L’Amie prodigieuse I, II, III

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Celle qui fuit et celle qui reste est une superbe réussite et peut très bien se lire sans avoir mis le nez dans les deux premiers tomes, d’autant que l’auteur nous offre la galerie des personnages dès le début du récit. 

L’Amie prodigieuse
Elena Ferrante
Éditions Gallimard
Roman
traduit de l’italien par Elsa Damien
400 p., 23,50 €
EAN : 9782070138623
Paru en octobre 2014

Le nouveau nom – L’Amie prodigieuse II
Elena Ferrante
Éditions Gallimard
Roman
traduit de l’italien par Elsa Damien
560 p., 26,50 €
EAN : 9782070145461
Paru en janvier 2016

Celle qui fuit et celle qui reste – L’Amie prodigieuse III
Elena Ferrante
Éditions Gallimard
Roman
traduit de l’italien par Elsa Damien
480 p., 23 €
EAN : 9782070145461
Paru en janvier 2017

L’enfant perdue – L’Amie prodigieuse IV
Elena Ferrante
Éditions Gallimard
à paraître en septembre 2017

Où?
Cette tétralogie se déroule principalement à Naples, mais nous fait aussi voyager à Ischia, à Pise, à Rome, à Florence.

Quand?
L’action se situe dans les années 1950, puis durant les décennies suivantes.

Ce qu’en dit l’éditeur
Après L’amie prodigieuse et Le nouveau nom, Celle qui fuit et celle qui reste est la suite de la formidable saga dans laquelle Elena Ferrante raconte cinquante ans d’histoire italienne et d’amitié entre ses deux héroïnes, Elena et Lila.
Pour Elena, comme pour l’Italie, une période de grands bouleversements s’ouvre. Nous sommes à la fin des années soixante, les événements de 1968 s’annoncent, les mouvements féministes et protestataires s’organisent, et Elena, diplômée de l’École normale de Pise et entourée d’universitaires, est au premier rang. Même si les choix de Lila sont radicalement différents, les deux jeunes femmes sont toujours aussi proches, une relation faite d’amour et de haine, telles deux sœurs qui se ressembleraient trop. Et, une nouvelle fois, les circonstances vont les rapprocher, puis les éloigner, au cours de cette tumultueuse traversée des années soixante-dix.
Celle qui fuit et celle qui reste n’a rien à envier à ses deux prédécesseurs. À la dimension historique et intime s’ajoute même un volet politique, puisque les dix années que couvre le roman sont cruciales pour l’Italie, un pays en transformation, en marche vers la modernité.

Ce que j’en pense
*****
Je connais un excellent remède contre la déprime hivernale. Il a pour nom L’Amie prodigieuse et vous guérira sans aucun effet secondaire. En revanche, il faudra vous préparer à un marathon de lecture, surtout si vous décidez de commencer la saga par le tome I (Avec la parution du troisième volume, les deux premiers sont désormais disponibles en poche chez Folio).
Rien ne vous empêche toutefois de commencer avec le volume II, voire avec le volume III car Elena Ferrante est comme le bon vin, elle se bonifie au fur à et mesure.
Partant de ce principe, la rédaction du magazine Lire va devoir se préparer à décerner pour la seconde année consécutive son prix du meilleur roman de l’année à l’auteur qui veut rester anonyme puisque Le Nouveau nom a été couronné en 2016 et qu’à mon sens Celle qui fuit et celle qui reste est jusqu’à présent le meilleur des trois… en attendant le quatrième et dernier tome !
Mais commençons par le commencement et L’amie prodigieuse qui nous entraîne dans le Naples des années 50. C’est là que va naître une indéfectible amitié – même si elle va subir de nombreux accrocs – entre Elena Greco, dite Lenù ou Lenuccia, la narratrice, et Rafaella Cerullo, dite Lina ou Lila. Deux gamines qui vivent dans un quartier pauvre de la ville et que nous verrons grandir jusqu’à l’adolescence.
Grâce au choix de deux filles au passé, à la famille et à la psychologie bien différente, le classique roman de formation prend une dimension sociale, voire politique. Lina la petite rebelle aime bien provoquer et prendre des initiatives, mais aussi profiter de son statut d’élève surdouée pour vouloir tout régenter. Lenù la timide semble se complaire dans le rôle de suivante, même si – aiguillonnée par son amie – elle va également réussir sa scolarité. Alors que Lina se transforme en femme fatale et va davantage s’intéresser aux garçons qu’à ses études, Elena tente de cacher ses rondeurs et son acné derrière des lunettes d’intellectuelle.
Voici venu le moment de dire que de nombreux personnages, pas si secondaires que cela puisqu’on va en retrouver beaucoup dans les volumes suivants, viennent enrichir le roman et le rendre quelquefois aussi un peu difficile à suivre.
Choisissons-en quelques-uns dans la famille de Lila pour commencer. La jeune fille rêve de sortir de la misère en imaginant que son père cordonnier pourrait ouvrir une boutique de chaussures de luxe que son frère Rino aurait créées.
Sa mère, dont le rôle le plus joyeux semble être de surveiller sa progéniture avec extrême rigueur. Le père de Lenù est appariteur à la mairie de Naples, sa mère peut être apparentée à une sorcière. Ajoutons-y Don Achille, à qui on confiera le rôle de l’ogre, Mme Oliviero l’institutrice qui sera la bonne fée, Donato Sarratore dont le métier ne cheminot ne va pas enpêcher de taquiner la muse, Pasquale le maçon communiste, Antonio le mécanicien courageux et Stefano le charcutier-épicier qui va jeter son dévolu sur Lina et finir par l’épouser.
La noce qui clôture ce premier tome restera sans doute longtemps dans votre mémoire, notamment en raison de la présence de deux frères qui vont s’inviter à la fête.

