Le tiers pays

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En deux mots
Angustias Romero a choisi de quitter son pays avec son mari et leurs deux enfants qui vont mourir durant cet exil. Pour leur offrir une sépulture décente, elle va demander l’aide de Visitación Salazar, qui a créé «Le tiers pays», un cimetière illégal. Et pour rester auprès des défunts, elle lui propose de l’assister. Sauf que leur initiative gêne la mafia locale.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Ce pays d’où on ne sort jamais

Après son superbe premier roman, La fille de l’Espagnole, la vénézuélienne Karina Sainz Borgo confirme tout son talent avec cette histoire d’exil, de violence et de pitié. Le tiers pays suit le parcours de deux femmes fortes qui ont choisi de vivre en compagnie des morts.

Quand l’épidémie a commencé à frapper les habitants du village, Angustias Romero a persuadé son mari Salveiro de quitter la Sierra orientale pour suivre la route des migrants vers l’occident. Pour ses enfants, il est déjà trop tard. À peine la frontière franchie, ils meurent et viennent remplir une morgue déjà surchargée. C’est alors qu’Angustias entend parler de Visitación Salazar, une femme qui s’est donné pour mission d’offrir une sépulture décente à tous ces cadavres qui s’entassent. Elle va trouver cette femme énergique et lui proposer de la seconder.
Derrière un panneau de bois avec cette inscription, Le tiers pays, elle a investi l’espace pour créer un cimetière illégal où elle enterre les cadavres sans sépulture, notant simplement dans le ciment frais leurs dates de naissance – quand elle est connue – et de décès. C’est là qu’Angustias va enterrer ses deux enfants et c’est là qu’elle entend rester, dans l’ombre de cette femme forte, sans doute l’une des seules à ne pas craindre Abundio, le Parrain local. Car elle est désormais seule, Salveiro lui ayant fait faux bond. «Mes enfants n’ont pas ressuscité et mon ventre est devenu sec comme de la vieille carne. Je me suis asséchée comme une liane et j’ai pris racine dans cette terre sableuse sous laquelle dormaient, bordés dans deux boîtes à chaussures, les seuls êtres que j’avais aimés.» Angustias devient alors Antigone.
Avec le minimum vital, Angustias va finir par imposer sa présence. Il faut dire que la tâche de Visitaciôn est immense. Dans cette région reculée, en proie à tous les trafics et où la corruption s’est imposée comme système politique, les cadavres s’accumulent. Et son initiative commence à déranger Abundio et ses sbires ainsi que ceux qu’on appelle les «irréguliers», des troupes armées qui séquestrent et tuent selon leur bon plaisir.
On sait depuis La fille de l’Espagnole combien Karina Sainz Borgo sait mettre en scène la violence et la douleur de l’exil, quand on se voit contraint de quitter un pays à la recherche d’un avenir meilleur. Mais aussi combien les femmes jouent le premier rôle. Angustias Romero et Visitación Salazar font mieux que résister. Elles prouvent aux forts en gueule combien ils sont faibles et lâches, comme le maire de Mezquite, Aurelio Ortiz, ou l’accordéoniste Jairo Domínguez, tous deux inféodés à Abundio.
On sait aussi combien l’écriture de la Vénézuélienne vivant aujourd’hui en Espagne est chatoyante, émotionnelle et poétique, faisant la part belle aux allégories et se rapprochant ainsi de glorieux prédécesseurs comme Borges et Cortázar.
Ce qui rend sa dénonciation sociale d’autant plus forte, elle qui aime à rappeler que l’Europe, où elle a trouvé refuge, a aussi connu des vagues d’émigration, pour fuir les famines ou le nazisme. Qu’on ne quitte pas son pays avec deux enfants sur le dos par plaisir et que face à une question aussi sensible, c’est la froideur et l’indifférence qui dominent, là où un peu de pitié et de compassion seraient un minimum.

Le tiers pays
Karina Sainz Borgo
Éditions Gallimard
Roman
Traduit de l’espagnol (Venezuela) par Stéphanie Decante
300 p., 23 €
EAN 9782072958632
Paru le 17/08/2023

Où?
Le roman est situé en Amérique latine dans un lieu imaginaire. Mais il pourrait s’agir d’une ville près de Cúcuta en Colombie ou, peut-être, du kilomètre 88 dans l’État de Bolívar au Venezuela.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Visitación Salazar est l’extravagante, gigantesque et mythique fondatrice d’un cimetière illégal aux confins de la sierra orientale et de la sierra occidentale, quelque part en Amérique latine. Il est appelé le Tiers Pays et c’est là que veut absolument se rendre une jeune migrante, Angustias Romero. Après avoir traversé clandestinement le désert et la frontière avec sa famille, cette ancienne coiffeuse, qui a tout laissé derrière elle, se retrouve seule, épuisée, complètement perdue. Elle n’a plus qu’un but : donner une digne sépulture aux siens. Or, le cacique local, les passeurs, les guérilleros, les narcotrafiquants et les militaires voudraient faire disparaître le Tiers Pays et récupérer le contrôle d’une région où tous les trafics sont possibles. Mais c’est compter sans le courage de Visitación et d’Angustias — nos deux Antigone modernes —, qui vont s’allier pour affronter, par tous les moyens, cet univers masculin de domination, de violence et de corruption.
Après le succès de La fille de l’Espagnole, Karina Sainz Borgo signe ici un deuxième roman remarquable. Inspiré de faits réels, Le Tiers Pays offre une narration qui évolue au fur et à mesure que l’intrigue se développe et mélange brillamment les genres du témoignage, du thriller, du western et de la tragédie antique, avec un hommage à peine voilé à Faulkner et à Rulfo.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com


