Une maman parfaite

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  RL_2024

En deux mots
Anne et Matthias n’arrivent pas à avoir d’enfant. Ils vont alors avoir recours à la PMA pour conjurer le sort. Finalement, l’enfant paraît. Mais le combat du jeune couple n’en est pas terminé pour autant.

Ma note
★★★ (bien aimé)

Ma chronique

Lorsque l’enfant paraît (après un long parcours)

Marie-Fleur Albecker raconte dans son nouveau roman le combat d’un couple trentenaire pour avoir un enfant. L’occasion d’explorer les notions de famille, de procréation médicalement assistée, de maternité et de période post-partum avec acuité et humour. Une chronique douce-amère loin des clichés et des injonctions.

«C’est un roc! … c’est un pic! … c’est un cap! Que dis-je, c’est un cap? … C’est une péninsule!» Prenons la fameuse tirade du nez dans le Cyrano d’Edmond Rostand pour résumer ce roman bien envoyé qui retrace le combat d’un couple trentenaire pour avoir un enfant et le parcours d’une mère aujourd’hui.
Après s’être mise d’accord avec son compagnon pour fonder une famille, Anne va très vite se heurter à un roc. Car dans ce domaine, il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. Toutes les tentatives menées pour tomber enceinte vont connaître l’échec. Les conseils des amis, les injonctions de la société, les modes d’emploi du milieu médical ne font qu’augmenter la pression au sein de couple.
Qui va devoir s’attaquer à un pic, la procréation médicalement assistée. Il n’est alors plus question d’amour mais de technique, de calculs de probabilité, d’examens répétés. Une épreuve qui demande beaucoup d’abnégation et une farouche volonté. Après des mois, Matthias est sur le point de jeter l’éponge. Lui qui normalement devrait «tirer un coup puis masser les pieds de sa meuf en lui achetant des fraises un soir si elle a une envie soudaine». Mais aujourd’hui il doit «déposer sa semence dans l’urne sacrée, l’éprouvette du Saint Docteur, et regarder Anne se torturer de toutes les manières possibles parce que «ça ne prend pas», se piquer, ne plus dormir, attendre, courir, écarter les jambes, prise de sang, recommencer, et attendre, attendre, la déception, et recommencer.»
Finalement, après un premier faux espoir, Camille tombe enceinte. Commence alors une nouvelle période de doutes et les mille questions qui accompagnent ces neuf mois tout sauf paisibles.
Mais le couple finit par atteindre son cap: la maternité. Une étape qui a beau être préparée, disséquée, analysée, elle va très vite se heurter à une évidence: «Quand l’enfant est là, il bouscule tout par sa simple présence, si simple et si intimidante.»
Il faut maintenant aborder la péninsule. Une péninsule baptisée post-partum et qui, elle aussi, est tout sauf simple à gérer.
«J’étais devenue celle que j’aurais un peu méprisée avant: une femme qui donne tout aux autres, dépossédée de son corps, et qui s’en fout. Qui veut seulement que ça s’arrête, que tout disparaisse, revenir avant. Une femme étoile de mer, posée sur le fond des mers, incapable de nager, enterrée dans le sable. Qui a trahi ce qu’elle était.»
Avec son style corrosif, Marie-Fleur Albecker n’hésite pas à bousculer les idées reçues sur la famille et la maternité, à s’éloigner des clichés et des injonctions pour dire qu’en cette affaire rien n’est simple, que très – trop – souvent, on minimise l’affaire et on ne veut pas voir la réalité dans toute sa violence. Oui, la PMA est un tue-l’amour, oui l’accouchement se fait dans la douleur, oui l’arrivée d’un enfant aliène votre liberté et oui, on ne revient pas à une vie normale après avoir eu un enfant.
En refermant Une maman parfaite, on pense à Toucher la terre ferme de Julia Kerninon qui raconte aussi le choc qu’aura été pour elle la maternité et cette dichotomie entre la femme d’avant et la femme d’après ou encore à Toutes les femmes sauf une de Maria Pourchet, la confession d’une mère qui vient d’accoucher à sa fille. Trois regards de femmes qui disent toute la complexité d’une problématique et qui en révèlent toutes les nuances là où le manichéisme et bien fréquemment de mise. Éclairant, sinon salutaire!

