Imaginer Calder

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En deux mots
Lors d’une promenade dominicale le long de l’Indre, Géraldine aperçoit une grande bâtisse avec d’étranges formes noires et rouges. Bien des années plus tard, elle viendra explorer ce domaine érigé par Calder. Et nous raconter l’artiste, qui a passé une vingtaine d’années en Touraine, et la genèse de ses œuvres.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Les maisons d’Alexander Calder

Après nous avoir régalé sur les pas de Rodin et Camille Claudel durant «Un été à l’Islette», Géraldine Jeffroy, nous propose de découvrir un autre artiste qui a passé deux décennies en Touraine, Alexander Calder. Une évocation aussi sensible que documentée.

«La maison, écrit Gaston Bachelard, est notre premier univers. C’est particulièrement vrai pour Calder, pour qui la maison est un cosmos, un cosmos pour vivre et rêver, travailler et respirer.» Aussi c’est bien à travers les différentes propriétés qu’Alexander Calder a acheté ou fait construire du côté de Saché que Géraldine Jeffroy nous fait découvrir ce si sympathique géant.
La première fois qu’elle a entendu son nom, c’était lors d’une sortie dominicale, sur la route allant de Montbazon à Azay-le-Rideau. Elle devait avoir sept ans et a été intriguée par une grande demeure avec d’étranges formes noires et rouges. Bien entendu, la réponse laconique de son père, «c’est l’atelier de Calder», ne saura satisfaire sa curiosité.
En fait, c’est bien des années plus tard qu’elle retrouvera ce lieu magique, devenu résidence d’artistes. Mais ne brûlons pas les étapes et commençons par le commencement.
Nous sommes en 1953 lorsque l’Américain goûte à la douceur de la région et décide de s’y installer. Il va alors porter son choix sur la maison François Ier à Saché, une construction inconfortable à moitié troglodyte, mais qu’il fait aménager selon ses goûts. C’est là qu’il va poursuivre son travail entamé aux États-Unis et poursuivi à Paris, réalisant des dizaines de mobiles.
Un travail qu’il complète en échangeant avec son gendre Jean Davidson une petite maison qui va devenir sa Gouacherie où il va peindre des centaines d’œuvres sur des feuilles de papier Canson, joyeux dérivatif à son activité principale, car «il y a chez l’homme et l’artiste une joie esthétique à être en communion avec les lieux qu’il occupe.» C’est là aussi que fut tourné, en 1961, le film de Carlos Vilardebó: Le Cirque de Calder, «spectacle parodique et populaire, jouet fou et sorte de cirque du pauvre qui fera connaître le jeune Américain.» C’est aussi là que Géraldine Jeffroy a pu s’installer.
Mais la maison qu’elle a vue enfant est bien différente. C’est une sorte de gigantesque hangar que l’artiste a fait construire pour ériger «des œuvres monumentales, à la fois ludiques et architecturales (…) À l’opposé des mobiles, ces nouvelles «choses », statiques et stables, seront solidement enracinés dans la terre, tels des arbres centenaires: les stabiles. Comme pour les mobiles, on n’avait jamais rien vu de pareil!»
En suivant la romancière sur les pas de l’artiste, visiblement très heureux de sa vie en Touraine, partageant son bonheur avec ses amis et voisins, on partage sa jubilation à faire revivre les lieux, les hommes et les œuvre, tout comme elle l’avait fait avec Un été à l’Islette, son premier roman qui suivait, non loin de là, Auguste Rodin et Camille Claudel durant leur séjour dans ce château.
«Calder enchante le monde de ses OVNI polychromes. Quand tout fonctionne bien, un mobile est un morceau de poésie qui danse avec la joie de vivre. Les merveilles qui l’entourent, celles qu’il a créées ainsi que les autres, il vous les montre comme un enfant dévoile ses trésors cachés au grenier. Calder fait des fêtes pour la vie.» Les mots sont de Prévert et viennent joliment conclure cette chronique.
NB. Tout d’abord, un grand merci pour m’avoir lu jusqu’ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre et en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.

