God Bless America

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En deux mots
Parti sur les traces de l’Amérique originelle dans un Road trip qui va des Grandes Plaines au Colorado, le narrateur se retrouve dans un motel de Cortez. Là, il va se confronter à l’Amérique profonde, loin du rêve américain. À moins qu’il ne la rêve…

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Qu’est devenu le rêve américain?

Le premier roman de François Ide nous entraîne à Cortez, Colorado au terme d’un Road trip qui va nous permettre de découvrir l’Amérique d’aujourd’hui, celle qui voit s’effacer le rêve américain derrière une nostalgie factice et le communautarisme gangréner un pays de plus en plus replié sur lui-même.

Quand il arrive sur le parking du motel, le narrateur est saisi par le nom inscrit sur la plaque d’un pick-up aux proportions considérables, Don Chalmers. Un nom qui va lui servir de guide dans cette ville totalement impersonnelle du Colorado. Cortez a en effet tout ce qu’il faut pour offrir à ceux qui s’y arrêtent de quoi continuer leur route.
Mais cette étape va profondément marquer notre Français qui, au volant de sa voiture de location, a choisi de suivre la route des pionniers, depuis les Grandes Plaines jusqu’au Colorado et au Nouveau-Mexique, en passant par les grands parcs nationaux pour finir au Mesa Verde National Park, qui abrite les habitations troglodytiques des Pueblos.
Parti à la recherche de Don Chalmers, il va voir sa quête se compliquer car le parking va peu à peu se remplir de pick-up de même calibre, témoins rutilants de cette Amérique profonde qui se sont donnés rendez-vous là à la veille d’une foire agricole. Les autocollants et slogans fièrement apposés sur leurs véhicules, pour le port d’armes, pour la chasse, pour le Sud et même pour le Klan ne laissant guère de doute sur leurs convictions. «L’âme des fidèles était aussi pure que le canon de leur Colt était parfaitement huilé. À l’image des bielles, engrenages, arbre à cames et soupapes de leurs puissants V8 qu’ils faisaient ronronner tel un murmure divin, affichant la fierté vrombissante et manifeste de leur destinée comme on traînait derrière soi, il y a peu, le corps violé d’une squaw ou le cadavre lacéré d’un esclave chapardeur.»
Le barbecue géant organisé sur le parking va venir confirmer ce sentiment. Parfaitement orchestrée, cette fête est l’occasion de se retrouver entre partisans, mais aussi de faire sentir aux étrangers qu’ils n’ont pas leur place parmi eux. Face à leurs faces rougeaudes et alcoolisées, il vaut mieux faire profil bas et longer les murs.
Réfugié dans sa chambre avec une bouteille de vin et une flasque de whisky, notre narrateur ne trouvera pas vraiment de quoi s’évader en regardant la télévision, les discours du Président Trump semblant relayer le malaise ambiant. Le tout se ponctuant par un mauvais cauchemar.
François Ide dépeint parfaitement cette Amérique qui se réfugie derrière ses légendes, se barde derrière des certitudes de puissance et d’auto-défense, qui rejoue la conquête de l’ouest comme une formidable épopée niant tous les dégâts collatéraux et les massacres perpétrés.
Une Amérique symbolisée par ce monstre sur un parking qu’il va recroiser après avoir repris la route: «Le pick-up de Don Chalmers serait mon talisman, mon parfum de douleur désirée, une vanité moderne, rutilante et bruyante, ténébreuse et vénéneuse, une calandre mortelle, un néant peuplé de fracas, de soupapes huilées et d’armes chargées, de corps avachis et de sexes tendus dans la rumeur enveloppante d’une cavalcade sans fin, cow-boy sans visage, clameur obscure des hautes plaines, désert inconnu qui me révélait à moi-même.»
En refermant ce court mais percutant roman, on ne peut qu’éprouver un sentiment ambivalent, entre fascination et dégoût. Comme si derrière cette Amérique en proie à ses mauvais démons, il restait tout de même quelques poches d’espoir.
On pense bien sûr à inscrire ce livre derrière les œuvres de John Steinbeck, Jack Kerouac, Jim Harrison, Bill Bryson ou encore plus récemment Douglas Kennedy, autres Road trips américains. Mais le titre de ce premier roman God Bless America rappelle aussi le pamphlet corrosif du cinéaste Bob Goldthwait paru en 2016 et la chanson de l’immigré russe, Irving Berlin composée pour exprimer sa gratitude envers les États-Unis. Un hymne dont on ferait bien de se souvenir à la veille d’une année électorale où l’on pourrait à nouveau voir surgir ce visage à la mèche orange au prénom de canard.

God Bless America
François Ide
Éditions Le Dilettante
Premier roman
128 p., 15 €
EAN 9701030801194
Paru le 3/01/2024

Où?
Le roman est situé aux États-Unis, en partant des Grandes Plaines et en traversant le Wyoming et le Montana, l’Idaho et l’Arizona jusqu’au Nouveau Mexique, en passant par le Nebraska, le Dakota, le Nevada pour arriver à Cortez et Durango, Colorado.

Quand?
L’action se déroule sous la présidence de Donald Trump, entre 2017 et 2021.

Ce qu’en dit l’éditeur
Se méfier des trous perdus : ils sont souvent sans fond et manifestent une furieuse tendance à avaler ceux qui s’y égarent. Prenez Cortez, dans le Colorado, bourgade-étape se composant d’une highway, d’un motel, de quelques commerces et de quoi faire le plein. De la halte à l’état pur. C’est en tout cas ce que pense le héros anonyme de God Bless America, premier roman de François Ide, qui s’y gare en toute ingénuité. Quand soudain… » Don Chalmers « ! La simple vue de ce nom sur la plaque d’un pick-up, un Minotaure de chrome et d’acier, le fascine. Mais qui est «Don Chalmers», redneck ou Antichrist ?

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Actualitté (Hocine Bouhadjera)
Blog littéraire de Pamela Ramos

