Les déracinés

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En deux mots:
À Vienne, au début des années trente, Wilhelm rencontre Almah. Leur belle histoire d’amour va résister à la fureur de la guerre, mais au prix de grands sacrifices et d’un exil en République dominicaine où ils vont essayer de se construire une nouvelle vie.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

Une nouvelle vie en république dominicaine

C’est un fait méconnu de la Seconde guerre mondiale que Catherine Bardon a choisi de mettre en lumière dans son premier roman. Les Déracinés raconte l’exil des juifs fuyant les nazis en République dominicaine. Prenant et surprenant.

La Seconde guerre mondiale et la Shoah alimentent régulièrement les libraires avec de nouveaux livres. Si Catherine Bardon a choisi ce créneau pour son premier roman, ce n’est toutefois pas par inconscience, mais bien parce qu’elle a découvert un épisode peu connu de ce conflit et qu’elle a eu accès à des documents inédits. Sa plume alerte et sa parfaire connaissance des lieux ont fait le reste, à savoir un roman chargé d’émotion et de suspense.
Tout commence à Vienne en 1932 avec la rencontre de Wilhelm, jeune homme qui entend consacrer sa vie au journalisme et Almah, fille d’une riche famille juive pas très pratiquante. Leur amour va braver leurs différences, religieuses et sociales, pour s’épanouir au pied de la grande roue du Prater. Un feuilleton signé sous pseudonyme dans le quotidien Krone doublé d’en emploi à la Neue Freie Presse, principal quotidien d’Autriche, offrent de belles perspectives. Avec des éditorialistes et chroniqueurs tels que Stefan Zweig, Theodor Herzl, ou Arthur Schnitzler, on ajoutera que l’émulation était de haut niveau.
Mais les années trente vont soudain se voiler d’une menace de plus en plus persistante venue d’Allemagne. Mais Wilhelm et Almah ne veulent pas croire les oiseaux de mauvais augure. Mais la vie devient de plus en plus difficile, la menace de plus en plus forte. Myriam, la sœur d’Almah, choisit de s’exiler à New York avec son mari Aaron. À 19h 45, le 11 mars 1938 une brève allocution annonce l’Anschluss. Wilhelm est arrêté et envoyé dans un camp d’où il ne sortira qu’après avoir abandonné tous ses biens et s’être acquitté d’une taxe exorbitante, sans oublier l’engagement de quitter le Reich avant la fin du mois de janvier 1939. Mais obtenir un visa et un permis de séjour devenait quasi impossible. Après avoir pu séjourner dans un camp en Suisse et tenté en vain de rejoindre New York, ils acceptent l’offre qui leur est faite de s’installer en République dominicaine. Laissant derrière eux «l’Europe malade de la guerre et de la folie des hommes», ils débarquent dans les Caraïbes avec pour objectif de fonder à Sosúa une communauté agricole sur le modèle de Degania, le premier kibboutz fondé en Palestine.
Vont-ils réussir ce pari? Pourront-ils compter sur le soutien de la Diaspora? Le dictateur à la tête du pays ne va-t-il pas revenir sur ses promesses? Autant de questions qui vont trouver des réponses dans la seconde partie de ce roman passionnant à bien des égards. Le choix de Catherine Bardon de laisser la parole aux acteurs nous offre la possibilité de confronter les points de vue, les aspirations et les doutes. C’est à la fois formidablement documenté et très romanesque. Un vrai coup de cœur!

Les déracinés
Catherine Bardon
Éditions Les Escales
Roman
624 p., 21,90 €
EAN : 9782365693318
Paru le 3 mai 2018

Où?
Le roman se déroule en Autriche, à Vienne et dans les environs, à Mörbisch, aux bords du lac de Neusiedler puis en Suisse, à Diepoldsau et Genève, en France, à Cherbourg, Lyon, Perpignan, Saint-Cyprien, Gurs, en Espagne, à Madrid, puis au Portugal à Lisbonne, aux États-Unis, à New York puis en République dominicaine, à Ciudad Trujillo, Villa Altagracia, Piedra Blanca, Bonao, La Vega, Santiago, Puerto Plats, Sosùa, Jarabacoa, Santa Bárbara ainsi qu’en Israël.

Quand?
L’action se situe des années 1930 à la fin du XXe siècle.

Ce qu’en dit l’éditeur
Une fresque formidable. Une grande histoire d’amour.
La création, durant la guerre, d’un kibboutz en République dominicaine…
Vienne, 1932. Au milieu du joyeux tumulte des cafés, Wilhelm, journaliste, rencontre Almah, libre et radieuse. Mais la montée de l’antisémitisme vient assombrir leur idylle. Au bout de quelques années, ils n’auront plus le choix ; les voilà condamnés à l’exil. Commence alors une longue errance de pays en pays, d’illusions en désillusions. Jusqu’à ce qu’on leur fasse une proposition inattendue : fonder une colonie en République dominicaine. En effet, le dictateur local a offert cent mille visas à des Juifs venus du Reich.
Là, au milieu de la jungle brûlante, tout est à construire : leur ville, leur vie.
Fondée sur des faits réels, cette fresque au souffle admirable révèle un pan méconnu de notre histoire. Elle dépeint le sort des êtres pris dans les turbulences du temps, la perte des rêves de jeunesse, la douleur de l’exil et la quête des racines.