Karina Sainz Borgo présente son roman «Le tiers pays» © Production Gallimard

Les premières pages du livre
« Je suis arrivée à Mezquite à force de chercher Visitación Salazar, la femme qui a donné une sépulture à mes enfants et m’a appris à enterrer ceux des autres. J’avais marché jusqu’au bout du monde, ou plutôt là où j’avais pu croire un temps que le mien était parvenu à son terme. Je l’ai trouvée un matin de mai au pied d’une colonne de niches funéraires. Elle portait un legging rouge, des bottes de chantier et un foulard bariolé noué derrière la tête. Une couronne de guêpes tournoyait autour d’elle. Elle ressemblait à une Vierge noire qui aurait atterri dans une décharge.
Dans ce terrain vague calciné, Visitación Salazar était le seul être encore en vie. Sa bouche aux lèvres brunes cachait des dents blanches et carrées. C’était une belle femme noire, plantureuse et pulpeuse. De ses bras, épais à force d’enduire les tombes à la chaux, pendaient des pans de peau qui luisaient au soleil. Plus que de chair et d’os, elle semblait faite d’huile et de jais.
Le sable souillait la lumière et le vent perforait les oreilles ; un gémissement qui jaillissait des crevasses ouvertes sous nos pieds. Plus qu’une simple brise, c’était un avertissement, une tolvanera : un tourbillon de poussière dense et impénétrable, comme la folie ou la douleur. La fin du monde ressemblait à ça : un tas de cendres formé par les os que nous semions sur notre passage.
À l’entrée de Las Tolvaneras pendait une pancarte peinte à la brosse: LE TIERS PAYS, un cimetière de non-droit où se retrouvaient les morts que Visitación Salazar enterrait en échange d’une aumône, et parfois même pas. Presque tous ceux qui gisaient là étaient nés et morts à la même date. Sur leurs tombes misérables, des gribouillis étaient gravés dans le ciment frais : l’écriture accidentée de ceux qui ne reposeront jamais en paix.
Visitación ne s’est même pas retournée pour nous regarder. Elle était au téléphone. De la main gauche elle tenait l’appareil ; de l’autre, des fleurs en plastique qu’elle a enfoncées dans le mortier fraîchement mélangé.
— Oui, ma belle, je t’écoute.
— Angustias, tu es sûre que cette femme va nous recevoir ? a demandé Salveiro.
J’ai hoché la tête.
— Je t’écoute, ma petite mère ! a-t-elle continué, débonnaire. Mais puisque je te dis qu’on n’en trouve plus, des cercueils ! Ooooh ! Il n’y a plus de réseauuuuu ! a-t-elle poursuivi, tragi-comique.
— Cette bonne femme est un moulin à paroles…, a ronchonné Salveiro.
— Mais tais-toi, Salveiro !
— Dis à ce type qu’il attende un peu ! a crié la femme en s’adressant enfin à nous. Les morts savent être patients ! Ils ne sont pas pressés, eux !
Une nouvelle rafale de vent nous a brûlé la peau. La terre de Mezquite ressemblait à une plaque en fonte jonchée de chardons et de larmes, un endroit où nul n’avait besoin de se mettre à genoux pour faire pénitence. Celle qui nous avait conduits jusque-là était largement suffisante.
Le Tiers Pays ressemblait à cela: une frontière à l’intérieur d’une autre où se rejoignaient la sierra orientale et la sierra occidentale, le bien et le mal, la légende et la réalité, les vivants et les morts.

