Lulu

PAUL_LE_GARREC_lulu Logo_premier_roman  68_premieres_fois_2023

Finaliste du « Coup de Cœur des Lycéens » 2023

En deux mots
Lulu passe son enfance auprès de sa mère, mais surtout auprès de sa mer. La plage de l’Atlantique devient son terrain de jeu et de découverte. Il ramasse trie et classe tout ce qu’il trouve. Une quête obsessionnelle qui pourrait bien cacher celle du père absent.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Ma mère, ma mer et mon père

Léna Paul-Le Garrec a réussi un premier roman très touchant. En nous racontant la passion, puis l’obsession, du petit Lucien pour les objets que la mer laisse sur la plage, elle livre un roman initiatique sensible et poétique.

Du plus loin qu’il s’en souvienne, Lucien a toujours chéri la mer. Il garde cette image de l’Atlantique balayée par les vents, du sable et des rochers, et de cette sensation forte de liberté. Lui qui vit seul avec sa mère trouve dans les embruns et dans les ciels changeants sa raison de vivre. Dès qu’il en a l’occasion, il parcourt la plage à la recherche des trésors livrés par les marées. Sa collection de coquillages va d’abord lui permettre de montrer à ses camarades de classe tout le savoir que sa passion lui permet d’accumuler.
Une passion qui va vite virer à l’obsession, passant ses journées à sonder la plage et à chercher dans les livres comment trier et classer ses trésors: «Je suis submergé d’informations: les coquillages, les plumes d’oiseaux, les bois flottés. Ma tête commence à être aussi envahie que ma chambre. À force de tout mémoriser, je me demande si mon cerveau n’est pas allé se réfugier dans mon cœur.»
Dans le petit carnet qui ne le quitte plus, il consigne la date, l’heure, le lieu et le contenu de toutes ses trouvailles. Et élargit son catalogue avec des pièces en métal qu’il découvre aux côtés d’une vieille dame un peu excentrique et sa drôle de machine jusqu’aux bouteilles.
Ces dernières, lorsqu’elles contiennent un message, vont former un espace à part dans son accumulation d’objets, car elles contiennent un puissant moteur, l’imaginaire. Qui a laissé ce message et dans quel but? Peut-on retrouver leur propriétaire? Et si oui, va-t-il répondre au courrier qu’il leur adresse? En se rendant compte tout à la fois du caractère très aléatoire de ce mode de communication, il va aussi se rendre compte qu’il existe une internationale des bouteilles à la mer et qu’il n’est pas le seul à être passionné. Avec l’hymne de Police dans la tête, il va lancer à son tour les message in a bottle.
Léna Paul-Le Garrec a construit son roman en deux parties que l’on pourrait résumer à une quête de la mer (la mère) à laquelle succéderait une quête du père. Chacune des parties étant accompagnée d’un style et d’une narration qui lui sont propres, marquant ainsi ce moment de bascule quand vient le temps pour Lucien de se demander qui il est. Quand il se rend compte qu’il s’est construit sur un vide: «mes fondations sont creuses, suspendues dans un néant. Nous ne sommes pas seulement notre mémoire, nous sommes aussi nos oublis, les trous de notre mémoire, nos absences, nos comblements, la fiction de ces comblements.»
Il part alors pour de nouvelles aventures. Mais ça, c’est une autre histoire, celle de l’âge d’homme, une fois que l’enfance s’est effacée sur le sable. Pour constater, au bout de ce chemin, qu’«on ne naît pas nu, on hérite d’une mémoire souterraine, on s’emmaillote d’une mythologie.»

Lulu
Léna Paul-Le Garrec
Éditions Buchet-Chastel
Premier roman
176 p., 16,50 €
EAN 9782283036051
Paru le 18/08/2022

Où?
Le roman est situé principalement en France, à Paris.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Enfant singulier et solitaire, élevé par une mère maladroite, étouffante, malmené par ses camarades de classe, Lulu trouve refuge sur le littoral. Tour à tour naturaliste, collectionneur, chercheur de bouteilles, ramasseur de déchets, il fera l’expérience de la nature jusqu’à faire corps avec elle.
Conte initiatique et poétique, Lulu, premier roman de Léna Paul-Le Garrec, interroge notre rapport à la liberté et à la nature.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Maze (Marie Viguier)
Citéradio (Guillaume Colombat)
Actualitté (Lolita Francoeur)
Blog La page qui marque
Blog Tu vas t’abîmer les yeux
Blog Les livres de Joëlle
Blog Zazymut
Blog Mademoiselle lit

