L’épaisseur d’un cheveu

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En deux mots
Si Étienne, correcteur dans une maison d’édition, est en garde à vue, c’est qu’il est soupçonné du meurtre de son épouse Violette, retrouvée lardée de coups de couteau. Il va alors nous livrer sa version des faits. Depuis une remarque banale, la relation va s’envenimer jusqu’à l’issue fatale.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Morte sous les coups de son mari

Étienne a tué son épouse Violette, dite Vive. En déroulant la chronique – ordinaire – de leur vie de couple, depuis leur rencontre dix ans plus tôt jusqu’à ces instants fatidiques, Claire Berest réussit un roman aussi brillant que glaçant sur un banal féminicide.

Étienne Lechevallier «était parti pédalant en direction du Petit Brazil l’humeur joviale, car une seconde journée débutait pour lui, dévolue à son projet personnel qu’il jouissait encore de tenir en toute clandestinité, habillant l’escapade d’un charme secret; il était alors impossible d’imaginer que trois jours plus tard, dans la nuit de jeudi à vendredi, Étienne tuerait sa femme.»
Dès les premières pages, le lecteur connait l’épilogue de ce roman, mais il n’en reste pas moins passionnant. Parce que sa construction, par des sortes d’ondes de choc successives, vont nous permettre de remonter le temps, de découvrir comment Étienne et Violette se sont rencontrés, comme leur couple a pris son envol puis comment l’usure du couple a failli causer leur séparation trois ans avant l’issue fatale.
Mais Étienne avait alors choisi de taire ses griefs, de faire profil bas parce qu’il ne concevait pas sa vie sans son épouse.
Alors pourquoi est-il cette fois passé à l’acte? C’est ce que le déroulement des jours précédant le féminicide vont nous apprendre. Et c’est la partie la plus réussie d’un roman implacable. Car il raconte comment des détails à priori sans importance prennent soudain une folle importance, comment un esprit déstabilisé construit son scénario diabolique pierre après pierre. Un rendez-vous pour un concert de musique classique qui n’est pas honoré, une alliance qui n’est plus portée, les traditionnelles vacances en Italie remises en cause jusqu’à cette scène de ménage en public avant LA soirée annuelle organisée par la maison d’édition d’Étienne et où il espère que son épouse lui apportera son entier soutien. Car, après son rachat par un grand groupe, son poste de correcteur est désormais sur la sellette, même s’il faisait partie des murs. Il avait du reste été convoqué le matin même par l’éditrice pour être « recadré ». Pour lui qui «traquait en limier les répétitions, les incohérences, redondances, et toute rupture de rythme ou de registre non justifiée», le coup est rude.
Claire Berest montre parfaitement comment la mécanique infernale se met en route dans un esprit très cartésien, comment il construit la trahison, l’humiliation. Et le déni.
Parsemant son roman de procès-verbaux d’audition par la police criminelle, la romancière réussit un roman percutant et glaçant. Car en le refermant, on se dit que le temps des féminicides est malheureusement loin d’être éradiqué.
On pense bien entendu à Ceci n’est pas un fait divers de Patrick Besson, autre chronique d’un féminicide, raconté cette fois du point de vue des enfants de la victime et à Une simple histoire de famille d’Andrea Bescond qui souligne elle aussi la banalité de ce mal trop ordinaire. Un peu comme dans Hommes d’Emmanuelle Richard, même si dans ce cas son «héroïne» a réussi à échapper à la mort pour pouvoir raconter sa relation, son emprise. Trois romans qui éclairent, chacun à leur manière, celui de Claire Berest qui confirme ici tout son talent

L’épaisseur d’un cheveu
Claire Berest
Éditions Albin Michel
Roman
236 p., 19,90 €
EAN 9782226475015
Paru le 23/08/2023

Où?
Le roman est situé principalement en France, à Paris.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
«Il était alors impossible d’imaginer que trois jours plus tard, dans la nuit de jeudi à vendredi, Étienne tuerait sa femme.»
Étienne est correcteur dans l’édition. Avec sa femme Vive, délicieusement fantasque, ils forment depuis dix ans un couple solide et amoureux. Parisiens éclairés qui vont de vernissage en concert classique, ils sont l’un pour l’autre ce que chacun cherchait depuis longtemps.
Mais quelque chose va faire dérailler cette parfaite partition.
Ce sera aussi infime que l’épaisseur d’un cheveu, aussi violent qu’un cyclone qui ravage tout sur son passage.
Implacable trajectoire tragique, L’Épaisseur d’un cheveu ausculte notre part d’ombre. Claire Berest met en place un compte-à-rebours avec l’extrême précision qu’on lui connaît pour se livrer à la fascinante autopsie d’un homme en route vers la folie.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Actualitté (Hocine Bouhadjera)
Blog Les chroniques de Koryfée (Karine Fléjo)


Claire Berest présente son roman «L’épaisseur d’un cheveu» © Production Albin Michel