Une maman parfaite
Marie-Fleur Albecker
Éditions Aux Forges de Vulcain
Roman
000 p., 20 €
EAN 9782373057591
Paru le 19/01/2024

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Anna est féministe et engagée. Anna veut un enfant à tout prix. Elle conçoit son expérience de la maternité comme un projet de couple, comme une nécessité personnelle, tout en soutenant le droit à l’avortement et les parents seuls. Pourtant, Mathias ne se sent pas prêt. Elle a trente-et-un ans, et les gens de son entourage (ses amies, sa mère, son gynéco, les amies des amies de sa grand-mère) lui rappellent en permanence que l’horloge tourne.
Mais le processus s’avère plus compliqué que prévu, et l’écart entre espoirs et réalité force Anna à remettre en question toutes ses idées préconçues sur la maternité. Un roman politique, contemporain, ironique et perspicace, sur les vicissitudes de la grossesse, sur le choix conscient d’avoir, ou pas, des enfants.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Blog Les Mafieuses

Les premières pages du livre
La maternité.
Pourquoi n’en entend-nous pas parler?
Ou plutôt, pourquoi n’entendons-nous à ce sujet que les avis non sollicités sur nos vies intimes?
« Elle a 35 ans, toujours pas d’enfant, c’est: bizarre – contre-nature – elle doit avoir un problème » (rayez la mention inutile)
Tout le monde a un avis sur ce que les femmes devraient avoir dans le tiroir, mais
il doit rester fermé, le tiroir.
Y a pas de pourquoi qui tienne. Une femme, c’est fait pour être mère.
Et pourtant, de cette gageure, on ne sait rien, ou si peu.
(Saviez-vous que ça se prononce «gajure»?)
La maternité c’est comme ça, ça s’écrit comme ça se prononce. Et pourtant, un putain d’iceberg, pardonnez ma vulgarité.
Un joli glaçon émergé, et en-dessous, tout ce qui a été pensé, ressenti, connu,
mais crié à voix basse, dit mais pas écrit, peut-être, par la mère, si la fille est chanceuse,
mais quelle mère peut dire à sa fille: ça a été si difficile ?
ou sinon, murmuré d’une amie à une autre.
Mais ce n’est pas si simple, car il y a celles pour qui c’est facile, comme une respiration, comme une gorgée d’eau.
Mais qui pour mander cette chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus commune, la plus terrible, la plus solitaire, la plus aliénante, la plus naturelle, la plus simple, la plus complexe, la plus exigeante ; enfin une chose dont on trouve des milliards d’exemples dans les siècles passés, et que pourtant l’on tait.
Nous avons jeté notre langue aux chiens.
L’amour, le couple, nous l’avons lu, vu, discuté, décortiqué jusqu’à la nausée.
Mais la maternité ?
Faudra vous débrouiller toute seule, oui, ma bonne dame.

Prélude
Maman mais pourquoi?

Hélène (c’est la mère de l’héroïne)
Vous allez rire, mais je ne me suis jamais posé la question.
Parce que c’est la vie non ? La joie ?
Parce qu’on voulait créer de la joie, voilà.
Tout simplement.

Louise (c’est la meilleure amie de l’héroïne)
Alors, cette question !
Parce que c’est comme ça, quoi. Anne va encore dire que je suis hyper conformiste, mais bon voilà, c’est comme ça, voilà.
Parce que les gens ont des enfants.
Parce qu’il faut continuer la famille. La lignée.
Parce que ma gynéco m’a dit qu’à partir de trente ans, il fallait y penser.
Parce que les femmes sont faites pour porter la vie. Je sais, Anne va encore râler que je suis de droite, mais c’est vrai, quoi, on a un utérus, c’est pour quoi faire sinon? C’est pas pareil que l’appendice quand même.
En fait, au début je me suis pas trop posé la question, et finalement, quand j’ai perdu le premier, j’ai su que j’en voulais un. Et je me suis débrouillée pour en avoir un. Il me le fallait.
Je peux vous faire une liste!
J’ai voulu un enfant parce que:
– on me dit que j’ai l’âge;
– j’ai fait tout ce qu’il fallait pour ça;
– être une femme c’est être une mère;
– Karim n’a pas le droit de gagner sur ce coup-là (Karim, c’est mon ex);
– ça sera un enfant très beau, puisque Karim et moi sommes très beaux;
– ça donnera un sens à ma vie;
– mon Corps n’aura pas le dernier mot;
– mon corps en est capable;
– je suis seule, tellement seule;
– c’est l’ordre des choses.
Et peut-être ne sont-ce que des mauvaises raisons: mais, après tout, y en a-t-il de bonnes ? J’obtiens ce que je veux, maintenant. Je suis Maman.

