La vie qui m’attendait

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En deux mots:
À la quarantaine Romane découvre qu’elle a une sœur jumelle. Au-delà de l’émotion provoquée par leurs retrouvailles, de graves questions se posent. Qui leur a menti? Qui sont leurs vrais père et mère? Pourquoi ont-elles été séparées? Romane se lance dans une enquête aux multiples rebondissements.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

Nous sommes deux sœurs jumelles…

Après «La chambre des merveilles» Julien Sandrel nous revient avec un roman tout aussi joyeusement débridé, mais tout aussi dramatique. À 39 ans, la vie de Romane va basculer: elle découvre qu’elle a une sœur jumelle.

Dans «La chambre des merveilles» une mère se battait pour son fils, victime d’un terrible accident. En lui offrant de vivre ses rêves par procuration, elle nous entraînait dans une folle quête. Pour son second roman Julien Sandrel a choisi d’autres ingrédients, mais reste fidèle à sa recette: un grain de folie, un suspense habilement entretenu, un rythme entraînant et des émotions à fleur de peau. Pour peu que l’on accepte l’improbable scénario de départ, on savoure cette nouvelle quête avec un vrai bonheur.
Médecin généraliste à Paris, Romane s’apprête à prendre quelques jours de vacances lorsque l’une de ses patientes vient lui annoncer qu’elle l’a croisée dans un hôpital marseillais, affublée d’une perruque rousse. Comme elle n’a jamais mis les pieds dans la cité phocéenne, elle pense tout au plus à une coïncidence, même si une chose l’intrigue. Elle aussi a un pigment roux, qu’elle ne montre toutefois pas. Aussi, pour en avoir le cœur net, elle décide de se rendre sur place sans davantage d’informations.
À l’hôpital elle est interpellée par une personne de l’accueil qui lui remet la carte vitale qu’elle a oubliée. Ainsi, elle a non seulement la confirmation qu’une personne qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau s’est bien rendue à une consultation, mais elle a aussi les informations figurant sur la carte, un nom et une date de naissance identique à la sienne. Une nouvelle poussée d’adrénaline et voici Romane en route vers Avignon où elle va rencontrer Juliette, sa sœur jumelle, qui tient une librairie. Un nouveau choc émotionnel, mais aussi toute une série de questions sur les trente-neuf années durant lesquelles elles ont été séparées. Qui sont vraiment leurs parents? Leur a-t-on menti et pourquoi? Quelle est la raison de leur séparation? Et à peine retrouvées, ne vont-elles pas se perdre à nouveau, car la maladie dont souffre Juliette est grave.
Mais n’en disons pas davantage, sinon pour souligner le sens du suspense de Julien Sandrel qui sait terminer ses chapitres par une révélation, un coup de théâtre, une information capitale qui va immédiatement pousser le lecteur à vouloir en savoir plus. Dès lors, il ne lâchera plus le roman. En y insérant une lettre-confession du père de Romane, il nous offre également de comprendre le dramatique enchaînement des événements. N’oublions pas non plus, autour de Romane et Juliette, les parents et les ami(e)s, qui viennent tout à la fois enrichir ce beau roman, mais lui apporter davantage de densité et ouvrir de nouveaux horizons.
Adressons enfin, en guise de conclusion, un message à tous ceux qui aiment agrémenter leur vie en lisant des livres et en allant au théâtre : Julien Sandrel nous rappelle que dans une librairie aussi bien qu’au théâtre – surtout à Avignon durant le festival – on peut faire des rencontres qui changent votre vie. Et si vous profitiez de l’été pour en faire l’expérience ?

La vie qui m’attendait
Julien Sandrel
Éditions Calmann-Lévy
Roman
324 p., 18,50 €
EAN 9782702163498
Paru le 06/03/2019

Où?
Le roman se déroule en France, à Paris, mais surtout dans le Sud, à Marseille, à Aix-en-Provence et à Avignon.