* * * * * * * *

Avec Le Nouveau nom nous avons basculé dans les années soixante. Lina semble devoir être la reine du quartier, mais on comprend assez vite que sa nouvelle vie de couple n’est pas précisément ce à quoi elle aspirait : «Si rien ne pouvait nous sauver, ni l’argent, ni le corps d’un homme, ni même les études, autant tout détruire immédiatement. »
Voilà Lina jalouse de Lenù qui continue à suivre ses études et n’a pourtant pas non plus une vie facile. Si le parcours des deux amies semblent les éloigner l’une de l’autre, elles vont finir par se retrouver pour des vacances communes à Ischia. C’est là, dans un décor idyllique au bord de la mer, qu’Elena Ferrante a choisi de nous offrir l’épisode choc de ce second tome. On y verra la grandeur et surtout la décadence de la belle Lila et la chrysalide Lenù se transformer en papillon et entamer la danse de la séduction, empruntant par la même occasion les habits de la Fée bleue. Cette histoire, imaginée par Lila et saluée par Mme Oliviero, est le symbole de leurs parcours croisés. Lila aurait dû être écrivain, mais c’est Lenù qui endosse le rôle et va chercher à devenir une intellectuelle reconnue, une bourgeoise établie, même si elle promène aussi un sentiment de culpabilité vis à vis de cette amie-ennemie. Car on le sait bien, qui aime bien châtie bien.
Il n’est par conséquent pas étonnant de voir ce second tome se clore sur une double naissance: celui d’un fils pour Lila, celui d’un livre pour Elena.

* * * * * * * *

Comme je l’ai souligné en introduction de cette chronique qui présente les trois tomes de cette saga, Celle qui fuit et celle qui reste est une superbe réussite et peut très bien se lire sans avoir mis le nez dans les deux premiers tomes, d’autant que l’auteur nous offre un résumé et la galerie des personnages dès le début du récit. Nous sommes désormais au seuil des années 1970, au moment où il semble bien que l’amitié entre Elena et Lila a volé en éclats. Éloignées géographiquement et sentimentalement, les deux femmes ont désormais des trajectoires diamétralement opposées, même si leur aspiration à la liberté reste toujours aussi forte et aussi difficile. Après la parution de son roman, Elena va rejoindre son fiancé Pietro à Florence, tandis que Lila, qui a réussi à se séparer de son mari violent, doit subvenir à ses besoins et à ceux de son fils Gennaro en travaillant dans une usine de charcuterie non loin de chez elle, en banlieue napolitaine. Alors que l’une tente d erefaire sa vie avec Enzo, l’autre essaie d’oublier le beau Nino. Autour d’elles, l’Italie est aussi en train de basculer dans la violence, les révoltes étudiantes et les années de plomb.
La grand talent d’Elena Ferrante – et c’est sans doute ce qui rend son roman aussi addictif – est justement de parvenir à faire de petits détails biographiques un matériel historique qui nous permet de littéralement «vivre» la période traversée. L’influence de la camorra dans les quartiers populaires de Naples, les tensions entre groupuscules fascistes et révolutionnaires d’extrême-gauche sont ici incarnées, tout comme le machisme que l’on dépeint trop souvent comme ordinaire et qui aliène pourtant la presque totalité des femmes, y compris lorsqu’elles ont un statut social plus élevé.
Rendez-vous à la rentrée littéraire de septembre pour découvrir L’Enfant perdue, le dernier volet de cette tétralogie.