Anne (c’est elle l’héroïne)
Bien. D’abord, si je peux me permettre, j’aimerais qu’on dise «mère», pas «maman». C’est très aliénant, maman, c’est infantilisant. D’ailleurs, pour être inclusif, il vaudrait mieux dire « parent mais pourquoi?» Enfin bref. Je vous le dis, voilà.
Justement, nous, c’est notre projet, à deux. Notre enfant, c’est un projet de couple. Enfin, pour moi… je veux pas dire… pour d’autres, chacune fait comme elle a envie!
Mais quand même c’est vrai que pour moi c’est une envie depuis, je ne sais pas, je ne peux pas dire « viscérale » parce que je ne crois pas trop à tout ça, je sais bien que c’est un construit social, mais j’ai toujours SU que je voulais être mère. Donc, c’est comme Ça. Enfin c’est sûr qu’avec le bon père, c’est là que ça devient concret. Je sais que Matthias sera un bon père, voilà, je l’aurais pas fait avec n’importe qui.
Mais c’est. ma vie ne sera pas complète sans ça. Je sais que c’est con, est-ce que c’est vraiment féministe ? Mais c’est comme ça. On dit beaucoup de choses sur le désir d’enfant, que l’enfant n’est pas un objet, qu’il faut « un papa et une maman ». C’est n’importe quoi. Moi, je comprends ça, vouloir un enfant à tout prix. Je ne sais même pas si c’est pour moi, pour lui, pour la société. Je crois que je l’aurais même fait toute seule, en fait. Je dois être un peu tarée, ou bien c’est la société qui l’est. Va savoir.

Gabrielle (c’est une autre amie de l’héroïne)
Pour rien au monde, et merci bien !
Non, je ne veux pas d’enfant. Non, je ne changerai pas d’avis. Non, je ne suis pas dégénérée. Non, je ne ressentirai pas l’horloge biologique. Non, ce n’est pas parce que je n’aime pas les enfants.
Pourquoi me forcez-vous sans cesse à dire non? Pourtant je ne suis pas quelqu’un qui dit non. Et, pour cette seule chose, je dois dire non, sans cesse, à tous, tout le temps.
Au vrai, si j’avais vraiment le choix, je ne serais pas contre avoir un enfant, mais comme un homme : juste pouvoir rentrer à la maison, jouer dix minutes au cheval, risette sur la joue, et c’est bon maintenant laissez-moi travailler. Comme un homme, surtout, sans aucune attente portée sur ma manière d’être mère, libre de rater, libre d’être mère par intermittence, libre d’abandonner, pourquoi pas, mon enfant. Libre enfin, d’être femme même sans enfant. D’un père qui abandonne son enfant, on dira qu’il a jeté sa gourme, au pire que c’est un irresponsable, mais il ne subira pas l’opprobre comme une femme. Qu’est-ce que j’en sais, moi, si je vais aimer mon enfant ? La «nature» a bon dos, mais je n’y crois pas du tout, moi, à la nature. L’horloge biologique, je l’attends de pied ferme. Parce qu’elle n’existe pas.
Pourquoi avons-nous obligation d’enfanter, je vous le demande ? Le monde n’a pas assez d’enfants malheureux ? Sommes-nous en voie d’extinction ? Parce que « c’est la nature », mais savez-vous, Je ne souhaite pas retourner vivre dans une grotte à manger du mammouth cru parce que « c’est la nature ». Mon bonheur ne passe pas par là, ne vous en déplaise, à vous tous.
Jusques à quand, enfin, cesserez-vous de me demander pourquoi ? Si seulement je n’étais pas une femme.

I Décider
Point info 1.
Je suis comme ça, moi, je cite mes sources, je diffuse l’information.
Je vous en prie, c’est gratuit, et puis vous en aurez pour votre argent. Ça vous reposera entre deux passages de bonnes femmes qui se plaignent.
On est comme ça, nous les bonnes femmes. Alors, commençons par nos âges.
« En 2015, en France, les femmes donnent naissance à leur premier enfant à 28,5 ans en moyenne, soit quatre ans et demi plus tard qu’en 1974. L’âge à la première maternité ne cesse d’augmenter depuis cette date. Sa hausse est toutefois moins rapide depuis une quinzaine d’années. (…)

En 2012, les femmes les moins diplômées ont leur premier enfant quatre ans plus tôt que les plus diplômées. » Source : Sabrina Volant, in Insee Première, n°1642, 27/03/2017.