L’épidémie et la pluie se sont abattues en même temps, comme les mauvais présages. Les criquets ont arrêté de chanter et une tumeur de poussière s’est formée dans le ciel, avant de se décharger en gouttes d’eau marron. À la différence des maux que nous avions déjà subis, celui-ci a pulvérisé nos souvenirs et nos désirs.
Le virus attaquait la mémoire, semait en elle la confusion, avant de la grignoter. Il se propageait à toute vitesse et plus le malade était âgé, pire c’était. Les vieillards tombaient comme des mouches. Leurs corps ne résistaient pas à l’assaut des premières fièvres. Au début, on a dit qu’il était transmis par l’eau, puis par les oiseaux, mais personne n’était capable d’expliquer cette épidémie d’amnésie qui nous a tous transformés en fantômes et a rempli le ciel de vautours. Le virus nous a abrutis avant de nous couvrir de peur et d’oubli. Nous marchions sans but, perdus dans un monde de fièvre et de glace.
Les hommes sortaient dans la rue et attendaient. Quoi? Je n’ai jamais pu le savoir.
Nous les femmes, nous nous activions pour tromper le désespoir : ramassant de quoi manger, ouvrant et fermant les fenêtres, grimpant sur les toits et balayant les cours. Nous accouchions en poussant et en criant, telles des folles à qui personne ne donnait rien, pas même un peu d’eau. La vie s’est concentrée en nous, dans ce que jusqu’alors nous avions été capables de retenir ou d’expulser. Mon mari aussi a attrapé le virus, mais j’ai mis du temps à m’en rendre compte. J’ai confondu les premiers symptômes avec son caractère. Salveiro parlait peu, il était réservé et n’avait aucune curiosité pour rien, au-delà de son petit monde. Lorsque je l’ai connu, il travaillait dans le garage familial et passait son temps à desserrer des boulons avec une clef en croix ou, couché à côté d’un cric hydraulique, à réparer une panne sous les tripes d’un camion détraqué. Je passais tous les jours devant le local noirci sans y prêter attention. Si je suis entrée un jour, c’est parce que j’avais besoin de graisse à moteur pour dégripper les serrures de la maison : un bidon de Trois en Un, quelque chose qui permette de lubrifier les ferrures, mais Salveiro m’a proposé de venir y jeter un œil.
— Ce ne sont pas les serrures. C’est le bois. Il est rongé par les termites, c’est pour ça que les portes ne ferment pas ; tu vois ça ? – Il m’a montré une fine poussière de sciure et de copeaux.
Il est revenu la même semaine pour examiner le toit et le reste de la maison. Il l’a inspectée de fond en comble : la poutre pleine de moucherons, les pieds de la table mal coupés ou la chaise mal sciée. Il allait et venait, une lime à la main. Il ponçait ici et donnait des coups de marteau là. Tout ce qu’il touchait cessait de grincer ou de crisser, comme s’il réparait les choses d’un simple regard.
— Angustias, qui c’est celui-là ?
— Le fils du garagiste, papa. Il est venu réparer les traverses et les cadres des fenêtres.
Après chaque visite, nous lui offrions une bière pour le remercier. Il s’asseyait sous le tamarin et se laissait interroger.
— Pourquoi vous ne laissez pas tomber la mécanique pour vous consacrer à ça ? Vous êtes doué, insistait mon père, mais Salveiro buvait sans répondre. Angustias a fait des études de coiffure. Lancez-vous : avec un diplôme de menuisier en main, vous pourriez monter votre propre atelier d’ébénisterie.
— Je viens d’ouvrir un salon de coiffure, l’ai-je interrompu pour me faire remarquer. Il est à deux rues d’ici. Tu veux passer te faire couper les cheveux ? Comme ça, je t’expliquerai les démarches pour s’inscrire aux cours.
Il s’est présenté le lendemain. Il portait un pantalon propre et une chemise bien repassée. Sa peau satinée et parfumée n’avait rien à voir avec ces bras toujours crasseux d’huile et de graisse. Après lui avoir frotté les cheveux avec du shampooing et de la crème, je l’ai conduit vers le fauteuil, j’ai couvert ses épaules d’une cape et je lui ai coupé les cheveux avec mes meilleurs ciseaux. Les mèches tombaient, encore humides.
Salveiro n’a pas suivi de formation de menuisier, mais il a continué à venir à la maison trois fois par semaine pour apporter une bricole ou arranger un détail.
— Angustias, ma fille, cet homme est un lourdaud, mais bon, s’il est à ton goût…, m’avait dit mon père à l’oreille avant de faire un sourire pour la seule photo que nous avions prise, devant les portes de la mairie où nous nous sommes mariés.
Mon mari était un homme honnête. Il était doué pour la bagatelle. Il savait me caresser avec la même patience que quand il sciait du bois. Il ne parlait pas, mais ça m’était égal. Et c’était bien là le problème : je n’ai même pas imaginé que ses silences avaient un rapport avec l’indolence qui envahissait les rues ; une nuée d’ennui qui a fini par ensevelir la ville.

