicile familial, la mise à sac du logement et l’arrestation de ceux qui sont présents, ou encore le détail des activités clandestines et le combat des intellectuels contre toutes les dictatures. La seule chose qui a du mal à sortir du stylo de la romancière est cet épisode aussi dramatique que fondateur : «Puisque je parle des Nicolas II de la grand-tante, je pourrais raconter ici L’ÉVÉNEMENT, arrêter de la passer sous silence, comme Saddeq la découverte du corps de Mère. Et pourtant… Il te faut encore patienter cher lecteur, car, même si je vais essayer, je sais déjà que je n’y arriverai pas. Je n’y arrive jamais. »
Rassurez-vous, la patience du lecteur sera récompensée. Et bien d’autres surprises, y compris sur la grossesse espérée, viendront pimenter ce beau roman, dont le foisonnement n’a d’égal que le plaisir que l’on prend à s’y plonger.

68 premières fois
Blog Les livres de Joëlle

Autres critiques
Babelio 
Télérama (Yasmine Youssi – avec interview de l’auteur)
Grazia (Marguerite Baux – avec interview de l’auteur)
Blog Dingue de livres
Blog Quatre sans Quatre 

Extrait
«Mon père, Darius Sadr, Le Maître de la page blanche, Le Téméraire, Le Révolutionnaire, disait de sa voix songeuse/ visionnaire : « On écoute mieux avec les yeux qu’avec les oreilles. Les oreilles sont des puits creux, bons pour les bavardages. Si tu as quelque chose à dire, écris-le. » Pourtant, il y eut des moments dans ma vie, des séquences plus ou moins importantes, où j’aurais fait n’importe quoi pour ne pas être celle que je suis. J’ai changé de pays et de langues, je me suis inventé d’autres passés, d’autres identités. J’ai lutté, oh oui, j’ai lutté, contre ce vent impétueux qui s’est levé il y a très longtemps, dans une province reculée de la Perse
nommée Mazandaran, chargé de morts et de naissances, de gènes récessifs et dominants, de coups d’État et de révolutions, et qui à chacune de mes tentatives pour lui échapper, m’a agrippée au col et remise à ma place. Pour que vous compreniez ce que je raconte, il faut que je rembobine et reparte du début ; vous faire entendre, comme je l’entends moi-même en ce moment – tandis qu’une infirmière nous jette un coup d’œil et s’éloigne, indifférente –, la voix de mon oncle Saddeq Sadr, surnommé Oncle Numéro 2. Une voix en mode mineur, aussi suave qu’une clarinette, contant ce que nous appelions entre nous : La Fameuse Histoire d’Oncle Numéro 2. »

A propos de l’auteur
Négar Djavadi naît en Iran en 1969 dans une famille d’intellectuels opposants au Shah puis à Khomeiny. Elle a onze ans lorsqu’elle arrive clandestinement en France, après avoir traversé les montagnes du Kurdistan à cheval avec sa mère et sa sœur. Diplômée d’une école de cinéma de Bruxelles, elle travaille quelques années derrière la caméra. Elle est aujourd’hui scénariste (documentaires, courts-métrages, séries) et vit à Paris. Désorientale est son premier roman. Il est en lice pour le Prix du roman Fnac et le Prix littéraire du Monde. (Source : Éditions Liana Levi / Livres Hebdo)

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2 réflexions sur “Désorientale

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