Quand?
L’action se situe de nos jours avec des retours en arrière jusqu’en 1976.

Ce qu’en dit l’éditeur
«Ma petite Romane, on se connaît depuis longtemps, il faut que je vous dise: je vous ai vue sortir en larmes du bureau de ce pneumologue à Marseille. Pourquoi vous cachiez-vous sous une perruque rousse?»
Romane, 39 ans, regarde avec incrédulité la vieille dame qui vient de lui parler. Jamais Romane n’a mis les pieds à Marseille. Mais un élément l’intrigue, car il résonne étrangement avec un détail connu de Romane seule: sa véritable couleur de cheveux est un roux flamboyant, qu’elle déteste et masque depuis
l’adolescence sous un classique châtain.
Qui était à Marseille?
Troublée par l’impression que ce mystère répond au vide qu’elle ressent depuis toujours, Romane décide de partir à la recherche de cette autre elle-même. En cheminant vers la vérité, elle se lance à corps perdu dans un étonnant voyage
entre rires et douleurs.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
ELLE
RTL (Les livres ont la parole – Bernard Lehut)
Metro.be (entretien avec l’auteur)
Les chroniques de Koryfée (Karine Fléjo)
EmOtionS, blog littéraire
Cahiers Attard


Bande-annonce de La Vie qui m’attendait de Julien Sandrel © Production éditions Calmann-Lévy

INCIPIT (Les premières pages du livre)
Est-il possible que toute mon existence se résume à cette seule journée ?
Ce jour-là fut le plus beau, le plus terrible, le plus définitif. Fondateur et destructeur. Mettant sur mon chemin, dans un même élan intolérable, le souffle incandescent de la vie et son exact opposé.
Ce jour-là, je l’ai vécu. Je ne l’ai jamais raconté. À quiconque.
Les souvenirs sont présents, pourtant. Âcres. Brutaux. Mais les plaies sont refermées. Recousues. Il a fallu du temps pour que la beauté me soit de nouveau accessible. Qu’elle se désolidarise enfin de ces images insoutenables que je n’ai cessé de voir apparaître à chaque battement de paupière.
Aujourd’hui encore, mon cœur – que peut-il faire d’autre ? – continue de marteler que j’ai fait ce qu’il fallait.
Pardon.