Le jour de mon baptême, ma mère a choisi Angustias. Plus qu’un prénom, c’était un coup de griffe. Pour elle, le monde avait toujours existé dans le silence. C’est pour ça que quand quelqu’un m’appelle : « Angustias ! »…, je ne peux m’empêcher de penser à son destin de femme sans voix. Je suis à l’image de sa surdité et de son naufrage. Je suis endurante. Je suis faite pour supporter le malheur. Je parle sa langue.
Jusqu’à ce que naissent Higinio et Salustio je n’avais jamais songé à quitter la ville, mais les choses ont mal tourné. Les enfants étaient venus au monde prématurés et fragiles du cœur. À eux deux, ils ne pesaient pas deux kilos sur la balance de l’hôpital. Leurs petites mains ridées remuaient à peine. Leurs ongles étaient violacés et leurs yeux plissés. La vie n’allait interrompre qu’un instant leur chemin vers la mort.
Trois mois durant, j’ai attendu devant une couveuse, redoutant le pire. Bien que personne n’ait pu garantir que leur cœur allait résister, les médecins ont décidé de les opérer. Ils ont survécu, tandis que la ville continuait de s’effondrer sous la pluie terreuse qui tapissait les trottoirs. Je ne voulais pas que mes enfants grandissent dans cette vallée fantôme que tout le monde fuyait.
— On s’en va !
Salveiro m’a regardée, piqué par la vipère de l’aboulie, et il a continué de trifouiller les pièces d’un mixeur cassé.
— Je veux m’en aller, ai-je insisté.
— Tu crois que c’est si facile ? – Il a posé le tournevis –. Préparer un voyage, ça prend du temps…
— Tu peux rester si tu veux. Moi, je pars.
On a vendu nos meubles, nos draps, nos outils, ainsi que les miroirs, les fauteuils et les sèche-cheveux du salon de coiffure. Je n’ai gardé qu’une paire de petits ciseaux, que j’ai glissée dans ma poche et que je conserve encore aujourd’hui. Avec l’argent, nous avons pu payer une partie du billet de bus.

Nous avons quitté la capitale avec les enfants sur le dos et nous avons entrepris un voyage de plus de huit cents kilomètres ; la moitié en bus et l’autre à pied. Nous sommes arrivés à destination après avoir traversé huit départements de la sierra orientale, en plus des trois qui nous séparaient de Mezquite, un village de la frontière qui porte le nom d’un arbuste utilisé pour faire du charbon de bois.
Nous n’avions que quelques pièces, trois mandarines et un sac à dos avec une tenue de rechange, deux biberons et des sachets de lait en poudre que nous préparions dans les ruisseaux. Sur la départementale, une route qui traverse la cordillère centrale, avançait la colonne de migrants que nous formions. C’était comme ça qu’on nous appelait, nous qui fuyions l’épidémie.
Nous nous installions comme nous pouvions pour nous reposer et nous profitions du moindre ravin pour nous laver et cuisiner. Avant de reprendre la marche, je relevais mes cheveux pour ne pas gêner les enfants avec le frottement de mes mèches. J’avais fait le serment de ne pas les couper avant d’atteindre notre destination, quelle qu’elle soit. Salveiro marchait derrière moi, chassant les moustiques de ses mains et ramassant des bouts de bois qu’il mettait dans ses poches. Jour après jour, je sentais que je le laissais un peu plus loin derrière moi. J’étais persuadée que si je me retournais, j’allais le trouver écroulé sur le bord de la route, tel un arbre rongé par les termites. La nuit, je me suis souvent imaginée, me réveillant au milieu de nulle part, toute seule avec mes deux enfants. Je rêvais que je marchais à quatre pattes, transformée en lionne capable de humer dans le vent l’endroit où fuient les gazelles.
Les tentes dressées par les militaires à la frontière se distinguaient de très loin. La cohue de migrants qui affluaient en quête de nourriture et de médicaments pouvait se voir à des kilomètres. Ceux qui avaient encore de l’argent pouvaient partir en bus, les autres faisaient le chemin à pied, portant sur leur dos tout ce qu’ils pouvaient transporter. Des réfrigérateurs, des lampes et des casseroles gisaient, abandonnés sur le bord de la route, jusqu’à ce que quelqu’un les récupère pour les échanger contre de la nourriture.
Lorsque nous sommes arrivés au premier poste de contrôle avant le pont, un soldat nous a arrêtés pour inspecter nos papiers. Il était jeune et mince, et sa tête mal rasée était couverte par ces plaques que laissent ceux qui ne savent pas se servir d’un sabot.
— Où allez-vous ? – Il s’est d’abord adressé à Salveiro.
— À la sierra orientale… – Mon mari semblait encore plus absent que d’habitude.
— Nous sommes en pleine sierra orientale, citoyen.
— Il a voulu dire occidentale, l’ai-je interrompu. Nous avons de la famille là-bas. Nous voulons leur présenter nos enfants.
Le sergent m’a regardée, sceptique. Je lui ai donné ma carte d’identité et Salveiro la sienne. J’ai aussi montré les actes de naissance, mais il les a à peine lus. Toute son attention était concentrée sur les jumeaux. Il les observait avec curiosité. Tout d’abord Salustio, qui était dans les bras de mon mari, et ensuite Higinio, qui dormait, la tête posée sur mon épaule.
Il m’a demandé leur âge. Je lui ai expliqué qu’ils étaient nés avant terme et que c’était pour ça qu’ils avaient l’air plus petits. Il a hoché la tête et a regardé les papiers une dernière fois. Sa femme venait d’accoucher d’une petite fille, également prématurée, a-t-il expliqué tandis qu’il consignait nos noms dans un carnet.
— Comment s’appelle-t-elle ? ai-je demandé.
— Qui ?
— Votre fille…
— Elle n’a pas encore de prénom.
Il est entré dans la cahute et en est ressorti avec un sauf-conduit pour traverser la frontière.
— Que Dieu soit avec vous. – Et il nous a tendu le papier.
C’est ainsi que nous sommes repartis, Salveiro, les enfants et moi. Et Dieu n’a jamais daigné nous tenir compagnie.