Les premières pages du livre
« Sur les rives de la lointaine Atlantique, quelque part très à l’ouest, flottent à l’entrée de mon cabinet de curiosités trois verbes en lettres capitales : croire, creuser, rêver.
Il se raconte que, un jour de folie moderne, la sérendipité s’est invitée dans mes expériences interdites, menées la nuit en laboratoire, sur la pérennité et l’équilibre biologique de la chaîne alimentaire dans la biocénose des écosystèmes marins (oui, ça impressionne toujours un peu au début, mais n’ayez pas peur). Cette découverte serait fortuite, ce qui ne manque pas d’irriter la communauté des chercheurs aguerris.
Une espèce animale inédite révolutionne actuellement le monde scientifique.
Glorifié par les uns, étrillé par les autres, je me joue de cette rumeur. Les médias s’amusent de mes histoires fantasques et sans cesse réinventées, je suis l’érudit déjanté à la blouse jamais blanche, aux cheveux trop longs, à l’éloquence marginale, perché au milieu de ses tubes, pipettes et éprouvettes, dans cette perfection du désordre sur fond de musique rock. Les savants s’agacent de mes comparaisons avec Frankenstein et ils ont peut-être raison, elles amplifient le qu’en-dira-t-on.

Je suis le créateur du Piscis detritivore.
Poisson d’un nouveau genre. À la constitution robuste, de la taille et de la forme d’un dauphin, pourvu d’un incommensurable système digestif, il se nourrit exclusivement de détritus. Il nettoie les mers de la pollution humaine, il rétablit l’équilibre salutaire.
Vous comprendrez que j’en conserve le secret de fabrication.
Se répand le bruit d’un prix. Si j’en obtiens un (ce n’est en rien un but et je n’y crois pas, je suis bien trop jeune pour qu’un collège de sages experts, un aréopage me décerne quoi que ce soit, on ne peut toutefois s’empêcher d’y songer), je sais que mon discours sera romanesque. Lorsque le fil est trop long à remonter, autant le recréer.
Et pourtant, si le temps m’est accordé, je me hisserai sur la dune de mon existence et avec l’assurance d’un scaphandrier, j’exposerai à tous ma quête. Elle n’est pas la résultante d’une succession d’imprévus, elle prend ancrage dans les fatras de mon enfance, dans les tréfonds de ma consolation.
Venez, je vais vous la raconter.

1.
La première fois, c’est en hiver.
La pluie sur les lunettes, le vent sur les pommettes, sur les morceaux de joues qui dépassent de la capuche trop serrée, le lien qui m’étrangle le cou. Maman tire toujours de toutes ses forces, de crainte que le froid ne se faufile dans mon corps.
Les rafales giflent mon visage, la pluie tape si fort qu’on dirait de la grêle. Un son sombre, une plainte lugubre, quasi humaine, inonde mes oreilles.
Je ne sais plus quel est mon âge. Petit. Mes bottes excessivement grandes. Elles me semblent lourdes, immenses. Avec elles, j’ai peur de tomber, que la houle y pénètre et tente de m’enlever.
Ce moment-là, dans le froid de l’hiver, dans l’agitation de l’hiver, lutter contre le vent pour avancer, respirer péniblement tant l’étourdissant tourbillon de l’air s’engouffre dans ma bouche, dans mes narines tout entières. En apnée. Je ne vois rien, je n’arrive pas à marcher. Il faut plier les genoux, courber le corps pour ne pas vaciller. Même les rares mouettes ne parviennent pas à voler, elles bataillent pour ne pas chuter.
La mer, au loin. Elle me semble à l’autre bout du monde. Je perçois à peine ses vagues, devine son écume. Ça sent le sel, il pénètre dans mes sinus. Je sens que mon nez va couler. Je me retiens, tourne la tête pour renifler. Maman n’aime pas quand je renifle, maman n’aime pas quand mon nez coule.
Le ciel triste, bas, empli de cendres, l’absence de soleil, l’horizon bouché. Tout cela est ce que je vois de plus vaste, de plus lumineux.
Ce moment-là est magique. Le premier instant de liberté inscrit dans la porosité de ma jeunesse.
Je me souviens de tout. Chaque recoin de sable, chaque bout de rocher, chaque aile d’oiseau.
On ne se souvient pas toujours de ses premières fois, elles ne marquent pas toutes. Les premières fois ne sont pas toujours les meilleures, elles peuvent aussi être les pires, les plus fades, les plus médiocres. Ce dont on se souvient, c’est de la première intensité, de la première fois où submerge l’émoi. Nos sens envahissent notre mémoire, la travestissent.
Cette première fois là n’est pas la meilleure. La plage va me réserver bien d’autres moments de joie.
Ce qui compte ce n’est pas la première fois. Ce sont les suivantes, bien plus tard, après, lorsque arrive l’habitude. C’est l’émotion qui surgit alors qui est la plus belle, la plus pure, la plus réelle. En dehors des artifices de la passion.
Ça commence comme ça. L’hiver, sur la plage.
Ça ne peut pas commencer autrement.