Les premières pages du livre
« Je ne l’ai jamais vu ni rencontré. C’est ce que je veux croire. Une apparition, un fantôme peut-être.
Tout a commencé alors que je manœuvrais au détour d’un parking, à Cortez, Colorado, non loin du parc national de Mesa Verde dans la région des Four Corners reliant les États du Nouveau-Mexique, de l’Utah, de l’Arizona, et du Colorado, donc.
Cortez, une ville de l’Ouest comme il en existe beaucoup, traversée par sa highway, avec de chaque côté ses motels, stations-service, supermarchés, quincailleries, laveries, drogueries, car wash, garages et hangars. Tout ce dont avait besoin l’automobiliste qui ne désirait qu’une chose : poursuivre sa route. Une ville comme les autres, disséminées dans le désert et la rocaille, ou parfois dans le creux d’une plaine herbeuse et jaunie entourée de montagnes, une promesse de civilisation. On se demandait pourquoi là plutôt qu’ailleurs. Une voie ferrée, une mine, un ancien relais de poste, un simple carrefour donnaient un début d’explication.
Tout autour, un même paysage s’étendait et reculait à l’infini sans qu’on sache si l’on pouvait y vivre ou simplement le traverser. Peut-être y planter le décor d’une scène, nourrir l’imaginaire du voyageur qui rêvait de se mesurer au mythe en caressant le volant de sa voiture.
C’est donc sur le parking d’un motel de Cortez que le nom de Don Chalmers me sauta littéralement aux yeux pour pénétrer mon esprit et ne plus le quitter. J’enclenchai la marche arrière de ma voiture de location en me laissant guider par la boîte automatique et les bips de la caméra de recul, lorsque les lettres se détachèrent dans mon rétroviseur pour buter sur ma rétine, entrer dans l’habitacle et envahir tout l’espace. Je ne pus rien déchiffrer sur l’instant, incapable de lire à l’envers, seuls le D de Don et le C de Chalmers m’apparaissaient distinctement, comme en relief, taillés dans la masse d’une plaque d’immatriculation fixée sur les chromes d’une calandre démesurée qui s’avançait à l’avant d’un pick-up que je devinais tout aussi massif.
Une fois garé, je pus vérifier. Les lettres s’étalaient : d’un jaune qui rappelait les herbes brûlées des prairies, sur un fond bleu d’une profondeur de couchant. L’art, si américain, de concentrer l’esprit du lieu dans le rectangle d’une plaque d’immatriculation. Don Chalmers! Quel nom! J’étais séduit par l’équilibre et la force qu’il dégageait. Le « Don » bref et sec, un coup de feu, avec ce « n » prolongé et vibrant dans l’air, semblable à l’éclat assourdi d’un silencieux. Puis le « Chalmers » à la douceur sauvage, susurré comme l’écho d’un fouet dans l’attente d’un cri. Ou alors le chuintement sournois du serpent à sonnette qui avance en cadence vers sa proie : Chalmers… Chalmers… Chalmers… Chalmers… Je répétai ce nom à voix haute mais suffisamment bas pour en apprécier le mystère et la force, comme on fait tourner un alcool en bouche avant d’en avaler une lampée. Autour des lettres, il y avait une nuée d’étoiles du même jaune. Cela aurait pu relever d’un kitsch extrême, en ces lieux où le raffinement de la civilisation n’arrive qu’atténué, mais rien de tout cela. L’ensemble était parfait, le nom, la couleur, les étoiles, et le véhicule qui, à présent, m’apparaissait dans sa splendeur monstrueuse. Une calandre surmontée d’un pare-buffle, des marchepieds et des enjoliveurs chromés. Et le blanc – couleur d’os légèrement nacré – de la carrosserie, un éclat dérangeant, semblable au relief de ces carcasses animales qu’on trouvait sur le bord des routes, nettoyées par les vautours et le vent des hautes plaines. J’en fis le tour à la manière d’un cercle que l’on décrit au pied d’une montagne sacrée, avec respect et précaution. La benne du pick-up m’arrivait à hauteur du visage. Je ressentis un trouble à l’approche de cette puissance, presque surnaturelle, qui pouvait vous écraser à tout moment. Le nom du propriétaire était repris sur la plaque arrière, accompagné cette fois-ci des numéros réglementaires et de la provenance du véhicule : New Mexico, « The Land of Enchantment ». L’association d’un « pays enchanté » à cette brutalité mécanique était surprenante. Mais tout n’était qu’enchantement, précisément, à commencer par ce nom, « Don Chalmers », et ce pick-up aux proportions considérables qui dégageait, derrière sa robe immaculée, une promesse de furie. Il s’agissait d’un Ford F-250 MegaRaptor Super Duty – 6,7 litres de cylindrée – et ses 700 chevaux calfeutrés sous un capot rehaussé pour l’occasion.
L’engin avait été personnalisé et transformé, de telle sorte que sa puissance prenait les allures fluides et menaçantes d’un missile domestique. Les roues gigantesques étaient relevées par des amortisseurs mis à nu tels les organes à vif d’une bête invulnérable.
Avec un peu de hardiesse, on pouvait s’avancer dans le dessin du pneu et passer la largeur d’une main entre les crans de caoutchouc sculptés comme d’épais canyons noirs. Un labyrinthe rude et accrocheur à l’intérieur duquel on se perdait, pourvu que les yeux s’approchent assez près et se laissent attirer par le grain luisant de la matière. Les vitres teintées empêchant de voir l’intérieur, je repris mes distances, intimidé et stupéfait de ma fascination pour cette chose et ce nom, «Don Chalmers». Je regardai, une dernière fois, les contours argentés des quatre pots d’échappement au diamètre appréciable pour entrevoir, au-dedans de leur éclat, la bouche sombre d’un moteur que j’imaginais rauque, impatient de l’entendre résonner dans l’écrin silencieux d’une nuit qui viendrait bientôt.
Je m’étais déjà laissé séduire – aux confins du Nevada, quelques semaines plus tôt – par le son fameux du V8 qui rugissait d’ordinaire dans les entrailles de ces engins. Ce jour-là, au sortir d’un virage, après avoir traversé une ville somnolente abandonnée au désert – et alors que mon attention dérivait, par-delà les brumes de chaleur, vers le trait de la route qui s’élevait à l’horizon –, je perçus ces coups d’accélérateur surgis de nulle part. Ils m’arrivaient dans le dos avec la fureur d’une vague scélérate. Je me grisais du bruit. Une vibration basse agitait mon corps, embrassait ma colonne vertébrale, jusqu’à me hérisser l’échine. Les reprises et les soubresauts d’une calandre menaçante se profilaient dans mon rétroviseur. Je ralentis avec un mélange de peur et d’envie pour laisser passer la bête et jouir en silence du bruit guttural et caverneux qui s’éloignait, grondement d’une puissance retenue, au bord d’une démesure qui ne demandait qu’à se déployer dans l’immensité qui m’entourait.
J’y trouvai une sonorité animale, profonde et intense, semblable à celle que j’avais ressentie au milieu des bisons du Yellowstone, les pieds plantés dans le gravier d’une rivière asséchée de la Lamar Valley. Un sursaut qui prend l’âme, le cœur et le reste, face au tableau préservé d’un temps d’avant les hommes, la prédation et le génocide. En cet instant, au centre du cratère endormi, une communion archaïque se rejoua dans mes tripes offertes à la fureur d’un gros mâle qui s’agitait près de moi. Ses yeux fixes – et son énorme tête encadrée de poils drus, surmontée d’une bosse musculeuse qui roulait vers moi – ne semblaient voir que mon spectre.
Je n’étais qu’une trace à peine visible au-devant de son chemin, qu’il suivait depuis le fond des âges. Dans ce regard animal, aux cornes recourbées et au dos si puissant, je n’existais plus, pris dans une chasse à rebours d’un temps traversé de blessures, de meurtres et de plaintes que personne n’entendait. Un envoûtement qui faisait trembler le sol au rythme des feulements graves que le troupeau répercutait de loin en loin, un appel aux esprits enfouis de la vengeance, bruit de colère sauvage, grondement qui me laissa là, au milieu de cette vallée,
vaincu et fasciné.
Comme je le fus sur cette route du Nevada et comme je l’étais sur ce parking, matador innocent attendant l’encornement d’une meute inespérée, planté devant ce fabuleux pick-up que la lumière déclinante faisait miroiter.
J’étais pris d’un sentiment douloureux et âpre que je ne m’expliquais pas. Don Chalmers m’ensorcelait d’un parfum de sueur animale et d’essence trafiquée, de fluides aux mélanges inconnus qu’on se plaît à explorer et qui pénètrent en profondeur jusqu’à violer l’imaginaire. J’étais subjugué par ce mystérieux patronyme et sa créature d’apocalypse qu’il devait faire mugir sur les sentiers brûlés du Nouveau-Mexique, traçant un panache poussiéreux d’une perfection rectiligne, recouvrant son fief d’une poudre qui retombait aux abords des chemins sur les cadavres de bétail laissés aux coyotes.
Un type qui inscrit fièrement son nom devant sa calandre ne pouvait traverser son territoire qu’avec la fureur d’une mécanique sauvage et létale. Se dessinait un univers sombre et fascinant d’homme brutal qu’on rêve de côtoyer jusqu’à s’y frotter en frissonnant.

