Ciel d’acier

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Ciel d’acier
Michel Moutot
Arléa
Genre
528 p., 22 €
ISBN: 9782363080714
Paru en janvier 2015

Où?

Le roman est situé au Canada et aux Etats-Unis, notamment à Kahnawake, Québec et Montréal ainsi qu’à Sausalito (CA), Chapell Hill (NC) et principalement à New York.

Quand?
Partant du 11 septembre 2001 l’auteur remonte dans l’histoire des protagonistes sur plus d’un siècle et nous mène jusqu’à l’inauguration de la Liberty Tower fin 2014.

Ce qu’en dit l’éditeur
New-York, 11 septembre 2001, début de matinée. John LaLiberté, dit Cat, indien mohawk et ironworker (monteur d’acier), travaille au sommet d’un nouveau building à Manhattan. Le rugissement d’un Boeing au-dessus de sa tête, l’impact contre la première des tours jumelles, l’effondrement des Twin Towers : il assiste à la pire catastrophe de l’histoire américaine. Il en devient l’un des acteurs : il se précipite, comme des dizaines d’ironworkers, chalumeaux en main, pour participer, aux côtés des sauveteurs, au déblaiement des gravats, à la recherche de survivants, dans l’enfer de Ground Zero.
Les indiens mohawks, canadiens ou américains, vivent dans des réserves près de Montréal ou à la frontière avec les États-Unis. Lors de la construction en 1886 d’un pont sur le Saint-Laurent, ils ont appris et aimé ce métier qui les a conduits sur tous les ponts, les gratte-ciel, les buildings du continent. Depuis six générations, ils construisent l’Amérique. La légende, fausse bien sûr, veut qu’ils ne connaissent pas le vertige. Certains marchent comme des chats sur des poutres de trente centimètres de large à des hauteurs vertigineuses. Ils ont appris de père en fils à apprivoiser la peur, à respecter le danger, à vivre et travailler là où les autres ne peuvent pas s’aventurer.
Tous les Mohawks ont grandi « dans l’ombre des Twin Towers », comme disent les anciens dans la réserve de Kahnawake, près de Montréal. Mais John plus que tout autre : Jack LaLiberté, dit Tool, son père, est mort en les construisant, au printemps 1970, frappé par la foudre, précipité dans l’abîme. Ses amis ont caché au sommet de la tour Nord sa clef à mâchoire, son outil, son tomahawk. Dans l’effroyable magma de métal et de feu, John va partir à sa recherche.
Dès lors, le fil du passé se dévide, nous remontons le temps, pénétrons dans l’histoire des Mohawks, du premier rivet porté au rouge dans un brasero de charbon jusqu’à la construction de la Liberty Tower, qui remplace aujourd’hui le World Trade Center. Embrassant plus d’un siècle, ce roman polyphonique nous présente l’épopée de cette tribu indienne, la seule à avoir gagné, par son travail et son courage, sa place dans le monde des Blancs, sans renier ses croyances et ses traditions. Sur les traces d’une famille d’ironworkers de légende, Michel Moutot, après un extraordinaire travail de documentation, croise les destinées de plusieurs générations d’ironworkers mohawks, bâtisseurs de l’Amérique.

Ce que j’en pense
****

Cette «épopée familiale quasi légendaire se déroulant sur plusieurs générations», pour reprendre la définition du mot saga, est d’abord un formidable roman, avec tous les ingrédients susceptibles de nous envoûter : du sang et des larmes, de l’amour et de la rivalité, de l’injustice et de la rédemption, de l’étrange et du factuel. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître !
Michel Moutot a choisi le 11 septembre 2001 comme point de départ de cette histoire séculaire. Le narrateur, John LaLiberté, est monteur d’acier. Quand il aperçoit ce matin là les avions s’encastrer dans les tours jumelles, il comprend immédiatement ce qu’on attend de lui : «Le World Trade Center, c’était un squelette de milliers de tonnes de métal. Je ne sais pas ce qu’il en reste, mais je sais que, pour avancer dans les décombres à la recherche des survivants, pompiers et secouristes vont avoir besoin de nous. Car, si depuis un siècle nous éditions ponts et gratte-ciel, nous construisons l’Amérique, c’est aussi nous qui les démontons, les découpons. Quand il doivent disparaître pour faire place à autre chose dans une ville et un pays qui se réinventent sans cesse, les règlements prescrivent que c’est à nous, monteurs d’acier, qu’il faut faire appel. »
En expliquant les raisons qui ont conduit la tribu des Mohawk à devenir le peuple des monteurs d’acier, en détaillant le rôle que ces «ironworkers» ont joué dans la construction des infrastructures qui ont permis le développement économique du Canada et des Etats-Unis, en montrant le tribut qu’ils ont dû payer au fil des ans, l’auteur réussit le tour de force de donner de la chair à ces ponts et à ces gratte-ciel.
Avec John LaLiberté et ses compagnons, le lecteur est convié à vivre des épopées et des drames, des combats et des trahisons, des histoires d’amour et de mort. Dès lors, le plaisir de la lecture et de la découverte ne la lâchera plus tout au long des quelque 500 pages du livre.
C’est très solidement documenté, superbement bien écrit – sans pathos et sans fioritures inutiles – et formidablement bien construit. On découvrira par exemple que les sauveteurs n’étaient pas seuls à fouiller les décombres et que la recherche des survivants n’était pas le seul motif pour atteindre au plus vite les étages inférieurs. Ou encore qu’un tel chantier doit aussi apprendre à se structurer et que certaines décisions trop hâtives ont sûrement entrainé la destruction de preuves, voire d’ADN. On saura enfin quels rites et quelles croyances – les Indiens n’ont pas le vertige – ont construit la légende des Mohawks (les plus anciens se rappellerons à ce propos de John l’Enfer de Didier Decoin, Prix Goncourt 1977). Gageons que vous ne regarderez plus les gratte-ciel de New York de la même manière après avoir refermé ce superbe roman.