Les premières pages du livre
Deux tables
Quand Étienne Lechevallier s’indigna à part lui que le serveur du Petit Brazil le reluquât encore une fois d’un drôle d’air, nous étions lundi dernier aux alentours de dix-sept heures trente ; Étienne avait comblé sa matinée de corrections sur le manuscrit d’un auteur dont il poussait au paroxysme la joie mauvaise de détester le travail, il avait avalé vers treize heures une omelette, debout dans sa cuisine, accompagnée d’un morceau de roquefort, et à l’heure du café il était parti pédalant en direction du Petit Brazil l’humeur joviale, car une seconde journée débutait pour lui, dévolue à son projet personnel qu’il jouissait encore de tenir en toute clandestinité, habillant l’escapade d’un charme secret ; il était alors impossible d’imaginer que trois jours plus tard, dans la nuit de jeudi à vendredi, Étienne tuerait sa femme.

Est-il désappointé, ce serveur, que je n’aie bu qu’un café en trois heures ? se demanda Étienne. On occupe l’espace donc on consomme, avertissait un petit autocollant plaqué sur la vitre, et il privatisait deux tables pour lui tout seul. Il s’étalait, c’est vrai. Il avait son ordinateur portable ouvert devant lui et son carnet noir, un sac à dos volumineux sur une chaise – il ne souhaitait pas le poser par terre de peur de le salir –, son casque de vélo sur une autre, sa veste, des livres, ses clefs d’antivol, le téléphone ainsi qu’un magnétophone gris à cassettes, pour s’enregistrer.
Étienne préférait prendre deux tables ; plus qu’un périmètre il désirait se créer une atmosphère, c’était son droit. Ce qui était stérile dans le fait de lui en vouloir, s’insurgeait-il, c’est que la terrasse était vide à cette heure-ci, donc il ne voyait pas en quoi sa colonisation spatiale pouvait poser un problème pertinent au serveur. Il venait souvent ici, au Petit Brazil, depuis que son contrat avait été réduit à temps partiel, s’installant aux mêmes tables, les plus à gauche sous l’auvent, n’ayant informé personne de son Projet, pas même sa femme, Vive. Le serveur faisait pourtant mine de ne jamais le reconnaître. C’est qu’il ne m’aime pas, conclut Étienne avec un sentiment d’injustice. Mais il fut soudain traversé par l’hypothèse que le serveur ne le reconnaissait tout simplement pas parce que, au fond, rien ne saillait dans son physique.

Ce lundi soir, ils étaient invités au vernissage de l’exposition d’un artiste que Vive portait au pinacle. Étienne s’en souvenait parfaitement, mais il sortit tout de même l’agenda papier rangé dans son sac à dos, pour voir se matérialiser avec netteté l’emploi de son temps consigné au stylo noir. Pour vérifier. Faire le vrai, au sens étymologique, confronter une réalité avec la preuve de son exactitude. Il avait bien écrit dans son agenda d’un cuir souple inusable malgré les années, qu’il conservait avec un soin religieux et rechargeait chaque mois de décembre d’une nouvelle tranche de feuillets calendaires vierges, il avait bien noté dans la colonne du jour : exposition avec Vive.
C’était Vive qui était invitée au vernissage. Elle aurait pu s’y rendre avec n’importe qui, mais elle demandait toujours à Étienne de l’accompagner, il était son mari. Quand il n’était pas disponible, parce qu’une date de rendu imminente approchait et qu’il devait travailler le soir, à de rares exceptions près elle restait avec lui. Elle regardait un film dans le salon, préparait un dîner rapide qu’Étienne avalait à son bureau. Ce renoncement plaisait à Étienne. Elle aurait à l’évidence pu sortir sans lui – même s’il y avait eu quelques fâcheries entre eux à ce sujet au début de leur relation, car Étienne préférait, il est vrai, qu’elle restât.
Oui, ce renoncement lui plaisait. Étienne aimait à se voir contre le reste du monde, en romantique – même s’il n’en portait aucun des oripeaux excentriques et tapageurs –, car toute sa vie s’était organisée dans le mouvement mystique d’être deux, tout s’était pensé dans l’accompagnement exclusif que sa femme et lui-même s’offraient l’un à l’autre – ils n’avaient pas d’enfant ; et l’épreuve de cette pureté, qu’Étienne n’observait pas chez les couples de ses amis, se jouait à bas bruit, sans feux d’artifice, mais dans les subtilités, comme celle de renoncer à un petit plaisir, sans rancœur. Oui, pureté, le mot n’était pas trop fort, jugea-t-il, il était adéquat.
Vive, qui était photographe, épaississait avec les années un important carnet d’adresses de toute la vie artistique qui bruissait dans la capitale, ce qui profitait à l’association Nid des Arts pour laquelle elle avait été embauchée en trois quarts temps. Si elle n’avait plus rien exposé elle-même depuis huit ans, elle avait travaillé dans de nombreuses galeries, son nom était référencé dans son milieu, ce qui avait pour conséquence un flux incessant d’invitations à des événements éclectiques. Vive les triait avec ferveur, car à défaut d’en être vraiment, elle était conviée. Elle les classait, ses invitations, elle hiérarchisait, choisissait et, ce faisant, elle composait leur agenda commun. Sa femme aimait bien dire : « Alors notre agenda culturel cette semaine, chéri… » Elle l’appelait chéri. Qu’est-ce qu’Étienne haïssait ce mot ! Non pas « chéri », il ne haïssait pas le mot « chéri », c’était « culturel » qu’il haïssait. Ils l’avaient tous à la bouche, collé au palais, il avait l’impression qu’ils le chiquaient à même les gencives toute la journée : ils agissent pour la culture ; ils fabriquent des partenariats et des passerelles culturels. Et leur chèque culture ! Mon Dieu, quel attelage, c’était le summum, s’énervait-il, comme si la culture s’apparentait à une monnaie. Vive, tout cela, c’était son écosystème. J’aime bien qu’elle m’appelle chéri, s’avoua-t-il, même si ce n’est pas très original.
Quand ils avaient commencé à se fréquenter, elle l’attifait d’une palanquée de surnoms absurdes, elle en changeait chaque jour, elle les essayait sur lui, comme un foulard ou un chapeau, pour voir s’ils lui seyaient, elle en abandonnait certains dans l’instant et en gardait d’autres quelques semaines, quelques mois, ils lui allaient bien. Ça s’était clarifié avec les années, ils s’étaient tous fondus en chéri, chéri le noyau, chéri la veste indémodable, sublimé par l’usure.