« Incontournable. Un grand roman, absolument extraordinaire. » – Gérard Collard – Le Magazine de la santé
« Avec des personnages attachants, un univers dépaysant et une forte tension romanesque, Catherine Bardon signe une saga passionnante qui ravive un pan peu connu de l’Histoire. » – Version Femina
« Fresque historique haletante. » – Lire

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Bande-annonce du livre Les déracinés de Catherine Bardon © Production éditions Les Escales

INCIPIT (Les premières pages du livre)
1ere partie : Les corbeaux noirs
« Myriam 1921
— Les vraies ballerines peuvent enchaîner vingt pirouettes !
J’ai quinze ans et l’imbécillité désinvolte des adolescents. Vautré dans un fauteuil du salon, je joue les maîtres de ballet. Vêtue de son tutu rose, ses boucles brunes tirées en un chignon maladroit, Myriam se dresse sur la pointe de ses chaussons et se met à tourner sur elle-même.
Soudain elle s’écroule, vaincue, au bord des larmes.
— Combien ?
— Neuf !
— Oh Wil, je n’y arriverai jamais !
— C’est parce que tu regardes tes pieds, une vraie ballerine ne regarde jamais ses pieds, elle regarde droit devant elle. Un petit sourire valeureux creuse des fossettes dans les joues rebondies de ma soeur. Myriam reprend sa posture, droite sur ses pointes, adopte un port de reine et recommence à tourbillonner.
— Une vraie ballerine sourit sans montrer ses dents.
Elle pince ses lèvres et virevolte de plus belle, puis s’arrête soudain, envahie par un doute :
— Et d’abord, comment tu sais tout ça ?
— C’est parce que je m’intéresse à la danse et que, plus tard, je serai critique de ballets. Myriam acquiesce en silence. Elle me croit. Elle croit tout ce que je dis.
À huit ans, Myriam rêvait d’être une étoile. La danse, elle n’avait que ça en tête. Depuis ses cinq ans, elle suivait des cours de ballet classique à l’école de Tatiana Gabrilov, une ex-ballerine du Kirov, qui avait ouvert une académie très cotée au coeur de Leopoldstadt. Nos parents l’avaient encouragée sans réserve.
— C’est une bonne discipline, rigueur et grâce, disait mon père qui cédait au moindre caprice de sa fille.
— J’aurais tellement aimé prendre des leçons de danse quand j’étais petite, soupirait ma mère qui adorait la valse. Myriam suivait ses cours de danse avec une assiduité et une constance dont elle était loin de faire preuve à l’école, au grand dam de notre père. Elle travaillait sans relâche ses arabesques et ses entrechats et finit par se révéler une ballerine très convenable. À la maison, le vieux piano avait repris du service, ma mère jouait, Myriam dansait. D’abord très fiers des prouesses de leur fille, mes parents n’avaient plus vu d’un aussi bon oeil cette passion quand Myriam avait commencé à devenir véritablement obsédée. Un jour, un peu trop ronde à son goût et pour les critères sévères de la Gabrilov, elle avait décidé d’observer un régime draconien pour ne pas prendre un gramme, contrariant l’âme cuisinière de ma mère.
— Ressers-toi, ma fille, tu ne manges rien. Tu vas ressembler à un moineau déplumé !
— À un chaton passé sous la pluie, renchérissait mon père.
— À… une asperge, ajoutais-je pour ne pas être en reste.
— Ça suffit, rugissait Myriam. Je veux avoir l’air d’une ballerine, un point c’est tout. Comment pourrais-je enchaîner sauts et jetés si je pèse une tonne ?
Des heures durant, enfermée dans sa chambre, elle travaillait ses étirements et corrigeait ses postures devant la glace de son armoire. Durant plusieurs semaines d’affilée, elle ne s’était déplacée dans l’appartement que sur ses pointes, vêtue de son tutu et de ses collants, en pirouettant de temps à autre.
Elle se plaignait de sa crinière de boucles brunes qu’elle ne parvenait pas à discipliner. Pendant un temps, elle affecta de ne saisir les objets qu’entre le majeur et le pouce, les trois autres doigts dépliés en l’air telles les plumes d’un oiseau.
De temps en temps, je surprenais un échange de regards mi-accablés mi-amusés entre mes parents qui prétendaient ne rien remarquer.
Ma sœur était de tous les spectacles de son école et figurait régulièrement en tête de distribution. Nous avions dû assister à maints ballets où des fillettes interprétaient avec une grâce de petits canetons des extraits d’opéras russes.
Quand, à seize ans, Myriam annonça qu’elle voulait faire de la danse son métier, le front du refus parental fut unanime. Une fillette qui suit des cours de danse très bien, de là à avoir une danseuse dans la famille… Il n’y avait pas loin de l’opéra au cabaret !
— Il vaut mieux envisager des études sérieuses qui te serviront plus tard, du droit peut-être, ou du commerce ? suggérait mon père.
— De la littérature ou des langues ? Tu es douée pour les langues, n’est-ce pas Myriam ? insistait ma mère.
— Je veux être ballerine, s’obstinait ma soeur qui cherchait du regard un soutien de mon côté.
— Pourquoi pas les deux en même temps ? Tu choisis des études qui te plaisent et tu continues la danse, comme ça si tu échoues d’un côté, tu te rattrapes de l’autre.
J’excellais dans l’art de ménager la chèvre et le chou. Champions de l’entre-deux, mes parents transigèrent : l’université contre la poursuite des cours de danse. Myriam capitula et se résigna. Je la soupçonnais de douter tout au fond d’elle-même
de sa réelle capacité à devenir une étoile.
— Dans ce cas, je vais suivre une formation d’institutrice et des cours d’anglais. Comme ça, si je ne deviens pas ballerine, ça pourra toujours me servir quand je serai professeur de danse. Qui eût cru, à ce moment-là, que le destin de ma sœur était déjà scellé? »