Le personnel du motel était comme toujours charmant, au sens américain du terme. L’impression fuyante qu’à cet instant précis, dans ce hall décati et devant ce comptoir usé, vous étiez la personne la plus importante du monde, que tout serait fait pour vous satisfaire dans les moindres détails, jusqu’à ce que vous ayez définitivement disparu de la pièce, muni de votre clé et de votre récépissé. Ma chambre serait donc la meilleure, la plus lumineuse, au bout de la coursive qui pouvait aussi servir de terrasse, juste au-dessus de la piscine qui donnait sur le parking et dont je pourrais profiter comme il me plairait.
En réalité, je devrais me contenter du strict nécessaire. Une télé surdimensionnée, un abat-jour à l’éclairage blafard, un frigo tacheté de petites moisissures et un couvre-lit constellé de trous de cigarette, témoins d’une époque révolue où quelques bandits avaient dû griller leur paquet d’Americana, s’enfilant du mauvais whisky dans l’attente du prochain coup.
À défaut de renégats et de cavale impossible, je posai mon maigre bagage et ouvris une fenêtre pour évacuer l’odeur rancie que le circuit bruyant et défectueux de la clim ne parvenait pas à dissiper. C’était à la hauteur de mes attentes, simple et pratique, banal et triste ; inversement proportionnel, sans doute, à l’espoir qui, en ces lieux jadis inviolés, devait animer les pionniers en quête d’un monde meilleur – ou pour le moins d’une promesse éternelle. Ces hommes que l’idée d’une destinée manifeste guidait comme la flamme pure et rédemptrice d’un feu dévastateur.
Pour l’heure, la vue sur le parking et ses alentours me ramenait sans violence à l’extrême contemporain d’une civilisation accomplie sur les ruines de ce rêve désormais enfui mais qui continuait d’infuser les âmes, semblables à la mienne, esprit flottant sans mesure ni désir, conscience atténuée et sans jugement, ni but ni destin, si ce n’est de se laisser porter par les lieux, en respirer l’atmosphère jusqu’à suffoquer.
J’avais réservé pour plusieurs jours dans l’idée d’explorer les villages troglodytes des anciens Pueblos disséminés dans la région. Des hommes dont on savait si peu avaient vécu là, reculés ou acculés à flanc de falaise, sculptant des labyrinthes de pierre pour se prémunir contre une malédiction dont on ignore la teneur. Qu’avaient-ils fui? Comment avaient-ils disparu et pourquoi? Les explications ne manquaient pas, mais aucune ne me satisfaisait.
J’attendais de voir et préférais en rester au mystère de la fuite éperdue qui m’allait si bien. J’ignorais tout et découvrais le monde à mesure que mon imagination me portait ici ou là au gré de ses fantasmes. À défaut d’en faire un viatique, l’errance climatisée me convenait, délectable et ennuyeuse. Un présent permanent facile à combler dès lors qu’il se chiffrait en miles et gallons d’essence que quelques dollars suffisaient à payer. Mon épopée devait se satisfaire d’une distance, d’un danger à contempler à hauteur de pare-brise, aussi lointain et innocent que ma réserve d’eau fraîche pouvait le permettre.
En retournant à ma voiture chercher quelques affaires, je m’aperçus que le Ford F-250 Mega-Raptor de Don Chalmers n’était que le spécimen le plus impressionnant d’une véritable meute. En effet, une dizaine de ces camions occupaient l’extrémité du parking, qui formait un U. On aurait dit des chariots de colons se dressant pour se protéger des dangers de l’Ouest et mettre à l’abri les familles en quête de richesses et de vies réussies. Il y avait là toute la panoplie de ce que l’industrie US pouvait produire comme véhicules disproportionnés, achetés bien souvent à crédit mais qui, à mon corps défendant, ne laissaient pas de m’intimider. Tous étaient immatriculés au Nouveau-Mexique, constituant un même clan, mais celui de Don Chalmers portait un nom et se dégageait de la meute par sa hauteur et ses dimensions, mâle dominant de ce troupeau mécanique.
Ma chambre avait deux rangées de larges fenêtres formant un coin qui me laissait une vue plongeante sur le parking, la piscine où barbotaient quelques familles, et au-delà, la quatre-voies qui coupait la ville en deux avec son défilé de voitures et de trucks qui se dirigeaient à l’est ou à l’ouest, vers le désert. Je déballai mes affaires de toilette et quelques vêtements propres avant de filer sous la douche pour me laver de la route, de la poussière et de la fatigue. »

Extraits
« L’âme des fidèles était aussi pure que le canon de leur Colt était parfaitement huilé. À l’image des bielles, engrenages, arbre à cames et soupapes de leurs puissants V8 qu’ils faisaient ronronner tel un murmure divin, affichant la fierté vrombissante et manifeste de leur destinée comme on traînait derrière soi, il y a peu, le corps violé d’une squaw ou le cadavre lacéré d’un esclave chapardeur. » p. 60

« L’esprit des lieux, sublime, avait pénétré mon corps, je vacillais alors que les dernières notes du V8 s’évaporaient derrière les sommets. Le pick-up de Don Chalmers serait mon talisman, mon parfum de douleur désirée, une vanité moderne, rutilante et bruyante, ténébreuse et vénéneuse, une calandre mortelle, un néant peuplé de fracas, de soupapes huilées et d’armes chargées, de corps avachis et de sexes tendus dans la rumeur enveloppante d’une cavalcade sans fin, cow-boy sans visage, clameur obscure des hautes plaines, désert inconnu qui me révélait à moi-même. » p. 120

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François Ide écrit et travaille à Lille, où il mène une vie exemplaire. (Source: Éditions Le Dilettante)

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Stella et l’Amérique

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En deux mots
Stella Thibodeaux, qui parcourt les États-Unis avec une troupe de forains, se donne aux hommes dans son camping-car. Et découvre qu’après le sexe, ses clients guérissent de leurs maladies. Alors que les rumeurs enflent, toute une cohorte d’individus, plus ou moins recommandables, partent à sa poursuite, notamment un envoyé du Vatican, un journaliste et deux tueurs bien décidés à faire de cette sainte une martyre.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Road trip dans le Sud des États-Unis

On retrouve Joseph Incardona au meilleur de sa forme dans ce roman américain qui voit une bande d’individus partir à la poursuite de Stella, la prostituée capable de guérir ses clients en faisant l’amour. Un road-trip plein de rebondissements autour d’une question qui pourrait bien remettre en cause le Dogme.