Imaginer Calder
Géraldine Jeffroy
Éditions Arléa
Roman
118 p., 18 €
EAN 9782363083807
Paru le 7/05/2024

Où?
Le roman est situé principalement en France, en Touraine, entre Montbazon et Azay-le-Rideau et plus précisément à Saché. On y cite aussi Tours, Tréguier en Bretagne, Paris, Montréal et Roxbury aux États-Unis.

Quand?
L’action se déroule de de 1953 à nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Alexander Calder achète la maison François I er à Saché et s’installe en Touraine en 1953. Il y restera plus de vingt ans.
Géraldine Jeffroy met ses pas dans ceux du grand artiste sur ces lieux enchanteurs qui sont aussi ceux de son enfance. Elle pénètre dans la maison, la gouacherie et l’atelier de ce Tourangeau d’adoption, pose son regard sur le paysage caldérien, la vallée verdoyante, les ciels immenses, la douceur des collines, les prés alentour.
Imaginer Calder est une histoire de rencontres. Entre Calder et l’auteure, entre une vallée du centre de la France et un Américain de Philadelphie.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Actualitté (Hocine Bouhadjera)

Les premières pages du livre
« J’ai six ans. Peut-être sept.
C’est probablement un dimanche puisque nous sommes en voiture, mes parents, mon frère et moi. Nous roulons vers Azay-le-Rideau, petite commune rurale où habitent mes grands-parents. Il fait un temps magnifique, l’air est doux, ce doit être le printemps.
Le trajet dure une petite demi-heure. Nous sommes partis de Montbazon où nous vivons et nous empruntons la D17. Nous traversons les quelques petites villes qui s’égrènent au fil de la route puis nous bifurquons sur la D84, sur la rive nord de l’Indre. Cette fois-là, je me suis installée sur le siège de droite, c’est à mon avis la meilleure place pour contempler la vallée, à l’aller comme au retour. Mon frère en général ne me la dispute pas. Ce qui ne m’empêche pas, à l’occasion, de choisir le siège de gauche, pour changer de point de vue.
La vallée en question débute à cette bifurcation entre la D17 et la D84, elle est le paysage de mes rêveries d’enfant et elle est la vallée chère à Balzac, celle qui constitue le décor et l’âme du roman Le Lys dans la vallée. Dans ce coin de Touraine, dès le plus jeune âge, on fait très vite connaissance avec le Grand Écrivain. Non seulement parce qu’il est né à Tours – même s’il vivra principalement à Paris – mais aussi parce qu’il écrira aimer la Touraine «comme un artiste aime l’art». Tout par ici nous le rappelle : le nom des rues, des places, des cafés, des écoles. À cette époque je grandis rue Honoré-de-Balzac; il y a chez nous, dans le salon, sur une étagère posée sur un radiateur en fonte, les œuvres complètes de La Comédie humaine; enfin, chaque dimanche ou presque, nous roulons sur la D84 aussi nommée route de la Vallée du Lys. Nous passons devant le manoir de Vonnes, qui devint le château de Clochegourde dans le roman, puis nous longeons l’Indre au moment de traverser la partie basse du village de Saché. À Saché justement, se trouve le château des Margonne, refuge régulier de l’écrivain poursuivi par ses créanciers parisiens. Là, dans la petite chambre qui lui est réservée, il écrit comme un forcené, de douze à seize heures par jour.