Le serveur lui demanda s’il désirait autre chose, alors que lui n’avait fait AUCUN signe. Il veut me forcer à recommander, pensa Étienne, agressé. Je finis mon café. Le serveur loucha sur la tasse dans laquelle il ne restait rien, pinça les lèvres et le laissa en paix. C’était ça qu’Étienne voulait, qu’on lui fichât la paix. C’est pour cette raison qu’il venait au bistrot, pour se concentrer sur son Projet. Aux éditions de l’Instant fou, il partageait un coin de table chèrement convoitée, en alternance avec trois autres collègues dans un espace ouvert à tous les vents, qui ne lui offrait aucune intimité ; chez lui il n’osait pas, il craignait qu’elle ne le démasquât, Vive. Elle aurait anticipé, avec son caractère enthousiaste et primesautier, ce que devrait être son Projet. Il n’avait pas envie qu’elle dénature cet envol en lui posant des questions.
Elle pourrait aussi se montrer indifférente, se dit-il, ce qui serait pire. Ne pas prendre conscience de la portée cruciale de ce qui naissait chez lui, s’essayer à des encouragements poussifs comme ceux que l’on prodigue à un enfant : C’est bien, tu veux ranger ta chambre.
Et alors, il aurait envie de la tuer.

Sa femme s’était habituée avec les années à le voir trimer à son bureau poussé dans le fond du salon, avec des livres en hautes piles, des stylos épinglés tout droit dans des pots, et elle savait qu’il travaillait. Elle savait qu’il corrigeait. C’est ce qu’Étienne faisait, chaque jour, depuis presque aussi longtemps qu’ils vivaient ensemble, il était correcteur pour les éditions de l’Instant fou. Un des derniers salariés d’une maison dans son secteur d’activité ! Le reste des troupes était à son compte, les impératifs budgétaires de l’édition avaient guillotiné les têtes des correcteurs, tous devenus auto-entrepreneurs. Et depuis 2016 : micro-entrepreneurs ! Des êtres aux micro-aspirations, avec de micro-bras et micro-cœurs, avaient tranché d’invisibles scribes de la loi Pinel. C’étaient des mots qu’il voyait tout en vert. Un vert olive. La couleur verte abjecte qui surgissait de ce salmigondis, micro-entrepreneur, était inouïe pour Étienne, qui était affecté par la couleur des mots, souffrant de synesthésie, les lettres et leurs associations lui parvenaient par intermittence violemment colorées ou se déployant sous des formes animées. Lui était fier d’être resté salarié, d’avoir résisté. Il ne l’aurait pas formulé à voix haute. Il traînait malgré son cartésianisme un trivial penchant pour la superstition. Depuis que les éditions de l’IF avaient été achetées par un grand groupe, les rumeurs malignes de nouveaux aménagements suintaient sans arrêt des couloirs. Mais il appartenait à l’ancienne école, s’affirmait Étienne, celle qu’on ne déboulonne pas avec facilité. Il avait son bout de bureau et son salaire mensuel, il les garderait. Étienne se voyait en artiste de l’ombre qui surpique les coutures, qui polit le métal grossier, et il défendait le caractère indispensable de son métier. Ils peuvent bien me passer à temps partiel, mais ils ne pourront pas m’anéantir, s’apaisait-il.
Vive ne lui posait pas de questions en le voyant travailler à sa table planquée au fond du salon, elle ne remarquait que son activité coutumière, sans rien en dire. Quand on vit à deux, on constate. Il travaille. Il se douche. Il essuie la vaisselle. Il lit. Il parle au téléphone, il occupe les toilettes. On note en passant ce à quoi l’autre s’emploie. Sans émotion inédite. C’est une image fugitive qui ne s’étoile pas, qui ne se réfléchit qu’à peine sur la pupille et n’allume ni fantasmes ni excitation. De gêne, non plus. Je ne l’excite pas en lavant la vaisselle, pensait Étienne, je ne la gêne pas en me coupant les ongles de pieds. C’est normal, non ?
Je pourrais être en train de créer mon Grand Projet, elle ne le devinerait pas, s’était-il dit. Et cela, confusément, l’agaça. Il en voulait par avance à Vive d’être incapable de l’envisager sous une autre perspective, de ne pas prendre la mesure de ce qu’il entreprenait, voire de ne pas lui souhaiter le succès qu’il mériterait !
Il avait donc délocalisé son Projet ailleurs. Étienne aimait bien Le Petit Brazil parce que c’était un troquet banal, sans envergure mais sans inconfort, qui n’offrait plus rien de brésilien, sauf un maillot de foot jaune et vert qui prenait la poussière dans une vitrine, vestige sans doute d’un ancien propriétaire. Il avait besoin de discrétion et non de grandiose pour faire sa mue ; parfois il poussait jusqu’à la bibliothèque municipale, calme et avenante, l’inconvénient était qu’il devait pédaler presque une demi-heure de plus et changer de quartier, car il était hors de question d’aller à la médiathèque Simone-de-Beauvoir proche de chez eux, dans laquelle Vive travaillait quelques heures par semaine pour compléter son trois quarts temps au Nid – un autre désagrément était que, pour autant que ce paysage de longues tables propres et de rangées de livres soigneusement étiquetés le plongeait dans un idéal, il lui rappelait ses études, ce qui n’était pas un excellent souvenir.
Vive, elle, en gardait de bons souvenirs, de la fac, ça, elle ne manquait pas une occasion de les évoquer. Elle avait fait histoire de l’art à Nanterre puis avait intégré l’école Spéos à Paris pour étudier la photographie, elle avait même effectué un semestre à Londres ; elle s’était bien amusée, elle s’était éclatée, c’était le terme exact qu’elle employait pour fixer son cliché de nostalgie estudiantine. Étienne ne pouvait que la croire sur parole, ne l’ayant pas côtoyée dans cette période de leur vie. Un mémorable amusement, c’est donc ce qu’il avait saisi de ces récits que l’on tricote à l’autre quand on se rencontre. Les incontournables anecdotes portant sur toute cette vie antérieure où l’on ne se connaissait pas, toujours un peu choqué que cette personne qui devient l’unique ne sût pas absolument tout de nous. C’est ça l’autre au fond, beaucoup d’histoires racontées après coup. Même celles que l’on vit ensemble, on se les raconte après coup. D’ailleurs on finit par se les réciter, et on peaufine les détails à force, on retranche, on ajoute ; on fait briller, comme moi, pensa Étienne, quand je corrige.
Étienne ne se l’était pas avoué sur le moment, mais lui avait souffert à l’université, et il avait mis du temps à circonscrire les contours de son mal-être.
Il avait souffert de ne pas être le gars au courant.
Il n’était pas informé qu’un cours changeait ou qu’un professeur était absent, il n’était pas prévenu qu’une fête se tenait chez Alexandre – les fêtes avaient toujours lieu chez Alexandre car il jouissait d’un grand appartement de famille déserté où personne n’irait remarquer les trous laissés dans le tapis par les mégots mal éteints – ni qu’on se retrouvait pour une bière au Reflet, ou à L’Écritoire pour un café après le cours de littérature comparée, il ne savait jamais qu’un bouquin crucial était recommandé pour l’examen de grammaire, qu’il y avait une exposition à ne pas rater à la maison de Victor Hugo ou que La Femme d’à côté de François Truffaut repassait au Champo, et n’arrivait même pas jusqu’à lui le caquetage indiscret que Laëtitia et Julie couchaient toutes deux avec le prof de TD de littérature médiévale, en alternance, et parfois en même temps.

Il lui avait semblé être, avec cette pointe de douleur aiguë clouée dans son sternum, toujours le dernier à savoir. Comme si le fleuve gai et furieux de la vie embarquait tous et toutes dans sa bouillonnante fureur et ne faisait que ruisseler jusqu’à lui ; qu’il ne gouttait qu’à peine jusqu’à lui par inadvertance pour éclaboussouiller son existence trop pâle. Il ne se sentait même pas exclu, cela aurait eu au moins l’éclat d’une position, cela aurait nourri le terreau d’une révolte, non, l’attention de ses condisciples le traversait. Sa présence se trouvait être sans nécessité. Les gens n’avaient rien contre lui ; les informations finissaient par lui parvenir, parfois juste à temps, parfois juste trop tard. Sans malice, ni cruauté, les autres ne pensaient pas à prévenir Étienne Lechevallier.
Il n’était pas plus laid qu’un autre, il s’entretenait, il essayait toujours d’être conciliant dans ses interactions, de rendre service s’il pouvait. Il ne se trouvait déjà à l’époque pas dépourvu d’humour ou d’esprit, même s’il avait toujours été timide. Il n’avait jamais compris.