Joseph Incardona fait partie de ses rares auteurs qui savent attraper le lecteur dès l’incipit, poser un décor, donner chair aux personnages. «Il faut savoir que Stella n’était pas exactement belle, ni très futée non plus. Mais elle était sincère. Et loyale. Et dans une vie, quand on y pense, ça peut suffire pour devenir une sainte.» La jeune femme de «19 ans, l’âge des martyrs» vit dans une caravane avec des forains dans le sud des États-Unis. Elle «ne pouvait que devenir ce qu’elle portait en elle: la quantification du désir. Et dans une vie, quand on y pense, ça peut suffire pour devenir une putain.»
Seulement voilà, comme elle le confie à Santa Muerte, son amie Mexicaine, 89 ans 48 kilos, son dernier client, atteint d’un psoriasis, avait découvert son visage et sa peau «pure et lisse comme celle d’un enfant» après avoir eu une relation sexuelle tarifée avec elle et avoir quitté sa caravane. Ce qu’elle n’ose appeler un miracle vient pourtant de se produire pour la troisième fois et commence à attirer les curieux, mais aussi le prêtre du coin qui s’empresse de prévenir les autorités ecclésiastiques.
Branle-bas de combat jusqu’à Rome où l’on voit ce phénomène comme une formidable opportunité. Après tout, les saints sur le sol américain sont une denrée très rare.
Mais plutôt que de mener une enquête en béatification, il faut tenter d’étouffer l’affaire, car la manière dont se produisent ces miracles n’est pas très catholique!
Pendant ce temps, Stella a repris la route, ne se doutant pas qu’elle était recherchée par un prêtre, mais aussi par les frères Mike et Billie Bronski, deux tueurs à gages au palmarès impressionnant, sans oublier Luis Molina, le journaliste du Savannah News qui donne crédit aux rumeurs et se met sur la piste de la guérisseuse et des éclopés qui la suivent, rêvant déjà de décrocher un Prix Pulitzer.
Dans la grande tradition du road-trip américain, Joseph Incardona nous fait voyager de la Géorgie au Nevada, en passant par la Floride, choisissant de préférence des endroits hors des sentiers battus comme Penholoway Bay ou Sopchoppy, avant de conclure avec un final dont il a le secret à Las Vegas.
Venu du polar, son sens du rythme et de l’intrigue font ici merveille. D’autant qu’il se met lui-même en scène avec un joli sens de l’humour. Comme dans ce chapitre où il n’hésite pas à avouer un léger coup de mou, avant de se reprendre: «C’est un peu le hasard qui veut ça, mais ça tombe précisément au début de ce chapitre, et dans un léger accès de dépression, où les mots sont à la fois vains et apparaissent comme l’ultime rempart à la déroute; ce moment où j’aurais envie de m’en foutre de l’histoire tout en continuant à l’écrire. Ce qui ne serait pas par manque d’imagination, mais par simple inertie, le confort de l’art pour l’art, un roman qui perdrait petit à petit son intrigue, lâche parce qu’éminemment littéraire. Mais il y a Sandmann Johnny. Il y a le jazz, la malice et le sel de la vie qui, parfois, devient sucre sur la langue. Il y a la nécessité de la musique ayant couvé sous la braise de la frustration car le souffle avait manqué.»
Rassurez-vous, ce roman ni manque ni de souffle, ni d’esprit. L’auteur de La soustraction des possibles et des Corps solides se révèle même au meilleur de sa forme. Voilà qui lance bien l’année 2024!

Stella et l’Amérique
Joseph Incardona
Éditions Finitude
Roman
224 p., 21 €
EAN 9782363392015
Paru le 5/01/2024

Où?
Le roman est situé dans le sud des États-Unis, d’abord en Géorgie, de Penholoway Bay à l’île de Jekyll, en passant par Savannah, puis en Floride, à Sopchoppy.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Stella fait des miracles. Au sens propre. Elle guérit malades et paralytiques, comme dans la Bible. Le Vatican est aux anges, pensez donc, une sainte, une vraie, en plein vingt et unième siècle ! Le seul hic, c’est le modus operandi : Stella guérit ceux avec qui elle couche. Et Stella couche beaucoup, c’est même son métier… Pour Luis Molina, du Savannah News, c’est sûr, cette histoire sent le Pulitzer.
Pour le Vatican, ça sentirait plutôt les emmerdements. Une sainte comme Stella, ça n’est pas très présentable. En revanche, une sainte-martyre dont on pourrait réécrire le passé… Voilà un travail sur mesure pour les affreux jumeaux Bronski, les meilleurs pour faire de bons martyrs. A condition, bien sûr, de réussir à mettre la main sur l’innocente Stella. C’est grand, l’Amérique.
Avec sa galerie de personnages excentriques tout droit sortis d’un pulp à la Tarantino et ses dialogues jubilatoires dignes des frères Coen, Joseph Incardona fait son cinéma.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com

Les premières pages du livre
« Il faut savoir que Stella n’était pas exactement belle, ni très futée non plus. Mais elle était sincère. Et loyale. Et dans une vie, quand on y pense, ça peut suffire pour devenir une sainte.
Pas très futée ni exactement belle, mais désirable, ça oui. C’était dans son attitude, sa posture, sa façon de bouger les hanches et de vous regarder. Quand Stella vous regardait, vous étiez le seul homme sur terre, vous comptiez pour quelque chose. Peu importe qui vous étiez et de quelle façon: Stella jetait sur vous ses yeux d’ambre, ses yeux candides, et vous étiez vivant.
Elle vous regardait.
Vous.
Votre cœur, votre sang.
Vivant.
Alors, bien sûr, Stella ne pouvait que devenir ce qu’elle portait en elle: la quantification du désir.
Et dans une vie, quand on y pense, ça peut suffire pour devenir une putain.