Extraits
« Le directeur de la Krone m’avait supplié de poursuivre notre collaboration et Falk le chercheur d’or avait repris du service au bas de ses colonnes. Je cumulais ainsi deux emplois, en remerciant le ciel d’avoir eu la clairvoyance de choisir un pseudonyme pour signer mon feuilleton à trois couronnes. J’étais fier de travailler au Neue Freie Presse. Avec ses 90 000 exemplaires quotidiens, ses éditions du matin et du soir et son style d’avant-garde, c’était le principal quotidien d’Autriche. Il recrutait son lectorat au sein de la bourgeoisie libérale. Nul ne contestait son influence politique. Parmi ses éditorialistes et chroniqueurs, on comptait d’immenses plumes, telles que Stefan Zweig, Theodor Herzl, ou Arthur Schnitzler. »
« « … Le président Miklas m’a demandé de faire savoir au peuple d’Autriche que nous avons cédé à la force parce que nous refusons, même en cette heure terrible, de verser le sang. Nous avons donc décidé d’ordonner aux troupes autrichiennes de n’opposer aucune résistance. Je prends congé du peuple autrichien, en lui adressant cette formule d’adieu allemande, prononcée du plus profond de mon cœur: Dieu protège l’Autriche! » Il était 19 h 45 le 11 mars 1938 et Kurt Schuschnigg venait d’annoncer sa démission. Assise face au poste de radio, le visage décomposé et les lèvres tremblantes, Almah porta les deux mains à sa bouche comme pour s’empêcher de crier. Les doigts de Wilhelm se crispèrent sur les épaules de sa femme ; il vibrait de rage et de consternation. Il sentit une décharge de désespoir irradier de son corps et traverser celui d’Almah. Ainsi c’était fini. »
« La dernière image que je garderais de mes parents n’avait pas changé. C’était celle d’un couple de vieux vêtus de noir, drapés dans leur chagrin, un homme de haute stature au visage sévère et une petite femme brisée, debout sur le quai d’une gare. Ils ne cessaient d’agiter leurs mains et devenaient de plus en plus petits. Ils finirent par se diluer dans la foule agglutinée tandis que le train prenait peu à peu de la vitesse dans un mugissement sinistre. J’eus le pressentiment fugace que c’était la dernière fois que je les voyais. »
« L’objectif du Joint est de créer à Sosúa une communauté agricole sur le modèle de Degania, le premier kibboutz fondé en Palestine en 1909. Ici, il n’existe pas de propriété privée. Les terrains, les équipements, le matériel appartiennent à la Dorsa et la communauté pourvoit à tous les besoins de ses membres et de leurs familles. Vous allez recevoir une dotation d’équipement, vêtements de travail, bottes, chapeaux de paille, et une allocation mensuelle de 9 dollars par adulte et 6 dollars par enfant, à utiliser au magasin général. Vous serez affectés aux différentes équipes de travail avec un système de rotation. »

À propos de l’auteur
Catherine Bardon est une amoureuse de la République dominicaine. Elle a écrit des guides de voyage et un livre de photographies sur ce pays, où elle a passé de nombreuses années. Elle vit à Paris et signe avec Les Déracinés son premier roman. (Source : Éditions Les Escales)

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