ANNÉES
MA VIE
— Oui, monsieur. Ce sera fait, bien sûr. Mes amitiés à votre épouse.
Je pose mon téléphone, incrédule. Qui d’autre que moi emploie encore cette tournure tombée en désuétude au siècle dernier ?
Je m’exprime comme une vieille, je vis comme une vieille, je ne discute qu’avec des vieux. Je suis vieille. Vieille et seule, voilà le résumé de ma vie.
Mais commençons par le commencement.
Je m’appelle Romane. J’ai trente-neuf ans. Je suis médecin généraliste, option hypocondriaque à tendance paranoïaque. Une spécialisation des plus originale que je n’applique qu’à moi-même, mes patients peuvent dormir tranquilles. Par habitude, plus que par choix, je vis à Paris où je suis née. Je voyage peu, car j’ai peur de presque tout ce qui permet de se déplacer au-delà d’un rayon de dix kilomètres. Monter dans une voiture est une épreuve. Dans un train, un bateau ou un avion, n’en parlons pas. Je connais les statistiques, un crash tous les douze millions de vols, moins de chances de périr en avion que de gagner au Loto. Moi, ça me fout les jetons, parce que les gagnants du Loto, ils ne sont pas nombreux mais ils existent bel et bien. Je voyage peu car j’ai peur des araignées, des serpents, de toutes les bestioles qui piquent, mordent ou grattent, du paludisme, de la dengue, du chikungunya, de la rage, de la grippe aviaire, d’être enlevée par une organisation mafieuse, de faire un infarctus loin d’un hôpital de premier rang, de mourir déshydratée à cause d’une simple dysenterie.
Récemment, mes paniques ont pris de l’ampleur. Une ampleur obsessionnelle, diront certains – dont mon psy. Depuis six mois, je suis sujette à ce que l’on nomme couramment l’hyperventilation. Dès que j’ai un moment de stress, la sensation qu’un danger est imminent, j’ai besoin de respirer dans un petit sac en papier pour reprendre le contrôle. Visualisez la scène au rayon fruits et légumes du supermarché du coin : la fille assise à côté des courgettes origine France, qui suffoque parce que sa paume s’est posée par mégarde sur un fruit déliquescent et qui s’imagine succomber dans l’heure à une attaque bactérienne, c’est moi. J’ai la joie de me transformer plusieurs fois par jour en petit chien haletant, et les sacs en papier Air France sont mes meilleurs compagnons. Mon amie Melissa, qui par un hasard épouvantable se trouve être pilote de ligne, est devenue mon fournisseur officiel.
Vieille, seule, hypocondriaque, ridicule.
J’aurais pu ajouter moche, mais pour être honnête, ce n’est pas vrai. Chaque jour, je vois passer des corps que j’examine en toute sécurité, planquée derrière mes gants de latex, et je me rends bien compte que le mien n’est pas le pire. Mais je n’y peux rien, je ne l’aime pas ce corps. Alors je le cache sous des vêtements neutres.
Je suis discrète, presque invisible. C’est ce que les gens apprécient. Les gens, pas les hommes. Le seul homme dans ma vie, c’est mon père. J’ai grandi seule avec lui, protégée par lui, j’ai toujours suivi la voie qu’il avait tracée, et il y a six mois de cela, je vivais encore chez lui. Je l’aime comme ça, mon père. Jusqu’à l’étouffement. Mon psy dit que mon hyperventilation n’est rien d’autre que la manifestation somatique de mon besoin d’air vis-à-vis de mon père. « Coïncidence troublante entre vos problèmes de souffle et votre décision de vous éloigner de lui, vous ne trouvez pas ? » m’a-t-il asséné. Il a sans doute raison, d’autant que ça ne s’arrange pas côté respiration, malgré mon déménagement. À la veille de mes quarante ans, j’ai décidé d’apprendre à vivre sans mon père. J’ai largué les amarres. Mon psy m’assure que c’est une bonne décision. Qu’il était temps.
Il était temps, mais il était tard. Bien trop tard pour que mon père l’accepte sereinement. J’ai bien tenté de lui expliquer que les gens normaux, avec une vie normale, voient leurs parents trois fois par an, leur téléphonent une ou deux fois par mois, que nous ne sommes pas obligés d’aller jusque-là, que nous pouvons déjà passer d’une vie sous le même toit à des toits différents, d’une surveillance permanente de mes faits et gestes à un coup de fil par semaine, que je lui ai épargné de longues années de poussées hormonales et autres sautes d’humeur, qu’il devrait être content, non ? Non, bien sûr que non. Pour mon père, cette modification profonde de nos vies quotidiennes est tout aussi absconse qu’inacceptable.