Annonciation
1
Ce soir-là, un soir de juin avec des chauves-souris frôlant ses cheveux noués à la hâte, elle avait attendu que le tumulte s’apaise dans sa tête – quelque chose ayant à voir avec de l’eau froide et bleue se fracassant sur un rocher –, pour verrouiller son camping-car et rejoindre la caravane de Santa Muerte. Ce n’était pas grand-chose, une centaine de mètres à franchir d’un pas rapide, les pieds nus frôlant l’herbe rare
et rebondissant sur la terre sèche, le temps d’écraser une dizaine de moustiques sur ses bras nus et ses cuisses dures comme l’amour.
Stella Thibodeaux avait 19 ans, l’âge des martyrs. Elle-même n’était pas sûre de la date de naissance inscrite sur ses papiers d’identité. Ce qu’elle savait, en revanche, c’est qu’elle devait causer d’urgence avec celle qui lui avait tout appris sur les hommes.
C’était aussi Santa Muerte qui lui avait suggéré de se déplacer en suivant les forains. La vieille Mexicaine, dont la moitié du visage était maculée par un mélanome, officiait comme voyante dans sa caravane. Et comme pour bien des choses dans la vie des mâles venant à elle, elle avait vu juste: le stand de tir-pipe attirait d’autres sortes de clients dans le périmètre du parc d’attractions que d’innocents brouteurs
de barbe à papa.
Stella frappa trois coups rapides à la porte en résine de polyester. Une voix étouffée lui dit d’entrer. Quand la Mexicaine vit la jeune fille s’avancer dans la pénombre, elle toussa et alluma une des quarante cigarettes qu’elle fumait
chaque jour. Elle avait mis déjà tant de clous à son cercueil qu’il pesait bien plus que son corps décharné. Mais la mort ne voulait pas encore de ses 89 ans et de ses 48 kilos.
«Faut croire que j’ai pas encore assez dit de boniments ici-bas. C’est que, ma foi, les gens ont besoin d’espoir, et puis quand l’espoir les abandonne, il leur faut du mensonge, c’est
une autre façon de tenir le coup. Bon, qu’est-ce qui t’amène, amorcita?»
Santa Muerte se pencha et cracha dans la bassine en plastique à ses pieds. Elle s’essuya la bouche avec un mouchoir de tissu sale et but au goulot une lampée de mezcal. Lequel, avec les cigarettes sans filtre, est une belle tentative d’écourter le temps long. Le ver dans la bouteille chatouilla ses lèvres avant de s’en retourner au fond. Santa passa sa petite langue noire sur sa bouche.
«Assieds-toi et parle, ma jolie. Mes clients attendent.
— J’ai vu personne dehors.
— Je parle aussi avec des fantômes, la plus grande part du boulot est invisible.»
Stella s’assit sur la chaise en osier incommode, la galette en mousse aplatie par des milliers de fesses anxieuses. Avec une sorte de révérence, elle posa ses mains transparentes parcourues de veines bleues sur la boule de cristal.
« Comment tu fais pour voir quelque chose là-dedans, Santa?
— Imagination et empathie. Ajoutes-y aussi l’expérience. Alors?
— Bon. Voilà. C’est… C’est de nouveau arrivé, Santa.
— Tu veux dire ces résorptions?
— Pourquoi tu les appelles comme ça ?
— Parce que l’autre mot qui convient ne me plaît pas.
Parle, nom de Dieu.
— Un des clients d’hier. Il avait une de ces maladies sur le visage et les mains, du synopsis…? catharsis…?
— Psoriasis… Bon sang, Stella, tu les prends donc tous?
— C’est toi qui m’as appris à n’en négliger aucun.
— Bueno, et après?
— On a fait ce pour quoi il est venu, il s’en va, et ce soir, il revient et il n’a plus rien. Je vois son visage, sa peau est pure et lisse comme celle d’un enfant…
— Et?
— Et il tombe à genoux, il pleure et dit que je l’ai
guéri. C’est moi qui l’ai guéri, Santa, je n’y comprends rien.»
Déjà que la vieille ne se privait pas pour boire son mezcal, mais là elle en profita pour toucher le fond et avaler le petit ver qu’elle aspira dans sa bouche édentée. Le cul de la bouteille claqua sur la table ronde décorée d’un napperon
autrefois blanc. Stella sentit la boule de cristal vibrer sous ses mains.

« C’est le combientième, Stella ?
— Le troisième. Depuis le début du mois.
— Tu es de quel signe, déjà ?
— Signe de quoi ?
— Du zodiaque.
— Mes papiers disent le 14 septembre.
— C’est la vierge, ça…
— Je ne comprends pas, Santa.
— Tu sais quoi, querida?
— Non?
— Il y a pas mal de chances que tu sois dans la merde, mon trésor. »

2
Robert Smith était marié et père de trois enfants. Son psoriasis sévère était devenu un problème : dans sa vie de couple, dans son travail ; dans sa vie tout court. Sa femme Helga ne consentait plus qu’à des rapports dans le noir et en levrette. Employé à l’accueil d’un guichet postal, on l’avait finalement relégué au tri pour ne pas effrayer les clients.
Et maintenant que la nuit tombait, il n’osait pas rentrer à la maison avec son nouveau visage, roulant sans but à travers la ville, l’air conditionné réglé au maximum et son matériel de pêche auquel il n’avait pas touché de la journée dans le coffre. Robert allait devoir expliquer à sa femme comment le miracle était advenu, la conséquence serait un divorce et une pension alimentaire qui le mèneraient à dormir dans sa voiture.

Ce dimanche matin, alors qu’il roulait en direction de Penholoway Bay pour une partie de pêche en solitaire, Robert avait vu la jeune femme assise devant son camping-car au bord de la route, ses cheveux blonds, sa peau claire.
Il avait continué tout droit, il ne fréquentait pas les prostituées. Mais quand il l’avait vue dans son rétroviseur se lever de sa chaise en plastique rouge tressé et faire quelques pas
en s’étirant, il avait ressenti cet appel de pureté, celui d’un corps intact afin de soulager sa laideur.
À présent, il avait ce poids sur la conscience. À quoi bon être guéri dans son corps si c’était pour se sentir coupable dans son âme? Et puis, il avait été baptisé, alors autant en profiter: le moment était venu de partager sa délivrance et
sa peau lavée de tout péché.
Robert Smith gara son pick-up Chevrolet sur le parking, fut comme happé par la touffeur de l’air avant d’entrer dans l’église en préfabriqué jouxtant le Taco Bell. Là où la modernité faisait bien les choses, la cloche de l’église ayant
été remplacée par celle au néon affichée par la chaîne franchisée. Il ôta sa casquette, se signa et lut le nom du prêtre affiché près du bénitier.
Il s’assit sur un banc en fixant le Christ souffrant sur sa croix, attendit que le confessionnal se libère. C’était surprenant de pouvoir le faire si tard. Peut-être l’Église s’adaptait-elle à son époque, celle de la Connexion Perpétuelle? De toute façon, cette journée était pour lui une épiphanie.
Robert Smith cessa de vouloir comprendre.
Une petite vieille sortit du confessionnal. Robert se demanda ce qu’elle pouvait encore se reprocher à son âge, cesse de te poser des questions à la con, Bob. Il est temps d’affirmer.
Robert Smith se leva et alla prendre place dans la cabine.
Il tira le rideau de velours pourpre derrière lui, distinguant à peine le visage du Père Brown masqué par le grillage. Le prêtre dit: «Je vous écoute, mon fils». Sa voix était profonde
et grave comme la justice.
Le père Brown était sur le point d’accueillir la parole de Robert Smith.
Désormais, le monde ne serait plus tout à fait le même.