Autres critiques
Babelio 
BibliObs (Didier Jacob – avec extraits d’un recueil d’entretiens à paraître en 2018)
Le Figaro (Elena Scappaticci)
Le JDD (Marie-Laure Delorme)
La Croix (Francine de Martinoir)
Le Temps (Eléonore Sulser)
Télérama (Fabienne Pascaud)

Les premières pages du troisième volume

Extrait
« Bref, année après année, la situation me semblait empirer. Lors de cette période pluvieuse, la ville s’était fissurée et un immeuble entier s’était affaissé sur le côté – comme si quelqu’un s’était appuyé sur le bras vermoulu d’un vieux fauteuil et que ce bras avait cédé. Des morts, des blessés. Et puis des cris, des coups et de petites bombes artisanales. On aurait dit que la ville couvait en son sein une furie qui n’arrivait pas à sortir et qui du coup la rongeait, sauf lorsqu’elle surgissait comme une éruption de pustules gonflées de venin qui s’en prenaient à tout le monde : enfants, adultes, vieillards, gens des autres villes, Américains de l’OTAN, touristes de toutes nationalités et Napolitains eux-mêmes. Comment résister, dans ces lieux de désordre et de danger, dans les périphéries, dans le centre, sur les collines ou au pied du Vésuve ? »

A propos de l’auteur
Probablement née à Naples en 1943, ville présente dans ses romans, Elena Ferrante (un pseudonyme) vivrait selon certains en Grèce. Selon d’autres, elle serait retournée s’installer à Turin.
L’auteur dont quasiment rien n’est connu avec certitude, refuse d’être un personnage public et ne s’est pas présentée à la remise des prix, à savoir le Prix Oplonti et le Prix Procida Elsa Morante, que son premier roman « L’Amour harcelant » (L’amore molesto, 1992) avait obtenu. Elle n’accorde aucune interview, à l’exception de celle parue dans le journal « L’Unitá » en 2002. Son deuxième roman « Les jours de mon abandon » (I giorni dell’ abbandono) est sorti en 2002.
Ferrante a également publié « La Frantumaglia » (2003), un recueil de lettres à son éditeur, de textes et de réponses à ses lecteurs où l’auteure parle d’elle-même, de son travail et de son observation du monde. Elle tente de faire comprendre ses raisons de demeurer dans l’ombre, parle d’un désir d’auto-préservation de sa vie privée, d’un souci quelque peu névrotique d’inaccessibilité, de son souci de maintenir entre elle et son lectorat une certaine distance et de ne pas se prêter aux jeux des apparences où risquent de l’entraîner les contacts avec la presse. Elle est fermement convaincue que ses livres n’ont pas besoin d’une 4ème de couverture reproduisant sa photographie et entend qu’ils soient perçus comme des organismes auto-suffisants auxquels la présence de l’auteure ne pourrait rien ajouter de décisif.
« L’Amore Molesto » a été porté à l’écran en 1995 par Mario Martone, avec Anna Bonaiuto dans le rôle de Delia, la fille. Roberto Faenza a adapté « I Giorni dell’Abbandono » en 2005.
En 2011 a été publié le premier volume du cycle « L’amie prodigieuse » (L’Amica geniale) suivi en 2012 du second volume « Le nouveau nom » (Storia del nove cognome). En 2013 paraît « Storia di chi fugge e di chi resta », suivi en 2014 du quatrième et dernier volume, « Storia della bambina perduta ». La tétralogie a notamment connu un énorme succès au Royaume Uni et aux États-Unis.
En 2015, Roberto Saviano propose la candidature de son roman « L’amica geniale » au prix Strega, ce que l’auteur accepte.
Fin septembre 2016, dans différents médias européens, le journaliste Claudio Gatti évoque le nom d’Anita Raja, éditrice et traductrice de Christa Wolf en particulier, épouse de Domenico Starnone (1943), écrivain et journaliste. Ni Anita Raja, ni les éditions E/O, qui publie Ferrante, n’ont cependant confirmé cette hypothèse. (Sources : Babelio, Evène, Wikipedia)

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