Je vais vous parler de trentenaires diplômées. Pas forcément représentatives de grand choses, mais je les connais. Celles qu’on voit dans les séries quand qu’elles essaient de trouver un mec.
Et puis ensuite elles disparaissent. À ce qu’il paraît, ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants.

C’est Anne qui parle :
Ça a débuté comme ça. Et on ne savait pas, on ne savait vraiment pas, que notre voyage à nous, il ne serait pas imaginaire, qu’il allait nous traîner de déceptions en fatigues, de la vie à la mort. Mais ça, on ne le savait pas, parce que ça a l’air si simple.
C’est une chose que de vouloir un enfant, c’en est une autre d’en faire.
Je dis ça maintenant, évidemment sur le moment ce n’est pas comme ça que j’y pensais. Je pensais que ça viendrait sans problème, que ce serait simple. Je ne pensais même pas que j’étais si vieille que ça.

J’avais en tête mes copines pour qui c’est arrivé sous pilule, ou au bout d’un mois après l’avoir arrêtée, enfin bien sûr c’est pas la chose la plus naturelle du monde ? On n’a pas conquis, en tant que femmes, le droit de faire un enfant si on veut, quand on veut ? Bah bien sûr, je ne savais pas combien de nanas avaient fait des fausses couches, ça ne se dit pas, et puis c’est tellement, je ne sais pas. insultant, limitant, violent, de t’entendre dire, alors que potentiellement tu n’es même pas à la moitié de ta vie, que c’est là, maintenant, qu’il faut se dépêcher. La Nature. Je hais ces conneries. Qu’on se batte pour la préserver, bien sûr, mais qu’on ne me ramène pas à Ça. Je ne suis pas un rat de laboratoire. Enfin ça, c’est ce que je croyais.

D’abord il y a eu les études, chez moi ça a trainé avec la reconversion, je suis passée du contrôle de gestion à professeure des écoles, de la maxi tune et du néant de sens total à l’exact inverse. Et mon nouveau boulot était crevant, contrairement à ce qu’en pensent Jean-Michel et Mme Michu, et il a fallu attendre d’avoir un poste fixe pour que je puisse un peu me projeter… pareil pour les mecs, ça a pas mal défilé au début, et puis ensuite il y a eu Matthias. D’abord on a attendu parce qu’on voulait profiter, profiter de quoi on ne le savait pas encore, c’est après qu’on réalise, mais bref, profiter de la vie, de la Jeunesse, ce genre de conneries. On voyageait beaucoup, Matthias commençait à bien gagner sa vie, c’est pas avec mon salaire qu’on aurait pu découvrir le Japon, on sortait, on manifestait le premier mai, pas très original j’imagine.
Matthias voulait des enfants, mais « pas tout de suite ». Comme j’étais à peu près d’accord, on n’en parlait pas plus que ça, mais ça restait assez va tout de même. Ça ne me travaillait pas tant que ça pas plus qu’une inébranlable certitude en arrière-plan, mais le moment où j’ai plus voulu attendre c’est quand j’ai eu trente ans.
C’est là que se déclenche l’artillerie lourde : tout conspire. D’abord c’est ton gynéco qui, dès tes vingt-huit ans passés ne te cause plus que baisse de la réserve ovarienne, horloge biologique, etc. etc. et t’explique que si tu es en couple stable c’est le bon moment pour commencer. Ta grand-mère, voire la voisine de ta grand-mère, voire une vieille que tu ne connais même pas mais qui t’alpague à la boulangerie, qui en avait déjà trois au même âge, et qui glose à chaque réunion familiale sur le thème « Tu ne deviens pas plus jeune, ma petite, ah de mon temps on ne passait pas sa jeunesse à batifoler, ce n’est pas la vraie vie tout ça ».
Je sais, faut pas dire «vieux-vieille», faut dire «personnes âgées», mais quand iels agissent comme des vieux: illes con: nes, je vais pas me gêner non plus (des fois j’arrive à utiliser l’écriture inclusive, mais souvent j’oublie). De quel droit les gens se mêlent-ils de ma life, et surtout d’un truc aussi personnel ? Et encore heureux que j’en voulais, des gosses ! J’ose même pas imaginer quand on n’en veut pas ! Enfin bref.
Donc, à trente ans, tout, autour de toi, te murmure (ou te crie sans gêne) que tu dois procréer. C’est aussi les gens qui ont commencé à avoir des enfants autour de moi, et surtout Louise qui a décidé de s’y mettre. Forcément, c’est ma meilleure amie.