3
Grand, massif, cheveux gris taillés en brosse et une gueule estampillée «j’ai vécu», le père Brown était le genre de caricature ayant connu une autre vie avant de se réfugier dans l’ascèse. Dire qu’il avait vu pas mal des saloperies dont est
capable l’âme humaine serait un euphémisme. D’abord en tant qu’ancien Navy Seal (Delta du Mékong, sud-Vietnam) et puis comme missionnaire en Sierra Leone et au Rwanda
dans les fantastiques années 1990. Non, les mochetés ne manquaient pas de se rappeler à son bon souvenir. Homo homini lupus est, comme le prétendait Thomas Hobbes. Il
fallait bien que quelqu’un mette le doigt dans le trou de la digue pour enrayer l’effondrement annoncé de l’humanité.
Il était alors monté au combat par la parole, la Bible remplaçant le fusil d’assaut M-16. La parole dite, la parole transmise et, parfois, entendue. Le Père Brown avait constaté que le confessionnal était un moyen efficace pour
contrer la perfidie du Mal guettant chaque individu. Sun Tzu, dans son Art de la Guerre, conseillait de connaître son ennemi, et plus rien de ce que le Père Brown pouvait entendre ne le surprenait. Bien au contraire, il fallait aller au plus profond de l’aveu, du regret et du remords, pour sonder la Grande Peur de la Mort et la Quête de Sens qui, parfois, nous font perdre les pédales. C’est pour cela qu’il officiait à la nuit tombée. Avec les années, il avait constaté
que le soir était un temps aiguillant mieux la parole.
L’obscurité et une fatigue accrue permettaient cet élan supplémentaire propre aux confessions les plus abouties, une sorte de voie d’accès privilégiée au mea culpa.
Et maintenant, le Père Brown était assis au comptoir de ce diner, les épaules voûtées, le regard perdu dans son verre de bourbon adouci par les glaçons. Il avait allumé sa première cigarette de la journée, la cigarette tardive d’un
ancien gros fumeur qui ne veut pas tout à fait renoncer. Et si, pour aller plus vite et plus efficacement dans la description du personnage, on voulait emprunter à l’imagerie du
cinéma, on penserait à Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur. Les phalanges tatouées des lettres L.O.V.E. et H.A.T.E. en moins, le dilemme shakespearien qui le tourmentait en plus.
Dire ou ne pas dire.
Là, maintenant, assis sur le tabouret d’un bar rutilant de chromes et d’aluminium.
Un verre de whisky humide entre les doigts. Dire ou ne pas dire, nom de Dieu. (Pardon, Dieu.)
Le tabouret à sa droite s’anime : une femme, cinquante ans, pattes d’oie au bord des yeux et des rides témoignant d’une vie vécue qui se refuse à l’amertume.
«Je suis comme la marée, dit-elle. Je reviens chaque soir. Avec plus ou moins de force et d’amplitude.

— La constance est une qualité que j’apprécie, Margot.
— Toujours pas décidé ?
— J’ai 66 ans, Margot. C’est presque le chiffre du diable…
Ces dernières années, j’essaie de tourner le dos au péché, tu sais ça.
— Et moi, je préfère regarder le monde par une vitre sale.
— Le problème, ce n’est pas toi, tu sais ça aussi.
— Si tu me laissais une chance, je quitterais tout. Rien que pour pouvoir essayer.
— C’est quoi “tout”?
— Le peu qu’il me reste.
— Alors, c’est plus que ça, Margot.
— Ne l’oublie pas, d’accord? Quand ce sera le moment, je serai prête à t’aimer. Ne l’oublie pas.
— Promis, maintenant, il faut me laisser. J’ai besoin de réfléchir. Je suis tourmenté par un dilemme shakespearien.»
Margot n’alla pas très loin, elle se déplaça à l’autre bout du comptoir, là où un autre homme seul accepta volontiers sa compagnie. Elle se fit offrir une vodka-lime, et la nuit pourrait continuer.
Le Père Brown passa le doigt dans son col romain, en retira un index humide de sueur. Le ventilateur tournait au-dessus de sa tête, mais l’air était une tranche de bœuf marinée dans
un jus de saindoux. Il frappa discrètement des phalanges sur le zinc. Le barman, coiffé de son calot de papier releva la tête, lui demanda d’un signe du menton ce qu’il voulait.
«Une réponse, Frankie. Je cherche une réponse…»
Frankie Malone, ancien boxeur. Golden Gloves perdus au 7e round contre Rudi Moreno à 27 ans, catégorie mi-lourds.
Depuis, des cicatrices et une dette à vie sur son établissement.
«Chienne de vie, la faute à Jésus! fit Frankie en essuyant les verres à peine sortis du lave-vaisselle.
— Ne blasphème pas, répond le Père Brown.
— Quelle que soit la réponse, toi, l’Homme de Dieu.
Chienne de vie, la faute à Jésus. »

Extrait
« Dites trente-trois et toussez fort. C’est un peu le hasard qui veut ça, mais ça tombe précisément au début de ce chapitre, et dans un léger accès de dépression, où les mots sont à la fois vains et apparaissent comme l’ultime rempart à la déroute; ce moment où j’aurais envie de m’en foutre de l’histoire tout en continuant à l’écrire. Ce qui ne serait pas par manque d’imagination, mais par simple inertie, le confort de l’art pour l’art, un roman qui perdrait petit à petit son intrigue, lâche parce qu’éminemment littéraire. Mais il y a Sandmann Johnny. Il y a le jazz, la malice et le sel de la vie qui, parfois, devient sucre sur la langue. Il y a la nécessité de la musique ayant couvé sous la braise de la frustration car le souffle avait manqué. » p. 116

À propos de l’auteur
INCARDONA_Joseph_©Sandrine_CellardJoseph Incardona © Photo Sandrine Cellard

Joseph Incardona a bientôt 55 ans, il est Suisse d’origine italienne, auteur d’une quinzaine romans, scénariste de BD et de films, dramaturge et réalisateur (un long métrage en 2013 et plusieurs courts métrages). Derrière les panneaux, il y a des hommes (2015), a été couronné du Grand Prix de littérature policière, et Chaleur (2017) du Prix du polar romand. Suivront La Soustraction des possibles (2020), Prix Relay, Prix de la Radio-télévision Suisse, Prix Moussa Konaté du roman policier francophone, Prix Derrière les murs et Prix Pittard de L’Andelyn et Les Corps solides qui ont connu un beau succès, tant critique que public.