Mes enfants sont morts à Sangre de Cristo, le premier hameau que l’on rencontre après avoir traversé la sierra orientale. Ils ont quitté ce monde dans le même ordre que celui dans lequel ils étaient arrivés. Higinio, d’abord, et Salustio, ensuite. Je les ai emmenés dans trois hôpitaux différents, espérant un miracle, mais personne n’a rien pu faire pour eux.
Nous les avons enveloppés dans des linges et nous les avons transportés comme ça avant de trouver des boîtes. Ils étaient si petits qu’ils auraient pu tenir tous les deux dans une seule, mais nous ne pouvions tout de même pas les tasser comme des chaussures. Salveiro a voulu les laisser à la morgue en attendant que nous puissions trouver un peu d’argent pour les enterrer, mais je m’y suis opposée. Ils étaient morts, mais c’étaient mes enfants, et je n’allais pas les laisser entassés dans un réfrigérateur rempli de cadavres anonymes. À la morgue, je suis tombée sur une note scotchée sur la porte rouillée d’une chambre froide : « Vingt-cinq fœtus, à inhumer par sacs de sept. » Elle était écrite au marqueur noir.
J’ai emmené mes enfants jusqu’ici pour la même raison que celle pour laquelle je suis partie en les portant sur mon dos. J’ai cru que je pouvais les sauver de la maladie et de l’oubli, même si, au lieu de les éloigner de la mort, je n’ai fait que les escorter jusqu’à elle. La nuit, quand les chemins se peuplaient de voleurs et de crapules, nous cherchions une place dans un de ces foyers qui avaient commencé à fleurir de toutes parts. On n’y était pas toujours en sécurité, mais au moins on pouvait y reprendre des forces.
Dans ces baraquements faits de piles de briques d’aération couvertes de tôle ondulée, les femmes et les enfants s’entassaient, rendus fébriles par la faim. Il y avait aussi des vieillards hébétés, abandonnés par leur famille juste avant la frontière, et des enfants dont les parents avaient disparu en route. Les orphelins qui ne mouraient pas devenaient des délinquants à la petite semaine ou rendaient des services aux familles en échange d’un pourboire. C’étaient des âmes incomplètes, des passagers entre un monde et l’autre.
Une infime partie de ceux qui entreprenaient la traversée savaient à quoi ils s’exposaient. Ils marchaient pendant des heures, n’ayant que de pauvres couvertures pour se protéger du froid. Quand la nuit tombait, et s’ils avaient la chance de trouver une place dans un foyer, ils s’effondraient sur des paillasses et de maigres matelas, affamés et transis par le froid du désert, qui à cette époque de l’année rudoyait la frontière, sans pitié.
Dans une rue de la dernière ville de la sierra orientale, une femme de mon âge chantait, une petite fille de huit ou neuf mois dans les bras. Parfois quelqu’un passait et jetait quelques pièces dans le panier en osier posé à ses pieds. Le bébé s’agitait, sur le point de pleurer. Alors la mère cessait de chanter, lui mordillait les doigts et sifflotait pour qu’il se rendorme. Je n’avais pas de pièces à lui donner, ni d’enfants à protéger. Les miens dormaient d’un sommeil profond et irrévocable dans des boîtes à chaussures.
Au refuge, je les ai cachés sous la couverture, et une méchante femme a essayé de me les voler. Je me suis jetée sur elle et je l’ai prise par les cheveux : c’était tout ce que j’avais réussi à attraper dans la pénombre. Elle s’est débattue, avant de s’enfuir avec une des deux boîtes. Lorsque le couvercle en carton est tombé par terre, elle a sursauté, épouvantée. Ses yeux, enfoncés dans des orbites violacées, luisaient de désespoir : elle cherchait quelque chose à revendre, une paire de chaussures peut-être, mais elle n’a trouvé qu’un enfant mort.
Quand j’ai récupéré la boîte, j’ai constaté qu’elle avait volé l’argent qui nous restait et le sauf-conduit pour traverser le pont. Debout, face à la porte ouverte, je l’ai vue s’éloigner dans la rue. J’avais encore une de ses mèches dans la main.