Étienne ferma son carnet et fit signe au serveur du Petit Brazil pour payer son café, ce dernier opina sans bouder son plaisir de le voir lever le camp, mais pourquoi est-il si heureux que je m’en aille ?! Je suis un client aussi valable qu’un autre, non ? Et je n’ai pas beaucoup avancé sur mon Projet cet après-midi, se dit Étienne avec une profuse angoisse, songeant à ce temps précieux volé à des manuscrits en attente, ces heures chèrement gagnées qui n’avaient pas été tellement productives. Il s’était bien essayé à jeter des idées en vrac sur son carnet noir, mais il avait laissé son esprit vagabonder vers ses souvenirs, ces heures postprandiales le plongeaient-elles dans une torpeur dommageable ? Peut-être que le café n’était pas l’endroit ad hoc, il ne s’y concentrait pas bien, il se perdait. Peut-être était-il trop excité ? Trop grisé de s’affranchir enfin de son quotidien et de s’adonner à une activité cachée. Ça n’avançait pas parce qu’il aurait fallu qu’il trouve le bon moment et le lieu parfait, propice à la création, le décor inspirant duquel les rêvasseries seraient proscrites. Il avait hâte, tout de même, de pouvoir montrer quelque chose à Vive ! De la mettre au parfum, pour qu’elle voie ce dont il était capable ! Mais il n’y avait rien encore à présenter, tout tenait quelque part dans sa tête. Homme réduit à un seul labeur : il en avait tant corrigé de manuscrits. Textes cochonnés, truffés d’écueils, de platitudes, parsemés d’erreurs et de maladresses, il avait tant redressé, nettoyé, démantelé, purifié. Ils pensent tous que je suis invisible, s’énerva Étienne, que je suis un factotum qui ne sortira jamais des coulisses. Ils verront.

Le serveur lui rendit sa monnaie, la posa dans une soucoupe, et ne dit RIEN d’amical, ni bonne journée ni à bientôt, ce qui amplifia la colère d’Étienne. Peut-être pense-t-il que je suis désœuvré, que je traîne au café comme un oisif ou un parasite ? Pour se calmer, il respira avec profondeur et tenta de récapituler sa journée étape par étape, ça l’aidait toujours de jalonner la réalité tangible de son existence : levé tôt comme à son habitude, il avait ce matin corrigé près de trente-cinq pages du manuscrit en cours, ce qui était un bon rendement car il était à la peine (il avait très mal dormi la nuit dernière, une insomnie l’avait tenu éveillé une partie de celle-ci pour ne le laisser se rendormir, d’un sommeil triste, que peu de temps avant le réveil) ; à l’heure du déjeuner il avait trouvé le temps d’expédier en recommandé deux lettres de contestation (il prenait du temps sur ses loisirs pour signaler les erreurs systématiques qu’il relevait dans les revues ou à la radio, il fallait bien que quelqu’un s’en charge) et de passer déposer ses pantalons chez le retoucheur (il avait maigri ces derniers temps, ce qui lui donnait un air mal fagoté, avec ses pantalons devenus flottants) ; et bien qu’éprouvé par son insomnie, il s’était ménagé de longues heures pour se concentrer sur son Projet cet après-midi, et il allait à présent rentrer se préparer pour le vernissage où il rejoindrait Vive, c’était dans le XIe arrondissement à dix-neuf heures trente… d’un coup lui échappait le nom de l’artiste ; mais comment s’appelait-il déjà ? Il l’avait sur le bout de la langue, Vive l’adorait. C’était bizarre que ça ne lui revienne pas, il ne connaissait que lui ! Un nom à coucher dehors.
Il enleva l’antivol de son vélo, serra la sangle du casque, mit les pinces aux ourlets de son pantalon et, pris dans ces cheminements de pensées saugrenues qu’une certaine agitation nerveuse amplifie, il se dit qu’après tout, peut-être l’excitait-il quand même, sa femme, quand il lavait la vaisselle ? Vive était portée sur la chose.

Et Étienne de s’interroger quand il s’éloigna du Petit Brazil en pédalant à vive allure, sur sa présence érotique au monde.