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Ne pleure pas sur moi

LEBON_ne_pleure_pas_sur_moi  RL_automne_2023

En deux mots
Darline a décidé de partir sur les traces de Lennon, son homme, qui a pris la direction d’Anvers. S’il se rend en Belgique, c’est pour se faire castrer. Et c’est ce que Darline veut à tout prix éviter. Au fil de son voyage, elle va nous raconter leur histoire commune et faire des rencontres assez improbables.

Ma note
★★★ (bien aimé)

Ma chronique

Sur la route d’Anvers

Dans un road-trip un peu déjanté, Samuel Lebon raconte le voyage de Darline, partie à Anvers retrouver Lennon, l’homme qu’elle aime et qui veut se faire castrer. Parviendra-t-elle à l’en dissuader? C’est l’un des enjeux de ce roman joyeusement foutraque.

Évoquer un road-trip de Poissy à Anvers, ça ne fait pas forcément rêver. Y ajouter qu’il s’agit pour une femme et sa fille de retrouver son homme pour qu’il ne se fasse pas castrer, cela n’ajoute guère de romantisme à l’affaire. Et pourtant ! Pourtant le voyage de Darline, qui décide de retrouver Lennon, vaut le détour.
Parce que durant tout le long du voyage, elle va nous raconter comment, avec son copain d’enfance, elle a construit son couple et comment, malgré les vicissitudes, elle n’a cessé de croire en leur histoire
Parce que la musique donne au récit son rythme si particulier. La musique qui fait partie de la vie des protagonistes qui vivent sur une péniche qui est aussi salle de concert, qui rêvent de leur propre studio et qui ne peuvent vivre sans leurs groupes et chanteurs favoris. Dans sa Peugeot 1007 déglinguée, Darline a fort heureusement des cassettes qui vont l’accompagner. Mais la musique, c’est aussi celle des mots qui composent ce livre et qui chantent à nos oreilles. Essayez de le lire à haute voix et vous verrez comme il sonne bien. Un peu comme un exercice de slam.
Parce que derrière ce voyage à l’issue incertaine se cache une double réflexion, celle sur le statut des hommes d’aujourd’hui, censés se conformer aux injonctions post #metoo et qui se découvrent fragiles et désorientés et celle sur le combat féministe loin d’être gagné: «Lennon couche avec moi parce que je suis la seule femme qu’il fréquente encore. C’est pas vraiment le conte de fées. Je suis la dernière roue du carrosse. Tu parles d’un carrosse. Une pauvre citrouille. (…)
Jamais il m’achète de fleurs. Jamais on part en vacances. Même pas un brin de muguet.»
Tout au long des rencontres qui vont jalonner son parcours, Darline aura l’occasion de confronter son point de vue, pas toujours pour y voir la confirmation de ses idées, et de s’ouvrir à d’autres horizons. C’est plein de sexe et de rock’n’roll et ça se termine sur un carnaval endiablé, comme la Belgique peut en proposer avec cette «Nuit des Trouilles de Nouilles».
Samuel Lebon a un style qui épouse parfaitement son propos, cru et libre, plus préoccupé de la sonorité que de la syntaxe. Ici les enterrements sont plutôt des fêtes d’adieu, les relations aussi éphémères qu’intenses et l’amour – le vrai – peut-être au bout de la route. Va savoir…

Ne pleure pas sur moi
Samuel Lebon
Éditions Le Dilettante
Roman
160 p., 16 €
EAN 9791030801019
Paru le 23/08/2023

Où?
Le roman est situé principalement sur la route, à Poissy à Anvers.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
L’esprit louisianais, ce mélange corrosif et dansant de désespérance rigolarde et d’improvisation swinguante qui monte des mangroves et macère dans la moiteur sudiste… C’est avec pareil jus de bayou qu’ont été biberonnés les deux perdants magnifiques de ce roadbook déglingué et journal débordé signé Darline, une âme en peine lancée sur la piste de Lennon, son jumeau stellaire et quasi-père de sa fille, décidé à gagner les Flandres pour se faire raboter les joyeuses. Samuel Lebon ne finasse pas, taclant à tout va dans une écriture qui emprunte à Nick Cave pour l’apocalyptique intime et à Lydia Lunch pour l’éros en roue libre et la pugnacité affective.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Le Matricule des Anges (Jérôme Delclos)
La Voix du Nord (Charles-Olivier Bourgeot)

Les premières pages du livre
« J’ai sorti le grand jeu. Ma spécialité, le gombo au poulet. J’ai piqué une bouteille de son vin préféré à la cave. Le grand soir c’est ce soir. Pas la première fois que je le fais boire.
J’ai mis une robe mais pour le maquillage je reste simple. Il me préfère au naturel. Je garde les chandelles pour le rituel. Un repas aux bougies, très peu pour lui. Pas de nappe, pas de chichi, j’ai posé deux assiettes ordinaires sur le bar. Même l’idée d’une assiette le met en retard.
Il a de la route le gars. Tout le jardin à traverser. C’est déjà trop demander. J’ai guetté sans guetter, fait semblant de m’affairer, les minutes ont passé et je suis toujours là, devant la fenêtre. À quoi bon se cacher avec cette lune de trois jours et le brouillard venu du fleuve. On n’y verrait pas un alligator à cinq mètres.
J’ai prévu un cadeau. Introducing Karl Blau en cassette audio. J’espère que c’est pas trop. Qu’il ne va pas me sortir le refrain du gigolo. C’est juste un petit cadeau.
J’ose pas m’aventurer dans l’allée. Le fleuve, je préfère le tenir en respect. J’ouvre le pinard. Lennon croit que je vais l’appeler. Il veut me rabaisser.
C’est le d-day. J’espérais qu’on pourrait recoller les morceaux. Je me suis chauffée toute la journée. Ça vaut peut-être le coup de me rabaisser.
Numéro non attribué. Il a bazardé son portable. Il va me rendre folle.
Je m’allonge sur le canapé. Mon mec a oublié notre dîner. Sa bouteille est bien entamée, je me caresse sans grande conviction en pensant à lui. Je pourrais me fourrer les bougies dans le cul, de toute façon le rituel est foutu.

Passe-moi le sac à vomi. Un mec en peau de loup dans la nuit. Un genre de cérémonie. Sur le cimetière de bruyère des taches de lèpre. Le caveau est en bois, sur le toit le grand méchant aux abois, le loup sort du bois.
Le vieux possédé demande si elle avale : la sève sacrée du loup garoo. Il aiguise ses couteaux. Il vendra la peau de la diva. Comme l’enfant elle périra. Loup garoo, enfant du bayou, douze coups de couteau mon chou.
Le sorcier reprend ses esprits, rend la peau du loup gris. Il laisse tomber le costume, il maquille la scène de crime.