2.
J’ai toujours eu envie d’en changer. Par moments, je m’imagine avec un autre.
Je n’aime pas mon prénom. Je ne l’ai jamais aimé, comme tous sans doute. Les parents veulent un prénom original, les enfants un prénom banal. On souffre souvent de ne pas être tout le monde, de ne pas être passe-partout, se fondre dans la masse. Surtout ne pas se faire remarquer. Nathan, Jules, Lucas, Louis, Léo, Hugo, Enzo…
En latin, il signifie « lumière ». Un comble, je l’ai si peu vue. Maman dit que justement, je la porte en moi, pas besoin de tant la regarder.

C’est en hommage qu’elle l’a choisi. À cause de Serge Gainsbourg. Étrange admiration, il fume et maman n’aime pas les gens qui fument, il est négligé et maman n’aime que la propreté. Incohérence de l’adulation artistique qui ébranle les certitudes, qui décale les images, celle que l’on renvoie, celle que l’on est, au fond.
En boucle, elle écoute ses vinyles sur Elipson, la vieille platine qui régulièrement dérape. Parfois elle danse, seule, sur le tapis du salon, et chante les amours mortes. Elle connaît tous les titres par cœur. Et puis, elle pleure. Alors je ne l’aime pas ce Lucien qui fait sangloter maman. Moi non plus.
Pour me consoler elle va chercher, tout en haut de l’étagère, le grand livre des prénoms. Elle l’ouvre à l’endroit du marque-page, une ficelle rouge effilochée. Elle y a légèrement souligné, à peine effleuré, au crayon à papier, la rubrique caractère. Elle chausse ses lunettes et lit à haute voix :
« Imagination fertile. Les sentiers battus et les vérités données ne sont pas faits pour lui. Il sera constamment à la recherche de renouveau et d’émerveillement. »
Elle referme lentement l’ouvrage comme si une absolue vérité prophétique venait d’être prononcée.

Je me demande souvent d’où provient le déterminisme des prénoms. Comment tant de gens peuvent avoir le même caractère.
À la naissance, reçoit-on une petite liste d’attentes sociales avec lesquelles il faudra être en cohérence ? Que se passe-t-il si on refuse de tendre vers le stéréotype de référence ?
Nous ne sommes pas neutres. Nous sommes le choix de nos parents, nous sommes les héritiers, d’une originalité, d’une désuétude, d’un classicisme. C’est de ce fatalisme qu’il faudra se construire une singularité.
Au-delà d’une nature, influence-t-il nos traits ? Soi-disant, notre état civil se traduirait sur notre visage. Nous en prendrions l’apparence. Il paraît qu’à partir d’une simple photo les ordinateurs sont capables de dire comment on s’appelle. Notre prénom nous façonne, nous sculpte, nous sommes taillés dans ces quelques lettres. Nous affichons sans le savoir notre classe, notre appartenance, à un contexte, un lieu, une époque.

À la maison, il n’y a pas de miroir. Même pas dans la salle de bains.
La première fois que j’en vois un, c’est à l’école. Au-dessus du lavabo des toilettes, il parcourt le mur tout entier, recouvre les petits carreaux de mosaïque. Les enfants aiment s’y regarder, ils y déforment leur visage, font des grimaces. Ils rient, gloussent. Je n’y arrive pas, je ne parviens pas à bouger le masque collé à ma peau. Poupée de cire figée par le sel de la vie.
J’ai découvert mon aspect à travers les fenêtres de la maison. Parfois, lorsque arrive la nuit, je retarde le moment où maman vient fermer les volets. Je n’ai pas le droit de les rabattre seul, trop dangereux, la balustrade branlante en fer forgé, trop dangereux. J’invente des ruses. Rien que pour pouvoir me voir, furtivement, quelques secondes, deviner mon visage flou sur le noir de la nuit des vitres.
Serais-je comme Gainsbourg ? Aurais-je son nez, ses oreilles, ses yeux ? J’effleure les pochettes des vinyles, je caresse ma propre peau. J’ai peur d’être laid.