Nous suivons donc l’Indre en cette fin de matinée ensoleillée et comme à chaque fois je me délecte du paysage. J’observe les maisons, leurs pierres, les cours, l’entrée des caves à flanc de coteau, les troglos, les racines des arbres qui sortent de la roche — pour aller où ? -, l’éolienne Bollée face au château de Mazères, les coups de pêche verdoyants et leurs cabanons délabrés. Je connais tous les manoirs et tous les moulins de ce territoire, je rêve que j’habiterai plus tard l’un d’entre eux. Je m’imagine fort bien châtelaine. Je suis certaine que cela sera, je fais confiance à la vie, je crains juste d’avoir du mal à choisir. Je voudrais demander à mon père de ralentir pour que j’ai le temps de bien voir, j’aimerais pouvoir passer les portes, pénétrer dans les domaines, mais nous sommes attendus pour le déjeuner. Je suis toujours contrariée lorsque nous arrivons. J’espère que nous repartirons avant la nuit, afin que l’enchantement renaisse. Aujourd’hui, tant d’années plus tard, je savoure ma liberté de pouvoir parcourir la vallée à vélo, réglant le défilé du paysage à guère plus de vingt kilomètres-heure, et faire halte selon mon bon plaisir. Comme la rivière entre les coteaux, je prends mon temps, je sillonne tranquillement la route qui suit les méandres de l’Indre.
Ce dimanche de mon enfance, à Saché, je lève le regard un peu plus haut que d’habitude, vers la colline dite du Haut Carroi dont j’ignore évidemment le nom à cette époque. J’aperçois une grande bâtisse que je prends pour un hangar ou bien une grange. De loin cela ressemble fortement à une grange mais il faut dire que j’ai, à six ou sept ans, peu de connaissances en la matière. J’entrevois donc le bâtiment plus que je ne l’aperçois car devant, d’étranges formes noires et rouges sont « posées ».
Des figures fantastiques immenses, d’inquiétantes créatures, immobiles. Qu’est-ce que c’est là-haut? je demande. Mon père conduit, concentré, ma mère regarde la route, pensive; on ne me répond pas. Je m’agace, j’insiste: Les grands trucs là-haut, qu’est-ce que c’est? Mais déjà nous sommes passés. Au retour, par chance, il ne fait pas nuit. J’anticipe, je préviens: Attention, c’est bientôt! Mon père ralentit, tourne la tête. Il dit : Là-bas? C’est l’atelier de Calder.
Sa réponse m’a cloué le bec, Comme si, interrogé sur un arbre, il m’avait dit : Ça? C’est un peuplier. Que répondre à cela ? Il y a des réponses qui mettent fin à toute discussion. Je compris au moins une chose : ce n’était ni un hangar ni une grange.
Lorsque nous sommes repassés une ou deux semaines après, les étranges formes étaient toujours là… mais je n’ai rien demandé.
En grandissant, j’apprendrai évidemment qui était Calder et quel était son lien avec Saché. Le totem offert par l’artiste aux villageois témoigne de son passage incontestable dans la vallée. Lorsque des années plus tard je fis visiter la région à mon compagnon et qu’il m’interrogea sur la sculpture en question, j’étais assez fière de lui annoncer : Eh bien, c’est un Calder! Et, avant même que je lui explique le pourquoi du comment de la présence de l’œuvre en ce lieu, il m’arrêta: C’est qui Calder ? Je faillis lui répondre: C’est un peuplier.
Très longtemps, je ne partageais ma vallée qu’avec Balzac. Il en avait écrit le roman, il l’avait sublimée, il l’avait fait connaître au monde. Il était le seul géant qui la méritât à mes yeux. Pourtant un autre titan en est tombé amoureux. Mais j’en savais trop peu sur l’artiste américain pour l’admettre véritablement citoyen des lieux. Je me rends compte à présent combien mon indifférence était injuste à l’égard du sculpteur qui vécut à Saché plus de vingt ans alors que l’écrivain ne fit qu’y passer, souvent contraint, pour de plus ou moins longs séjours. Calder fut un vrai Sachéen, et un Tourangeau de cœur. Je dus lui reconnaître cela, cette indéniable légitimité, même si le Yankee francophile ne put jamais terminer la lecture du Lys dans la vallée.
À l’époque où j’aperçois les formes sur la colline, nous sommes dans les années 1980. Alexander Calder est mort en 1976, mais dans son atelier et les prés alentour un certain nombre de ses œuvres tardent à quitter le domaine de leur créateur. »