Six heures du matin. J’ai mal dormi. J’ai la bouche pâteuse. Le poulet se noie au fond du gombo. Je me sers un café.
Dehors rien à signaler. Aucune chance de distinguer les bateaux. Au-delà de la balançoire c’est le gris complet. Une aubaine de matinée pour les monstres des marais. Profitez, ça va se lever, canicule annoncée.
Deuxième café, je me dis que c’est toujours le d-day à quelques heures près. Je suis de repos et ma fille veut pas se lever. Lennon ne viendra plus mais c’est décidé, je vais le chercher. Je pose le lait et les céréales sur le bar, je mets le gombo au frigo, je sors.
Sous le porche le thermomètre est à zéro. Ressenti : moins dix. Je rentre me changer. J’enfile mon pantalon de randonnée troué. Je prends ma parka et une lampe torche dans la véranda. J’attaque le brouillard à coups de piles alcalines.
J’aurais bien besoin d’un troisième café. Je me concentre pour ne pas glisser. Je vois à peine mes pieds. Vague impression d’être bourrée.
La nuit est pour les morts, le jour pour les vivants. Je me répète ça comme un mantra.
Arrivée au fond du jardin, je lève la tête, j’hallucine. Le Boston, envolé. Le Dixie est seul à quai. Je me précipite. Tout est fermé. Je crie. Personne.
J’enjambe les racines, je mets un pied sur le ponton et m’accroche au bateau. Scène irréelle. Ils ont manœuvré sans m’en parler.
Je jette un œil à l’intérieur. Buk a disparu lui aussi. Il est forcément avec Lennon. Le bateau n’est jamais sorti sans le vieux. Je crie encore. De rage. Un héron s’envole. Le premier train passe au loin. Le silence revient.
Seule dans l’éther du petit matin, je reste plantée dans le jardin à méditer sur le dîner, le d-day, les mecs et leurs méfaits, le bordel sur le quai.

1
Lennon est né le 12 décembre 1980, quatre jours après l’assassinat de John Lennon. Je suis née le 12 décembre 1980, dix minutes après Lennon. Nos parents se sont rencontrés à la maternité. Nos pères se sont associés. On ne s’est plus quittés.
En ce qui concerne Lennon, j’ai un sixième sens. Des flashs. Je sais ce qu’il fabrique en permanence. La vie de Lennon m’apparaît dans une sorte de transe.
Je pense souvent aux dix premières minutes de la vie de Lennon. Les seules dix minutes pendant lesquelles je n’étais pas là pour lui. Les dix minutes de la naissance de Lennon et de notre histoire en pointillé.
Quelqu’un me fait payer mes dix minutes de retard. Mes dix minutes de retard dans la vie de Lennon, je les rembourse tous les jours avec les intérêts. Je passe mon temps à m’inquiéter pour Lennon et à nettoyer devant lui. C’est l’homme de ma vie.

J’ai retrouvé mon spot préféré. Affalée dans la vieille banquette sous le porche. Je passe des heures sur ce sofa à travailler mes prières. Je vais reprendre un verre. Vider la cave du Capitaine avant la prochaine crue centennale.
Ma fille ratée est assise là. Elle ne dit rien. Elle est handicapée. Complètement foirée. Elle s’est habillée de travers avec ses vêtements de sports d’hiver. Elle me fatigue déjà alors que la journée est à peine entamée. Je ne veux pas savoir dans quel état elle a laissé la table du petit déjeuner.
On avait tout pour être heureux ici. Le grand terrain en pente. Le portique, la tombe du chien, les souvenirs. La bicoque mal isolée avec sa coursive en métal qui brille au soleil.
Autrefois les gens faisaient la queue dans l’allée pour dîner en musique sur le Boston Dollar. Le son du bayou. La meilleure cuisine au nord de La Nouvelle-Orléans. Le dépôt de bilan nous a mis dedans.
C’est vrai, il y a les mauvaises vibrations, la répartition des chambres en fonction. Le fleuve, dense et imprévisible. Après la naissance de ma fille, je me suis installée dans la maison. En rentrant du boulot je déprime un peu. Il est loin le temps où je bronzais sur le pont du Boston. Les promeneurs et les joggeurs me mataient depuis la rive d’en face. Je voudrais remonter le temps. Qu’un mec en sueur traverse à la nage.
Lennon ne me calcule plus. Je deviens transparente. Sur l’île, je peux le raisonner, l’attirer dans mes filets. Dès qu’on passe le pont c’est compliqué.
J’en reviens pas qu’il se barre comme ça. Il est en train de me ghoster pour notre enfant commun. Pourtant il m’en doit un.

La nuit est pour les morts, le jour pour les vivants, et mon d-day peut aller se faire enterrer. Lennon pas envie de m’honorer. Rien à secouer du calendrier.
Je te retrouverai à la lune sanglante, à la bourre, mon Amour.
La nuit est pour les morts. Le jour noir comme la nuit. Le géniteur jamais à l’heure pour le p’tit frère ou la p’tite sœur.

J’allais déposer les os de poulet sur la tombe du chien quand le facteur a klaxonné. J’ai prié vite fait et me suis réajustée. Je suis un peu débraillée les jours de repos.
Sébastien me tend la carte postale d’un amant. Une statue en noir et blanc avec un moustachu devant. Au dos, au marqueur fin, ces mots en majuscules : nous deux, San Francisco, quand tu veux.
Dégoûtée. Je déchire la carte pour faire de l’engrais. »

Extrait
« Lennon couche avec moi parce que je suis la seule femme qu’il fréquente encore. C’est pas vraiment le conte de fées. Je suis la dernière roue du carrosse. Tu parles d’un carrosse. Une pauvre citrouille.
C’est vrai qu’on lui compte moins de prétendantes depuis qu’il ne voit plus personne. Je ne lui ai pas deviné une aventure depuis des lustres.
Lennon a collectionné les filles aux courbes parfaites. Dessinées selon le nombre d’or. Et alors. Je ne suis peut-être pas parfaite mais j’ai prouvé que je tenais la route malgré mon corps bizarre. J’ai même couché avec une de ses ex un jour, pour voir. Franchement c’était rasoir.
Jamais il m’achète de fleurs. Jamais on part en vacances. Même pas un brin de muguet. Lennon c’est un casanier. Jamais il raconte sa journée. Il a de l’humour mais ne s’en sert jamais. Il ne supporte pas le karaoké. Lennon c’est un discret. Il ne veut pas bavarder. Pas noter les anniversaires dans le calendrier. Il ne met pas son réveil quand je dois me lever. C’est toujours moi qui fais les massages des pieds. » p. 62

À propos de l’auteur
LEBON_samuel_DRSamuel Lebon © Photo DR

Anachorète à ses heures, Samuel Lebon est aussi ingénieur déserteur et photographe couleur. Depuis 1979, il disperse ses talents aux quatre vents. Il se consacre actuellement à la littérature dans un donjon panoramique avec vue sur la Belgique. (Source: Éditions Le Dilettante)

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