À trente kilomètres de Sangre de Cristo se trouvait le plus grand marché noir de la frontière : Cucaña, un piteux pays de cocagne où les mères, grands-mères et filles venaient vendre leurs cheveux. Elles arrivaient, leur chevelure ramassée en un chignon, et repartaient tondues, serrant quelques billets : à peine de quoi acheter trois paquets de riz.
Le salon de coiffure le plus fréquenté s’appelait Los Guerreros, un endroit miteux où travaillaient des dizaines d’employées préposées à la tonte. Dehors, une cinquantaine ou soixantaine de personnes attendaient leur tour comme on va à l’abattoir. Los Guerreros n’était en fait qu’une baraque qui n’avait même pas de bacs à shampooing et se réduisait à une rangée de chaises en plastique.
— Pour les tiens on te donne soixante, mais pour ceux de ta mère, beaucoup moins.
— Combien ?
— Vingt. Ce sont des cheveux de vieille, ils sont ternes, on dirait de la bourre, ça ne vaut rien.
— Soixante, c’est tout ? Mais mes cheveux sont très longs, a-t-elle protesté.
— C’est le prix du jour. Si ça ne te plaît pas, va voir en face, a tranché l’employée. Personne suivante !
Je me suis approchée pour mieux écouter, et toutes les femmes qui faisaient la queue se sont retournées pour regarder ma tresse, qui à l’époque m’arrivait jusqu’à la taille.
— Une tignasse comme la sienne, a-t-elle dit en pointant ses ciseaux vers moi, ça vaut un peu plus.
— Combien ? ai-je demandé.
— Quatre-vingts.
J’ai rejoint la file d’attente au milieu des marmonnements. Les femmes m’observaient comme si je portais un diadème en or. J’ai craint qu’elles ne m’arrachent les cheveux pour récupérer l’argent qu’on m’en donnerait. Mais je suis restée, parce que cette somme, nous en avions bien besoin. Après l’épisode du vol nous n’avions plus rien, pas même de quoi acheter des biscuits ou de l’eau. Deux heures plus tard, je suis entrée dans la boutique.
Les coiffeuses coupaient les cheveux comme si c’était du crin de cheval. Elles tiraient sur les mèches avec un peigne et plongeaient les ciseaux au plus près du crâne, pour ne pas en perdre un millimètre.
— Pas comme ça, ai-je corrigé, il faut commencer par l’arrière et continuer sur les côtés.
— Tu vas m’apprendre mon métier ? On n’est pas dans un salon de coiffure, ici !
— Fais-moi confiance. Je sais m’y prendre.
J’ai sorti les ciseaux de ma poche. J’ai enfoncé mes doigts dans les anneaux et j’ai coupé. Les mèches se sont détachées comme des morceaux de corde cassée sur le papier journal qui couvrait mes genoux. Ma besogne terminée, je me suis levée sans même me regarder dans la glace et je me suis dirigée vers le comptoir où une femme sortait des billets de la caisse.
On m’en a donné soixante-dix, dix de moins que ce qu’on m’avait promis. J’ai pris l’argent et je suis partie.