Depuis quelques mois, il ne m’adresse la parole que par pure nécessité. J’ai parfois l’impression d’être face à un enfant boudeur de soixante-cinq balais, déçu que son jouet préféré lui échappe. Au début, sa réaction m’a fait mal. Trop dure, trop radicale. Puis je l’ai intégrée. Au final, je pense que cet éloignement temporaire est nécessaire. Qu’il nous fait du bien à tous les deux. Il faudra du temps à mon père pour accepter cette nouvelle donne, mais il y parviendra. Une fois le choc absorbé, nos relations se normaliseront. Se banaliseront. Et ma respiration avec.
Je me rends compte que je parle de tout ça comme d’une rupture amoureuse. T’es vraiment grave, ma pauvre fille. C’est ton père, il n’y a pas rupture, il y a une mise à distance salutaire. Respire, Romane. Respire.
Vieille, seule, hypocondriaque, pathétique, mais qui se soigne. Ou du moins, qui essaie. »
*
Après avoir raccroché avec mon patient, je m’accorde quelques minutes pour boire un verre d’eau, me rafraîchir le visage. Aujourd’hui est un jour de canicule. J’ai l’impression désagréable d’être coincée dans un hammam, sans massage ni pâtisseries orientales. Je garde mon petit sac en papier à proximité car la moiteur m’oppresse. Mes vêtements collent, mes patients collent, mes gants collent. Ils ont annoncé 38 degrés à la radio ce matin. Un record à Paris, même pour un 15 juillet. Je suis en vacances à la fin de la semaine, et je ne sais toujours pas ce que je vais en faire. Rien ne m’effraie plus que de me retrouver face à moi-même – et Dieu sait que beaucoup de choses m’effraient. Je suis pourtant bien obligée de les prendre, ces vacances : Paris se vide significativement à ce moment de l’année, ouvrir le cabinet n’a aucun sens. Pour me motiver à fuir la fournaise parisienne, je me répète que me reposer renforcera sûrement mes défenses immunitaires, ce sera toujours ça de pris.
Punaise, qu’est-ce qu’il fait chaud ! Oui, c’est ma manière de parler. Dans ma tête je me dis putain fait chier cette chaleur de merde, mais l’idée se liquéfie en franchissant mes lèvres. J’ai acheté un ventilateur pour le cabinet, un autre pour ma chambre. Cette nuit, fête nationale oblige, j’ai eu du mal à fermer l’œil. Fenêtres ouvertes, j’entendais les altercations avinées des pochtrons du coin, et je ne pouvais pas m’empêcher d’imaginer qu’à tout instant pouvait surgir un individu mal intentionné. J’habite pourtant au cinquième étage, alors à part le double maléfique de Spider-Man, le risque d’intrusion est assez limité. Malgré tout, je n’étais pas tranquille. Je me suis réveillée à plusieurs reprises, en sueur. Autant dire qu’aujourd’hui il ne faut pas trop me chercher. Ça, c’est ce que je formule dans ma tête – comme si j’allais mettre un taquet à quelqu’un qui me gonflerait. La réalité, c’est qu’aujourd’hui comme tous les autres jours, je suis désespérément polie.
Je décolle une dernière fois mon chemisier de mon dos, et j’ouvre la porte. Mme Lebrun – soixante-dix ans, le cheveu tellement noir qu’il en devient perturbant, la dentition tellement parfaite qu’elle en devient suspecte – entre dans mon cabinet.
C’est une patiente de longue date, et une connaissance de mon père, selon ses dires : lorsqu’il exerçait encore son métier de gardien dans le parc des Buttes-Chaumont, je sais qu’il la croisait régulièrement. Je les ai soupçonnés à une époque de se connaître bien plus qu’ils ne l’avouaient. Mme Lebrun, d’ordinaire si volubile, s’assied en silence. Son mutisme m’étonne. M’inquiète.
— Ma petite Romane, il faut que nous discutions, toutes les deux.
Mme Lebrun me fixe de ses petits yeux sombres. Elle tient son sac sur ses genoux, les mains crispées. Son visage est fermé. Elle ne m’a jamais regardée comme ça.
Je ne le sais pas encore, mais Mme Lebrun s’apprête à modifier le cours de mon existence.
D’ici quelques minutes, rien ne sera plus pareil. Jamais. »

À propos de l’auteur
Julien Sandrel est né en 1980 dans le sud de la France, et vit à Paris.
après l’immense succès de la Chambre des merveilles, phénomène mondial vendu dans plus de 23 pays et en cours d’adaptation au cinéma, il revient avec un second roman tout aussi bouleversant. (Source : Éditions Calmann-Lévy)

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