Plus tard, je dirai que mon prénom honore la littérature. Tout de suite ça impressionne. J’aime, aujourd’hui encore, observer cet infime moment où les yeux de l’interlocuteur cherchent, où ils balaient dans leur cerveau en quête d’une réponse. Peu savent, beaucoup changent de bottes, mettent le sujet sur la touche.
Alors, quand j’entends sur les lèvres répliquer Stendhal ou Balzac naît une immédiate tendresse, une particulière complicité.

3.
À voir maman noyée de larmes qui m’enserre outrageusement, je crois que l’école est une épreuve, une torture. Au début. Ça ne dure pas, très vite, je chéris l’école. Sur le chemin sinueux où nous marchons chaque matin, main dans la main, je n’ose le montrer à maman, je crains qu’elle ne soit déçue.
L’école est mon échappatoire, le lieu de toutes les parenthèses. J’apprends. Je happe chaque mot prononcé par la maîtresse, je m’immerge d’informations, entendues, lues. Je m’ennivre. Je pénètre pleinement chaque page de toutes mes petites cellules grises.
Lorsque je lève la tête, c’est pour étudier. Les autres. Je regarde les enfants, ils me semblent étranges. Je les vois telles des bestioles singulières. Ils ont un mode de fonctionnement qui paraît inné, de l’ordre de l’inconscient collectif. Ils vivent ensemble sans connaître les règles, tous les maîtrisent spontanément. Je les étudie de la même manière que j’analyserai plus tard les coquillages, avec précision. Je les contemple, de loin, avec recul. Là est la différence.
Je me demande s’il ne faudrait pas tenter de leur ressembler, entrer dans leur monde. Seul, je suis bien. Parfois, l’idée d’avoir un copain me parcourt discrètement l’esprit. J’ai tant de secrets, les expliquer serait long, compliqué, et surtout, pas sûr que ça plairait à maman.
Ce que je préfère, à la récréation, ce moment qui sonne la délivrance pour les élèves, c’est les observer, surtout faire du sport. S’agiter comme si leur vie en dépendait, prononcer fort de drôles de mots impudiques, se démener à en avoir les cheveux collés au front par la moiteur de l’effort. Et lorsqu’ils ne jouent pas, ils en parlent, racontent des histoires de professionnels qui manient si bien la balle qu’ils ont de fières allures de héros grecs. J’aimerais bien, moi aussi, ressembler à ces champions de stade. J’aimerais bien essayer sur le bitume de la cour. Je ne sais pas si mon corps en a la force. Maman a peur que je me fasse mal, que je me casse quelque chose. Alors, j’essaie caché dans ma chambre. Une peluche, un coussin, deviennent des ballons, mon lit et mon bureau sont les buts de ce terrain fictif. Je jongle au ralenti, mimant un effet spécial de cinéma, je décompose chaque mouvement, sans faire de bruit, sans faire perler la moindre goutte de sueur. Je n’ai jamais l’audace d’accélérer la cadence.
Je suis cet enfant aux poches de jean usées à force d’être assis seul, sur les marches, dans un coin du préau. En classe aussi je suis physiquement seul, je dis physiquement parce que je me sens comme un poisson dans l’océan, dans mon élément. Je ne suis pas seul, je suis accompagné par la connaissance, je joue avec elle. Il m’arrive de me tromper, volontairement, j’ai néanmoins très bien compris la consigne. Une gommette mal positionnée, une couleur à la place de l’autre, puis progressivement, un mot incorrect, une définition erronée, une réponse incomplète. Se fondre dans la masse. Surtout ne pas se faire remarquer.
Cela laisse à maman l’occasion de me consoler. Et elle aime ça. Je ne peux pas être parfait, ça la blesserait. Je me dois de lui renvoyer les faiblesses qu’elle imagine.

Souvent, la maîtresse veut la rencontrer. Je dis la maîtresse, parce que le hasard veut que je n’aie pas de maître, le hasard ou les statistiques. Je dis la maîtresse, mais il y en a eu plusieurs, la maîtresse qui les englobe toutes. Elle veut parler avec maman, un rendez-vous aux allures de séance des pourquoi : pourquoi je suis seul, pourquoi je ne parle pas, pourquoi je ne joue pas, je ne cours pas. Je ne comprends pas ces questions de soi-disant grandes personnes. Et pourtant, dans ma tête, c’est en permanence que défilent les interrogations.
Je ne rentre dans aucune case. Parfois elle se demande même si j’en ai une en moins, ou peut-être une en trop (est-ce si important le nombre de cases ?).
Toujours maman s’agace, elle ne parle plus, elle hurle :
« Vous ne comprenez rien à rien ! Qui êtes-vous pour considérer mon fils comme un sauvage ! Et cessez avec vos histoires de psys, c’est bon pour les frappadingues comme vous ! »
Et tous les ans, ça recommence. Toujours. Ce n’est pas grave, un mauvais moment de tempête à passer la tête basse. Après je reprends le rôle du fils fragile, je joue le jeu de l’élève à part. Chacun regagne sa place et les ormeaux sont bien gardés.