À Cucaña, toutes les femmes arboraient la même coupe. Elles formaient un peloton de créatures tondues. Moi au moins, j’avais encore deux doigts de cheveux. Elles, même pas.
Quand elles n’avaient plus rien à couper ni à vendre, elles offraient leur corps aux camionneurs. Elles les attendaient au petit matin, à l’endroit où voyageurs et routiers prenaient leur petit déjeuner, des hommes qui négociaient les tarifs à l’arrière des trucks. Toutes ne trouvaient pas des clients. Celles qui y parvenaient faisaient leurs affaires en vitesse. Puis elles allaient se laver et boire l’eau terreuse des robinets des WC publics, où elles se retrouvaient pour se partager l’argent. Elles regardaient à droite et à gauche et parlaient à voix basse, de crainte qu’on ne leur vole aussi leurs paroles.
Dans la rue, des fillettes et des adolescentes attendaient ; à leur âge, elles ne pouvaient pas encore faire la même chose que les adultes et elles restaient à garder les plus petits. Il était difficile de savoir si elles faisaient partie de la même famille, mais la pauvreté me semblait être un lien de parenté bien suffisant. Elles demandaient de l’argent en échange de fruits pourris qu’elles trouvaient dans les ordures pendant la nuit.
Ces gamines passaient leurs journées à vendre des produits qu’elles ne pouvaient même pas se payer. Elles vivaient au milieu des bagarres entre les vendeurs du marché, des vols et des délits. Elles avaient tout juste de quoi se nourrir, mais elles devaient gagner leur pain à coups d’arnaques et d’embrouilles. Avec le temps, elles avaient appris à prospérer elles aussi. Elles ne savaient pas lire couramment et elles écrivaient à grand-peine, mais de la vie elles savaient déjà tout.
Cucaña grouillait de gens disposés à tout acheter et à tout vendre. La moindre vétille avait un prix : les médicaments, les casseroles, les vêtements, les cigarettes de contrebande, les cheveux, les dents sur pivot, les molaires en or, les meubles, l’électroménager… La biographie de presque tout le monde pouvait être reconstituée à partir des ventes aux enchères et des rebuts du marché.
J’ai demandé à Salveiro qu’il tienne pour moi les boîtes à chaussures et je suis entrée dans les WC publics pour me changer et me laver. Il n’y avait même pas de cabines, à peine trois cuvettes sales, séparées des lavabos par des rideaux en plastique. Il n’y avait pas non plus de papier toilette ni de poubelles. Je me suis cachée derrière le rideau et j’ai mis une serviette hygiénique ; c’était l’avant-dernière.
En sortant j’ai trouvé deux femmes qui parlaient devant un miroir fendu tout en se frottant les aisselles avec des chiffons humides. Elles sentaient la sueur et le vinaigre. Je les ai tout de suite reconnues. Nous qui venions de la sierra orientale, nous n’avions pas besoin de parler pour savoir d’où nous étions. Pour qu’elles ne me remarquent pas, je me suis lavé la figure avec le filet d’eau brune qui sortait d’un robinet rouillé.
Elles étaient encore jeunes, mais leur peau était tannée, froissée par la faim et la fatigue. Elles parlaient à voix basse d’une cousine qui était morte. C’est la première fois que j’ai entendu le nom de Visitación Salazar. Elles l’appelaient « la femme de Las Tolvaneras ».
— Elle a dégotté une niche pour ma mère. Elle nous a même aidés à la transporter.
— Elle est très loin du cimetière ?
— À une soixantaine de kilomètres, à côté de la décharge de Mezquite.
— Combien elle t’a pris ?
— Cette femme, l’argent, elle s’en fiche. Elle dit qu’elle est une soldate de Dieu. Elle se déplace toujours dans un pick-up gris. Va la trouver et dis-lui que tu viens de ma part.
— Et qui va me remplacer pour mon tour de garde ?
— On verra ça plus tard. Dépêche-toi ! Tu ne peux pas laisser Herminia à la morgue ; les cadavres, ils s’en débarrassent vite.
Elles m’ont regardée en silence, méfiantes, alors je suis sortie à toute vitesse. Au beau milieu d’un fossé plein de flaques et de boue j’ai changé d’avis. Je voulais avoir plus d’informations sur cette Visitación : son numéro de téléphone ou au moins une adresse où la trouver. Je suis retournée aux WC publics, mais elles n’étaient plus là.
Au niveau des cantines du marché, je suis tombée sur une fillette qui ne devait pas encore avoir treize ans. Elle s’est avancée d’un pas décidé. Sa taille de petite fille maigrichonne cachait un corps sur le point de devenir adulte. Ses bras étaient décharnés et ses seins, minuscules, semblaient figés par le jeûne et la vie précaire.
— Tu m’achètes mes tomates ?
D’une main elle tenait un bâton ; de l’autre, un sac de fruits et légumes gâtés.
— Elles sont pourries.
— Ben…, a-t-elle lâché. Je te fais un prix. Tu n’auras qu’à les laver.
— Je n’en veux pas, et je n’ai pas d’argent. – Elle s’est gratté la tête –. Tu connais la femme de Las Tolvaneras ?
— Celle qui enterre les morts ? – Les cheveux de cette petite étaient tellement sales qu’on aurait dit de la paille –. Elle s’appelle Visitación Salazar. Tout le monde la connaît.
— Où je peux la trouver ?
— Ici ! Elle vient tous les jours, tôt le matin.
Elle m’a regardée, suspicieuse.
— Et pourquoi tu veux lui parler ?
— J’ai besoin d’un coup de main.
Elle a planté le bout de bois dans la terre et a mis les mains sur ses hanches.
— Ici on a tous besoin d’un coup de main. Alors, tu me les achètes, ces tomates ?
— Une autre fois.
J’ai tourné les talons et je suis partie en direction des étals du marché. J’ai trouvé Salveiro là où je l’avais laissé. Avachi, il regardait dans le vide.
— On part à Mezquite. – Je lui ai arraché les boîtes des mains.
— Pour quoi faire ?
— Chercher quelqu’un qui va nous donner un coup de main pour enterrer nos enfants.