Germinal Lefrey
Sigmar Polke. Bien sûr ! s’exclama Étienne quand il rejoignit en début de soirée sa femme au vernissage. Comment avait-il pu oublier ce nom ? Sigmar Polke. Cet Allemand qui faisait des mélis-mélos de papiers, de collages de photos, de voiles et de matières organiques ; il traînait chez eux au moins quatre ou cinq livres de ce photographe, Vive était intarissable à son sujet… Sa mémoire se jouait de lui, c’était peut-être parce qu’il dormait mal. Il y avait même l’affiche d’une de ses expositions dans leurs toilettes, il chiait devant le nom de ce type tous les jours.
Cela dit il était un peu constipé ces derniers temps, il éprouvait des difficultés à se soulager. Il ne faisait que pisser, alors c’est vrai que ça faisait quelques jours qu’il lui tournait le dos, à l’affiche de Sigmar Polke. Peut-être devrait-il uriner en position assise, songea Étienne, il avait survolé quelque chose à ce sujet, un article qui en soulignait les vertus sanitaires. Mais une part de lui protestait de pisser comme une femme.
Ils venaient tout juste de sortir du vernissage, qui s’était révélé une fournaise doublée d’une ruche, et ils s’évertuaient à trouver un bar où s’échouer pour décortiquer l’événement et manger une assiette, comme avait lancé Vincent, l’ami de Vive qui s’était joint à eux ce soir-là, tout plein de sa gaieté mondaine. On ne se mangerait pas une petite assiette sur le pouce ?
Étienne avait eu envie de le moucher : Il y a peu de chances que tu parviennes à manger une assiette, à l’inverse de son contenu. Mais il s’était abstenu, parce qu’il ne pensait pas que Vincent aurait ri à sa boutade. Vincent lui aurait peut-être répondu avec un rictus de bouche, pincé et méditatif : Ben, Étienne, c’est comme boire un verre, non ? Oui, c’était comme boire un verre, c’était une figure de style ; une métonymie, très exactement ; et Vincent n’aurait pas compris que l’agacement d’Étienne le poussait à faire une remarque qu’il espérait caustique, et qui peut-être ne l’était pas assez, en tout cas, dont son interlocuteur ne partageait pas la même communauté de signes.
Étienne se dit qu’il devait briser là, dire à Vive qu’il les laissait entre eux, je prends mon vélo et je t’attends à la maison, je suis fatigué. On n’a pas besoin de manger au restaurant et de dépenser de l’argent. Il aurait voulu lui dire, avec un air inspiré, qu’il avait la tête dans son Projet, qu’il était préoccupé, n’était pas d’humeur sociable, et faire naître chez elle un frisson d’admiration, mais Vive ne connaissait pas l’existence du Projet. Vive allait le retenir, en soulignant que c’était trop bête qu’il rentre, il était encore tôt, elle dirait Night is young !, parce que c’était un de ses tics de langage, Vive massacrait régulièrement la langue en y introduisant des expressions anglaises comme si elle n’avait pas SU dire la même chose en français, elle était parfaitement au courant que ça crispait Étienne, et quand il en faisait mention, elle répondait en général du timbre aigu de sa voix toujours emportée : Toi qui aimes tant Verlaine, lui-même utilisait des mots anglais dans ses poèmes, parce qu’il était libre ! Étienne ne voyait là aucun rapport avec la liberté.
Il était certes encore tôt, mais demain c’était mardi, et le mardi ils avaient concert, Vive et lui – comme tous les mardis ; c’était sacré, il ne fallait pas qu’ils se gâchent leur soirée musicale en poussant déjà vers l’excès dès le début de semaine. C’était Gustav Mahler qui était prévu, il n’avait pas besoin de vérifier sur le programme de l’abonnement, il le connaissait par cœur. L’abondance d’invitations à des vernissages que Vive classait dans la catégorie à ne pas manquer obligeait par ricochet Étienne à avoir une vie nocturne un peu trop agitée à son goût. Il n’était pas un bonnet de nuit, mais il aimait sa solitude (il entendait par là une solitude dans laquelle il dissolvait Vive ; Étienne pouvait goûter d’être seul en étant avec elle, ce qu’il appréciait au plus haut point) ; car les heures vespérales passées à l’abri du monde extérieur amplifiaient chez lui un sentiment de puissance, l’angoisse de la journée s’évanouissait le soir venu, l’étreinte de son costume se desserrait et offrait un îlot de calme à son esprit, loin des regards, il semblait alors à Étienne être en contrôle de sa vie. Et quand bien même il donnait le change, il gardait une nette terreur des mondanités. Étienne buvait très peu. Il n’avait jamais vraiment bu, même à l’adolescence dans le dos de sa mère, à l’âge où les jeunes gens s’exaltent à ruiner les limites. Mais elle… Vive… Vive aimait bien s’enquiller un petit vin blanc, un petit vin rouge, une coupe de champagne, un gin tonic, elle aimait s’arsouiller en papotant comme si le monde attendait d’être recouvert du torrent de sa parole ivre, se dit-il avec une méchanceté qu’il savait gratuite.
Quand ils étaient tous les deux, elle se freinait. Elle s’adaptait avec intelligence au rythme de croisière d’Étienne. Mais dès qu’ils étaient avec des amis, elle se rattrapait. Elle commandait des bouteilles, elle anticipait les tournées comme elle aurait noirci un carnet de bal. Il avait aimé ça, quand il l’avait rencontrée, son petit côté Madame picole. Ça ne l’avait pas rebuté, au contraire. Quand ils allaient au restaurant, elle empoignait la carte des vins d’un geste d’attaque, passait en revue les vignobles et choisissait sans hésitation, avec l’enthousiasme d’un général lançant l’assaut ; on va prendre une bouteille de… ! Toujours une bouteille d’entrée de jeu. Dès leur premier rendez-vous. Ça avait prêté à Étienne une vie qu’il n’avait pas.