Extraits
« À la gouacherie, je travaille dans l’ancienne grange, à l’endroit exact où fut tourné, en 1961, le film de Carlos Vilardebó: Le Cirque de Calder. Précieux document audiovisuel, dernier témoin d’une œuvre première désormais conservée au Whitney Museum de New York. Tout à la fois spectacle parodique et populaire, jouet fou et sorte de cirque du pauvre, cette œuvre fantaisiste est celle qui fera connaître le jeune Américain qui en 1926 vient de s installer à Montparnasse, au 22, rue Daguerre, dans une chambre-atelier où sans surprise il a construit lui-même ses meubles et son établi. Rappelons que dans les années 1920, le cirque ainsi que les marionnettes sont en vogue, ils fascinent et inspirent les poètes et peintres de l’époque. Alexander, comme Picasso, se rend régulièrement à Medrano. » p. 47

« À partir des années 1950, Calder se lance progressivement dans une expérience inédite. Il veut créer des œuvres à l’échelle du paysage, des œuvres monumentales, à la fois ludiques et architecturales. Les nombreuses commandes qu’il reçoit désormais lui permettent cette audace. À l’opposé des mobiles, ces nouvelles «choses », statiques et stables, seront solidement enracinés dans la terre, tels des arbres centenaires : les stabiles. Comme pour les mobiles, on n’avait jamais rien vu de pareil! Ces géants d’acier échappés des rêves fous de l’homo faber à la chemise rouge sont un agencement de feuilles et de plaques métalliques découpées et assemblées entre elles à divers angles et posées à même le sol. » p. 51

« Entre les mains habiles de l’artisan-poète, le métal devient docile, léger, se métamorphose en feuilles et plumes. Lorsqu’il est temps de signer l’œuvre, Calder trace ses initiales à la craie, puis au burin. Un ouvrier leur donnera du relief en repassant les deux lettres d’un cordon de soudure. Légitime double signature.
Entre 1962 et 1976, dans ce coin de Touraine, plus de cent vingt stabiles naîtront de cette collaboration entre l’industrie et l’art. » p. 61

« La maison, écrit Gaston Bachelard, est notre premier univers. C’est particulièrement vrai pour Calder, pour qui la maison est un cosmos, un cosmos pour vivre et rêver, travailler et respirer. J’ai besoin de grandes quantités d’air frais, disait-il. Je le crois volontiers et je ne peux imaginer l’homme en appartement, même s’il en occupa quelques-uns. En Amérique comme en France, ses maisons sont situées en pleine nature. Pour Alexander l’au-dehors est un espace à investir intensément, autant que les murs. D’ailleurs ses œuvres occupent le dehors comme le dedans. Chez lui, rien n’est jamais figé, rien n’est hermétique. Tout circule, tout se déplace, tout est en mouvement.
Il y a chez l’homme et l’artiste une joie esthétique à être en communion avec les lieux qu’il occupe. » p. 79

« Calder enchante le monde de ses OVNI polychromes. Quand tout fonctionne bien, un mobile est un morceau de poésie qui danse avec la joie de vivre. Les merveilles qui l’entourent, celles qu’il a créées ainsi que les autres, il vous les montre comme un enfant dévoile ses trésors cachés au grenier. Calder fait des fêtes pour la vie. Les mots sont de Prévert. » p. 87

À propos de l’autrice
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Géraldine Jeffroy © Photo DR

Géraldine Jeffroy est née à Chinon, en Touraine. Elle est professeur de lettres. Elle est également l’auteur Un été à l’Islette et de Soutine et l’Écolier bleu, Fondencre, 2019. (Source: Éditions Arléa)

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L’été en poche (01): Un été à l’Islette

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En deux mots
À son mari parti à la guerre, Eugénie va confesser les raisons qui l’ont conduite à l’épouser, retraçant le séjour qu’elle a effectué en tant que préceptrice à l’Islette, où elle a croisé Camille Claudel, Auguste Rodin et plus furtivement Claude Debussy.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Si vous voulez en savoir plus…
Retrouvez ma chronique complète publiée lors de la parution du roman en grand format: Un été à L’Islette