Il n’était pas encore huit heures du matin quand le téléphone a sonné. Le maire de Mezquite se regardait dans la glace, une lame de rasoir à la main. Une moustache de mousse encore fraîche sur les lèvres, il a répondu à l’appel d’Alcides Abundio, le propriétaire de Las Tolvaneras, l’homme le plus riche et le plus puissant de la frontière.
— Allô, Abundio !
— Vous êtes un sacré crétin.
Aurelio Ortiz s’est essuyé le visage et a noué la serviette autour de sa taille.
— Les gens défilent à la mairie pour faire l’aumône. Ils vont sûrement aussi demander où se trouve la folle.
— Laquelle ?
— Eh bien, Visitación Salazar ! Qui d’autre ? Celle qui vous a ridiculisé avec un fusil de chasse. Ou vous ne vous en souvenez déjà plus ?
En effet, ça méritait d’être oublié.
— Les aumônes, c’est fini ! a hurlé Abundio, hystérique.
— Avant le virus c’était différent, mais maintenant… rendez-vous compte. La sierra grouille de migrants.
— Il a bon dos le virus ! Qu’ils crèvent tous, mais loin de mes terres !
— Gardez votre calme… – Aurelio Ortiz a posé la lame à côté du robinet et a changé le téléphone de main –. Vous êtes passé au bureau ?
— Bien sûr que non ! C’est Gladys qui me l’a dit.
Le maire a essuyé le miroir embué. Il était persuadé que quelqu’un le regardait dans la pénombre.
— Je vous ai dit que je ne voulais plus d’embrouilles avec Las Tolvaneras, mais comme vous êtes en campagne vous n’en avez rien à cirer.
Ortiz s’est retourné pour voir qui ou quoi était en train de l’épier.
— Aurelio, répondez ! Je vous parle ! Parce que gouverner avec mon soutien, c’est pas bien compliqué, mais même ça, vous en êtes incapable !
— Ne le prenez pas comme ça…
— Je le prends comme je veux ! Visitación est en train de jouer les provocatrices. Sale négresse insolente, avec ses morts du matin au soir. Je vais l’envoyer les rejoindre si elle ne dégage pas de ces terrains !
— Attendez les avocats.
— Mais je m’en contrefiche des avocats ! Je vous ai fait nommer maire de Mezquite pour que vous vous chargiez de mes affaires !
— Abundio…
— Taisez-vous, Aurelio ! Et écoutez-moi bien : j’ai promis une parcelle au curé. Et il y en a d’autres qui veulent leur part du gâteau, vous savez de qui je parle. Tant que ces tombes seront là, je ne pourrai pas tenir parole.
— Écoutez-moi.
— Chargez-vous de Visitación Salazar ou je vous fais écorcher vif ! – Et il a raccroché.
Le maire a passé la main sur son front. Il était nerveux. Il ne voulait pas avoir plus de problèmes avec Visitación Salazar, mais depuis que la bataille pour Las Tolvaneras avait commencé, elle avait empiété un hectare de plus sur ce qu’elle avait déjà usurpé. Elle les avait tous bien eus : le vieil Abundio, le commando armé des irréguliers et les passeurs qui vivaient du trafic de drogues, de personnes et de marchandises. Elle les avait tous bernés et, évidemment, ça ne faisait plaisir à personne.
Chacun d’entre eux, pour une raison différente, avait Visitación Salazar en travers de la gorge. Le plus amer, c’était le curé. Du jour au lendemain, le terrain que lui avait promis Abundio pour construire la maison paroissiale lui était passé sous le nez. Dépité et furieux, il a d’abord appelé la police, puis il a écrit à l’évêque. Il a même obtenu son excommunication. Il l’a accusée de profanation et d’usurpation de sacrement des saintes huiles, puis de vol, et enfin de sorcellerie. « Cette vermine est en train de dévaliser les biens de la Sainte Église et des pauvres de la sierra occidentale ! » répétait-il en levant les bras, les paumes tournées vers le ciel.
Mais c’était autre chose qui tracassait le curé. Le projet de maison paroissiale cachait un autre plan : monter un tripot pour les ivrognes du village, les ruiner à coups de crack, de gnôle et de bachata, pour qu’ils finissent par s’entretuer à la machette. S’il les conduisait vers le péché, son œuvre serait éternelle.
Aurelio était très inquiet.
— Mais tais-toi ! Ou tu vas te réveiller avec la bouche pleine de terre ! a grondé sa femme la nuit où il lui avait raconté l’affaire.
— Salvación, ne te mets pas dans cet état, moi je veux seulement…
— Tu travailles pour le vieux. Et tu dépends d’Abundio, toi et tes enfants. »

Extrait
« Mes enfants n’ont pas ressuscité et mon ventre est devenu sec comme de la vieille carne. Je me suis asséchée comme une liane et j’ai pris racine dans cette terre sableuse sous laquelle dormaient, bordés dans deux boîtes à chaussures, les seuls êtres que j’avais aimés.
Visitaciôn m’ignorait. Parfois elle me chargeait de menues tâches, mais rien de trop compliqué, et rien qui puisse gêner son travail. «Prépare du café, apporte-moi la pelle, coupe ces branches, va chercher ces pierres.» Elle sifflait les s en les aspirant et en accentuant la dernière voyelle des mots d’un coup de fouet autoritaire. » p. 80

À propos de l’auteur
SAINZ_BORGO_Karina_©Francesca-MantovaniKarina Sainz Borgo © Photo DR

Karina Sainz Borgo, née en 1982 à Caracas, est journaliste, blogueuse et romancière. Elle a quitté le Venezuela il y a une douzaine d’années et vit désormais en Madrid où elle collabore à différents médias espagnols et d’Amérique latine. La fille de l’Espagnole (La hija de la española, 2019) dont l’action se déroule à Caracas, est son premier roman. Il a fait sensation lors de la Foire du livre de Francfort en octobre 2018, les éditeurs d’une vingtaine de pays en ayant acquis les droits.  est son second ouvrage traduit en français. (Source: Livres Hebdo / Babelio)

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