Résonances
Ajoutons que si je tiens ce roman en si haute estime, c’est aussi parce qu’il vient conforter mon travail sur le 11 septembre, la documentation que j’ai amassée et les témoignages que j’ai recueillis. Dans mon premier roman, le 11 septembre joue un rôle non négligeable puisqu’il cristallise les ambitions de Fabrice Le Guen, jeune journaliste-animateur qui part à New York pour réaliser plusieurs émissions spéciales commémorant le premier anniversaire des attentats.
Si ce «Valmont» d’aujourd’hui se sert de l’événement pour impressionner, il n’en effectue pas moins des repérages et cherche lui aussi à rendre compte de ce qu’à pu être ce traumatisme pour toute une ville, un pays, voire par toute la planète.
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Autres critiques
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Les premières pages du livre :

« La sueur me brûle les yeux. Je ne supporte plus ces lunettes de soudeur, ce masque, j’étouffe. Mais si je les enlève Dieu sait ce que je vais avaler. Cette poussière, ces fumées sont toxiques. Elles étaient farcies d’amiante et de saloperies ces tours. Mon oncle disait que les structures d’acier étaient recouvertes de flocage et de peinture au plomb. Il y avait des cabinets de dentistes dans les étages, des stocks de produits chimiques dans les sous-sols du World Trade Center, le gaz fréon des climatiseurs géants, le kérosène des avions. On respire du poison.
Mais s’il y a des survivants dans ce magma, ce mikado d’enfer, c’est le seul moyen de les trouver. Découper l’acier, sectionner les poutres, ouvrir des passages, faire des voies, des tunnels pour avancer, explorer les cavités, peut-être des refuges. Encore cinq minutes. Cinq minutes et J aurai fini de brûler cette section de métal. Je pourrai accrocher le câble et la grue la soulèvera. Attention aux éboulements. Où est le crochet ?
Les fumées s’épaississent, l’odeur est atroce, je vois à peine mes mains. Les rampes d’éclairages lèvent un halo de poussière lumineuse. La poutre sur laquelle je suis en équilibre tremble, elle est chaude, je sens la chaleur à travers mes chaussures, les semelles fondent. Il faut bouger de là. Andy devrait être sur ma droite mais dans ce brouillard je ne le vois plus. Je l’entends. Le souffle du chalumeau, là derrière, les étincelles, ce doit être lui. Merde ! La flamme de ma torche à découper faiblit… Plus d’oxygène !… Bon, j’enlève le masque. Le ciel pâlit sur l’Hudson, c’est bientôt l’aube.
Hier matin, je suis arrivé tôt sur le chantier d’un hôtel à la pointe sud de Manhattan. Pour nous, les ironworkers – les Québécois disent monteurs d’acier -, qui connectons entre elles les structures des gratte-ciel, le travail était presque terminé. Quelques poutres à boulonner et souder, les dernières, tout en haut, et, dans une semaine, ce devait être la cérémonie d’achèvement du squelette de l’immeuble, le topping-out. Un autre gratte-ciel sur la ligne d’horizon à Manhattan.
Et sur celui-ci, comme sur tous les géants de la ville, nous sommes là. Indiens mohawks : Canadiens ou Américains, descendus de nos réserves près de Montréal ou sur la frontière avec les États-Unis. New York est monté à l’assaut du ciel grâce à la sueur et au sang de nos pères. Pas un chantier en hauteur, pas un pont métallique ou un grand building sans que ne résonnent, là-haut, ordres, consignes ou jurons dans notre langue. Pour leur bravoure, leur expérience, leur fiabilité, les charpentiers du fer mohawks sont réputés dans toute l’Amérique du Nord et au-delà.
À quarante-trois ans je suis la sixième génération de monteurs d’acier. Je m’appelle John LaLiberté, dit Cat. Mon vrai nom : O-ron-ia-ke-te, «Il porte le ciel. »

A propos de l’auteur
Michel Moutot, né à Narbonne en 1961, est journaliste à l’Agence France Presse (AFP). Correspondant à New York en 2001, il reçoit le prix Louis Hachette pour sa couverture des attentats du 11 septembre. En 1999 il remporte le prix Albert Londres, le plus prestigieux de la presse française, pour son travail sur la guerre du Kosovo. Correspondant à Lyon, Beyrouth, Nairobi et New York, il a couvert une quinzaine de conflits, dont les guerres du Golfe et d’ex-Yougoslavie. Il est reporter au siège de l’AFP à Paris, spécialiste des questions de terrorisme international, rentre d’Ukraine. (Source : Editions Arléa)

Site Wikipédia de l’auteur

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