Extraits
« Combien de fois Matthias a voulu abandonner, il ne sait plus, souvent. Vouloir un enfant, dans ces conditions, c’est autre chose. Oui, c’est peut-être pas bien de penser comme ça, mais le rôle du mec, normalement, dans ce genre de situation, c’est de tirer un coup puis de masser les pieds de sa meuf en lui achetant des fraises un soir si elle a une envie soudaine, quoi. Là, on lui demandait de déposer sa semence dans l’urne sacrée, l’éprouvette du Saint Docteur, et de regarder Anne se torturer de toutes les manières possibles parce que «ça ne prend pas», se piquer, ne plus dormir, attendre, courir, écarter les jambes, prise de sang, recommencer, et attendre, attendre, la déception, et recommencer. » p. 70

« Et il y en a des pages et des pages, de belle théorie, elle a tout bien pris en note,
ces informations qu’on croit bien avoir en tête et qu’on oubliera pourtant dès que l’enfant sera là.
Quand l’enfant est là, il bouscule tout par sa simple présence, si simple et si intimidante.
Parce que dès lors c’est toi, sa mère, qui est responsable de sa survie.
Et tous ces points bien précis, bien énumérés, bien notés de ton écriture nette,
ils s’envoleront dans la bourrasque.
On te rappellera un peu les choses à la maternité, mais ce qui paraît si simple bien aligné sur le papier, ce n’est pas la même chose en réalité. » p. 102

« Et puis j’avais découvert une abomination hormonale enfin je ne sais pas trop, pourtant «tout à fait classique» disait ma mère : l’hypervigilance. La nuit, j’entendais le moindre petit bruit que faisait le bébé, même au bout du couloir avec la porte fermée, j’avais l’impression de ne plus jamais atteindre le sommeil profond et que même dans mon sommeil je devais être disponible au moindre besoin de l’enfant. Je me levais souvent pour vérifier qu’elle allait bien, qu’elle était encore vivante. Je rêvais que je ne dormais pas car j’écoutais le bruit de sa respiration. J’essayais vraiment de dormir en même temps que ses siestes, je me couchais dans mon lit et tout, mais non, même chose, mes pensées tournaient et retournaient autour de tout ce que devais faire, de ce que je faisais mal, et surtout, je me disais, je me souviens, je n’arrêtais pas de me dire: «il faut que je dorme, il faut que je dorme, que je dorme…» Mais rien.
Je me suis dit au début que c’était ça l’instinct maternel, que ça voulait dire que j’étais une mère comme les autres, même si j’avais l’impression de ne pas, de ne pas… percevoir le bébé comme j’aurais dû. » p. 164-165

« J’étais devenue celle que j’aurais un peu méprisée avant: une femme qui donne tout aux autres, dépossédée de son corps, et qui s’en fout. Qui veut seulement que ça s’arrête, que tout disparaisse, revenir avant. Une femme étoile de mer, posée sur le fond des mers, incapable de nager, enterrée dans le sable. Qui a trahi ce qu’elle était. » p. 197

« Je ne sais même pas comment j’ai fait pour tenir tout ce temps, un an ou presque, je ne saurais même pas le dater, aujourd’hui quand j’y pense c’est comme un brouillon figé de jours et de nuits, un temps indéfini et glacé interminable. Moi, le plus souvent, j’étais comme une poupée mécanique, et à l’intérieur, je m’étais recroquevillée dans une grotte, qui sait, peut-être dans un ventre, le mien, j’étais redevenue un fœtus, un être en devenir, et j’attendais pour ressortir, parce que je ne savais pas comment être moi et être mère. » p. 254

À propos de l’autrice
ALBECKER_marie-fleur_©Marie_ConstantinescoMarie-Fleur Albecker © Photo Marie Constantinesco

Marie-Fleur Albecker est née en 1981. Elle est docteur en urbanisme de l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, professeur d’histoire-géographie à Saint-Ouen et membre du CRIA (UMR Géographie-Cités). Ses thèmes de recherche portent principalement sur la reconversion des banlieues industrielles dans les villes globales (Paris et New York). Elle a publié trois romans : Et j’abattrai l’arrogance des tyrans (2018), Ni seuls, ni ensemble (2021) et Une maman parfaite (2024). (Source: Éditions Aux Forges de Vulcain / Urbanités)

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