4.
Ce jour-là, des châteaux ont poussé comme après la pluie les champignons, des forteresses de sable laissées par des enfants. Mes yeux ne savent plus où donner de la tête, ils cabriolent aux quatre coins, ils vont de tourelle en donjon, de rempart en pont-levis.
Ces édifices abandonnés, incomplets, érodés par les pas et les vagues sont l’occasion de m’inventer des histoires, des voyages dans une lointaine Espagne. Je suis tour à tour conquistador, écuyer, serf ou seigneur.
Mes préférés, ceux ornés par mer nature, surtout ceux parés de coquillages. Il y en a de toutes les formes, de toutes les couleurs, j’aime cette attention apportée aux détails. J’imagine le temps passé à ramasser ces coquilles perdues, bouts de bois flotté, plumes délavées. Ce soin un peu vain, un peu fou pour une éphémère construction. Le fantôme du Facteur Cheval planait au-dessus de chacun de ces palais de passage.
À pas feutrés, soulevant la pointe des pieds, j’ose m’approcher. Je les effleure doucement, je glisse une main en haut des ponts jusqu’au sommet des tours, j’en faufile une autre sous les tunnels, touche les courbes de sable, le sens devenir de plus en plus humide, de plus en plus épais. Entre mes doigts menus ruissellent les grains de plusieurs existences, de siècles de vie.

Ce jour-là, je décide de rapporter un petit coquillage, en souvenir de ce doux moment de rêverie. Je le glisse, discrètement, au fond de ma poche, sans que maman regarde. Surtout ne pas se faire remarquer. Je sais qu’il ne faut pas lui demander, elle dirait non. Elle n’aime pas l’inutile (notion toute relative).
Minuscule, anodin, cet acte va en entraîner tant d’autres, mon effet papillon. Si nous savions, si nous avions le pouvoir de savoir qu’un geste dérisoire répercuterait son écho sur l’ensemble de notre sablier, le ferions-nous ? On se focalise toujours sur les grandes décisions. Finalement, ce sont les petites, irréfléchies, qui bouleversent nos vies. »

Extraits
« Je suis submergé d’informations : les coquillages, les plumes d’oiseaux, les bois flottés. Ma tête commence à être aussi envahie que ma chambre. À force de tout mémoriser, je me demande si mon cerveau n’est pas allé se réfugier dans mon cœur.
Je sens qu’il faut gagner en efficacité. Certes, mes connaissances sont déjà précises mais je dois approfondir plus encore, aller plus loin dans les détails. Il me faut un carnet. Un petit carnet que je pourrais glisser dans ma poche afin de consigner la date, l’heure, le lieu, le contenu des trouvailles.
Mercredi 25 / 8 h 30 | plage des estrans | 8 plumes | 3 bois flottés.
Très vite, j’y ajoute la couleur, la couleur du ciel et de la mer. Il serait une erreur de penser qu’elle est toujours la même. » p. 44

« Je me suis construit sur un vide, mes fondations sont creuses, suspendues dans un néant. Nous ne sommes pas seulement notre mémoire, nous sommes aussi nos oublis, les trous de notre mémoire, nos absences, nos comblements, la fiction de ces comblements.
La vérité, avons-nous envie d’elle, besoin d’elle. Je ne crois pas. Il n’y a qu’une vérité, celle que l’on s’invente, chaque jour. » p. 114-115

« Lucien aura peut-être envie de savoir. Il ne vous interroge pas verbalement, mais il se demande, ou se demandera, qui il est. On ne naît pas nu, on hérite d’une mémoire souterraine, on s’emmaillote d’une mythologie. » p. 165

À propos de l’auteur
PAUL_LE_GARREC_Lena_©Philippe-MatsasLéna Paul-Le Garrec © Photo Philippe Matsas

Léna Paul-Le Garrec vit à Nantes et se consacre à l’enseignement. Lulu est son premier roman. (Source: Éditions Buchet Chastel)

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