Elle avait mis un peu de temps à s’apercevoir que, de la mort des bouteilles, il ne participait qu’à la marge. Ça n’avait qu’à peine douché ses emportements. Étienne n’avait rien contre, mais il supportait mal l’alcool. Il avait pris une cuite à quinze ans, la première et dernière, et il était tombé du toit du garage d’un garçon de sa classe qui s’appelait Germinal Lefrey. C’était un prénom qu’on retenait, Germinal. Mais il est vrai qu’il se souvenait avec une extraordinaire acuité des prénoms et noms de famille d’enfants avec qui il avait partagé les bancs de l’école. Qu’y a-t-il dans la musicalité de ces noms gelés de l’enfance pour qu’ils s’agrippent ainsi en nous quand nos souvenirs éclipsent tant d’autres ramifications ?
En sortant de l’exposition de Sigmar Polke, Étienne Lechevallier avait donc avisé sa femme, en se composant un air ennuyé, qu’il préférait rentrer tout de suite et ne pas les accompagner pour manger une assiette.
Ni Vive ni Vincent ne l’avaient retenu.
Il avait alors fait remarquer à Vive que le lendemain ils avaient concert, si elle l’avait oublié. Vive avait alors ri en précisant à Vincent, sans le regarder lui, qu’elle ne risquait pas d’oublier parce qu’ils allaient au concert tous les mardis. Puis en se retournant vers Étienne, elle avait dit en baissant d’un ton : Je ne suis pas vraiment sûre de pouvoir venir avec toi demain, on en parle plus tard. Et Étienne, choqué par cette possible défection, s’était senti les jambes coupées ; alors il était resté avec Vincent et Vive. Ils avaient marché jusqu’à un bistrot très éclairé qui vantait ses salades copieuses et ses desserts sans gluten, Vive avait commandé avec ardeur une bouteille de vouvray, ils s’étaient tous trois perchés sur des tabourets peu confortables, et Étienne avait entrepris de manger son assiette après le vernissage de Sigmar Polke, ce lundi soir.
La conversation nourrie par Vincent et Vive se passait de ses interventions. Étienne les écoutait distraitement évoquer chaque œuvre vue ce soir et chaque connaissance qu’ils avaient croisée, puis il n’écouta plus que de loin leur bavardage ricocher sur d’autres expositions que l’un et l’autre projetaient de voir et dériver dans une longue digression à propos du dernier film de Ruben Östlund, sur lequel leurs sentiments divergeaient. Puis s’invita le sujet assommant des vacances d’été qui approchaient, où chacun s’enquérait des projets de l’autre. Et que fais-tu en juillet ? Vincent irait à Arles pour les Rencontres de la photographie, Vive lui apprit qu’elle n’y était encore jamais allée. Comment ?! s’exclama Vincent d’une voix à l’indignation accentuée, toi, tu n’y es jamais allée ! Mais c’est insensé ! Tu adorerais, insistait-il, quand Vive lui fit une réponse qui sortit enfin Étienne de son ennui torpide : J’aimerais bien aller à Arles, mais on doit tous les étés aller en Italie.
Étienne s’empourpra, parce que le ton plaintif de Vive ainsi que le choix appuyé du verbe de modalité devoir le giflèrent. En essayant de ne pas paraître trop blessé devant Vincent, il reconnut que oui, ils allaient tous les ans en Italie, mais premièrement, ils visitaient sans cesse des villes différentes, et surtout, cela symbolisait un pacte amoureux entre eux, fit-il remarquer, aussitôt gêné d’être poussé à se dévoiler ainsi face à un tiers. Enfin, l’Italie n’empêchait pas Arles si Vive le désirait,
– Je me fous d’aller à Arles, Étienne, ce dont j’ai envie c’est de ne pas FORCÉMENT aller en Italie sans me poser de questions, chaque année comme un diktat.
– Très bien, où veux-tu aller alors ? Je t’écoute.
– Tu ne comprends pas.
– Si, je comprends.
– Je veux aller AUTRE PART qu’en Italie, parfois. Tiens, en Grèce par exemple, sur une île.
– Une île grecque ?! Mykonos, ça te plairait ? On peut aussi aller directement à Ibiza si tu veux, faire la tournée des boîtes de nuit en prenant de l’ecstasy, ça nous changera de la galerie des Offices.
– Plus personne ne dit ecstasy, Étienne.
Vu que le ton s’envenimait, Vincent coupa court pour constater que Vive avait changé de coiffure, en s’extasiant que cela lui allait TRÈS bien. Elle sourit en chignant, méchante, qu’Étienne, lui, ne l’avait même pas remarqué.
Étienne avait alors regardé sa femme. Vraiment regardé, en sondant sa chevelure. Ce visage connu comme sa propre peau, comme l’odeur de son sommeil. Qu’est-ce qui avait changé ? Il resta coi. Mal à l’aise. Il ne discernait aucune différence. Vincent les taquina sur les vieux couples qui ne se voyaient plus. Mais qu’en savait-il, lui ?! Vincent enchaînait des histoires de cœur, plus ou moins notables ou grotesques, dont l’écume mousseuse parvenait à Étienne parce que Vive était bavarde et qu’elle aimait, avec la régularité d’un métronome, à lui donner des nouvelles des autres, sans qu’il ne demandât rien. Les histoires de Vincent ne s’éternisaient jamais, il sortait avec des femmes plus jeunes et des hommes de son âge, passant d’une application de rencontre à une autre avec l’agilité d’un jeune chat sautant de muret en muret, appréciant beaucoup d’en parler, de brocanter son petit avis progressiste sur les mérites de sa bisexualité. Il théorisait en philosophe sur les affres de ses désirs sans envergure, Étienne n’en pensait ni bien ni mal, ça ne l’intéressait tout simplement pas ; mais ce qu’il savait c’est que Vincent aurait été bien en peine de parler avec perspicacité de la coupe de cheveux de ses aventures d’un soir. Qu’est-ce que l’on comprend de l’amour, si l’on n’en connaît pas la durée ?
Si l’on N’ENDURE pas ?!