Un été à l’Islette
Géraldine Jeffroy
Éditions Arléa Poche
Roman
112 p., 9 €
EAN 9782363083395
Paru le 1/06/2023

Les premières pages du livre
« Millou, ce que tu me racontes du front m’afflige… L’interminable attente dans le froid et la boue, l’ennui mêlé de peur… Et à présent le bruit incessant des bombardements, la terre gelée qui tremble, la terre qui vous avale…
Mon dieu, dans quel marasme sordide vous a-t-on jetés? Dire qu’ici les enfants jouent à être soldats, ignorant l’angoisse dans les yeux de leur mère, certains que c’est dans les batailles que naissent les héros. Ce n’est pourtant pas cela que je leur enseigne, non, je ne suis pas une bonne patriote. Mais donne-leur raison mon adoré et reviens-moi, si ce n’est en héros, du moins en vie. Bats-toi, puisqu’il le faut; tue pour ne pas être tué et seulement pour cela, je me moque de la victoire et de la France à présent. Peu m’importe l’issue de cette guerre, je veux que tu sois à nouveau ici, à mes côtés, pour que je puisse répondre à tes questions, car tu en auras. Longtemps je t’ai raconté une fable. Pour ton honneur et pour le mien. Puisque les hommes s’obstinent à tracer malgré elles le destin des femmes, j’ai très tôt décidé d’emprunter un autre chemin avant d’inventer librement ma vie.
Mes élèves ont quitté la classe il y a une heure, j’ai fermé l’école et je me suis installée à mon pupitre. J’y passerai certainement la nuit à t’écrire. Tu me liras avant ce Proust que tu me réclames et que tu recevras avec ma prochaine lettre. C’est ainsi, la guerre change les priorités et je n’ai que trop repoussé le moment. Lis donc sans attendre et si tu le peux ne t’interromps pas. Il est temps que tu saches quelle est vraiment mon histoire et pourquoi j’ai lié mon existence à la tienne.
Tout commença par l’irritation de ma mère à mon égard. Je suis née à Paris dans une famille d’artisans-commerçants. Ma mère confectionnait des chapeaux, mon père les vendait dans une petite boutique-atelier du 9e arrondissement qui faisait toute leur fierté. L’enseigne «chapelier-modiste Farnoux» attirait une clientèle exigeante et fidèle. Petits-bourgeois méritants, catholiques juste ce qu’il faut et même républicains débutants, mes parents n’eurent pas d’autre enfant que moi, tout occupés qu’ils étaient à la prospérité de leur affaire. Je fus une fillette facile, discrète
et très vite autonome. Devenue adolescente je restai une jeune fille sans histoires, curieuse de tout ou presque; à la grande déception de mes parents je montrais peu de dispositions pour la couture; j’étais une piètre vendeuse et je poussais l’affront jusqu’à ne pas avoir de «tête à chapeau». C’est ainsi qu’ils avaient souhaité que je fasse de études et que j’apprenne un peu le piano car tête à chapeau ou non, il faudrait, le temps venu me trouver un mari à la hauteur de ma «condition». On espéra que la nature opérerait sa par de travail, on attendit longtemps que les traits de mon visage s’affinent, que mon corps s’allonge… mais à l’âge où les morphologies n’évoluent plus guère, ma mère comprit que les prétendants ne se bousculeraient pas. Pragmatique, elle décida alors que je deviendrais institutrice afin d’assurer mon indépendance économique. Sur ce plan-là au moins je pensais pouvoir la satisfaire. Je trouvais dans mes lectures tout l’épanouissement nécessaire à mon bien-être et je ne pensais pas qu’un homme puisse me donner plus de satisfactions que celles que me procuraient les livres et la musique à laquelle j’avais pris, très tôt, énormément de goût.
Pour asseoir mes dispositions pour l’enseignement, ma mère trouva à me placer comme préceptrice tout un été au service d’une châtelaine tourangelle. »

Revue de presse
Entretien mené par avec Guillaume Colombat sur CitéRadio

Vidéo

Philippe Chauveau présente «Un été à l’Islette» sur Wb TV Culture

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