Étienne tenta de maîtriser la colère diffuse qu’il sentait percer en lui ce soir-là depuis le premier pied qu’il avait posé dans cette galerie d’exposition prétentieuse, il se concentra pour garder un flegme apparent, et finit par dire que bien sûr que si, il avait remarqué la nouvelle coiffure de sa femme, mais qu’il n’avait rien dit par galanterie, pour ne pas sous-entendre qu’elle était mieux qu’avant, parce que lui la trouvait belle tout le temps, enfin quelque chose de cet acabit. Vive fuit son regard, Vincent tenta d’alléger l’atmosphère, il sortit sa carte bleue et lança d’un ton très détendu C’est pour moi, je vous invite ! On se prend quand même un dernier verre ?
Étienne avait envie de le choper par le col et de lui hurler Arrête de nous inviter à chaque fois que l’on se voit, connard, je peux inviter ma femme, je n’ai pas besoin de ta charité ! Mais il prit sur lui, avalant l’humiliation que Vincent paye, sans protester. Il respira, força un sourire fade et articula Allez, un dernier alors, et se convainquit qu’il appréciait Vincent au fond. Il faisait partie intégrante de leur décor, comme un témoin rassurant de leur couple. Il était déjà là quand Étienne avait rencontré Vive presque dix ans auparavant. »

Extrait
« Katia avait convoqué Étienne parce qu’elle avait un souci avec les corrections effectuées sur le dernier manuscrit qu’il lui avait rendu. Elle avait essayé d’être diplomate, Étienne faisait partie des murs, sa susceptibilité était légendaire, et on ne pouvait pas lu reprocher de ne pas être efficace. Il ne loupait aucune coquille ni aucune faute d’orthographe. Il traquait en limier les répétitions, les incohérences, redondances, et toute rupture de rythme ou de registre non justifiée. Chaque contexte historique, politique, géographique, chaque anecdote réelle utilisée dans un manuscrit était passée au tamis de ses talents de chercheur maniaque et exhaustif. Il allait vérifier si la mention des attributs d’une obscure espèce de plancton dans un roman était correcte; et si l’auteur parlait du soleil qui régnait sur Paris le 17 avril 1684, il était capable de lui signifier qu’il en était désolé mais qu’il pleuvait ce jour-là. Il était une machine. Étienne Lechevallier maîtrisait à l’évidence parfaitement les signes de correction communément utilisés dans l’édition, mais il en avait inventé d’autres, qu’il avait imposés au fonctionnement de la maison de l’Instant fou. Il avait, à cette fin, distribué et placardé des mémos, plastifiés et en couleurs.
Les éditeurs qui travaillaient avec lui avaient accepté ses fantaisies et jouaient le jeu, parce que tous reconnaissaient qu’il abattait un travail colossal.» p. 86-87

À propos de l’auteur
BEREST_Claire_©Astrid_di_CrollalanzaClaire Berest © Photo Astrid di Crollalanza

Claire Berest est née le 14 juillet 1982 à Paris. Diplômée d’un Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM), elle enseigne quelque temps en ZEP avant de démissionner et de se consacrer à l’écriture. Son premier roman, Mikado, est paru en janvier 2011. Puis viendront L’ Orchestre vide, inspiré de sa relation avec le chanteur canadien Buck, Gabriële, co-écrit avec sa sœur Anne en hommage à leur arrière-grand-mère Gabrièle Buffet-Picabia. Rien n’est noir, qui met en scène Frida Kahlo et Diego Rivera, est couronné par le Grand Prix des lectrices de ELLE 2020. Après Artifices, paru en 2021, elle publie L’épaisseur d’un cheveu en 2023. Son compagnon est l’écrivain Abel Quentin. (Source: Wikipédia)

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Une réflexion sur “L’épaisseur d’un cheveu

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